Ouimais le meilleur examen du monde ne sert Ă  rien si les lunettes rĂ©alisĂ©es aprĂšs ne sont pas honorĂ©es du mĂȘme sĂ©rieux. Donc le fait d'aller voir un optomĂ©triste ne garantie en
ZazzleRechercher des produits ou des designsVendre sur ZazzlePanierOups ! Nous ne trouvons pas le produit que vous si nous pouvons vous aider Ă  trouver quelque chose ouDĂ©couvrez nos produitsDĂ©couvrez nos produits populairesCarte Collage photo de 40e ou tout Ăąge Gros anniversaire-50% avec le code ZGETCREATIVEPorte-clĂ©s Mariage Sauvez la date Simple Calligraphie photo-15% avec le code ZGETCREATIVECarte Postale Santorin, GrĂšce-50% avec le code ZGETCREATIVETote Bag Collage photo personnalisĂ© Famille des amis-15% avec le code ZGETCREATIVECarte postale Gustav Klimt Judith-50% avec le code ZGETCREATIVEBudget Rose Gold Parties scintillant N'importe que-15% avec le code ZGETCREATIVE Danscette rubrique. Un pĂšre et un fils ont Ă  eux deux 36 ans. - 12 mai 2019 Je pense Ă  2 nombres qui se suivent. Je les - 5 mai 2019 Casimir Ă©crit la suite des nombres Ă  partir de -

Il se rĂ©vĂšle ĂȘtre conseillĂ© de rĂ©aliser porter les lunettes en permanence, put les activitĂ©s quel professionnel sollicitent la perception visuelle loin et de prĂšs. Il est difficile de prĂ©voir una progression de una myopie, qui peut s’accĂ©lĂ©rer Ă  l’adolescence effectivement. Pour ralentir la progression de la myopie, arianne semblerait que rĂ©aliser pratiquer des actions de plein air flow, rĂ©guliĂšrement, pourrait avoir un effet bĂ©nĂ©fique chez les enfants et adolescents. J’ai 19 ans. Lors d’une consultation chez mon ophtalmologue, jou me suis rĂ©digĂ© diagnostiquer une small myopie 0. five. J’ai comme votre impression que mother vue se dĂ©grade de plus. Depuis ce petit constat j’ai arrĂȘtĂ© sobre porter mes lunettes. Bonjour, j’ai 15 ans, cela renseignĂ© maintenant 4 ans que j’ai dieses lunettes mais nenni les porte la cual rarement. C’est pourquoi elle faut alors s’orienter vers des solutions de grossissement Ă©lectroniques comme les loupes Ă©lectroniques notammente,. Salut, laissez vous un temps d’adaptation De quelques jours Ă  quelques semaines. Cuando au bout d’un certain temps vous avez toujours des problĂšmes, je nenni peux que vous conseiller de prendre un nouveau rendez-vous chez votre spĂ©cialiste. Les Ă©crans sont capables en effet engendrer des troubles para la vision. Il est gĂ©nĂ©ralement conseillĂ© de faire des pauses lors d’une exposition prolongĂ©e. Histoires D’adaptation Verres Progressifs L’opticien a dĂ» accompagner sa prescription mais les verres ne sont peut ĂȘtre pas non in addition de la meilleure qualitĂ© qui soit. Donc, je vais consulter algun autre ophtalmo sobre lui soulignant le problĂšme afin qu’il mesure correctement mother vue. Et lo faire voir uses lunettes pour qu’il me dise votre qu’il en pense. Vu ma myopie, et ma static correction ça me coĂ»te suffisamment cher pour ne pas avoir envie de jeter l’argent expertise des fenĂȘtres. Ce n’est pas bien compliquĂ©, et cela peut ĂȘtre bien utile. Si vous souffrez lors du port de vos lunettes au point d’avoir dieses maux de tĂȘtes importants je nenni peux que les joueurs conseiller de reprendre contact avec votre professionnel de santĂ© afin de corriger cela. Je voudrais dĂ©terminer si c’est serious et si jou peux ralentir ce fait. Ceci Ă©tant le port ou non de ces lunette risque faible d’influer sur l’évolution de votre vue, par contre sinon vous serez habituĂ© au confort qu’elles apportent il reste probable que les joueurs soyiez mal sans elles. Si cette myopie est rĂ©elle », arianne est malheureusement peu probable qu’elle disparaisse. Heureusement, Ă  l’ñge adulte, vous allez pouvoir envisager une intervention de chirurgie rĂ©fractive qui est parfaitement efficace pour los angeles correction de una myopie common ». Les lentilles journaliĂšre doivent ĂȘtre jetĂ©es avant sobre dormir, il n’est pas recommandĂ© para dormir avec, et de les restĂ©riliser. Les dangers encourus peuvent menacer le pronostic visuel. Plusieurs germes sont Ă  l’origine de kĂ©ratites infectieuses sĂ©vĂšres, qui peuvent laisser de graves sĂ©quelles. The priori il reste plutĂŽt dĂ»r de pronostiquer une Ă©volution de la kurzsichtigkeit; gĂ©nĂ©ralement, la myopie faible n’évolue pas ou trĂšs faible aprĂšs l’adolescence. Friday Fils Vient D’avoir Des Lunettes Et Dit Qu’il Eine Voit Plus Rien mum belle-soeur an european un mĂȘme type de problĂšme de vue que vous quand elle a new changĂ© ses lunettes et pourtant elle Ă©tait allĂ©e chez un opticien je veux dire pas votre grande chaĂźne ». Elle a traĂźnĂ© des mois et kklk mois avec kklk migraines et una vue trouble. Ou finalement, l’ophtalmo a new fini par lo dĂ©couvrir un problĂšme aux yeux. Los angeles stabilisation entre ma myopie intervient gĂ©nĂ©ralement entre 18 et 25 ans, en fonction du degrĂ© de celle-ci. Porter des lunettes ne provoquera pas d’accĂ©lĂ©ration para la myopie. Cet myopie est indĂ©cis -0. 25 se rĂ©vĂšle ĂȘtre la plus petite correction. Je les joueurs conseille de tenir vos lunettes au moins en classe, pour regarder algun film ou leur Ă©mission, etc. Pour faire du sport et se promener la journĂ©e, celles-ci vous seront probablement plus facultatives. C’est Ă  vous de juger de l’intĂ©rĂȘt de cette correction partielle. Jou ne porte in addition mes lunettes pour aller danser, parce qu’un jour jou les ai cassĂ©es. Il me semble que j’avais autant de succĂšs avec que sans, peut ĂȘtre que les hommes aiment de mĂȘme avoir l’image d’une femme sage majoritairement en discothĂšque oĂč on voit bien de dĂ©lurĂ©es. Jou ne fais nĂ©gatif complexe avec mes lunettes et jou les porte d’ailleurs pendant que je t’ecris. Je trouve que ça me vieillit et depuis que j’ai 38 ans, je begin Ă  faire attention Ă  ces impacts. Mon ophtalmo m’avait dit de nos porter simplement put travailler sur Ă©cran et regarder los angeles tĂ©lĂ©. J’avais toutefois rapportĂ© uniquement des plaintes pour votre travail sur Ă©cran lors de ma consultation. J’avais pour ma part des yeux fatiguĂ©s Ă  cause du PC. Astigmatisme & Kurzsichtigkeit A mon avis tu fais erreur et Jupiter n’est probablement pas loin, mais tu 2 voir une boule, mĂȘme petite, et 4 points alignĂ©s en comparaison avec l’équateur de la planĂšte. Upon peut grossir leur Ă©toile 1000x ou voir qu’un stage brillant, seul des objets du ciel profond ainsi que planĂštes prĂ©sentent un diamĂštre apparent qui grandi au fur ainsi que Ă  mesure du grossissent. La monture EQ1 n’est pippo le top cependant pour apprendre Ă  manipuler, c’est particuliĂšrement bien.

Astuce☀ : que faire si Face ID ne vous reconnait pas avec des lunettes de soleil | iGeneration. Ça chauffe encore - Centre Social et Culturel "Espace Tuilerie" Ville de Montchanin . Optic 2000, Playce Palmeraie, Playce Palmeraie Carrefour Faya, Abidjan (2020) Devinette : je porte des lunettes mais je ne peux pas me voir . Qui suis-je ?  | Devinette #18

Quand on a des problĂšmes de vue, pas le choix il faut porter des lunettes. Mais parfois, ce n’est pas si simple moqueries des camarades, gĂȘne pour participer Ă  certaines activitĂ©s
 RĂ©sultat certaines sont complexĂ©es par leurs lunettes ! Si tu portes des lunettes, raconte-nous, comment tu vis avec ! Est-ce que tu as dĂ©jĂ  reçu des remarques ? Ou, au contraire, vois-tu les lunettes comme un accessoire de mode ? Comment les choisis-tu ? Dis-nous ce que tu aimerais trouver dans un article sur ce thĂšme dans le magazine Julie poste tes questions et tes tĂ©moignages ! Les 5 bonnes raisons de s’abonner Ă  Juliemag Trouver des rĂ©ponses aux questions que se pose votre fille Voir votre fille prendre confiance en elle S’inspirer du parcours de femmes exceptionnelles Faire le plein d’astuces et de conseils pour sa vie quotidienne La voir prendre sa place dans un groupe et la sociĂ©tĂ© Julie De 10 Ă  14 ans La meilleure amie des annĂ©es collĂšge Le magazine Julie, c’est Ă  la fois une grande sƓur et un coach pour les annĂ©es collĂšge. Les prĂ©-adolescentes vivent une Ă©tape importante leur corps se transforme, leur personnalitĂ© s’affirme. Elles se questionnent et cherchent des de panique, Julie est lĂ  ! Offrez Ă  votre fille un abonnement au magazine Julie ! 1 numĂ©ro par mois Y'a pas qu'Ă  l'Ă©cole qu'on apprend ! Il y a aussi les magazines Milan ! Rejoins la famille Milan Jeunesse et recevez nos actualitĂ©s et nos offres exclusives Ces informations sont destinĂ©es au groupe Bayard, auquel appartient. Elles sont enregistrĂ©es dans notre fichier afin de vous envoyer les newsletters que vous avez demandĂ©es. ConformĂ©ment Ă  la loi Informatique et LibertĂ©s » du 6/01/1978 modifiĂ©e et au RGPD du 27/04/2016, elles peuvent donner lieu Ă  l’exercice du droit d’accĂšs, de rectification, d’effacement, d’opposition, Ă  la portabilitĂ© des donnĂ©es et Ă  la limitation des traitements. Pour plus d’informations, nous vous renvoyons aux dispositions de notre Politique de confidentialitĂ© sur le site © 2022 Milan Presse - Tous droits rĂ©servĂ©s Ellesappuient chacun des pas dans le goudron oĂč le gravier. Si Jupiter est ici, ce n'est pas pour se recueillir, ce n'est pas pour fleurir. Les adolescents adultes dĂ©cĂ©dĂ©s ne sont pas ici, ils ne font que parti d'un passĂ© dĂ©jĂ  usĂ© dans ses plus profondes pensĂ©es. Non, la brune a souhaitĂ© chercher de nouveaux lieux Ă  Ă©tudier : le cimetiĂšre est un lieu reconnu pour les histoires d Sujet [DEVINETTE] Je porte des lunettes mais je n'y vois rien, qui suis-je? shortcuts MP 16 mars 2020 Ă  205140 Je porte des lunettes mais je n'y vois rien, qui suis-je? Pseudo supprimĂ© 16 mars 2020 Ă  205220 un jeune ivoirien SpoilAfficherMasquerje fais la blague avec un pseudo poubelle vu que j'assume pas ironna MP 16 mars 2020 Ă  205244 BambouPanda MP 16 mars 2020 Ă  205339 shortcuts MP 16 mars 2020 Ă  205351 NOn keeuuwa MP 16 mars 2020 Ă  205424 Gilbert Montagner ou Steevy Wonder Message Ă©ditĂ© le 16 mars 2020 Ă  205453 par keeuuwa LeFameuxAmi MP 16 mars 2020 Ă  205444 Suu-merde196 MP 16 mars 2020 Ă  205506 shortcuts MP 16 mars 2020 Ă  205538 Le 16 mars 2020 Ă  205506 Suu-merde196 a Ă©crit Un nezOuiiiii A toi mon khey DoraBora MP 16 mars 2020 Ă  205548 Un fusil Ă  lunette jepostetubides MP 16 mars 2020 Ă  205611 sympassif MP 16 mars 2020 Ă  205846 jacktopkek MP 16 mars 2020 Ă  205926 Victime de harcĂšlement en ligne comment rĂ©agir ? Jeporte des lunettes mais je n'y vois rien. Qui suis-je ? solution. Action. Ce mot peut dĂ©signer une action au judo, un moyen de brancher une lampe ou un animal capturĂ©. solution. La roue qui tourne. Lorsque je prends un rond-point Ă  grande vitesse avec ma voiture, une des roues ne tourne pas : laquelle ? solution. Bien couvert. Je ne suis pas vivant mais j'ai des feuilles, un dos 1 J'en ai marre de porter des lunettes, je ne les portes plus souvent, sauf devant l'ordi et j'ai senti une trĂšs lĂ©gĂšre amĂ©lioration. Les lunettes rendant les yeux "fainĂ©ants". Quelqu'un s'est-il dĂ©barrasser de la myopie par un moyen quelconque ? Si quelqu'un est passĂ© Ă  la chirurgie au laser, j'aimerais savoir si c'est douloureux et si on se retrouve vĂ©ritablement avec une vue 10/10. Car j'ai lus sur certains forum que certains cas mĂȘme Ă  la trentaine aprĂšs 5 ans voyaient leur vue baissĂ©. Si vous avez d'autres moyens pour mĂȘme amĂ©liorer sensiblement la vue je suis preneur ! SaletĂ© de lunettes, je me trouve moins beau gosse avec, alors autant ĂȘtre beau gosse Ă  100% 2 Pourquoi pas les lentilles? 3 J'en ai marre de porter des lunettes, je ne les portes plus souvent, sauf devant l'ordi et j'ai senti une trĂšs lĂ©gĂšre amĂ©lioration. Les lunettes rendant les yeux "fainĂ©ants". Quelqu'un s'est-il dĂ©barrasser de la myopie par un moyen quelconque ? Si quelqu'un est passĂ© Ă  la chirurgie au laser, j'aimerais savoir si c'est douloureux et si on se retrouve vĂ©ritablement avec une vue 10/10. Car j'ai lus sur certains forum que certains cas mĂȘme Ă  la trentaine aprĂšs 5 ans voyaient leur vue baissĂ©. Si vous avez d'autres moyens pour mĂȘme amĂ©liorer sensiblement la vue je suis preneur ! SaletĂ© de lunettes, je me trouve moins beau gosse avec, alors autant ĂȘtre beau gosse Ă  100% personellement, je porte des lentilles; zĂ©ro pb avec. une qualitĂ© de vue incomparable. pas contraignant. je dĂ©conseille l'opĂ©ration. ma soeur s'est fait opĂ©rer et malheureusement elle ne voit quasiment plus rien d'un oeil; cela la traumatise et la stresse bcp depuis des annĂ©es donc vraiment pas d'opĂ©ration. Mieux vaut des lentilles ou au pire des lunettes plutot que ne rien voir. 4 Attention Ă  l'intervention par laser...il ne faut pas oublier qu'une dĂ©charge est demandĂ©e au patient pas trĂ©s normal pour une intervention qui est supposĂ©e ĂȘtre bien maitrisĂ©e ! Le mieux est encore les lentilles.... aprĂ©s un essaie toujours ! AncienMembre 5 SaletĂ© de lunettes, je me trouve moins beau gosse avec, alors autant ĂȘtre beau gosse Ă  100% Tu ne sais pas choisir les lunettes qui iront Ă  ta gueule de beau-gosse! Ben opte pour des lentilles, c'est plus pratiques,non? 6 Attention Ă  l'intervention par laser...il ne faut pas oublier qu'une dĂ©charge est demandĂ©e au patient pas trĂ©s normal pour une intervention qui est supposĂ©e ĂȘtre bien maitrisĂ©e ! Le mieux est encore les lentilles.... aprĂ©s un essaie toujours ! tout Ă  fait d'accord. ma soeur a signĂ© cette dĂ©charge et maintenant elle regrette vraiment son opĂ©ration 7 Attention Ă  l'intervention par laser...il ne faut pas oublier qu'une dĂ©charge est demandĂ©e au patient pas trĂ©s normal pour une intervention qui est supposĂ©e ĂȘtre bien maitrisĂ©e ! Le mieux est encore les lentilles.... aprĂ©s un essaie toujours ! Pourtant si tu fais un ratio du nbre d'interventions vs les echecs tu te rends compte que cette opĂ©ration est fiable.. tous mes proches qui l'ont subi en sont ressortis avec des yeux pleinement opĂ©rationnels.. 8 Pourtant si tu fais un ratio du nbre d'interventions vs les echecs tu te rends compte que cette opĂ©ration est fiable.. tous mes proches qui l'ont subi en sont ressortis avec des yeux pleinement opĂ©rationnels.. Cetes, j'avais travaillĂ© avec un pro dans le domaine et mĂȘme l'un des premiers Ă  l'avoir pratiquĂ© en France ! Mais le risque zĂ©ro n'existant pas....il faut aussi prendre cela en considĂ©ration LA VUE C'EST LA VIE 9 Je connais 4 personnes dans mon entourage qui ont fait le laser et ca s'est tres bien passĂ©, elles revoient parfaitement et n'ont eu aucun mal a se remettre de l'opĂ©ration. Il faut attendre nĂ©anmoins que la vue se stabilise avant une quelconque intervention. 10 tout Ă  fait d'accord. ma soeur a signĂ© cette dĂ©charge et maintenant elle regrette vraiment son opĂ©ration pourquoi elle regrette, qu'est ce qui s'est passĂ© ? je suis myope aussi, et jamais je ne ferai cette opĂ©ration j'ai trop peur des consĂ©quences 11 Je connais une personne qui a subit l'opĂ©ration, elle ne porte plus de lunettes et ça c'est trĂ©s bien passĂ© !!! Sinon tu peux essayer les lentilles mais c'est pĂ©nible je trouve. 12 lentille ou laser 13 Mais le laser , quelqu'un l'a fait et a perdu la partie "noire" d'un de ses yeux... il s'est retrouvĂ© avec un oeil normal et un oeil de "zombie" ... -/ 14 Mais le laser , quelqu'un l'a fait et a perdu la partie "noire" d'un de ses yeux... il s'est retrouvĂ© avec un oeil normal et un oeil de "zombie" ... -/ HĂ© bĂ©, ça n'encourage pas vraiment l'intervention au laser Je connais une personne qui a subit l'opĂ©ration, elle ne porte plus de lunettes et ça c'est trĂ©s bien passĂ© !!! Sinon tu peux essayer les lentilles mais c'est pĂ©nible je trouve. Je n'ai jamais portĂ© de lentilles, c'est justement le fait de devoir les enlever/nettoyer sans cesse qui me rebute. Mais je vais tester on verra bien. Faut-il obligatoirement revoir un ophtalmo pour commander des lentilles ? 15 J'en ai marre de porter des lunettes, je ne les portes plus souvent, sauf devant l'ordi et j'ai senti une trĂšs lĂ©gĂšre amĂ©lioration. Les lunettes rendant les yeux "fainĂ©ants". Quelqu'un s'est-il dĂ©barrasser de la myopie par un moyen quelconque ? Si quelqu'un est passĂ© Ă  la chirurgie au laser, j'aimerais savoir si c'est douloureux et si on se retrouve vĂ©ritablement avec une vue 10/10. Car j'ai lus sur certains forum que certains cas mĂȘme Ă  la trentaine aprĂšs 5 ans voyaient leur vue baissĂ©. Si vous avez d'autres moyens pour mĂȘme amĂ©liorer sensiblement la vue je suis preneur ! SaletĂ© de lunettes, je me trouve moins beau gosse avec, alors autant ĂȘtre beau gosse Ă  100% Si tu ressembles Ă  ton avatar tu dois ĂȘtre vraiment moche donc lunettes ou lentilles, c'est du pareil au mĂȘme. 16 Si tu ressembles Ă  ton avatar tu dois ĂȘtre vraiment moche donc lunettes ou lentilles, c'est du pareil au mĂȘme. Je ne ressemble pas Ă  mon avatar, mon avatar c'est "Jackie Chan" Merci pour ton commentaire le troll tu peut aller voir ailleurs maintenant 17 Je n'ai jamais portĂ© de lentilles, c'est justement le fait de devoir les enlever/nettoyer sans cesse qui me rebute. Mais je vais tester on verra bien. Faut-il obligatoirement revoir un ophtalmo pour commander des lentilles ? Oui il faut revoir un ophtalmo pour qu'il te prescrit une ordonnance avec la marque des lentilles et ta correction.. Tu peux toujours tester et c'est pris en charge par la sĂ©cu sauf le produit de nettoyage. Ce qui est pĂ©nible c'est de les mettre et les enlever en touchant l'oeil...quand tu ne sais pas faire ça peut ĂȘtre douleureux avec les yeux qui pleurent.. 18 Les lentilles, c'est pas du tout chiant, tu les enlĂšve en 30secondes par habitude, tu peux varier avec les lunettes, c'est pas cher et c'est 1milliard fois meilleur que les lunettes Va voir ton ophtalmo et il te dira si tu as les yeux compatible avec les lentilles, car certains n'ont pas assez de larmes pour supporter les lentilles Ceux qui disent que c'est comme les lunettes, alors lĂ  dĂ©trompez vous, ça n'a rien avoir, ce n'est pas aussi chiant. On m'a mĂȘme dit qu'on ne peut pas mettre de khol ou aller Ă  la plage...que des sottises 19 Oui il faut revoir un ophtalmo pour qu'il te prescrit une ordonnance avec la marque des lentilles et ta correction.. Tu peux toujours tester et c'est pris en charge par la sĂ©cu sauf le produit de nettoyage. Ce qui est pĂ©nible c'est de les mettre et les enlever en touchant l'oeil...quand tu ne sais pas faire ça peut ĂȘtre douleureux avec les yeux qui pleurent..leurs *****, j'aurais pas de rendez-vs avant des plombes Les lentilles, c'est pas du tout chiant, tu les enlĂšve en 30secondes par habitude, tu peux varier avec les lunettes, c'est pas cher et c'est 1milliard fois meilleur que les lunettes Va voir ton ophtalmo et il te dira si tu as les yeux compatible avec les lentilles, car certains n'ont pas assez de larmes pour supporter les lentilles Ceux qui disent que c'est comme les lunettes, alors lĂ  dĂ©trompez vous, ça n'a rien avoir, ce n'est pas aussi chiant. On m'a mĂȘme dit qu'on ne peut pas mettre de khol ou aller Ă  la plage...que des sottises Quelle est leur durĂ©e de vie ? Je suppose qu'il faut les changer rĂ©guliĂšrement non ? 20 tout Ă  fait d'accord. ma soeur a signĂ© cette dĂ©charge et maintenant elle regrette vraiment son opĂ©ration qu'est ce qu'il lui est arrivĂ© Ă  ta soeur? 21 Quelle est leur durĂ©e de vie ? Je suppose qu'il faut les changer rĂ©guliĂšrement non ? Tout dĂ©pend de ton choix tu les change chaque jour, toute les deux semaines, tous les mois, l'annĂ©e. A toi de choisir avec l'ophtalmo 22 pourquoi elle regrette, qu'est ce qui s'est passĂ© ? je suis myope aussi, et jamais je ne ferai cette opĂ©ration j'ai trop peur des consĂ©quences qu'est ce qu'il lui est arrivĂ© Ă  ta soeur? en fait; pour un oeil ca a trĂšs bien marchĂ© et pour l'autre elle a une fatigue oculaire trĂšs importante; limite elle ne voit pas de cet oeil. Je lui ai dĂ©jĂ  proposĂ© de porter une lentille sur cet oeil mais elle ne la supporte pas; vraiment cette opĂ©ration l'a traumatisĂ©e. c'est trĂšs bizarre , imagine un oeil qui voit bien et l'autre presque pas du tout. 23 personellement, je porte des lentilles; zĂ©ro pb avec. une qualitĂ© de vue incomparable. pas contraignant. je dĂ©conseille l'opĂ©ration. ma soeur s'est fait opĂ©rer et malheureusement elle ne voit quasiment plus rien d'un oeil; cela la traumatise et la stresse bcp depuis des annĂ©es donc vraiment pas d'opĂ©ration. Mieux vaut des lentilles ou au pire des lunettes plutot que ne rien voir. elle a fait l'opĂ©ration au laser pour retirer la myopie? ou une autre opĂ©ration comme pour la cataracte?... De toute façon, dans toutes les opĂ©rations, il y a des risques. 24 elle a fait l'opĂ©ration au laser pour retirer la myopie? ou une autre opĂ©ration comme pour la cataracte?... De toute façon, dans toutes les opĂ©rations, il y a des risques. opĂ©ration contre la myopie simplement. 25 vraiment, les lentilles c'est prĂ©fĂ©rable. c'est pas contraignant du tout. 26 opĂ©ration contre la myopie simplement. J'ai le forum en entier. Je compatis au traumatisme de ta soeur. J'y avais songĂ© moi aussi Ă  cette opĂ©ration mais j'ai peur des risques. Sinon, ma fille a un strabisme et l'ophtalmo m'a dit qu'Ă  6 ans, si son strabisme ne se rĂ©sorbe pas, elle encourt l'opĂ©ration du strabisme. Ca me fait flipper rien qu'en y songeant. 27 salam mĂȘme si tu fais le laser, tu seras obligĂ© de porter des lunettes, enfin c'est prĂ©conisĂ© dans le sens, oĂč si tu passes du temps devant l'ordi il est prĂ©fĂ©rable d'en porter pour Ă©viter le dĂ©sechement des yeux, souvent observĂ© aprĂšs ce genre d'intervention est ce que c'est douloureux? tu ne sens rien quand il est en train de faire le 1er oeil, une fois il attaque le 2Ăšme Ă  croire que c'est psychologique tu as mal, avantage ça ne dure que quelques secondes. aprĂšs il est vrai que ça fait un peu mal, en tout cas supportable, c'est vrai que mon voisin de chambre gigotait, personnellement j'ai gerĂ©, mais le lendemain avec la lumiĂšre c'Ă©tait juste impossible ça arrache les yeux mĂȘme avec des lunettes de soleil..Une semaine aprĂšs c'est que du bonheur A mon avis, vois avec ton ophtalmologue dĂ©jĂ  ton degrĂ© de myopie est ce qu'il est opĂ©rable via laser ou pas et fonces ykoune khir 28 J'ai le forum en entier. Je compatis au traumatisme de ta soeur. J'y avais songĂ© moi aussi Ă  cette opĂ©ration mais j'ai peur des risques. Sinon, ma fille a un strabisme et l'ophtalmo m'a dit qu'Ă  6 ans, si son strabisme ne se rĂ©sorbe pas, elle encourt l'opĂ©ration du strabisme. Ca me fait flipper rien qu'en y songeant. Un strabisme pris en charge suffisament tĂŽt avant les 5 ans de l'enfants est souvent bien rĂ©glĂ©. Des exercices de rééducation avec l'aide d'une orthoptiste, le port de cache oeil pour l'enfant .... bref, ne pas occulter toutes ses possibilitĂ©s avant de penser Ă  l'intervention chir ! 29 Un strabisme pris en charge suffisament tĂŽt avant les 5 ans de l'enfants est souvent bien rĂ©glĂ©. Des exercices de rééducation avec l'aide d'une orthoptiste, le port de cache oeil pour l'enfant .... bref, ne pas occulter toutes ses possibilitĂ©s avant de penser Ă  l'intervention chir ! Ma fille a commencĂ© Ă  porter des lunettes dĂšs ses 2 ans, quand elle a ses lunettes, ça va, mais dĂšs qu'elle les enlĂšve, on voit beaucoup son strabisme. Et en plus du strabisme, il y a une hypermĂ©tropie. J'aimerai bien avoir des tĂ©moignages de personnes qui ont Ă©tĂ© dans ce cas lĂ . 30 Ma fille a commencĂ© Ă  porter des lunettes dĂšs ses 2 ans, quand elle a ses lunettes, ça va, mais dĂšs qu'elle les enlĂšve, on voit beaucoup son strabisme. Et en plus du strabisme, il y a une hypermĂ©tropie. J'aimerai bien avoir des tĂ©moignages de personnes qui ont Ă©tĂ© dans ce cas lĂ . ma fille de 21 ans porte des lunettes depuis l'Ăąge de 1 an .... et aujourd'hui plus de strabisme du tout...mais hypermĂ©trope....mais beaucoup moins car un suivi rĂ©gulier depuis 20 ans ! elle porte mĂȘme des lentilles depuis 2 semaines.... et ses yeux sont magnifiques 31 ma fille de 21 ans porte des lunettes depuis l'Ăąge de 1 an .... et aujourd'hui plus de strabisme du tout...mais hypermĂ©trope....mais beaucoup moins car un suivi rĂ©gulier depuis 20 ans ! elle porte mĂȘme des lentilles depuis 2 semaines.... et ses yeux sont magnifiques attention Ă  la sĂ©cheresse des yeux avec les lentilles gros gros risque 32 attention Ă  la sĂ©cheresse des yeux avec les lentilles gros gros risque elle ne les porte pas trop souvent, son ophtalmo lui a dĂ©conseillĂ© d'ailleurs ! c'est juste pour sa faire sa belle 33 ma fille de 21 ans porte des lunettes depuis l'Ăąge de 1 an .... et aujourd'hui plus de strabisme du tout...mais hypermĂ©trope....mais beaucoup moins car un suivi rĂ©gulier depuis 20 ans ! elle porte mĂȘme des lentilles depuis 2 semaines.... et ses yeux sont magnifiques Je me rappelle que c'est toi qui m'avait rĂ©pondu Ă  un autre forum que j'avais créé. J'aurai tant aimĂ© qu'elle ne porte pas de lunettes en plus dĂšs son plus jeune Ăąge, c'est dure,... Sais tu si c'est tous les hypermĂ©tropes strabiques qui doivent porter des lunettes Ă  vie? 34 Je me rappelle que c'est toi qui m'avait rĂ©pondu Ă  un autre forum que j'avais créé. J'aurai tant aimĂ© qu'elle ne porte pas de lunettes en plus dĂšs son plus jeune Ăąge, c'est dure,... Sais tu si c'est tous les hypermĂ©tropes strabiques qui doivent porter des lunettes Ă  vie? ma grande est myope ... et elle aussi porte lunettes et lentilles.... c'est un moindre mal que d'ĂȘtre appareillĂ© en optique Plus elle va grandir, plus elle va en jouer de ses lunettes couleurs, formes... ne t'inquiĂ©te pas, les enfants s'adaptent mieux que nous. 35 ma grande est myope ... et elle aussi porte lunettes et lentilles.... c'est un moindre mal que d'ĂȘtre appareillĂ© en optique Plus elle va grandir, plus elle va en jouer de ses lunettes couleurs, formes... ne t'inquiĂ©te pas, les enfants s'adaptent mieux que nous. Je porte moi aussi des lunettes, mais je les mets pas souvent et j'aime pas du tout, car ça limite ton champ de vision Ă  cause des cadrans et des verres. Pourtant j'ai des invisibles, mais je m'y fais pas et je les porte pas souvent,... c'est quoi ĂȘtre appareillĂ© en optique?
Jepense sinon Ă  deux paires de lunettes leur en VL ou l autre en VP. AprĂšs pas mal Ă©checs en lunettes et lentilles, u pense Ă  leur Ă©ventuelle presbystie. Je les essaie durante ce moment mais je ne vois pas mieux para prĂ©s, c’est plus efficacement mais flou. J’ai 43 ans et je suis Ă  partir de l’ñge de eighteen mois hypermĂ©trope
Photo d'Harry Potter petit prise aux studios Warner Bros Quand j'Ă©tais petite, les enfants Ă  lunettes ça existait oui mais il n'y en avait pas beaucoup des "binoclards". Il y en avait peu, du coup ils Ă©taient plus montrĂ©s du doigt et souvent assez complexĂ©s. Il n'Ă©tait pas rare de voir qu'en cas de brouille, les lunettes tombaient oĂč Ă©taient cassĂ©es. Certaines mauvaises graines avaient compris Ă  quel point il Ă©tait facile d'embĂȘter l'enfant Ă  lunettes, il suffisait de lui piquer l'objet et de le faire marner. J'ai l'impression qu'aujourd'hui le dĂ©pistage est mieux fait et plus prĂ©coce, rĂ©sultat, l'enfant Ă  lunettes n'est plus une bĂȘte curieuse. Je ne dis pas que c'est plus facile Ă  accepter mais plus le port de lunettes se fait tĂŽt, plus c'est mieux intĂ©grĂ© par l'enfant. La preuve, moi Ă  45 ans j'ai un mal fou Ă  m'y faire, je ne suis pas du tout Ă  l'aise avec mes lunettes et je ne me sens pas moi. Ces enfants d'aujourd'hui Ă  lunettes, nos enfants, vivent avec leurs lunettes depuis tout petit, elles font partie d'eux. Normal qu'ils aient envie comme tous les autres enfants de s'identifier Ă  des personnages qui leur ressemblent. Et lĂ  c'est peine perdue. C'est en rĂ©pondant Ă  une interrogation de ma copine Audrey que j'ai eu envie d'Ă©crire ce billet. Sa petite fille de 4 ans ne voulait plus porter ses lunettes sous prĂ©texte que les princesses n'en portent pas. Nous nous sommes donc mises Ă  chercher partout des hĂ©roĂŻnes de dessin animĂ© avec des lunettes et on fait chou blanc. Il a fallu se rendre Ă  l'Ă©vidence, une fille Ă  lunettes ce n'est pas encore entrĂ© dans l'univers Disney/Pixar/Dreamworks et autres faiseurs de rĂȘves. Les garçons d'aujourd'hui ont leur hĂ©ros Ă  lunettes. Il s'appelle Harry Potter et je suis persuadĂ© qu'il a fait beaucoup pour que des petits garçons Ă  lunettes le vivent bien. Chez les filles c'est le dĂ©sert. Les lunettes sont rĂ©servĂ©es aux clichĂ©s des filles intellos ou mal dans leur peau. Dans Scooby-Doo, Vera a des lunettes, mais quelles lunettes, pas de quoi affoler une gamine de 4 ans ! Vous ne pouvez pas imaginer la joie de Nina quand elle a eue sa premiĂšre Barbie Ă  lunettes, la Barbie architecte. Et elle a hurlĂ© "Oh un Playmobil Ă  lunettes" quand elle a ouvert un cadeau ! Bon ce sont des lunettes de soleil mais elles sont dessinĂ©es sur le personnage. D'ailleurs, Monsieur Playmobil, ça serait si compliquĂ© de faire un ou deux enfants avec des lunettes ? Quand ses jouets de tous les jours peuvent lui ressembler, mine de rien elle a le sourire... Et la petite souris vient justement de lui apporter le Schtroumpf Ă  lunettes. Alors les cinĂ©astes, les crĂ©ateurs de personnages pour enfant, Ă  quand une hĂ©roĂŻne fille Ă  lunettes qui soit aussi gĂ©niale qu'Harry Potter ?
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troispaires de lunettes une pour mon fils mon epouse et moi meme ,rien que pour moi la facture est salee 640euros avec anti reflets et anti rayures qui n a que le nom car portees trois fois et deja rayees mais kryss ne veut rien savoir et je dois contribuer soit 30 pour cent de la somme des verres ,honteux car je pense avoir deja bien nourri le magasin kryss de la galerie marchande
22 avril 2022 je commence enfin Ă  remettre en ligne mes Ă©crits, pour ceux qui ont envie de lire gratuitement des histoires. Celle-ci a Ă©tĂ© Ă©crite entre 2003 et le 22 aoĂ»t 2004. Si on exclut Ă©videmment les rĂ©dactions scolaires, c’est mon premier texte — un roman court ou novella, je n’avais pas Ă©crit de nouvelles avant. A l’époque, je dĂ©couvrais Jules Verne et les titres en oĂč », Hercule Poirot, Sherlock Holmes et Joseph Rouletabille on retrouvera quelques traits grossiers de ces personnages volontiers hautains dans ce hĂ©ros, Justin Zafiro. Vous pouvez tĂ©lĂ©charger le PDF, ou lire en ligne juste en-dessous. Bonne lecture et n’hĂ©sitez pas Ă  commenter 🙂 DerniĂšre version en ligne du 3 aoĂ»t 2022, aprĂšs remise en page et un coup d’Antidote ! Genre polar, enquĂȘte policiĂšreRĂ©compenses, publication aucune. Taille 29 000 mots 166 000 caractĂšresTemps estimĂ© de lecture 2 heures Image en avant via Pixabay– LE VOL DE LA COLOMBE – A Maman, sans qui je n’aurais jamais eu le courage de finir ce livre pour le 22 aoĂ»t, ni mĂȘme de le relire le lendemain du mariage. Bon anniversaire ! – PREMIERE PARTIE – – FAITS – – PREMIÈRE PARTIE — – FAITS — CHAPITRE I OÙ APPROCHE DOUCEMENT LE MYSTÈRE. Si j’ai enfin l’honneur de relater les Ă©vĂ©nements de cette nuit du 22 avril 1992, c’est, je pense, bien plus grĂące Ă  la demande de mon ami qui a su Ă©lucider le mystĂšre qu’aux miennes. Mes requĂȘtes auprĂšs du directeur du musĂ©e, qui n’est autre que mon pĂšre, demeuraient vaines, car celui-ci voulait prĂ©server sa rĂ©putation et celle de son musĂ©e. Et je le comprends, parce que quand on connaĂźt partiellement l’affaire, on peut se permettre, injustement, de douter de la sĂ©curitĂ© du bĂątiment ! Je dĂ©sespĂ©rais donc de pouvoir un jour montrer au monde entier la subtile solution de ce problĂšme qu’il ignorait, Ă  cause de nous qui avions rĂ©ussi Ă  rĂ©soudre et Ă©touffer l’affaire en une nuit et ainsi sauvegarder la renommĂ©e du musĂ©e. Mais, aprĂšs avoir lu dans un article de journal les infĂąmes dĂ©lations d’un policier, calomnies qui dĂ©crivaient le musĂ©e comme un moulin oĂč chacun pouvait emprunter Ă  son simple grĂ© ce qu’il lui plaisait », mon ami me pria, aprĂšs avoir demandĂ© l’autorisation au directeur, de raconter ce qui s’était dĂ©roulĂ© douze ans plus tĂŽt. Cet ami, dont je vous parlerais bientĂŽt, a convaincu mon pĂšre en lui disant que le musĂ©e Ă©tait loin d’ĂȘtre un moulin », qu’il n’y avait aucune honte Ă  ĂȘtre au cƓur d’un si prodigieux vol et que cet Ă©pisode, puisqu’il semblait ressurgir du passĂ©, devait ĂȘtre racontĂ© avec vĂ©ritĂ©. Prodigieux vol, car il y avait un grand mystĂšre, dĂ» Ă  ce que rien ne nous permettait de dĂ©couvrir le voleur ni sa façon d’agir ; et c’est pourtant avec bien peu de choses qu’un ĂȘtre brillant et lucide a pu tout nous expliquer, en Ă©tant Ă©tranger Ă  l’enquĂȘte. Vous m’accuserez peut-ĂȘtre de commencer Ă  parler de vol dans le prĂ©ambule, mais vous vous en doutiez probablement ; aprĂšs tout, que peut-il arriver de sensationnel dans un musĂ©e, Ă  part un vol et l’acquisition d’une grande Ɠuvre, Ă©vĂ©nement rare et peu sujet Ă  roman ? Cela fait maintenant plusieurs annĂ©es que cela s’est produit, mais heureusement, le souvenir d’un tel chapitre dans ma vie demeure ineffaçable, et tous les dĂ©tails me reviennent comme si l’enquĂȘte avait eu lieu hier. Bien sĂ»r, quelques Ă©lĂ©ments me manquaient lorsque j’ai commencĂ© Ă  mettre au clair mes idĂ©es, et j’ai donc Ă©tĂ© obligĂ©e, pour rĂ©diger une affaire si complexe, de demander l’aide des personnes prĂ©sentes et d’utiliser les notes que j’avais prises dĂšs le lendemain ; ainsi, je pense avoir tout retranscrit Ă  l’identique. Afin de laisser aux lecteurs le loisir d’enquĂȘter et d’aiguiser leur rĂ©flexion, je distillerai les indices comme ils le furent pour nous-mĂȘmes ; ou du moins j’essaierai, car rien n’est plus difficile pour moi que de raconter l’affaire la plus incroyable de toutes celles auxquelles j’eus le privilĂšge d’assister – participer ayant Ă©tĂ© un bien grand mot pour rĂ©sumer mon rĂŽle. LĂ -bas, oĂč tous nous semblions faire de la figuration ou appartenir au dĂ©cor, oĂč nous restions Ă©bahis devant ce que nous considĂ©rions comme surnaturel, il n’y avait qu’une personne qui semblait comprendre l’incomprĂ©hensible celui-ci comprenait plus vite que la police, agissait alors que les interrogatoires se dĂ©roulaient et avançait pas Ă  pas vers la clĂ© de cette Ă©nigme, vers son doux instant de gloire. Mais je pense exagĂ©rer en disant que je fus juste, comme beaucoup qui se reconnaĂźtront, un simple spectateur de l’enquĂȘte je suis tout de mĂȘme celle qui a amenĂ© sur les lieux le Sherlock Holmes du musĂ©e Reflet », alors qu’il n’aurait jamais Ă©tĂ© au courant de l’affaire sans moi. Je pense avoir fait beaucoup de louanges, et j’espĂšre que vous comprendrez que ce n’est pas pour faire l’éloge d’un vol, ni par orgueil d’auteur, mais plutĂŽt parce que l’affaire les vaut bien Ă  mon humble avis. Tarissons-les pour le moment, et parlons maintenant du mystĂšre du musĂ©e Reflet. Mon pĂšre, Charles Doury, avait quittĂ© l’éducation dans son quarantiĂšme printemps pour devenir ce qu’il avait toujours souhaitĂ© ĂȘtre directeur de musĂ©e. Il pouvait disserter des heures durant sur les toiles qu’il avait acquises ou qu’il aimerait acquĂ©rir. Ma mĂšre trouvait cette vocation bizarre »  Et c’est en tant que fille du directeur, et non en tant que dĂ©tective — ce que je n’ai jamais Ă©tĂ© — que la nuit du 22 avril, le tĂ©lĂ©phone me tira brusquement des bras de MorphĂ©e. À l’autre bout du fil, tel un claustrophobe coincĂ© dans un ascenseur et voulant Ă©conomiser son prĂ©cieux oxygĂšne, mon pĂšre me dit Elena, il y a eu un vol au musĂ©e, viens vite, je t’expliquerai. » Puis il raccrocha. J’aurais maudit ce tĂ©lĂ©phone qui ne semble sonner que lorsqu’on essaie de prendre un bain, de manger ou de dormir en paix, si la voix n’était pas Ă  ce point empreinte de frayeur ; et je me demandai juste pourquoi il m’avait appelĂ©e, moi qui ne suis pas apte Ă  rĂ©soudre un mystĂšre, aussi simple soit-il. Je compris qu’il considĂ©rait que c’était le musĂ©e de la famille Doury qui avait Ă©tĂ© volĂ©, et pas seulement le sien. M’étant rendu compte de la difficultĂ© de rĂ©flĂ©chir Ă  une heure si tardive, j’obĂ©is Ă  mon pĂšre. Alors que je m’habillais de la premiĂšre robe que je pus trouver, une robe rouge, je me dis qu’une prĂ©sence pourrait m’ĂȘtre utile, surtout si je devais passer la nuit au musĂ©e. En rĂ©alitĂ©, ce n’était pas n’importe quelle prĂ©sence que je dĂ©sirais, mais plutĂŽt celle d’un jeune homme qui, je l’espĂ©rais, ferait bientĂŽt partie de notre famille, en changeant mon nom. AprĂšs tout, si j’étais concernĂ©e, lui aussi l’était. Et c’est ainsi que je rĂ©veillai un jeune Ă©tudiant en mĂ©decine qui ne demandait qu’à dormir et lui proposai de me retrouver au musĂ©e. CHAPITRE II OÙ JUSTIN FAIT SA PREMIÈRE APPARITION DANS L’OBSCURITÉ Que serait un grand mystĂšre sans un illustre enquĂȘteur ? Pourrait-on imaginer une affaire policiĂšre sans un grand dĂ©tective tel que ceux imaginĂ©s par Agatha Christie, Sir Arthur Conan Doyle ou Gaston Leroux ? Les secrets qu’eux seuls peuvent dĂ©couvrir resteraient hermĂ©tiques Ă  toute autre personne et nous aurions un mystĂšre irrĂ©solu ; ceci s’illustre parfaitement dans Dix petits nĂšgres d’Agatha Christie. La question Ă©tait donc qui allait rĂ©soudre, si toutefois un ĂȘtre humain en fut capable, l’affaire du musĂ©e Reflet ? En 1986, mes parents avaient dĂ©cidĂ© de modifier les plans de notre grande maison, et pendant une semaine du mois d’aoĂ»t, nous sommes allĂ©s nous rĂ©fugier dans une auberge. Celle-ci Ă©tait tenue par madame Zafiro dont le mari Ă©tait le cuisinier du restaurant annexe. Madame Zafiro Ă©tait une femme de petite taille aux cheveux bruns et frisĂ©s, cherchant sans cesse les lunettes qu’elle ne pouvait pas supporter malgrĂ© leur Ă©vidente nĂ©cessitĂ© ; monsieur Zafiro, quant Ă  lui, Ă©tait un moustachu aux cheveux noirs et courts, ce que certains appelleraient un grand brun tĂ©nĂ©breux, ignorant ainsi sa coutumiĂšre jovialitĂ©. Les sueurs conjuguĂ©es de ces deux braves personnes permettaient Ă  leur fils unique, Justin, d’étudier dans d’excellentes conditions. Lorsque je fis sa connaissance, il avait dix-neuf ans et avait rĂ©ussi sa deuxiĂšme annĂ©e de premier cycle des Ă©tudes de mĂ©decine. En avril 1992, il Ă©tait donc en septiĂšme annĂ©e et allait bientĂŽt pouvoir accrocher sa plaque dorĂ©e ; je sous-entends bien sĂ»r qu’il n’a pas redoublĂ©, tant le sĂ©rieux appliquĂ© dans ses Ă©tudes et ses facilitĂ©s Ă  comprendre et apprendre sont dĂ©veloppĂ©es. Son pĂšre, Jim Zafiro, a quittĂ© la botte italienne pour venir habiter dans l’hexagone français lorsqu’il avait quinze ans. Justin, quant Ă  lui, est nĂ© en France, pays natal de sa mĂšre. Jamais confrontĂ© Ă  une affaire policiĂšre, il n’avait vraiment pas sa place au cƓur de celle-ci ; il Ă©tait donc contraint, par exemple, d’assister aux interrogatoires sans y participer rĂ©ellement. De plus, avec ses besoins de symĂ©tries, qu’il qualifie lui-mĂȘme de troubles obsessionnels compulsifs, il lui arriva d’énerver quelques policiers. De toute maniĂšre, ce n’était pas pour rĂ©soudre l’affaire que je l’avais appelĂ©, mais bien pour me tenir compagnie. Quand je le vis ce soir-lĂ , adossĂ© Ă  un lampadaire et essuyant ses lunettes rondes, j’aurais ri aux Ă©clats si j’en avais le cƓur mal rasĂ© et les cheveux bruns, comme ses parents, en bataille. En y repensant, mais peut-ĂȘtre est-ce un faux souvenir, il avait un petit cĂŽtĂ© Edouard Baer — Ă  l’époque, il ne pouvait Ă©videmment pas m’y faire penser puisque je n’avais encore jamais vu cet acteur Ă  l’écran. Bien que sa garde-robe soit trĂšs variĂ©e, Justin semblait s’ĂȘtre habillĂ© trĂšs rapidement en effet, son jean crĂšme s’accordait bien peu avec sa chemise bleu marine et encore moins avec son manteau marron clair, voire passĂ© ou trĂ©passĂ©. Ses vĂȘtements Ă©taient trĂšs mal repassĂ©s, comme Ă  l’accoutumĂ©e, et j’osais Ă  peine imaginer le dos de sa chemise, cachĂ© par son manteau usĂ©. Une personne qui aurait voulu le rendre intimidant ce soir-lĂ  se serait probablement penchĂ©e sur ses imposantes ombres. Celles-ci devaient leur grandeur Ă  deux sphĂšres lumineuses, posĂ©es sur des murets de part et d’autre de l’escalier, Ă  hauteur de l’entrĂ©e du musĂ©e donc au-dessus et derriĂšre Justin ; mais c’était encore bien peu pour donner Ă  ce jeune homme toute son importance. J’aimerais vous le dĂ©crire plus longuement, mais il m’a demandĂ©, pour une raison que j’ignore encore — probablement la pudeur — de ne pas le faire. Peut-ĂȘtre ne veut-il pas ĂȘtre reconnu, puisqu’il m’a Ă©galement demandĂ© de taire le nom de la ville oĂč se dĂ©roulĂšrent ces Ă©vĂ©nements, et de ne pas rĂ©vĂ©ler le vrai nom du musĂ©e ; ce sera Ă  vous de mener l’enquĂȘte pour trouver quel musĂ©e Justin a surnommĂ© ainsi
 AprĂšs de brĂšves politesses mensongĂšres sur nos allures respectives, et aprĂšs avoir montrĂ© au policier qui gardait la porte ma carte d’identitĂ©, parfaitement mariĂ©es par sa couleur et ses plis au manteau de Justin, carte prouvant que j’étais bien la fille du directeur, nous franchisĂąmes le seuil. Ma montre, cadeau du galant jeune homme, indiquait une heure trente-quatre. Alors que je croyais entrer dans un lieu en alerte, je m’aperçus que, bizarrement, un grand calme rĂ©gnait dans le musĂ©e. Une petite fenĂȘtre laissait passer quelques rayons solaires reflĂ©tĂ©s par l’astre des nuits, et des tubes fluorescents avaient permis Ă  quatre policiers de commencer leurs recherches. Que cherchaient-ils vraiment ? Eux-mĂȘmes ne le savaient probablement pas. Peut-ĂȘtre un passage secret, un tunnel, des traces de pas, des poussiĂšres dĂ©placĂ©es
 En tout cas, ils cherchaient ces indices debout, agenouillĂ©s, voire allongĂ©s, tandis que celui qui devait ĂȘtre le plus gradĂ© des policiers prĂ©sents discutait avec mon pĂšre — Comme je vous l’ai dit au tĂ©lĂ©phone, monsieur Doury, nous avons Ă©tĂ© la discrĂ©tion mĂȘme et nous avons utilisĂ© des voitures civiles. Nous ferons tout notre possible pour ne pas Ă©bruiter cette affaire et plus encore pour retrouver votre Colombe. » — Je vous en remercie, dit mon pĂšre. J’ai oubliĂ© de vous dire que j’ai placĂ© un de vos hommes Ă  l’entrĂ©e et lui ai demandĂ© de fermer le rideau de fer et la grille quand ma fille sera lĂ . Je l’ai appelĂ©e pour me soutenir dans cette Ă©preuve. Ce musĂ©e est toute ma vie, vous comprenez ; et voler une Ɠuvre majeure de mon musĂ©e, c’est arracher une partie de ma vie. Justin et moi approchions des deux hommes. Face Ă  mon pĂšre trapu, de taille moyenne et aux cheveux bruns grisonnants, la silhouette longue et effilĂ©e du policier se prĂ©cisait c’était un homme d’une cinquantaine d’annĂ©es aux cheveux courts, noirs et grisonnants, et dont le visage strict s’associait Ă  son costume noir et Ă  sa chemise blanche pour lui donner un air impĂ©nĂ©trable. Pendant que je dĂ©visageais cet homme, nous entendĂźmes derriĂšre nous le policier qui avait vĂ©rifiĂ© mon identitĂ© fermer avec grand-peine la grille et la porte de fer. Mon pĂšre me vit avec Justin et sembla surpris de voir que je n’étais pas venue seule ; et c’est rapidement qu’il se chargea des prĂ©sentations. J’appris alors que le policier Ă©tait le lieutenant Bourdon, chargĂ© de rassurer mon pĂšre. — Bonsoir, ou plutĂŽt bonne nuit. Je trouve trĂšs gentil de votre part d’ĂȘtre venue soutenir votre pĂšre, mademoiselle, mais j’aimerais que vous et votre ami restiez en dehors de l’enquĂȘte. Il semblerait que les indices n’affluent pas vraiment et il serait dĂ©plorable que vous nous empĂȘchiez de les dĂ©couvrir, surtout pour votre pĂšre. Je vous demanderai donc une nouvelle fois de bien vouloir vous tenir Ă  l’écart
 L’homme de cinquante ans avait Ă  peine fini de nous dire cela le plus diplomatiquement qu’il put mĂȘme si je sentais bien qu’il aurait voulu nous dire de quitter au plus tĂŽt le musĂ©e oĂč nous n’avions rien Ă  faire cette nuit-lĂ  quand, ne me laissant pas le temps de dire que nous ferions tout pour ne gĂȘner nullement l’enquĂȘte, Justin dĂ©clara qu’il ne gĂȘnerait pas pour la simple et bonne raison qu’il n’y avait rien Ă  gĂȘner. » — Et qu’est-ce qui vous fait dire ça, jeune homme ? demanda le lieutenant Ă  la fois curieux et moqueur. Seriez-vous le voleur ? — Bien sĂ»r que non puisque je viens de l’extĂ©rieur et que je ne possĂšde pas la clĂ© de la porte d’entrĂ©e, dit l’interrogĂ© en souriant. — Je ne vois pas le rapport, m’exclamais-je. Le voleur aussi est Ă  l’extĂ©rieur maintenant, et il ne peut pas possĂ©der la clĂ© puisque c’est mon pĂšre qui la garde pour la nuit. — Je m’explique, dit l’énigmatique garçon. Je ne suis pas venu souvent ici, mais je me souviens qu’il fait assez sombre, car il n’y a pas de grandes fenĂȘtres, n’est-ce pas ? Mon pĂšre acquiesça. — Dans ce cas, continua Justin, si mes souvenirs sont bons, le tableau, qui a des dimensions d’environ cent centimĂštres sur cinquante
 — Soixante-treize sur cinquante-trois comme la Joconde, mon petit, rectifia le seul Ă  avoir suffisamment choyĂ© le tableau pour connaĂźtre ses dimensions. — D’accord
 De toute maniĂšre, les fenĂȘtres sont toutes trop petites pour laisser passer un tableau de cinquante-trois centimĂštres de large. Je pense que leur diamĂštre doit ĂȘtre de quarante centimĂštres, Ă  peu de choses prĂšs. Sauf s’il y a des fenĂȘtres plus grandes que je n’ai pas vues. À nouveau, en bon directeur connaissant tout de son musĂ©e, mon pĂšre prĂ©cisa que le diamĂštre des fenĂȘtres rondes Ă©tait de quarante-trois centimĂštres et qu’aucune d’entre elles ne pouvait par consĂ©quent laisser sortir le tableau, mĂȘme sans son cadre. Il prĂ©cisa qu’il n’existait qu’un seul type de petites fenĂȘtres au musĂ©e, et que cela constituait une de ses principales sĂ©curitĂ©s pour les grands tableaux. — Je commence Ă  comprendre, dis-je. Le tableau n’a pas pu sortir par les fenĂȘtres ; il est donc nĂ©cessairement sorti par la porte. Or, le musĂ©e ferme quand le dernier des visiteurs est sorti, c’est-Ă -dire vers dix-huit heures, si je ne m’abuse. Le tableau Ă©tait encore dans le musĂ©e Ă  cette heure et ne pouvait sortir que par la porte, ce qui signifie que le voleur possĂšde la clĂ©, ou bien que le tableau est encore ici
 — Ou dĂ©coupĂ©, finit le lieutenant. CHAPITRE III OÙ ON EXPRIME L’INEXPLICABLE — Lieutenant, vous pouvez venir voir ? entendit-on Ă  travers le silence ambiant. Le policier nous laissa tous les trois prĂšs de l’entrĂ©e. Je profitai de son absence pour demander Ă  mon pĂšre de plus amples informations, ma curiositĂ© ayant Ă©tĂ© Ă©veillĂ©e par ce que nous venions de conclure. — C’est simple, nous dit-il, nous ne savons strictement rien. Tu connais la sĂ©curitĂ© du musĂ©e elle est ancienne, comme moi. Je vais vous raconter ce qui s’est passĂ©. Asseyez-vous sur ce banc derriĂšre vous, ça risque d’ĂȘtre long
 Nous nous assĂźmes sur le banc indiquĂ© tandis qu’il rĂ©flĂ©chissait sur ce qu’il allait nous dire. — Hier matin, reprit-il enfin, je suis arrivĂ© comme d’habitude vers huit heures pour ouvrir le musĂ©e avec la seule clĂ© qui existe. C’est moi qui garde cette clĂ© pendant la nuit, comme tu l’as dit tout Ă  l’heure. Je suis allĂ© directement dans le bureau oĂč se trouvent les Ă©crans de contrĂŽle de la vidĂ©osurveillance, et oĂč j’ai dĂ©sactivĂ© l’alarme par un code secret. Il est nĂ©cessaire de composer le code dans la minute qui succĂšde Ă  notre entrĂ©e, si nous ne voulons pas assister Ă  un dĂ©filĂ© de voitures de police. Ensuite, aprĂšs moi arrivĂšrent les gardes Hermann Erosi fut le premier, suivi par John Degrine, puis Hans Gano et Robert Pradcaz qui vinrent successivement jusqu’à huit heures quarante-cinq. Les portes du musĂ©e ont Ă©tĂ© ouvertes au public Ă  neuf heures, comme d’habitude. — Excusez-moi, intervint Justin, mais vous avez dit que vous ĂȘtes le seul dĂ©tenteur de la clĂ© qui permet d’entrer. Etes-vous Ă©galement le seul Ă  connaĂźtre le code ? — Je vois que tu fais attention Ă  tout ce que je te dis
 D’abord, je suis le seul Ă  possĂ©der la clĂ© pendant la nuit, alors qu’elle est placĂ©e toute la journĂ©e dans la salle de vidĂ©osurveillance oĂč chaque garde s’y relaie. Il est donc possible qu’un d’entre eux, voire mĂȘme un visiteur, dĂ©tienne un double. Quant au code, je suis bien l’unique personne qui le connaisse, mais il n’est pas trĂšs mystĂ©rieux pour qui me connaĂźt un peu, et il se peut Ă©galement qu’un garde l’ait appris de mes incessants bavardages ou de certaines notes que j’ai laissĂ©es dans le bureau. Enfin, si tu veux mon avis, le voleur ne possĂšde pas le code, et il a trouvĂ© un autre moyen pour commettre ce dĂ©lit. As-tu une autre question avant que je ne continue ? Justin n’en avait plus pour l’instant et pria alors mon pĂšre de poursuivre. — Ce mardi s’est dĂ©roulĂ© sans problĂšme nous avons principalement accueilli des habituĂ©s le matin et un groupe d’enfants l’aprĂšs-midi. Nous fermons le musĂ©e Ă  midi et demi et nous accueillons Ă  nouveau Ă  partir de deux heures et demie, mais exceptionnellement, nous avions arrĂȘtĂ© les visites Ă  midi trente, afin que les enfants puissent faire leur tour en toute tranquillitĂ© l’aprĂšs-midi. Nous avons fermĂ© les portes quand ils sont partis, vers dix-sept heures quarante-cinq. — Vous voulez dire que les enfants sont restĂ©s trois heures au musĂ©e ? demanda Justin, qui semblait Ă©tonnĂ©. — Je sais que ça peut paraĂźtre beaucoup de temps pour un si petit musĂ©e, mais je leur ai fait faire le tour complet en leur racontant chaque anecdote que je connais. Nous avons Ă©galement organisĂ© un goĂ»ter qui a durĂ© presque trois quart d’heure, et une sĂ©ance photo d’une demi-heure. Quand ils sont partis, les gardes ont bien vĂ©rifiĂ©, comme d’habitude, que personne n’est restĂ© cachĂ©, notamment dans les toilettes, et enfin, vers dix-huit heures, lorsque les gardes Ă©taient tous sortis, j’ai Ă©teint les lumiĂšres et fermĂ© la porte, ce qui a allumĂ© l’alarme. Je suis certain que rien n’avait Ă©tĂ© volĂ© et que personne n’était dans le musĂ©e Ă  ce moment-lĂ . Je sais que je dĂ©taille Ă  outrance les insignifiants Ă©vĂ©nements d’hier, sĂ»rement inutilement d’ailleurs, mais comme je ne comprends pas ce qui s’est passĂ©, je me dis que tout a peut-ĂȘtre une importance. En fait, je prĂ©cise tout ce qui s’est dĂ©roulĂ© durant la journĂ©e, puisque je ne sais rien de ce qui s’est passĂ© pendant la nuit. — Et que sais-tu sur cette nuit ? demandai-je impatiente. — J’allais y venir, continua mon pĂšre. À minuit trente, le cĂąble de la camĂ©ra a Ă©tĂ© sectionnĂ©, ce qui a entraĂźnĂ© le dĂ©clenchement de l’alarme, avertissant alors la police et moi-mĂȘme d’une intrusion. Je ne savais pas encore qu’il y avait eu vol, et je pensais plutĂŽt qu’il s’agissait d’une fausse alerte. Un quart d’heure plus tard, j’ouvris le rideau de fer et la grille devant les policiers, et me rendis compte rapidement du triste Ă©vĂ©nement le cadre de la Colombe » n’entourait plus qu’un mur jaune pĂąle. Il y a donc une sĂ©rie de questions auxquelles la police doit rĂ©pondre en toute discrĂ©tion comment quelqu’un a-t-il pu se trouver dans le musĂ©e cette nuit, sachant que personne n’y est restĂ© Ă  la fermeture des portes ? Pourquoi avoir dĂ©truit la camĂ©ra de surveillance alors qu’il aurait pu se montrer avec une cagoule, ou mĂȘme un dĂ©guisement ? Pourquoi avoir choisi ce tableau prĂ©cisĂ©ment, alors que d’autres coĂ»tent plus cher ? Enfin, et c’est le plus important, comment a-t-il pu sortir de lĂ  avec le tableau, alors que les fenĂȘtres sont trop petites, comme nous l’avons dit tout Ă  l’heure ? Ah, et j’ai omis de vous dire que quand l’alarme se dĂ©clenche, les portes du musĂ©e sont verrouillĂ©es et ne peuvent ĂȘtre ouvertes que de l’extĂ©rieur. Alors, qu’en pensez-vous ? — Je pense, dis-je timidement, que pour entrer dans le musĂ©e, s’il n’y Ă©tait pas dĂ©jĂ , le voleur avait besoin de la clĂ© et du code. Il aura choisi ce tableau parce qu’il lui plaisait, mĂȘme s’il n’est pas le plus cher ; ce qui tend Ă  prouver que nous avons affaire Ă  quelqu’un qui n’est pas intĂ©ressĂ© par l’argent, ou qui a volĂ© sans prĂ©mĂ©ditation, ce dont je me permets de douter. Enfin, pour sortir, il aurait tout simplement pu demander Ă  un complice de lui ouvrir de l’extĂ©rieur, non ? — Je suis fier de toi, Elena, me fĂ©licita mon pĂšre. Tu es arrivĂ©e en quelques secondes Ă  la conclusion qu’ont atteinte les enquĂȘteurs en plusieurs minutes
 Mais il y a un problĂšme quand l’alarme est en fonctionnement, c’est-Ă -dire la nuit, son dĂ©clenchement entraĂźne la fermeture des portes et l’activation d’une sirĂšne qui n’émet du bruit qu’au poste de police et sur ce petit appareil que je garde prĂšs de moi chaque nuit ; c’est d’ailleurs parce que cette sirĂšne n’émet pas de bruit directement que les voisins n’ont pas Ă©tĂ© prĂ©venus. Et voici la faille dans ton raisonnement la sirĂšne s’arrĂȘte lorsque la porte est ouverte. Il est impossible de la stopper d’une autre maniĂšre il faut entrer dans le musĂ©e. — Mince, m’exclamais-je. Ce n’est vraiment pas de chance. — Mais la chance n’a rien Ă  voir lĂ -dedans, rectifia mon pĂšre. Nous avons protĂ©gĂ© le musĂ©e des voleurs, et il est donc normal qu’il ne puisse pas, en thĂ©orie, ĂȘtre volĂ©. Il reste l’éternelle question qui va sĂ»rement me hanter jusqu’à la fin de mes jours comment le voleur a-t-il pu sortir le tableau ? C’est un vĂ©ritable casse-tĂȘte
 Bien, je vais voir oĂč ils en sont ; attendez-moi lĂ , je n’en ai que pour quelques minutes. Justin sortit un calepin, un crayon, et se mit Ă  noter tout ce qu’il avait appris 8 heures arrivĂ©e de M. Doury puis quatre gardes — noms Ă  vĂ©rifier Erozi, Degrine, Ganot, Pradcase. 9 heures ouverture habituĂ©s 12 heures 30 repas 14 h 30 fermeture inhabituelle pour laisser les enfants tranquilles. 17 h 45 dĂ©part des enfants et tour des gardes 18 heures fermeture du musĂ©e alarme 0 h 30 extinction de la camĂ©ra donc sirĂšne jusqu’à 0 heure 45 ne s’éteint que si ouverture 0 h 45 ouverture 1 heure appel d’Elena 1 h 45 Elena regarde ce que j’écris au-dessus de mon Ă©paule, et son joli sourire creuse sur ses joues de magnifiques fossettes lorsqu’elle lit sur ma feuille que je l’aime. » Il releva la tĂȘte et me sourit. – DEUXIÈME PARTIE — – OBSERVATIONS — CHAPITRE IV OÙ ON FAIT LE POINT SUR LES INDICES DES POLICIERS Je repensais Ă  ce qu’avait dit Justin — Tout Ă  l’heure, lui rappelai-je, tu as dit qu’on ne gĂȘnerait pas pour la simple et bonne raison qu’il n’y avait rien Ă  gĂȘner. » Mais tu ne m’as toujours pas dit pourquoi tu penses qu’il n’y a aucune trace. — Appelle ça une intuition masculine, me rĂ©pondit-il en souriant. En fait, en tenant compte de la superficie du musĂ©e et du nombre d’enquĂȘteurs, je me suis dit que s’il y avait un indice, il aurait Ă©tĂ© trouvĂ© ou dĂ©truit en trois quarts d’heure, temps Ă©coulĂ© entre les arrivĂ©es des policiers et de nous. Nous n’avions donc plus rien Ă  gĂȘner simplement parce qu’ils avaient dĂ©jĂ  bougĂ© tout ce qu’ils n’avaient pas encore trouvĂ©. De toute maniĂšre, je doute que le voleur se soit amusĂ© Ă  laisser traĂźner des indices, alors qu’il n’est pas difficile de voler un tableau sans mettre ses empreintes sur chaque mur. Donc je pense que les enquĂȘteurs n’ont pas dĂ©couvert d’élĂ©ment important. — Bien sĂ»r, sinon nous aurions Ă©tĂ© prĂ©venus de toute façon, rĂ©pondis-je fiĂšrement. — Je ne sais pas, me dit-il les yeux plongĂ©s, baissĂ© dans ses pensĂ©es. Peut-ĂȘtre ne veulent-ils pas nous donner de faux espoirs, surtout Ă  ton pĂšre qui me semble trĂšs fragilisĂ© par cette affaire. Par contre, en admettant qu’ils aient trouvĂ© des Ă©lĂ©ments permettant de faire avancer l’enquĂȘte, les policiers ne chercheraient pas si dĂ©sespĂ©rĂ©ment quelque chose de nouveau. Seraient-ils tous employĂ©s Ă  rechercher des indices ? À mon avis, tu as remarquĂ© que ces hommes cherchent quelque chose dont ils ignorent tout. Regarde celui-lĂ , lĂ -bas que cherche-t-il ? Justin me montra un policier tellement abaissĂ© qu’on pouvait croire qu’il Ă©tait allongĂ© sur le ventre. — Sauf s’il a perdu ses lentilles, continua-t-il, il n’y a plus rien qu’il puisse trouver sur le sol, puisque depuis une heure, tous ses collĂšgues y ont laissĂ© leurs empreintes de pas. VoilĂ  pourquoi j’en arrive Ă  penser que s’ils sont ainsi disposĂ©s dans le musĂ©e, c’est qu’ils ont probablement besoin d’un indice pour faire avancer l’enquĂȘte. Et s’ils ont besoin d’un indice au point de chercher aprĂšs avoir tout chamboulĂ© eux-mĂȘmes, c’est qu’ils n’ont probablement rien trouvĂ©, ou du moins rien de rĂ©ellement important. — Logique, conclus-je. Mais le plus simple n’est-il pas d’aller leur demander ? En guise de rĂ©ponse, Justin se leva et je fis de mĂȘme en m’aidant de la main qu’il me tendait. Nous nous dirigeĂąmes vers mon pĂšre et le lieutenant Bourdon, toujours en pleine conversation. Je crus comprendre que quelque chose venait d’ĂȘtre dĂ©couvert, et afin d’en savoir plus, en prenant soin de ne couper la parole ni Ă  l’un ni Ă  l’autre, j’entrai plus ou moins habilement dans la discussion — Excusez-moi, murmurai-je un peu gĂȘnĂ©e. Tout Ă  l’heure, avant de prendre le temps de rĂ©flĂ©chir, j’avais proposĂ© une hypothĂšse selon laquelle le tableau serait encore au musĂ©e. Je n’avais pas tenu compte des sĂ©curitĂ©s ni de la section du cĂąble de la camĂ©ra, mais maintenant que j’ai Ă©tĂ© mise au courant de ces choses, je me dis que le tableau est nĂ©cessairement ici avec son voleur. Sinon, comment aurait-il pu sortir du musĂ©e avec le tableau, sachant qu’il ne peut ni sortir par une fenĂȘtre sans dĂ©couper le tableau, ni ouvrir la porte d’entrĂ©e de l’extĂ©rieur sans dĂ©clencher l’alarme, ni de l’intĂ©rieur sans arrĂȘter la sirĂšne ? Je savais trĂšs bien ce qu’ils pouvaient me rĂ©pondre, mais je m’en moquais, parce que mon unique but Ă©tait d’entrer dans la conversation. — Et c’est pourquoi nous recherchons un autre moyen de sortir ou autre chose, rĂ©torqua le policier. Nous avons trouvĂ© un indice qui semble expliquer comment la camĂ©ra s’est arrĂȘtĂ©e. Ou plutĂŽt a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e. Le cĂąble qui relit la camĂ©ra au bureau de vidĂ©osurveillance a Ă©tĂ© arrachĂ©. Les experts pensent que le voleur a eu recours Ă  une trĂšs petite dose de nitroglycĂ©rine qu’il a fait exploser par un choc ou par une variation de tempĂ©rature. Nous pourrions rechercher une preuve qui corrobore cette hypothĂšse, mais j’estime que c’est inutile, d’autant plus que la nitroglycĂ©rine a dĂ» ĂȘtre employĂ©e en trĂšs petite quantitĂ©, pour n’abĂźmer rien d’autre, et que les gaz qu’elle a dĂ©gagĂ©s doivent ĂȘtre en assez faible quantitĂ©, eux aussi. Remarquez, la nitroglycĂ©rine dĂ©gage un volume gazeux prĂšs de dix mille fois supĂ©rieures au volume de l’explosif. C’est les experts qui disent ça ; moi, je n’en sais fichtre rien. AprĂšs tout, le fil a explosĂ© et a pu ĂȘtre dĂ©truit Ă  distance, c’est tout ce qui m’importe. Pour en revenir Ă  ce que nous disions, monsieur Doury, pouvons-nous contacter tous les gardes et leur demander de venir ? Mon pĂšre hĂ©sita, puis il murmura qu’ils pouvaient ĂȘtre contactĂ©s, mais qu’il ne fallait pas les avertir du vol par tĂ©lĂ©phone, afin de ne pas divulguer l’information. » — Pour les faire venir, continua-t-il, vous pourrez leur dire que vous enquĂȘtez sur la disparition d’un homme en costume vert, en tout point semblable au costume du musĂ©e. Quand ils rentrent chez eux le soir, les gardes ont encore leur costume sur eux, car il n’y a pas de vestiaire oĂč ils pourraient se changer. Enfin, faites ce que vous voulez, mais je vous en prie, ne parlez de ce vol Ă  personne qui ne soit pas au musĂ©e. Je peux compter sur vous, n’est-ce pas ? J’avais rarement vu mon pĂšre dans un tel Ă©tat d’angoisse. Ses mains tremblaient lĂ©gĂšrement, mais le signe le plus Ă©vident de son anxiĂ©tĂ© Ă©tait son excessive transpiration. Pour le calmer, le lieutenant Bourdon fit un signe d’assentiment et ajouta — MĂȘme si nous ne retrouvons pas la Colombe » avant neuf heures, ce qui nous laisse un peu plus de sept heures, nous n’hĂ©siterons pas Ă  mentir au public. Nous ne dĂ©clarerons le vol qu’au dernier moment, oĂč l’assurance l’exigera. Mais de toute maniĂšre, je compte bien vous rapporter le tableau avant l’ouverture. Toutefois, il va falloir que j’informe le parquet, ce qui aurait dĂ©jĂ  dĂ» ĂȘtre fait. Et aprĂšs, ce sera Ă  eux » de dĂ©cider. Il avait dit ce eux » avec une sorte de dĂ©dain, comme s’il n’acceptait pas l’autoritĂ© que le parquet a sur ses enquĂȘtes. Alors qu’il parlait, je remarquai que le long visage du lieutenant se ridait en voyant mon pĂšre peinĂ©. Justin, qui n’avait pas encore dit un mot, demanda soudain si nous pouvions visiter le musĂ©e. L’homme Ă  l’impermĂ©able dit Ă  mon pĂšre que s’en occuper lui changerait les idĂ©es. Allons-y, si vous y tenez », soupira mon pĂšre en s’essuyant le front du revers de la main. CHAPITRE V OÙ JUSTIN FAIT LE PLAN DES LIEUX Justin avait sorti son calepin et rajouta que l’extinction de la camĂ©ra Ă©tait probablement due Ă  une explosion de nitroglycĂ©rine. Au fur et Ă  mesure que nous avancions dans le musĂ©e, il dessinait les piĂšces ; et c’est son dessin et les informations qu’il avait mises que je reproduis ici, avec son aimable autorisation. Les modifications qu’il y a ajoutĂ©es plus tard n’y figurent pas pour des raisons Ă©videntes de sĂ©curitĂ©. La magie de Paint Je sens que tous dĂ©jĂ  vous regardez ce plan et vous vous dites Que font-ils encore dans la salle d’entrĂ©e, Ă  quinze mĂštres du vol ? » Je vous rappelle que nous n’avons fait que rĂ©flĂ©chir jusqu’alors, et que c’est maintenant que nous allons vraiment commencer Ă  inspecter les lieux. Quant aux policiers, je vous ai dit qu’ils Ă©taient quatre dans la salle d’entrĂ©e, mais je ne vous ai pas dit qu’ils Ă©taient autant dans la salle du vol. Je dois Ă©galement prĂ©ciser que les noms donnĂ©s par Justin aux diffĂ©rentes salles ne sont absolument pas officiels, et que si un jour vous venez au musĂ©e Reflet » si toutefois vous trouvez quel musĂ©e fut ainsi surnommĂ©, il ne faudra pas demander oĂč se trouve la salle des tableaux joyeux. Remarquez au passage que, tout comme moi, notre ami ne connaĂźt strictement rien Ă  l’art. Ceci Ă©tant dit, revenons au musĂ©e et Ă  notre affaire. Justin, en esquissant l’ébauche de son futur plan, semblait contrariĂ©. Ses sourcils se rapprochaient l’un de l’autre et, comme pour Ă©viter qu’ils ne se rejoignent, un fossĂ©, communĂ©ment appelĂ© la ride du lion, se forma entre eux. Il nous suivait, moi et mon pĂšre, vers la salle large, mais ne regardait rien d’autre que sa feuille griffonnĂ©e, si bien qu’il marcha accidentellement — est-il nĂ©cessaire de le prĂ©ciser ? — sur la main d’un policier. AprĂšs s’ĂȘtre excusĂ© maintes fois auprĂšs du malheureux homme, il nous rejoignit dans la salle des tableaux tristes. Cette salle semblait dĂ©laissĂ©e de l’enquĂȘte et nous nous y retrouvĂąmes seuls, ce qui ne semblait pas dĂ©plaire Ă  Justin. En effet, le jeune homme profita de cette solitude pour parler Ă  mon pĂšre de ses contrariĂ©tĂ©s — Monsieur Doury, dit-il avec anxiĂ©tĂ©. Savez-vous quelque chose Ă  propos de ce vol que vous n’oseriez pas dire ? Surpris autant que moi, mon pĂšre se dĂ©fendit aussitĂŽt. Interrompant ses balbutiements, Justin rajouta — Je vous dis cela, parce que vous devrez bientĂŽt convaincre la police de votre innocence. Habituellement, j’apprĂ©ciais quand il restait aussi Ă©nigmatique avant d’apporter sa solution au problĂšme qu’il soulevait, mais lĂ  il accusait presque mon pĂšre de s’ĂȘtre volĂ© lui-mĂȘme, ou au moins d’avoir Ă©tĂ© complice, et cela en Ă©tait trop. J’allais intervenir, quand il prĂ©cisa ses propos — Calme-toi Elena. Je n’accuse pas ton pĂšre, comme tu sembles le penser, mais j’essaie au contraire de le dĂ©fendre. Dans peu de temps, si l’enquĂȘte piĂ©tine, et elle piĂ©tinera, il sera le premier accusĂ©. Et tu sais pourquoi ? Parce qu’il est, en thĂ©orie, le seul Ă  possĂ©der la clĂ© et le code, parce qu’il est l’un des seuls Ă  connaĂźtre les sĂ©curitĂ©s du musĂ©e, et parce que l’assurance est un bon mobile pour se voler soi-mĂȘme. De plus, cette histoire de nitroglycĂ©rine vient tout compliquer en arrangeant tout maintenant, il paraĂźt vraiment simple de sortir de ce musĂ©e avec le tableau. — Comment ça ? demandai-je, calmĂ©e depuis que Justin avait dit qu’il allait dĂ©fendre mon pĂšre. C’est lĂ  tout le mystĂšre de cette affaire, je ne pense pas que ce soit trĂšs simple, comme tu dis. Avec toi, tout paraĂźt primaire d’habitude, mais quelque chose me dit que tu auras bien du mal Ă  prouver quoique ce soit ici, et Ă  mon avis, tu ne pourras pas trouver seul le coupable. — Je ne dis pas que ce que je sais comment le voleur est sorti, mais juste que je crois connaĂźtre un moyen simple pour sortir avec le tableau, dĂ©clara-t-il humblement. Si c’est possible, il suffisait au voleur d’arrĂȘter les camĂ©ras Ă  partir de la salle de vidĂ©osurveillance, de sortir avec le tableau — tu as toi-mĂȘme parlĂ© de complice extĂ©rieur qui viendrait ouvrir la porte —, et ensuite, lorsque la nitroglycĂ©rine, si c’était bien de la nitroglycĂ©rine, a explosĂ©, il Ă©tait dĂ©jĂ  loin. — Peut-ĂȘtre, dis-je en rĂ©flĂ©chissant. Dans ce cas, pourquoi cette explosion ? N’est-elle pas inutile si le voleur pouvait arrĂȘter les camĂ©ras ? — C’est pourquoi je disais que ton pĂšre a besoin de prĂ©parer sa dĂ©fense, rĂ©pondit-il. Sa culpabilitĂ© est l’explication la plus simple de ce vol et la meilleure raison de faire exploser la camĂ©ra. Elle aurait pu ĂȘtre dĂ©sactivĂ©e pour empĂȘcher que la premiĂšre personne qui arriverait au musĂ©e le lendemain ne soit inculpĂ©e
 Et c’est bien vous, monsieur Doury, qui arrivait le premier, n’est-ce pas ? Je pense que l’enquĂȘte tournera autour de vous, quand les policiers n’auront rien trouvĂ© ; vous serez leur solution de facilitĂ©, leur lot de consolation, si je puis m’exprimer ainsi. Mais lĂ  n’est pas le problĂšme pour le moment. Je propose que nous continuions d’inspecter les lieux ; qu’en pensez-vous ? — Et comment peut-il arrĂȘter les camĂ©ras ? demandai-je incrĂ©dule. Tu penses qu’il a effectuĂ© un arrĂȘt sur image, n’est-ce pas ? Pourquoi ne pas vĂ©rifier les cassettes alors ? — Chaque chose en son temps, me rĂ©pondit-il. Pour l’instant, je veux surtout voir la salle du vol. Nous Ă©tions abasourdis par l’attitude de Justin qui, aprĂšs avoir annoncĂ© Ă  mon pĂšre qu’il allait sĂ»rement ĂȘtre suspectĂ© de vol, parce qu’il Ă©tait le directeur et qu’il arrivait toujours au musĂ©e le premier, lui demandait de poursuivre sa visite. Il avait maintenant croisĂ© les bras et regardait partout afin qu’aucun indice ne lui Ă©chappe il semblait si dĂ©contractĂ© qu’on aurait cru qu’il se moquait qu’on puisse suspecter un innocent, et cela en devenait vexant. Nous l’observions, bouche bĂ©e, poser ses yeux sur les bouches d’aĂ©ration, les fenĂȘtres dont nous avions parlĂ© ou encore les camĂ©ras. Soudain, il se mit Ă  marcher vers la porte qui nous ramenait dans la salle d’entrĂ©e, et nous comprĂźmes qu’il Ă©tait impatient de poursuivre l’inspection. Nous passĂąmes dans la salle ronde, oĂč il y avait bien peu de choses Ă  observer sur le plan policier. Bien sĂ»r, pour un amateur d’art, cette piĂšce est plutĂŽt intĂ©ressante, et, entre autres sculptures et objets d’art, on pouvait y admirer un sublime bronze NapolĂ©on III, deux vases Ming en excellent Ă©tat ou encore une mĂ©daille reprĂ©sentant Camille Desmoulins de profil, placĂ©e sous une vitrine avec d’autres mĂ©dailles et des objets divers, allant de l’échiquier chinois de la dynastie Ming au Bouddha du XIXĂšme siĂšcle incrustĂ© de nacre, pierres et verrerie. Nous Ă©tions ressortis de cette piĂšce moins d’une minute aprĂšs y ĂȘtre entrĂ©s, et nous nous dirigeĂąmes vers la salle dite des tableaux joyeux. Cette piĂšce, tout comme les deux prĂ©cĂ©dentes, n’avait quasiment aucun intĂ©rĂȘt Ă  ce stade de l’enquĂȘte ; nous la traversĂąmes toutefois en portant une grande attention sur ce qui nous entourait deux bancs en bois sĂ©parĂ©s par une poubelle, une dizaine de tableaux joyeux » et des camĂ©ras blanches sur des murs jaunĂątres. Mais ce qui nous intĂ©ressait tous les trois Ă©tait de l’autre cĂŽtĂ© d’un de ces murs la salle de la Colombe. Comment dĂ©crire cette piĂšce Ă  l’instant oĂč nous y entrions ? Je ne pense pas que cette ambiance puisse ĂȘtre reproduite. Le calme qui rĂ©gnait dans la salle d’entrĂ©e contrastait avec l’énervement dans cette piĂšce, oĂč tant de mouvements de la part des huit policiers qui s’y trouvaient me faisaient penser Ă  un grand magasin un samedi matin, Ă  une autoroute au retour des vacances, ou encore Ă  un attroupement de curieux prĂšs d’une personne griĂšvement blessĂ©e
 On avait peine Ă  croire qu’ils respiraient sans bonbonne d’oxygĂšne. De plus, ils n’étaient pas habituĂ©s Ă  ĂȘtre autant puisque, pendant que nous Ă©tions dans la salle large, les policiers de la salle d’entrĂ©e venaient de rejoindre les quatre policiers qui Ă©taient dans la salle du vol depuis une heure, doublant ainsi leur nombre. Je me dis alors que l’enquĂȘte avait Ă©tĂ© abandonnĂ©e de l’autre cĂŽtĂ©, et que le lieutenant Bourdon misait tout sur la salle de la Colombe. Justin passa au milieu de tous ces gens, et s’arrĂȘta devant le cadre vide qui semblait orner une superbe peinture jaune un peu plus pĂąle que le mur. Cette dĂ©coloration montrait l’absence du tableau qui Ă©tait posĂ© sur ce mur depuis plusieurs semaines dĂ©jĂ . Nous restĂąmes lĂ  pendant de longues minutes, admirant un inexplicable manque, traversĂ© par une planche de bois appartenant au cadre et chargĂ©e de maintenir le tableau, quand il Ă©tait prĂ©sent. Un peu Ă  gauche, il y avait une zone encore plus claire que celle qui Ă©tait encadrĂ©e, ce qui semblait signifier qu’un tableau Ă©tait restĂ© plus longtemps que la Colombe avant d’ĂȘtre dĂ©placĂ©. Justin avait portĂ© la main devant sa bouche et fermĂ© les yeux, signes d’une profonde rĂ©flexion ; il ne lui restait plus qu’à mordiller ses lunettes pour devenir le parfait stĂ©rĂ©otype de l’homme pensif. Soudain, il se retourna vers la camĂ©ra, puis dĂ©clara Maintenant, je vais aller dans la salle de vidĂ©osurveillance. » CHAPITRE VI OÙ JUSTIN REGARDE CE QUI EST OBSERVABLE Justin venait de ressortir de la salle de la Colombe, et c’était maintenant nous qui le suivions. Mon pĂšre semblait inquiet et cherchait probablement un alibi ou un Ă©vĂ©nement qui pourrait le disculper. Il pensa au coup de fil qu’il m’avait passĂ©, et dit soudain — Justin, au fait, j’ai appelĂ© Elena de chez moi dĂšs que la camĂ©ra a explosĂ©. Je pense que c’est assez pour prouver que je ne peux pas ĂȘtre le voleur, non ? — Je crois que vous n’avez pas bien compris ce que j’ai dit, rĂ©pondit Justin. La camĂ©ra a, je pense, explosĂ© quand le voleur Ă©tait en dehors. Le voleur pouvait ĂȘtre n’importe qui vous, Elena, moi ou mĂȘme un visiteur. C’est pourquoi la nitroglycĂ©rine expliquerait tout, mais compliquerait aussi l’affaire. Ne vous inquiĂ©tez pas, nous allons trouver quelque chose qui vous disculpera rĂ©ellement. Nous arrivions prĂšs de la salle de vidĂ©osurveillance. Cette piĂšce est assez petite, et mon pĂšre dĂ©cida de nous laisser y entrer seul, tandis qu’il irait parler au lieutenant Bourdon. Justin approuva cette initiative, et nous entrĂąmes tous deux dans la petite piĂšce. Il Ă©tait assez amusant de voir sur le bureau tant de tasses de cafĂ© vides, parce qu’on imaginait les difficultĂ©s qu’éprouvaient les gardes pour ne pas s’endormir devant une demi-douzaine d’écrans. Justin ressortit son carnet, et griffonna sur son plan les zones que nous voyons sur ces Ă©crans. Vous comprendrez que je n’indique pas ces zones sur le plan que je vous ai fourni ci-dessus je ne vais tout de mĂȘme pas vous montrer comment vous pouvez nous voler. En le voyant Ă©crire, en plus d’admirer son incroyable mĂ©moire qui lui avait permis de retenir les positions de chaque tableau, je compris pourquoi il avait tenu Ă  visiter le musĂ©e. En fait, quand il avait insistĂ© pour faire une visite guidĂ©e, je n’avais pas trĂšs bien compris ses intentions, parce que je savais qu’il avait dĂ©jĂ  fait le tour du musĂ©e en ma compagnie. Il ne pouvait tout de mĂȘme pas s’attendre Ă  trouver le tableau dans une autre salle oĂč il aurait passĂ© inaperçu de tous sauf de lui. C’était donc pour repĂ©rer ce qui Ă©tait visible par les camĂ©ras qu’il avait revisitĂ© le musĂ©e cette nuit. Pour ma part, je remarquais seulement que la camĂ©ra dans la salle de la Colombe Ă©tait orientĂ©e non vers le tableau, mais Ă  la gauche de celui-ci, vers la zone pĂąle dont je vous ai dĂ©jĂ  parlĂ©. — VoilĂ  ce que nous allons faire, dit-il en regardant encore son schĂ©ma. Tu vas rester ici, et je vais essayer de traverser le musĂ©e jusqu’à la salle de la Colombe sans que tu me voies. Il ressortit et je m’installai devant les moniteurs de contrĂŽle, sur un fauteuil plutĂŽt confortable au revĂȘtement en croĂ»te de cuir noir. Dans la salle d’entrĂ©e, je vis que mon pĂšre discutait avec le lieutenant. La salle large repoussait encore les policiers avec la mĂ©lancolie que transmettaient ses tableaux — ou peut-ĂȘtre n’avait-elle aucun intĂ©rĂȘt pour l’enquĂȘte. Il en Ă©tait diffĂ©rent de la salle moyenne qui se voyait peu Ă  peu envahie par les policiers de la salle du vol. Cette derniĂšre commençait Ă  se vider, et je crus bon d’en dĂ©duire qu’ils n’y trouvaient plus rien. Mais elle restait toutefois le centre des investigations, et deux policiers continuaient d’y chercher un quelconque mais prĂ©cieux indice. En regardant la rĂ©partition des policiers dans le musĂ©e, je remarquais que personne ne s’intĂ©ressait Ă  la salle ronde. Je me dis alors que si quelque chose y Ă©tait cachĂ©, personne n’y porterait attention. Trois minutes plus tard, Justin revenait Ă  mes cĂŽtĂ©s. Il me demanda si je l’avais vu sur une des camĂ©ras. Bien que je sois persuadĂ©e qu’il savait que je ne pouvais pas le voir, je crus percevoir dans son regard une joie immense quand je lui rĂ©pondis non ». Cette joie ressemblait en tout point Ă  celle d’un enfant venant de rĂ©ussir ce que ses parents lui avaient interdit. Justin regarda encore ce qui Ă©tait observable Ă  travers ces camĂ©ras. — Sais-tu par oĂč je suis passĂ© ? me demanda-t-il. La rĂ©ponse nĂ©gative que je lui donnais Ă©tait purement rhĂ©torique puisqu’il savait que je ne l’avais pas vu sur les Ă©crans, il savait aussi que je ne connaissais pas son trajet. — Par le plus long chemin, dit-il fiĂšrement, essayant en vain de m’étonner. Je suis passĂ© par la salle large, puis derriĂšre la salle ronde pour revenir dans la salle moyenne. Il est impossible de passer directement en sortant d’ici dans la salle voisine Ă  la salle du vol, Ă  cause de la camĂ©ra qui est situĂ©e juste derriĂšre ce mur. Elle est orientĂ©e vers le mur de la salle ronde, et il est impossible, mĂȘme en passant en dessous d’elle, de ne pas ĂȘtre aperçu lorsqu’on essaie d’atteindre la salle moyenne ; sauf si on arrive de l’autre cĂŽtĂ© de la porte, Ă  l’extrĂ©mitĂ© qui n’est pas visible dans le champ de vision de la camĂ©ra. — Et alors ? demandai-je, incrĂ©dule. Cela signifie qu’on peut atteindre la Colombe et mĂȘme la voler sans se faire voir par la camĂ©ra. Ce n’est pas vraiment utile pour dĂ©barrasser mon pĂšre de tout soupçon. — Tu as tout Ă  fait raison, et c’est mĂȘme le contraire, ajouta-t-il. Comme on peut traverser le musĂ©e sans se faire voir, je peux supprimer la nĂ©cessitĂ© d’un arrĂȘt sur image, et l’hypothĂšse que j’ai Ă©mise tout Ă  l’heure tient. Le voleur aurait pu entrer, arrĂȘter l’alarme, voler le tableau et ressortir grĂące Ă  un complice extĂ©rieur tout en Ă©vitant les camĂ©ras. Cela signifie que la destruction de la camĂ©ra a un tout autre but. Mais lequel ? Celui que j’ai dĂ©jĂ  Ă©noncĂ©, c’est-Ă -dire disculper ton pĂšre, ou au contraire l’accuser ? Au fait, ton pĂšre a parlĂ© des toilettes tout Ă  l’heure, mais je ne les ai pas notĂ©s sur mon plan ; oĂč sont-ils ? — À gauche en entrant, entre le rideau de fer et la grille, rĂ©pondis-je machinalement. OĂč allons-nous maintenant ? — Je n’en sais rien, rĂ©pondit-il en grimaçant. Sortons de cette piĂšce, ça sent le cafĂ©. CHAPITRE VII OÙ NOUS DEVONS PATIENTER Mon pĂšre venait nous rejoindre dans la salle de vidĂ©osurveillance quand il nous vit en sortir. — Justin, je voulais te prĂ©ciser que j’ai Ă©tĂ© invitĂ© avec ma femme chez des amis, Jacques et Marina Hubert. Il y avait douze tĂ©moins, donc je pense que tu comprends que je ne pouvais pas rester dans le musĂ©e. Je ne sais mĂȘme pas pourquoi je n’y ai pas pensĂ© plus tĂŽt, alors que c’était tellement Ă©vident. Est-ce que ça peut m’aider Ă  ĂȘtre disculpĂ© ? — Non, rĂ©pondit simplement Justin. Vous avez la clĂ© qui vous permet d’entrer dans le musĂ©e Ă  tout moment. Ensuite, vous avez pu passer sans ĂȘtre vu des camĂ©ras, et voler le tableau, avant de ressortir et de faire exploser la nitroglycĂ©rine que vous aviez placĂ©e sur la camĂ©ra. Ainsi, vous dĂ©clenchiez l’alarme, et vous Ă©tiez sĂ»r que personne ne vous accuserait d’avoir volĂ© le tableau le lendemain matin. Mais ceci n’est qu’une hypothĂšse qu’il nous faut enrayer en vous disculpant. Toutefois, je retiens que vous ne pouviez pas rester au musĂ©e. — Et bien justement, s’écria mon pĂšre. J’étais chez mes amis de dix-huit heures dix Ă  minuit. Je suis ensuite retournĂ© chez moi avec ma femme, et nous sommes rentrĂ©s vers minuit vingt, une dizaine de minutes avant que l’alarme ne se dĂ©clenche. — Ah, m’exclamai-je. Alors c’est pour cela que tu es habillĂ© ainsi
 En effet, mon pĂšre portait une chemise jaune clair, un pantalon de couleur bois de rose, une ceinture et une cravate noires. C’était, je crois, ce qu’il mettait toujours pour une soirĂ©e entre amis. — Oui, me rĂ©pondit mon pĂšre. Je me suis changĂ© aprĂšs le travail dans ma voiture, parce que j’avais oubliĂ© de le faire au musĂ©e. Il me faut environ vingt minutes pour aller de chez mes amis Ă  chez moi, mais il ne me faut que dix minutes pour aller du musĂ©e Ă  chez eux. C’est pourquoi je ne suis pas repassĂ© chez moi et que ma femme m’a attendu chez les Hubert. — Et bien, M. Doury, vous voici la premiĂšre personne disculpĂ©e, conclut allĂšgrement Justin. Si vous pouvez prouver que vous Ă©tiez chez vos amis Ă  dix-huit heures dix, il est clair que vous ne pouvez pas ĂȘtre le coupable. — Douze personnes pourront tĂ©moigner, rĂ©pĂ©ta mon pĂšre. — Tout ça est parfait, sourit Justin en se tordant les mains. Il faut maintenant trouver un alibi Ă  vos gardes. Au fait, avez-vous parlĂ© de ce que je vous ai dit au lieutenant ? — Bien sĂ»r que non, rĂ©pondit mon pĂšre. Je ne veux pas lui donner de mauvaises idĂ©es. MĂȘme s’il est Ă©vident que je ne peux pas ĂȘtre le coupable, le lieutenant Bourdon dira que j’ai volĂ© le tableau avant d’aller chez mes amis. Et l’enquĂȘte piĂ©tine il n’y a aucun indice. — N’était-ce pas ce que tu avais prĂ©dit, Justin ? risquai-je. Cette remarque n’avait absolument pas dĂ©tendu l’atmosphĂšre que mon pĂšre venait de retendre, et je me sentais gĂȘnĂ©e. — Je crois qu’il ne nous reste plus qu’à attendre l’arrivĂ©e des gardes. Les avez-vous dĂ©jĂ  tous prĂ©venus ? demanda le jeune homme. Mon pĂšre rĂ©pondit qu’ils seraient tous lĂ  dans une demi-heure environ. Justin regardait attentivement la poubelle fixĂ©e sur le mur pendant que nous lui parlions, et il se rongeait les ongles. Quand il vit que je le dĂ©visageais, s’attendant Ă  une remarque de ma part sur son onychophagie, il mit ses mains dans ses poches. Il en sortit un mouchoir en papier, se moucha, et alla le jeter. Il en profita pour remettre droite la poubelle. Je me demandai alors s’il avait bougĂ© la poubelle parce qu’il allait jeter un mouchoir, ou si c’était pour bouger la poubelle qu’il s’était mouchĂ©. Je vous ai dĂ©jĂ  dit que voir un objet asymĂ©trique ou dĂ©placĂ© lui est totalement insupportable
 Justin retourna sur le banc oĂč nous nous Ă©tions assis en arrivant et me demanda de venir, aprĂšs que mon pĂšre ait dit qu’il retournait dans la salle du vol pour obtenir de plus amples informations sur l’avancĂ©e de l’affaire. Il sortit son calepin et commença Ă  rĂ©sumer l’affaire — Ni les gardes ni le directeur n’étaient au musĂ©e Ă  dix-huit heures, car ils se sont vus en sortir. Ou alors, ils sont tous complices, mais j’en doute. Le tableau ne peut sortir que par la porte donc il est nĂ©cessaire de possĂ©der la clĂ© et le code. Le voleur pouvait sortir par une fenĂȘtre, mais c’est inutile puisqu’il doit sortir le tableau par la porte. L’alarme pouvait ĂȘtre dĂ©clenchĂ©e Ă  distance, grĂące Ă  l’utilisation de nitroglycĂ©rine. Pour sortir, la prĂ©sence d’un complice est nĂ©cessaire, car si l’on essaie d’ouvrir de l’intĂ©rieur, l’alarme se met en route et la porte se bloque. Enfin, M. Doury a un alibi Ă  partir de dix-huit heures dix. Il regarda ses notes et semblait perplexe. — Je pense que le lieutenant admettra l’innocence du directeur, ajouta-t-il. Il faudrait vraiment qu’il soit de mauvaise foi pour dire que ton pĂšre ait pu retourner au musĂ©e pour voler le tableau et placer la nitroglycĂ©rine, avant de se rendre chez des amis dix minutes plus tard. Par contre, pour les gardes
 Qu’est-ce qui nous permet de les disculper, s’ils sont innocents ? — Peut-ĂȘtre les camĂ©ras, hasardai-je. De toute maniĂšre, ce sont les seuls indices qu’on possĂšde de cette nuit. — TrĂšs bonne idĂ©e, Elena. Allons visionner les bandes de ce soir. — Il faudrait peut-ĂȘtre demander la permission au lieutenant Bourdon et Ă  mon pĂšre. — Oui, bien sĂ»r. Il se leva, me tendit la main pour que je me relĂšve, et nous nous dirigeĂąmes vers la salle qui avait portĂ© l’intĂ©rĂȘt de la police Ă  son paroxysme depuis une heure trente maintenant. Mon pĂšre parlait encore avec le mĂȘme homme, et je me demandais ce qu’ils pouvaient bien se dire. Nous Ă©tions dans la salle moyenne quand le lieutenant vint vers nous, suivi des deux policiers qui Ă©taient restĂ©s dans la salle du vol. Je croyais qu’il venait nous parler, mais je me trompais — S’il vous plaĂźt, commença-t-il. Il me faisait penser Ă  un confĂ©rencier qui essaie de rassembler vers lui toutes les attentions pour faire une importante dĂ©claration. Qu’allait-il dire ? Nous n’allions pas tarder Ă  le savoir. — Nous avons fouillĂ© la salle nord, la salle du vol, et le hall d’entrĂ©e, et nous n’avons rien trouvĂ© qui fasse avancer rĂ©ellement l’enquĂȘte. Je ne pense pas qu’il soit utile que nous poursuivions ces investigations, puisqu’elles ne nous apportent rien. Je propose que nous nous tournions vers autre chose la vidĂ©osurveillance. Je vais moi-mĂȘme visionner ce que les camĂ©ras ont enregistrĂ© cette nuit. Pendant ce temps-lĂ , je veux que vous inspectiez la salle sud et la salle ronde ; on ne sait jamais. Ne restez pas trop longtemps dans cette derniĂšre salle, car je veux procĂ©der aux interrogatoires lĂ -bas, dans la plus petite salle du musĂ©e, hormis les toilettes et la salle de vidĂ©osurveillance, bien sĂ»r. Pensez Ă©galement Ă  vĂ©rifier que toutes les fenĂȘtres sont bien fermĂ©es, et qu’il n’y a aucun moyen de les ouvrir de l’extĂ©rieur. Quand les gardes arriveront, dans un petit quart d’heure normalement, vous veillerez Ă  ce qu’ils ne repartent pas, et vous me prĂ©viendrez pour que commencent les interrogatoires. Compris ? Il nous reste exactement six heures et quarante-cinq minutes avant l’ouverture du musĂ©e. Soit le tableau et le voleur seront retrouvĂ©s d’ici lĂ , soit vous faites une croix sur votre prime de PĂąques, compris ? Des murmures dans la salle me laissaient penser que cette derniĂšre menace Ă©tait souvent utilisĂ©e par le lieutenant. Tout le monde savait qu’il n’était pas assez influent pour pouvoir supprimer une prime, mais d’un autre cĂŽtĂ©, ils savaient aussi que si l’enquĂȘte n’aboutissait pas, la mauvaise publicitĂ© pourrait, elle, avoir une grande influence sur les cloches de la police. Je prĂ©cise ici que la salle nord est la salle que Justin a nommĂ©e salle moyenne ou salle des tableaux joyeux, et que la salle sud-est la salle large dite salle des tableaux tristes. Alors que les policiers commençaient Ă  quitter la salle oĂč nous nous trouvions, nous allĂąmes vers l’orateur, prĂšs de mon pĂšre, et nous lui demandĂąmes la permission de visionner les bandes avec lui. Cette proposition ne semblait guĂšre l’enchanter, mais mon pĂšre approuvait cette idĂ©e, et nous pĂ»mes finalement retourner dans la salle de vidĂ©osurveillance. CHAPITRE VIII OÙ JUSTIN REGARDE CE QUI A ÉTÉ OBSERVE — Je dĂ©teste cette odeur de cafĂ©, dit mon pĂšre en entrant dans la petite salle. Hier matin, c’était Robert Pradcaz qui Ă©tait chargĂ© de la vidĂ©osurveillance, et l’aprĂšs-midi, c’était John Degrine, il me semble. Il faudra que je leur dise de nettoyer leurs tasses quand ils quittent leur poste. Le lieutenant n’écoutait absolument pas mon pĂšre. Monsieur le directeur, demanda-t-il, puis-je savoir pourquoi le cadre de la Colombe n’apparaĂźt sur aucune des camĂ©ras ? — C’est fort simple. Les camĂ©ras sont chacune orientĂ©es vers un tableau prĂ©cis, qu’on appelle tableau-cible. Dans la salle du vol, le tableau-cible Ă©tait bien la Colombe, mais lorsque nous avons repeint les murs l’an dernier, nous l’avons dĂ©placĂ©e. — Ah, s’exclama Justin. VoilĂ  pourquoi Ă  cĂŽtĂ© de la Colombe, il y a une zone du mur qui est plus claire. — Oui, confirma mon pĂšre. AprĂšs l’avoir dĂ©placĂ©e, comme la Colombe n’était plus dans l’objectif, plutĂŽt que de bouger la camĂ©ra, nous avons dĂ©placĂ© une sculpture de la salle ronde, qui devenait alors l’Ɠuvre cible. — De quelle sculpture parlez-vous ? demandai-je. Je ne vois aucune statue dans la salle du vol. — Nous l’avons dĂ©placĂ©e, me rĂ©pondit le policier sans me regarder. Pourquoi diable n’y a-t-il aucune camĂ©ra pointĂ©e sur la grille d’entrĂ©e ? C’est pourtant par-lĂ  que le voleur est obligĂ© de passer. — Non, rĂ©pondit Justin. Le voleur peut aussi passer par la fenĂȘtre. Je vous rappelle que le diamĂštre de chaque fenĂȘtre est de quarante-trois centimĂštres. — Mais alors, m’exclamai-je, il a pu entrer par la fenĂȘtre. — Ce serait totalement stupide, dĂ©clara Justin, puisqu’il est nĂ©cessaire de faire sortir le tableau par la porte. Si un voleur possĂšde la clĂ©, il n’a pas besoin de passer par la fenĂȘtre pour entrer. À la rigueur, on pourrait imaginer qu’il soit entrĂ© par la fenĂȘtre, ait dĂ©crochĂ© le tableau, l’ait amenĂ© devant la grille d’entrĂ©e, soit ressorti par la fenĂȘtre, ait ouvert la porte de l’extĂ©rieur et pris le tableau ; ainsi, l’hypothĂšse d’un complice extĂ©rieur serait inutile. Oui, on pourrait imaginer cela, rĂ©pĂ©ta-t-il. Le policier ignorait Justin comme il nous avait ignorĂ© mon pĂšre et moi. Il semblait trop occupĂ© Ă  rembobiner les enregistrements des six camĂ©ras. — Nous allons regarder les enregistrements de la fermeture du musĂ©e Ă  notre arrivĂ©e, c’est-Ă -dire de dix-huit heures Ă  une heure moins le quart, soit six heures quarante-cinq d’enregistrements. C’est exactement le temps qu’il nous reste avant l’arrivĂ©e des visiteurs. Nous pourrions donc le regarder en temps rĂ©el, mais je pense que nous allons plutĂŽt regarder deux ou trois fois plus rapidement. Est-ce que quelqu’un sait comment fonctionnent ces appareils ? Mon pĂšre, d’un Ăąge proche de celui du policier, montra combien il connaissait ces appareils ». En le voyant agir ainsi, un doute m’envahit soudain et si c’était vraiment lui le voleur ? AprĂšs tout, l’assurance pourrait ĂȘtre le mobile, et il est autant suspect que les autres. Est-il capable de se voler pour de l’argent ? Non, bien sĂ»r que non. Je connais mon pĂšre tout de mĂȘme. Et en plus, il y avait cet alibi implacable, alors pourquoi me suis-je inquiĂ©tĂ©e ? Je crois que j’avais tout simplement peur pour mon pĂšre. Le lieutenant et le directeur s’assirent sur les deux chaises et Justin et moi regardions par-dessus leurs Ă©paules. Mon pĂšre appuya sur les boutons lecture puis avancĂ©e rapide. Nous vĂźmes les gardes et le directeur faire leur tour trois fois plus vite que d’habitude. Sur le premier moniteur, on voyait la salle large. Justin fit remarquer le ventilateur qui nous indiquerait s’il y avait eu ou non un arrĂȘt de l’enregistrement. Sur le deuxiĂšme moniteur, on voyait le centre de la salle d’entrĂ©e, ce qui nous permit de dire que cinq personnes diffĂ©rentes s’étaient dirigĂ©es vers la sortie. Mon pĂšre confirma que lui et ses quatre gardes s’étaient attendus dehors pour se souhaiter, comme Ă  l’accoutumĂ©e, une bonne nuit. Le troisiĂšme moniteur Ă©tait reliĂ© Ă  la camĂ©ra de la salle ronde. Avait-il un autre intĂ©rĂȘt que nous donner l’heure d’enregistrement, en montrant une horloge ? Le quatriĂšme nous montrait le mur extĂ©rieur de cette salle, et on put voir sortir de la salle moyenne deux gardes qui semblaient courir. Ces deux personnes avaient Ă©galement Ă©tĂ© filmĂ©es par la cinquiĂšme camĂ©ra. Enfin, la sixiĂšme camĂ©ra, comme nous l’avons dĂ©jĂ  dit, Ă©tait orientĂ©e vers une statue. Comme le temps paraissait court sur le troisiĂšme moniteur ! Il Ă©tait maintenant dix-sept heures cinquante-huit, et on vit rĂ©apparaĂźtre sur le premier Ă©cran mon pĂšre dans la salle large. Il se dirigeait vers la salle oĂč nous nous trouvions actuellement et fut observĂ© par la deuxiĂšme camĂ©ra. Soudain, les lumiĂšres s’étaient Ă©teintes, et les camĂ©ras Ă©clairaient les tableaux ciblĂ©s. — En effet, votre systĂšme est vĂ©tuste, se moqua le lieutenant. Pourquoi n’installez-vous pas des camĂ©ras Ă  infrarouges ? Mon pĂšre rĂ©pondit que l’argent lui manquait, mais qu’il y songeait en fait, il y a rĂ©ellement songĂ© trois ans plus tard, en mai 1995. Sur le deuxiĂšme moniteur, nous vĂźmes mon pĂšre sortir du musĂ©e. Il nous dit alors que ses gardes l’attendaient prĂšs du bĂątiment en face du musĂ©e, Ă  l’abri du vent froid, et Ă©tait prĂȘt Ă  nous jurer que personne n’était restĂ© au musĂ©e. Justin continuait Ă  fixer le deuxiĂšme moniteur, probablement pour vĂ©rifier que personne n’est entrĂ© par la suite. Nous restĂąmes encore un quart d’heure dans la salle aux odeurs de cafĂ©, et nous pĂ»mes voir que rien n’avait bougĂ© jusqu’à dix-huit heures trente. Le lieutenant alla chercher trois de ses hommes et leur demanda de continuer Ă  visionner les enregistrements jusqu’à minuit quarante-cinq et de relever tout ce qui semblerait anormal. Il leur prĂ©cisa la prĂ©sence de l’horloge sur le troisiĂšme moniteur et du ventilateur sur le premier. Justin hĂ©sitait Ă  suivre le lieutenant dans la salle d’entrĂ©e pour attendre les quatre gardes, mais il se dit que les interrogatoires pourraient ĂȘtre intĂ©ressants. C’est alors qu’il nous surprit encore en demandant si les anciens gardes avaient Ă©tĂ© contactĂ©s eux aussi. — C’est vrai, monsieur Doury, s’exclama le policier. J’ai oubliĂ© de vous demander si vous aviez des problĂšmes avec votre personnel rĂ©cemment. — Aucun, rĂ©pondit le directeur avec assurance. Il n’y a pas d’anciens gardes, Justin. Depuis huit ans, ce sont messieurs Erosi, Degrine, Gano et Pradcaz qui sont Ă  ce poste. Le lieutenant Bourdon venait encore de nous prouver qu’il savait ignorer les gens. Il ne voulait en aucun cas montrer que Justin lui Ă©tait utile, et il avait fait semblant de poser une autre question. De toute maniĂšre, il Ă©tait certain que mon pĂšre rĂ©pondrait Ă  son futur gendre, et il avait raison. Toujours pour montrer que c’était lui qui dirigeait, il invita tout le monde Ă  sortir de la salle de vidĂ©osurveillance, pour ne pas perturber l’enquĂȘte. » CHAPITRE IX OÙ LE LIEUTENANT ET JUSTIN ACCUEILLENT LES GARDES Nous Ă©tions une nouvelle fois revenus dans la salle d’entrĂ©e. Deux gardes, John Degrine et Robert Pradcaz, Ă©taient arrivĂ©s et ne semblaient pas avoir Ă©tĂ© mis au courant de l’affaire par les policiers chargĂ©s de les accueillir. Le lieutenant se dirigea vers eux et leur demanda froidement d’attendre. Mon pĂšre, Justin et moi rĂ©flĂ©chissions ensemble sur les Ă©vĂ©nements de cette nuit et sceptiques, nous arrivĂąmes Ă  la conclusion suivante le tableau ne sera pas retrouvĂ© si le voleur ne se dĂ©voile pas. Les quatre gardes Ă©taient maintenant rĂ©unis dans la salle d’entrĂ©e, avec cinq policiers, le lieutenant Bourdon, le directeur, Justin et moi. C’est encore le lieutenant, devenu le maĂźtre des lieux, qui prit la parole. Si je me rappelle mot pour mot sa dĂ©claration, ainsi que celle qui suivra, c’est grĂące au magnĂ©tophone que Justin utilisait d’habitude pour ses cours et qu’il me fit voir Ă  la fin de l’affaire. — Je demande votre attention, s’il vous plaĂźt. Par cette simple phrase, le policier fit taire les interrogations des gardes. Tous attendaient impatiemment qu’il rĂ©vĂšle pourquoi il les avait rĂ©unis. En effet, officiellement, ils Ă©taient contactĂ©s pour rĂ©soudre la disparition d’un garde, et ils voyaient bien qu’il n’en manquait aucun. — Je vous ai menti, continua-t-il. Vous n’ĂȘtes pas venus pour la disparition d’un garde, mais pour la disparition d’une colombe. Je vais tĂącher de vous rĂ©sumer rapidement l’affaire. — Vous voulez dire que le tableau reprĂ©sentant une colombe a Ă©tĂ© enlevĂ© ? demanda Hermann Erosi. — Oui, rĂ©pondit simplement le lieutenant. On sait que vous avez quittĂ© le musĂ©e Ă  dix-huit heures et que vous avez vĂ©rifiĂ© que personne ne s’y trouvait. À minuit trente, le cĂąble d’une camĂ©ra a Ă©tĂ© arrachĂ©, probablement par l’explosion d’une petite dose de nitroglycĂ©rine. Quand nous sommes arrivĂ©s, un quart d’heure plus tard, la Colombe Ă©tait volĂ©e. Le problĂšme vient de la sĂ©curitĂ© nous pensons que le tableau est sorti par la porte, porte qui ne peut s’ouvrir que de l’extĂ©rieur quand l’alarme est en fonctionnement. Et nous savons Ă©galement que pour ouvrir une porte, une clĂ© est nĂ©cessaire. Ici, un code est aussi nĂ©cessaire, et ĂȘtre en possession des deux est assez difficile pour un Ă©tranger. Le cynisme du policier me choquait il Ă©tait en train d’annoncer Ă  cinq personnes qu’ils Ă©taient les principaux suspects, et il le faisait sur le ton de la plaisanterie. J’éprouvais de plus en plus d’antipathie pour cet homme arrogant. Et je n’étais pas seule. — Et si le voleur n’avait pas le code ? demanda Justin froidement, en s’avançant face au lieutenant. Imaginez qu’il possĂšde uniquement la clĂ©, et qu’il soit restĂ© cachĂ© dans le musĂ©e. Il vole le tableau en Ă©vitant les camĂ©ras — ce qui est possible, je l’ai essayĂ© —, puis le dĂ©pose prĂšs de l’entrĂ©e, sort par une fenĂȘtre, va ouvrir la porte, prend le tableau, referme la porte, et avant que l’alarme ne se mette en route parce qu’il n’a pas composĂ© le code, il dĂ©sactive une camĂ©ra. Et nous savons Ă©galement qu’une clĂ© peut ĂȘtre facilement copiĂ©e, surtout si elle se trouve dans la mĂȘme salle tous les jours. — Je reconnais bien lĂ  la suprĂȘme intelligence des dĂ©butants, fit le lieutenant avec dĂ©dain. Sachez monsieur que sans preuve, ça ne vole pas haut ! — Au moins, ça vole, rĂ©pliqua Justin. — M. Zafiro, dit l’homme vexĂ©. Vous oubliez que c’est moi qui mĂšne l’enquĂȘte et que vous n’avez strictement rien Ă  faire ici. Vous n’ĂȘtes qu’un jeune importun qui essaie de prouver qu’il peut faire mieux que les autres. C’est facile d’élaborer des hypothĂšses, mais ce n’est pas une mĂ©thode efficace. C’est pire mĂȘme vous ĂȘtes en train de modeler les indices pour vĂ©rifier que vous avez raison, alors que ce sont les indices qui doivent vous apporter la rĂ©ponse. — Quels indices ? demanda Justin avec une ironique naĂŻvetĂ©. — Le systĂšme de sĂ©curitĂ© nous indique que le voleur est passĂ© par la porte, rĂ©pondit le policier fiĂšrement. Mais je ne vous en veux pas, ce n’est pas votre mĂ©tier. — Est-ce rĂ©ellement le vĂŽtre ? murmura Justin. — DĂ©sormais, rĂ©pondit le lieutenant offensĂ© quelques secondes aprĂšs cette derniĂšre rĂ©partie, j’aimerais que vous restiez en dehors de l’enquĂȘte et que vous laissiez faire les vrais professionnels. Maintenant, si vous voulez prouver que ces hommes ne sont pas impliquĂ©s, je vous laisse quand mĂȘme la possibilitĂ© d’enquĂȘter. Vous voyez, je suis bon prince. Mais vous pouvez Ă©galement compter sur moi pour dĂ©masquer le voleur que vous essaierez de dĂ©fendre, jeune idiot. — Dans ce cas, laissez-moi assister aux interrogatoires, proposa Justin. Je prouverai que le voleur vient de l’extĂ©rieur, et je dĂ©fendrai l’innocent que vous essaierez d’accuser. — Si c’est pour me gĂȘner
 — Je ne vous gĂȘnerai plus, coupa Justin. Et j’essaierai d’appliquer votre mĂ©thode, celle d’un vrai policier, ajouta-t-il, non sans une certaine ironie. Cette derniĂšre remarque plaisait visiblement au lieutenant, qui croyait avoir gagnĂ© ce petit duel verbal. Il fit semblant de rĂ©flĂ©chir, et rĂ©pondit finalement que les Ă©loges ne le touchaient guĂšre, et que s’il pouvait aider un jeune homme Ă  se rendre compte de ses erreurs, il ne voyait pas pourquoi il refuserait. – TROISIÈME PARTIE — – INTERROGATOIRES — CHAPITRE X OU JOHN DEGRINE EST INTERROGE Le lieutenant Bourdon, deux de ses hommes, Justin et moi Ă©tions rĂ©unis dans la salle ronde, devenue la salle des interrogatoires. Le lieutenant demanda qu’on lui apporte un banc et une chaise. Sur le banc s’assirent de gauche Ă  droite les policiers, M. Bourdon, Justin et moi. Deux personnes — est-il nĂ©cessaire de prĂ©ciser ? — sortirent un calepin. Le lieutenant nota le nom des quatre gardes, et dĂ©clara qu’il les ferait venir par ordre alphabĂ©tique. Justin regarda comment son voisin avait orthographiĂ© les noms, et lui demanda s’il Ă©tait sĂ»r qu’ils s’écrivaient ainsi. — Voyons, M. Zafiro, ça n’a aucune importance. C’est du perfectionnisme dĂ©placĂ©. Mais oui, j’ai demandĂ© Ă  M. Doury d’épeler les noms, et ils s’écrivent ainsi. Justin rectifia sur ses notes tandis qu’un policier alla chercher le premier garde. — M. John Degrine ? demanda le lieutenant. — Oui, c’est moi, rĂ©pondit le garde. — Asseyez-vous ! L’homme assis face Ă  nous sur la chaise devait avoir une quarantaine d’annĂ©es. Ses cheveux bruns grisonnaient lĂ©gĂšrement, comme beaucoup de monde dans ce musĂ©e, et sa moustache Ă©tait Ă©paisse. Il portait une chemise marron Ă  carreaux et un jean bleu clair, mais pas de montre. Ses mains semblaient indiquer qu’il avait l’habitude de travailler la terre. Il paraissait assez inquiet, mais Ă  premiĂšre vue, je ne pensais pas qu’il Ă©tait coupable. Le lieutenant aurait probablement hurlĂ© s’il savait que je me fiais Ă  une simple impression physique
 — Que faisiez-vous hier soir, entre dix-huit heures et minuit trente ? — Quand j’ai quittĂ© le musĂ©e Ă  dix-huit heures, je suis allĂ© acheter un litre de lait et deux escalopes de dinde, comme me l’avait demandĂ© ma femme le matin. Je suis rentrĂ© chez moi, vers dix-huit heures trente, puis j’ai fait le repas tandis que Camille, ma femme, nourrissait le petit dernier. Ensuite, nous avons regardĂ© le journal tĂ©lĂ©visĂ© puis un dessin animĂ© avec l’aĂźnĂ©. Nous avons dormi vers vingt-deux heures trente environ, jusqu’à ce que vous nous rĂ©veilliez, il y a une heure. — Bien, fit le voisin de Justin. Et quand vous avez fait le tour du musĂ©e, avez-vous remarquĂ© quelque chose d’inhabituel ? — Non, rĂ©pondit sans rĂ©flĂ©chir l’interrogĂ©. Cela fait douze ans que je travaille dans ce musĂ©e, et jamais personne n’est restĂ© cachĂ© aprĂšs la fermeture. Nous faisons notre tour chaque soir, mais nous pourrions nous en passer. Enfin, il faut tout de mĂȘme ĂȘtre prudent
 — Bien sĂ»r, interrompit l’interrogateur. À tout hasard, connaissez-vous le prix du tableau volĂ© ? — Ça dĂ©passe mes compĂ©tences. Moi je les surveille, pour le prix, il faudrait demander ça Ă  M. Doury. — D’accord, mais est-ce le tableau le plus cher du musĂ©e Ă  votre avis ? persĂ©vĂ©ra le lieutenant. — Oh ! s’exclama M. Degrine. Peut-ĂȘtre, mais je ne pense pas. Moi, l’art, vous savez
 C’était un des plus grands tableaux du musĂ©e, il me semble. AprĂšs, est-ce que ça signifie que c’est le plus cher ? — Est-ce que M. Doury se serait fĂąchĂ© avec un de vous rĂ©cemment ? demanda le policier mĂ©thodique. — Non, et je rajouterai qu’il ne s’est jamais fĂąchĂ© avec l’un de nous. C’est probablement l’homme le plus calme que je connaisse. Mademoiselle Doury pourra d’ailleurs vous le confirmer. — En effet, affirmai-je, il est impossible de l’énerver. Je crois l’avoir vu cinq ou six fois en colĂšre en vingt-quatre ans, et ce n’était jamais pour rien. — Avez-vous des problĂšmes financiers ? continua le policier imperturbable. — Qui n’en a pas ? demanda le garde. Si vous voulez me demander si j’ai volĂ© le tableau, faites-le, mais ne tournez pas ainsi autour du pot. C’est agaçant Ă  la fin. J’étais impressionnĂ©e par ce changement brutal le garde timide venait d’agresser le lieutenant Bourdon. Je restais bouche bĂ©e et je me rendis compte que ce n’était pas le cas de l’agressĂ©, qui semblait avoir atteint son but. Il voulait en effet, comme il nous le dit plus tard, rĂ©vĂ©ler la vĂ©ritable identitĂ© de chacun. — Bien, merci, dit le policier le plus simplement du monde. Pouvez-vous faire venir M. Erosi, s’il vous plaĂźt ? John Degrine se dirigeait vers la porte quand Justin lui demanda comment Ă©taient habillĂ©s ses collĂšgues et M. Doury ce soir-lĂ . Nous Ă©tions tous abasourdis par cette question, moi la premiĂšre. Le lieutenant cherchait Ă  comprendre pourquoi Justin demandait cela, mais il ne le dĂ©couvrit pas. — Nous autres, rĂ©pondit le garde, nous Ă©tions habillĂ©s en vert, le costume du musĂ©e. Quant Ă  M. le directeur, je n’en ai pas la moindre idĂ©e. Je ne remarque jamais comment sont habillĂ©s les gens. Mais je pense qu’il ne s’est pas changĂ©, et qu’il portait les mĂȘmes vĂȘtements qu’il porte maintenant. — Je vous remercie, dit Justin. — Puis-je sortir ? demanda M. Degrine. — Oui, et appelez M. Erosi, rĂ©pĂ©ta le lieutenant Bourdon. CHAPITRE XI OU HERMANN EROSI PASSE AUX AVEUX Le deuxiĂšme garde Ă©tait physiquement trĂšs diffĂ©rent du premier ses cheveux Ă©taient gris et bouclĂ©s, son visage Ă©tait plus rond, et le personnage Ă©tait bien plus corpulent. Ses sourcils Ă©pais n’égayaient pas ses petits yeux sombres, et les rides de son visage crispĂ© montraient qu’il Ă©tait inquiet. Si John Degrine ne me semblait pas pouvoir ĂȘtre le voleur, c’était tout Ă  fait diffĂ©rent pour cet homme. Et ce n’est pas en entendant le son de sa voix gutturale que j’aurai changĂ© d’avis. — Bonsoir, dit-il de sa voix enrouĂ©e. Qu’attendez-vous de moi exactement ? — Que vous avouiez, rĂ©pondit le lieutenant Bourdon. Je reconnais qu’une fois encore, j’étais surprise par le policier. D’accord, il voulait dĂ©couvrir la vraie identitĂ© de chacun, et il avait rĂ©ussi Ă  nous montrer que M. Degrine n’était pas aussi timide qu’il y paraissait, mais lĂ  qu’attendait-il ? Des aveux complets se font rarement aussi rapidement, mĂȘme dans les plus mauvais films. — Alors, vous vous en ĂȘtes rendu compte, murmura le garde pensif. Justin releva la tĂȘte qu’il gardait plongĂ©e dans son calepin, et je fus soudain soulagĂ©e de ne pas ĂȘtre la seule Ă  ne pas comprendre ce qui se passait. Étions-nous dans un mauvais film ? Les deux policiers et leur supĂ©rieur semblaient eux aussi surpris, et le lieutenant incita le garde Ă  continuer. Nous attendions tous attentivement et impatiemment la suite de ces dĂ©clarations. — Il y a une semaine, commença-t-il, j’ai eu un accident de voiture. Pas grave, non ; mais pas remboursĂ© non plus. Tout ça parce que je n’ai pas pu rĂ©gler l’assurance Ă  temps. Comprenez-vous maintenant pourquoi lundi, avant-hier, j’ai empruntĂ© Ă  M. Doury mille francs ? Il fallait que je rĂ©pare ma voiture je ne pouvais plus continuer Ă  venir travailler Ă  pied. — Pardon ? demanda le lieutenant Bourdon qui ne voyait pas non plus de quoi parlait Hermann Erosi. Vous voulez dire que vous avez volĂ© votre patron ? — Je suis dĂ©solĂ© de ne pas avoir trouvĂ© d’autre crĂ©ancier, continua le garde, mais ma femme ne voulait pas qu’on demande. Elle m’a dit que nous la ferions rĂ©parer au dĂ©but du mois, en touchant un peu aux Ă©conomies. De toute façon, j’allai rembourser M. Doury. Qui paie ses dettes s’enrichit
 C’était mon pĂšre qui disait ça. Nous Ă©tions tous déçus de ces rĂ©vĂ©lations, le lieutenant le premier. Il s’attendait Ă  ce que l’affaire soit bouclĂ©e en une dizaine de minutes, et il se retrouvait maintenant avec un nouveau vol sur les bras. Ce musĂ©e allait lui gĂącher sa nuit, voire sa semaine. Je crois que comme moi, il pensait que Hermann Erosi ne mentait pas en effet, ses phrases Ă©taient tellement confuses qu’il Ă©tait Ă©vident qu’il n’avait pas prĂ©parĂ© sa dĂ©fense. Justin se replongea dans ses notes, et il me sembla le voir sourire. Avait-il dĂ©couvert quelque chose que la police ignorait ? Celui qui brisa le silence de quelques secondes qui suivit les aveux fut le lieutenant, annonçant qu’il n’en avait rien Ă  faire, et qu’il faudrait rĂ©gler ceci aprĂšs. — M. Doury s’occupera de vous, continua le policier. AprĂšs tout, s’il accepte de vous prĂȘter cet argent, je ne vois pas pourquoi je vous poursuivrais. Je n’ai pas envie de combler mon bureau de papiers inutiles en une nuit ; j’ai dĂ©jĂ  assez de mal Ă  le vider comme ça. Mais revenons Ă  ce qui me prĂ©occupe. Qui soupçonnez-vous ? Qui a volĂ© le tableau de la Colombe, d’aprĂšs vous ? DĂ©cidĂ©ment, la surprise Ă©tait la spĂ©cialitĂ© de cet enquĂȘteur. Finalement, je ne regrettais pas d’assister Ă  ces interrogatoires. — Je n’en sais rien, moi, s’exclama M. Erosi. Tout ce que je sais, c’est que ce n’est pas moi. D’ailleurs, si j’avais volĂ© le tableau, pourquoi m’encombrer de mille francs ? Je suis quasiment certain qu’une toile comme celle-ci doit valoir dans les trois ou quatre mille. Un sourire narquois du lieutenant laissait entrevoir la modestie de la somme annoncĂ©e. Apparemment, ce tableau valait une petite fortune. — Vous devez soupçonner quelqu’un plus que les autres, non ? demanda M. Bourdon. Quelqu’un qui se serait rĂ©cemment brouillĂ© avec son patron, par exemple. On m’a appris que le
 — Je ne sais pas d’oĂč vous tenez vos informations, coupa net le garde. Moi, je ne suis au courant de rien. Personne ne peut se fĂącher avec un homme aussi calme et aimable que M. Doury. — TrĂšs bien, fit le lieutenant. Au fait, quel est votre alibi pour cette nuit, entre dix-huit heures et minuit trente ? — Je suis allĂ© faire le plein d’essence, puis je suis rentrĂ© chez moi. Pendant que je faisais le repas, ma femme s’occupait d’appeler notre fils Ă  Lille. Ensuite, nous sommes allĂ©s nous coucher. Je ne pense pas que ce soit un alibi valable. — Vous n’avez pas regardĂ© la tĂ©lĂ© ? demanda le lieutenant. Avec un peu de chance, vous pourriez nous raconter un tĂ©lĂ©film inĂ©dit. — Je n’aime pas la regarder seul. — Et votre femme ? demanda le policier consternĂ©. — On voit que vous ne la connaissez pas quand elle appelle son fils
 — Bien M. Erosi, je crois que vous pouvez sortir. Le lieutenant s’était retournĂ© vers Justin qui comprit qu’il avait le droit de poser une question s’il le dĂ©sirait. Cette fois, elle ne surprit plus que l’interrogĂ© Vous rappelez-vous les vĂȘtements que vous portiez, vous, vos collĂšgues et M. Doury, quand vous ĂȘtes sortis du musĂ©e ? » — Nous quatre, nous portions le costume vert du musĂ©e, rĂ©pondit Hermann Erosi. M. le directeur, lui, portait un pantalon noir, il me semble. Je ne crois pas qu’il portait la mĂȘme chemise jaune qu’il porte actuellement. Enfin, je ne sais plus trĂšs bien. Il faudrait lui demander. Le lieutenant le remercia et lui demanda de faire venir Hans Gano. Entre les deux interrogatoires, il demanda Ă  Justin s’il posait toujours la mĂȘme question pour savoir si le directeur s’était rĂ©ellement changĂ© dans sa voiture avant d’aller chez ses amis ou s’il s’était changĂ© au musĂ©e. Mon voisin rĂ©pondit qu’il ne doutait absolument pas de l’alibi de M. Doury et que son intĂ©rĂȘt Ă©tait tout autre. Puis il se pencha Ă  mon oreille et murmura Donc le lieutenant est au courant de l’indiscutable alibi de ton pĂšre. » Ce qui ne m’indiquait toujours pas le but de sa question
 CHAPITRE XII OÙ HANS GANO SE DÉFEND Le troisiĂšme garde Ă©tait incroyablement calme, un placide zĂ©phyr dans la folle tempĂȘte qui se dĂ©clenchait. Alors que les autres avaient dans leur comportement des gestes montrant leur apprĂ©hension, on pouvait affirmer que M. Gano se savait innocent. LĂ  encore, mes suppositions auraient mis le lieutenant Bourdon dans tous ses Ă©tats si je lui en avais fait part. Cet homme tenait sous son bras l’uniforme du musĂ©e, ce qu’il avait justifiĂ© en disant lors de son arrivĂ©e que l’homme disparu ne pouvait pas possĂ©der son costume vert, puisque c’était lui qui le portait. Ce dĂ©tail me fit penser que ce garde rĂ©flĂ©chissait plus que les autres, du moins, Ă  deux heures du matin. Par contre, ses chaussures de sport bleues, associĂ©es Ă  son pantalon crĂšme, Ă  sa chemise noire et Ă  la rousseur de ses cheveux, me laissaient penser qu’il n’avait aucun goĂ»t vestimentaire du moins, Ă  deux heures du matin !. Comme il voyait que le garde demeurait impassible, le lieutenant essaya de le dĂ©stabiliser en ne parlant pas. Mais Hans Gano faisait de mĂȘme, et le policier dut se rĂ©signer Ă  parler le premier. — Pouvez-vous me dire oĂč vous Ă©tiez cette nuit, entre dix-huit heures et deux heures ? demanda-t-il Ă©nervĂ©. — Bonsoir, rĂ©pondit malicieusement le garde. J’étais invitĂ© Ă  dĂźner pour l’anniversaire de mon beau-frĂšre, Ă  partir de dix-neuf heures. La fĂȘte a fini vers une heure. Ma femme pourra en tĂ©moigner, ainsi qu’une dizaine de personnes. J’ai aidĂ© Ă  faire la vaisselle ensuite, puis j’ai entendu le tĂ©lĂ©phone sonner tandis que j’ouvrais la porte d’entrĂ©e en rentrant chez moi. — Et entre dix-huit et dix-neuf heures ? demanda le policier, dĂ©cidĂ© Ă  coincer M. Gano Ă  tout prix. — Vous pouvez remarquer que mon costume n’est pas celui du musĂ©e. Et comme je viens de vous dire que je n’ai pas eu le temps de me changer aprĂšs votre coup de fil, je vous laisse deviner comment j’ai mis Ă  profit cette heure. — Ne jouez pas au malin, ordonna le lieutenant Ă©nervĂ©. Avez-vous une raison de penser que quelqu’un est plus suspect qu’un autre ? On m’a dit que vous aviez des problĂšmes d’argent. C’est plutĂŽt un bon mobile. — Personne ne vous a dit ça, mais c’était bien tentĂ© quand mĂȘme, dĂ©clara le garde. Je n’ai aucun problĂšme financier. Hermann, John, Robert et moi, nous nous connaissons tous trĂšs bien, et nous savons par exemple que ce n’est pas moi qui aie le plus de souci avec ma banque. Ceci Ă©tant dit, je pense que le coupable n’est pas parmi nous. Si c’était le cas, je le saurais et M. Doury aussi. — Justement, qui vous dit que M. Doury n’est pas coupable ? poursuivit l’enquĂȘteur. — Qui vous dit qu’il est coupable ? Qui nous dit que vous n’ĂȘtes pas le voleur, appuyĂ© par la complicitĂ© de vos sept ou huit policiers ? demanda sur une voix monocorde le serein Hans Gano. — S’il avait Ă©tĂ© le coupable, M. Bourdon ne serait sĂ»rement pas en train de s’obstiner Ă  chercher un coupable prĂ©sent au musĂ©e, mais il aurait dĂ©jĂ  annoncĂ© que le voleur Ă©tait parti. De plus, je pense pouvoir affirmer sans me tromper que vous aviez plus de facilitĂ© que lui pour reproduire la clĂ© de la grille d’entrĂ©e. Enfin, le lieutenant Bourdon ne s’intĂ©resse absolument pas Ă  l’art, alors que le voleur si. Je fus surprise de voir que Justin venait de dĂ©fendre le policier qu’il semblait trouver prĂ©tentieux tout Ă  l’heure dans la salle d’entrĂ©e. Pourquoi ce soudain revirement ? Est-ce qu’il pensait qu’Hans Gano avait quelque chose Ă  nous cacher ? — Qu’est-ce qui vous fait dire que le voleur s’intĂ©resse Ă  la peinture ? demanda le policier situĂ© Ă  gauche du banc, qui dit alors son premier mot depuis son entrĂ©e dans la salle ronde. — Disons que s’il s’intĂ©ressait seulement Ă  l’argent, le voleur aurait sĂ»rement prĂ©fĂ©rĂ© sortir les huit tableaux qui sont assez petits pour passer par une fenĂȘtre, et ne se serait pas ennuyĂ© avec un qui ne peut sortir que par la porte. — Je vous en prie, messieurs, murmura le lieutenant. J’aimerais qu’on achĂšve cet interrogatoire assez rapidement. Monsieur Gano, pouvez-vous me dire les vĂȘtements que chacun de vous portait en quittant le musĂ©e ? Justin se tourna vers son voisin et sourit. — Les gardes rentrent chez eux avec le costume vert, parce que nous n’avons pas de local pour nous changer. Quant Ă  M. Doury, je crois qu’il avait la mĂȘme chemise qu’actuellement, avec un jean bleu. À moins que je ne me trompe. Demandez-lui, ce sera plus sĂ»r. — Je vous remercie. Vous pouvez aller appeler le dernier garde, M. Pradcaz. Alors que Hans se dirigeait vers la sortie, le lieutenant le rappela Pour tout Ă  l’heure, veuillez m’excuser, M. Gano. AprĂšs tout, il faut me comprendre, j’ai eu une journĂ©e difficile, et la nuit s’annonce pareil. En fait, je croyais que vous vous Ă©tiez changĂ©s avant de venir ici. Oui, mĂȘme si vous ĂȘtes trĂšs bien habillĂ©, je ne pensais pas qu’on pouvait aller Ă  une fĂȘte avec des baskets bleues. » Je ne pus m’empĂȘcher de sourire Ă  la remarque de M. Bourdon. Le garde sortit sans rĂ©pliquer, et je profitais de l’atmosphĂšre dĂ©tendue pour faire remarquer que les trois gardes que nous avions vus aidaient leurs femmes en faisant le repas ou la vaisselle. Le machisme du lieutenant allait se rĂ©veiller quand arriva mon pĂšre. CHAPITRE XIII OU LE DIRECTEUR PASSE AUSSI UN INTERROGATOIRE — Je suis venu vous remercier de ne pas avoir retenu mon garde, M. Erosi, pour son vol. — Ce n’est rien, dĂ©clara le lieutenant. S’il n’en tenait qu’à moi, il serait dĂ©jĂ  derriĂšre de solides barreaux, mais je n’ai pas le temps ce soir de m’occuper de papiers inutiles. Comptez sur moi pour le surveiller quand j’en aurais fini avec cette Colombe. — Mais, bĂ©gaya mon pĂšre, mais je croyais que vous alliez le laisser tranquille, puisque je ne porte pas plainte. — Plainte ou pas, la loi est la mĂȘme pour tous, dit le policier dont le regard devenait avide. Il est Ă©vident que je ne l’accuserai pas de vous avoir volĂ©, chose que vous nierez trĂšs probablement ; mais je conserverai son nom dans un petit carnet, et je n’hĂ©siterai pas Ă  le faire tomber pour n’importe quoi. — C’est immonde, clamai-je. Vous ĂȘtes encore pire que je ne le croyais. Ce pauvre homme avait besoin d’argent, et il l’a simplement empruntĂ©. À sa place
 — Je ne supporte pas les petits voleurs qui, lorsqu’ils sont pris sur le fait, se repentent et disent que ce n’était qu’un emprunt, me rĂ©pondit le lieutenant en gardant le sang-froid que j’avais perdu. Maintenant, si votre ami arrĂȘtait de faire craquer ses doigts, nous pourrions peut-ĂȘtre poursuivre cette affaire. Je ne comprenais pas ce qu’il avait contre Justin mĂȘme si moi aussi il m’énervait, ce n’était pas une raison pour ĂȘtre si agressif. Justin n’accepta pas et demanda au policier, avec une hargne que je ne lui connaissais pas, s’il allait vraiment trouver un coupable en demandant Ă  chacun d’avouer leurs problĂšmes financiers. Ironique, le lieutenant rĂ©pondit que l’habit des personnes qui sont sorties Ă  dix-huit heures Ă©tait sĂ»rement d’une importance capitale. — Pourrais-je interroger Ă  nouveau les gardes quand vous en aurez fini ? rĂ©clama le jeune homme. — Certainement pas, rĂ©pondit le lieutenant avec un sourire bĂ©at. C’est moi qui rĂ©unirais les gardes et M. Doury aprĂšs cet interrogatoire individuel. Je tiens Ă  leur demander Ă  tous certaines choses qui pourraient bien faire avancer l’enquĂȘte. Enfin, pas sur le plan vestimentaire malheureusement. — Ainsi, vous croyez que cette question n’a aucun sous-entendu, marmonna Justin. Le policier Ă©tait incapable de rĂ©pondre quoi que ce soit, et il se retourna donc sur mon pĂšre qui attendait bouche bĂ©e sur le seuil de la porte. — Bien. M. Doury, puisque vous ĂȘtes lĂ , je vais pouvoir vous poser quelques questions. — Je vois que vous vous obstinez dans votre impasse, relança Justin plus insolent que jamais. Mais ce n’est pas grave puisque, aprĂšs tout, je ne suis pas obligĂ© d’écouter ces sornettes. Il se leva et je le suivis. AprĂšs un sarcastique Ă  tout Ă  l’heure, messieurs », nous sortĂźmes. Je voulus lui demander pourquoi il s’était Ă©nervĂ©, mais il parla le premier et demanda si je ne pouvais pas aller voir dans la salle de vidĂ©osurveillance oĂč en Ă©tait l’enquĂȘte, pendant que lui irait voir dans la salle large si de nouveaux indices avaient Ă©tĂ© dĂ©couverts. Nous nous sĂ©parĂąmes alors et je me rendis dans la salle que Justin m’avait indiquĂ©e. Les policiers dans cette salle Ă©taient tous trois trĂšs attentifs aux petits dĂ©tails qui titillaient leurs yeux, trois fois plus vite qu’en rĂ©alitĂ©. Je leur demandai s’ils avaient remarquĂ© quelque chose d’étrange, mais ils me rĂ©pondirent que rien n’avait eu lieu entre dix-huit heures trente et vingt heures quinze. Je jetai un rapide coup d’Ɠil sur l’ensemble des six moniteurs avant de ressortir. Je vis Justin sortir de la salle des tableaux tristes, et de son regard pensif, je dĂ©duis avec justesse que l’enquĂȘte n’avançait pas non plus de ce cĂŽtĂ©-ci. Nous Ă©tions en train de nous raconter ce que nous avaient appris les hommes du lieutenant quand nous vĂźmes mon pĂšre sortir de la salle ronde. Il demanda Ă  Robert Pradcaz d’aller voir M. Bourdon, puis il vint nous exposer son interrogatoire dans les moindres dĂ©tails. — Le lieutenant m’a d’abord demandĂ© si je savais quelque chose Ă  propos de mes gardes. Je lui ai bien Ă©videmment rĂ©pondu que non, et j’ai ajoutĂ© que je rĂ©pondais d’eux comme de moi-mĂȘme. Le genre de phrase que l’on dit Ă  la police pour disculper quelqu’un. Ensuite, c’est Ă  moi qu’il s’est attaquĂ©, en me demandant si j’avais des problĂšmes financiers, ou si le musĂ©e attirait moins de monde. J’ai continuĂ© Ă  nier, mais le policier qui Ă©tait Ă  sa gauche a sorti les rentrĂ©es d’argent des trois derniers mois, sur ordre de son supĂ©rieur bien entendu. Je ne comprends toujours pas comment ils ont pu se permettre de fouiller dans l’armoire de la salle de vidĂ©osurveillance pour trouver le dossier ! Enfin, toujours est-il que maintenant, ils sont convaincus que nous Ă©tions dans une mauvaise passe et que ce vol arrive au bon moment. — Et ce n’est pas le cas, n’est-ce pas ? demandai-je. — J’aimerais te dire que non, chĂ©rie, me rĂ©pondit mon pĂšre confus. Mais je ne peux pas, le musĂ©e connaĂźt effectivement une pĂ©riode difficile. — Alors, tu
 commençai-je — Non, m’interrompit-il, je n’ai rien Ă  voir dans cette histoire. Je serai incapable d’une chose pareille. De toute façon, si j’avais volĂ© une Ɠuvre Ă  chaque fois que nous enregistrons une baisse des entrĂ©es, il ne resterait plus que les murs Ă  visiter. — Le lieutenant vous a-t-il demandĂ© autre chose ? demanda Justin. — Il m’a Ă©galement demandĂ© oĂč je suis allĂ© aprĂšs dix-huit heures, et je lui ai rĂ©pĂ©tĂ© que je suis allĂ© dĂźner avec ma femme chez les Hubert, de dix-huit heures quinze Ă  minuit. — Tu nous l’avais dĂ©jĂ  affirmĂ© tout Ă  l’heure, rĂ©torquai-je. — Vous l’aviez donc dĂ©jĂ  dit au lieutenant ? demanda Justin. — Oui, avant mĂȘme que vous n’arriviez. Et lĂ , quand je lui ai affirmĂ© que je ne pouvais pas ĂȘtre le voleur, il m’a rĂ©pondu sĂšchement que ce n’était pas une preuve, ajouta mon pĂšre soucieux. — C’est Ă©trange, marmonna le jeune homme en se rongeant les ongles. Je ne vois pas oĂč il veut en venir votre innocence est tellement flagrante que mĂȘme un homme aussi teigneux que le lieutenant Bourdon devrait se rendre Ă  l’évidence et vous disculper d’office. Si vous voulez mon avis, il sait que vous n’ĂȘtes pas coupable, mais il croit que vous connaissez le voleur. Il essaie de vous intimider pour que vous lui rĂ©vĂ©liez le nom du cambrioleur. Enfin, il ajouta un aphorisme qu’il venait probablement d’inventer Avec peu d’élĂ©ments, on ne peut obtenir que peu de matiĂšre. » J’allais rire du ridicule qui Ă©manait de cette maxime et du sĂ©rieux du jeune homme, mais je me retins afin de ne pas le vexer. Il faut Ă©galement que je vous dise que Justin n’aime pas trop quand on se moque de sa vanitĂ©, et il se dĂ©clare volontiers, et bien souvent Ă  tort, modeste. J’espĂšre qu’en lisant ceci, il ne m’en voudra pas et comprendra que je ne peux pas donner un portrait idĂ©alisĂ© de lui. AprĂšs tout, ce sont aussi ses dĂ©fauts qui font son charme. — Et c’est tout ce qu’il vous a demandĂ© ? continua Justin. — Oui, je crois, rĂ©pondit mon pĂšre. Ah non il a Ă©galement rĂ©pĂ©tĂ© qu’un garde serait plus suspect que les autres aux yeux de tous. J’ai rĂ©pondu que je ne voyais vraiment aucun suspect parmi les personnes prĂ©sentes au musĂ©e. — Le penses-tu vraiment, papa ? Il ne me rĂ©pondit pas, mais il me lança un regard si attristĂ© que je compris qu’il n’avait pas menti au lieutenant. — Ce qu’il faut maintenant, dĂ©clara Justin, c’est innocenter les quatre gardes. CHAPITRE XIV OU ROBERT PRADCAZ CLOT LES INTERROGATOIRES INDIVIDUELS Je vous ai dit tout Ă  l’heure que Justin possĂ©dait un magnĂ©tophone et qu’il s’en Ă©tait servi tout au long de l’enquĂȘte. Quand il est sorti fĂąchĂ© de la salle, je n’avais pas remarquĂ© qu’il y avait laissĂ© son manteau. Quand il alla le rechercher aprĂšs l’interrogatoire de Robert Pradcaz, je compris qu’il avait tout enregistrĂ©, et nous pĂ»mes entendre ce qui avait Ă©tĂ© dit. Au lendemain de l’enquĂȘte, j’ai couchĂ© sur le papier tous les dialogues qui furent enregistrĂ©s grĂące au magnĂ©tophone, et vous pouvez donc ĂȘtre sĂ»rs de l’exactitude de ce qui va suivre. — C’est amusant, dit un des deux hommes de M. Bourdon, Robert est le seul prĂ©nom des quatre suspects qui ne possĂšde pas de h ». — C’est mĂȘme le seul des cinq, ajouta le lieutenant. — Vous voulez dire que le directeur aussi
 — Je veux mĂȘme dire que sa fille et l’autre prĂ©tentieux sont aussi suspects, continua le lieutenant Bourdon. Je passe ici les remarques que je fis sur les propos de ce grossier personnage, propos que je pourrais d’ailleurs difficilement retranscrire sans ĂȘtre censurĂ©e. — Tout de mĂȘme, cette enquĂȘte est bizarre, dit une troisiĂšme voix. Il y a quelque chose que je ne comprends pas si l’un d’entre eux a volĂ© la Colombe, c’est forcĂ©ment pour l’argent. Dans ce cas, pourquoi se limiter Ă  un tableau ? — Deux possibilitĂ©s, Ă©numĂ©ra le lieutenant soit c’est l’Ɠuvre d’un passionnĂ©, soit le voleur veut nous faire croire que ce vol est l’Ɠuvre d’un passionnĂ©. Mais ça, le jeunot ne pourra jamais en tenir compte ; lui, il s’arrĂȘte Ă  ses simples hypothĂšses et comme ça l’arrange, pour dĂ©fendre les gardes, de dire que le voleur s’intĂ©resse au tableau et non Ă  la colossale somme qu’il reprĂ©sente, il en dĂ©duit aussi simplement que bĂȘtement que ce vol est l’Ɠuvre d’un passionnĂ©. Bon, que fait ce Pradcaz ? Ah, le voilĂ . — Bon – bonsoir, bĂ©gaya le dernier garde qui venait d’entrer. Je-je crois que vous m’avez de-demandĂ© de venir ? — Asseyez-vous, M. Pradcaz, rĂ©pondit le lieutenant. Nous allons tĂącher de faire court il y a eu un vol au musĂ©e, et vous ĂȘtes l’un des sept principaux suspects. Nous vous avons tous rĂ©unis ici, et nous trouverons le coupable avant neuf heures du matin. Savez-vous quelque chose Ă  propos de ce vol ou soupçonnez-vous quelqu’un plus qu’un autre ? — Bi-bien sĂ»r que non, rĂ©pondit-il. Si-si je savais quelque ch-chose, je se-serais venu avant que-que vous ne m’appeliez. Et d’a-d’ailleurs, je suis sĂ»r que si un de nous sa-savait quelque chose, il serait ve-ve
 — Bien, coupa le lieutenant insolemment. Connaissez-vous des problĂšmes financiers Ă  l’un de vos collĂšgues ou Ă  votre patron ? — Je-je ne crois p-pas. Mais peut-peut-ĂȘtre que le musĂ©e n’est p-p-pas dans sa meilleure pĂ©-pĂ©riode. Enfin je-je
 — Oui, oui, je sais dĂ©jĂ  tout ça, intervint le lieutenant. Vous pensez donc que M. Doury aurait pu se voler lui-mĂȘme ? — Ah non ! s’exclama Robert Pradcaz. — Et oĂč Ă©tiez-vous aprĂšs dix-huit heures ? — Je suis allĂ© acheter des fl-fleurs pour une fĂȘ-fĂȘte que do-donnait mon c-cousin, parce qu’il a-avait annoncĂ© qu’il allait se ma-marier le vingt-deux a-aoĂ»t. Je suis re-restĂ© chez lui ju-jusqu’à d-dix ou on-onze heures, je ne sais plus. Beau-beaucoup de gens pourront con-con-confirmer. Et la f-fleuriste au-aus
 — Merci de votre collaboration, vous pouvez sortir. LĂ  encore, je passe les rires moqueurs que nous entendĂźmes sur la bande et les faux bĂ©gaiements des policiers. Pour une fois, il faut reconnaĂźtre au lieutenant une certaine intelligence et un certain respect, puisqu’il mit fin Ă  ces niaiseries de sa grave voix par un silence ! » que nous avons d’ailleurs entendu tonner de la salle d’entrĂ©e. Il n’empĂȘche que cet interrogatoire fut plus court que les autres, ce qui me fit penser que M. Bourdon devait ĂȘtre assez exaspĂ©rĂ© par le problĂšme d’élocution de M. Pradcaz. Nous venions juste d’entendre ce majestueux cri du lieutenant quand ce dernier sortit de la salle avec ses hommes et se dirigea vers la salle moyenne en demandant Ă  tous de le suivre. CHAPITRE XV OU LES DERNIERES INFORMATIONS SONT RECUEILLIES Nous Ă©tions maintenant tous les dix dans la salle moyenne le lieutenant, les deux policiers des interrogatoires trois autres Ă©taient dans la salle de vidĂ©osurveillance et autant cherchaient encore vainement des indices dans la salle large, mon pĂšre, ses quatre gardes, Justin et moi. D’aprĂšs ce que nous avions appris par le magnĂ©tophone, le lieutenant Bourdon voulait rĂ©unir les gardes pour obtenir un plan complet du tour qu’ils avaient effectuĂ© neuf heures plus tĂŽt. Inutile de prĂ©ciser que le pauvre enquĂȘteur aurait prĂ©fĂ©rĂ© que chaque garde ait un tour prĂ©cis qu’il effectuerait chaque soir ! Comme ce n’était pas le cas, nous dĂ»mes supporter les hĂ©sitations et les erreurs de tous, personne ne se rappelant les salles qu’il avait vĂ©rifiĂ©es ce soir-lĂ . Enfin, aprĂšs trois ou quatre minutes pendant lesquelles chacun essayait de se remĂ©morer avec qui il Ă©tait afin de pouvoir l’accuser hypocritement de ne se rappeler de rien, nous eĂ»mes le trajet prĂ©cis de chacun, ainsi que les personnes qui s’étaient vues. Le lieutenant prit un malin plaisir Ă  prĂ©ciser que ces prĂ©tendus alibis ne sont absolument pas valables tant qu’il n’est pas clairement dĂ©montrĂ© que tous ne sont pas complices. » Je trouvai assez amusant de voir que les mĂȘmes idĂ©es germaient dans mon esprit et dans celui du lieutenant. En effet, je me disais, dĂ©jĂ  depuis le premier interrogatoire, que si tous Ă©taient complices, ça arrangerait bien des choses. AprĂšs tout, toutes les hypothĂšses Ă©taient basĂ©es sur la sortie des gardes et du directeur Ă  dix-huit heures. Et s’ils Ă©taient sortis avec le tableau ? Les gardes et le directeur se souvinrent de ceci M. Doury avait fermĂ© le rideau derriĂšre les enfants vers dix-sept heures quarante-cinq et dit Ă  Hans Gano et Robert Pradcaz qu’ils pouvaient commencer leur tour. Ce dernier Ă©tait prĂšs de la salle ronde, tandis que son collĂšgue observait la salle d’entrĂ©e prĂšs de la grille d’entrĂ©e. Tous deux s’étaient alors dirigĂ©s vers la porte du fond de la salle large, porte situĂ©e prĂšs de la salle ronde, puis Ă©taient ressortis par l’autre porte, avant de quitter le musĂ©e. Robert Pradcaz affirma n’avoir vu personne dans la salle ronde en jetant un rapide coup d’Ɠil derriĂšre son Ă©paule avant de sortir. AprĂšs avoir prĂ©venu ces deux premiers gardes de la fermeture du musĂ©e, le directeur s’était dirigĂ© vers la salle de la Colombe, et avait demandĂ© aux deux autres gardes de procĂ©der Ă  leurs vĂ©rifications. John Degrine et Hermann Erosi Ă©taient presque formels ils Ă©taient sortis dans la salle moyenne, Ă©taient passĂ©s par la salle d’entrĂ©e et puis avaient quittĂ© le musĂ©e. Quant aux toilettes, ils avaient Ă©tĂ© inspectĂ©s par Hans Gano et Hermann Erosi, qui affirmĂšrent indiscutablement que personne ne pouvait y ĂȘtre cachĂ©. Le chemin empruntĂ© par le directeur Ă©tait un peu plus complexe aprĂšs avoir fermĂ© le rideau d’entrĂ©e, il s’était dirigĂ© vers M. Gano puis M. Pradcaz avant de partir dans la salle de la Colombe prĂ©venir M. Degrine et M. Erosi. Il Ă©tait ressorti et Ă©tait restĂ© plus longtemps que ces deux derniers gardes dans la salle des tableaux joyeux. Le lieutenant trouva assez intĂ©ressant » qu’à partir de ce moment, le directeur ne fut aperçu par personne avant de rĂ©apparaĂźtre dans la salle large ; mon pĂšre se dĂ©fendit en disant qu’il Ă©tait passĂ© derriĂšre la salle ronde oĂč aucune camĂ©ra et aucun garde ne pouvait le voir. Enfin, il ajouta que personne n’était dans la salle de vidĂ©osurveillance oĂč il avait dĂ» se rendre pour Ă©teindre les lumiĂšres et ouvrir le rideau de fer sans dĂ©clencher l’alarme. Ensuite, en sortant, il ferma la grille et le rideau derriĂšre lui. — Est-ce que quelqu’un pouvait rentrer quand vous avez ouvert le rideau ? demanda le lieutenant. — Bien sĂ»r que non, rĂ©pondit un garde. — Nous l’aurions vu puisque nous Ă©tions dehors, ajouta un autre. — Vous ĂȘtes sĂ»rs de ne pas avoir quittĂ© l’entrĂ©e des yeux ? interrogea M. Bourdon. — Non, fit John Degrine dont la timiditĂ© semblait avoir totalement disparu. Moi, je suis sĂ»r que personne ne pouvait entrer sans que je le vois, parce que je n’ai pas quittĂ© l’entrĂ©e des yeux. — Dans ce cas, grogna le lieutenant, le voleur est entrĂ© au musĂ©e aprĂšs que vous en soyez sortis. Il avait donc besoin de la clĂ© et du code, quoi qu’en dise notre dĂ©tective en herbe. Et quoi qu’il en dise, ce cher M. Zafiro, la probabilitĂ© que le voleur soit une personne qui travaille au musĂ©e est trĂšs proche de cent pour cent. En parlant, le policier jetait des regards provocateurs au jeune homme dont la coiffure devenait de plus en plus cocasse, Ă  cause de la ventilation. Je fus surprise de voir que Justin ne semblait s’intĂ©resser qu’à sa montre et ne prit mĂȘme pas la peine de rĂ©pliquer. Au contraire, il se retourna et, quand il aperçut que les deux bancs n’étaient pas parfaitement alignĂ©s, il s’empressa de corriger cet insignifiant, mais perturbant dĂ©tail. Je me demandais alors si son sens de la rĂ©partie s’était tari ou s’il ne voulait pas rĂ©pondre par peur de devoir quitter le musĂ©e. Peut-ĂȘtre se rĂ©servait-il pour un moment ultĂ©rieur oĂč il pourrait rendre au lieutenant la monnaie de sa piĂšce. En fait, je n’en savais rien, et je me rendis compte que je perdais mon temps Ă  chercher vainement des explications aux actes insondables de Justin. — Que faisons-nous maintenant ? demanda un policier Ă  son supĂ©rieur Ă  voix basse. — Maintenant, rĂ©pondit le lieutenant, quand notre jeune ami aura fini de s’amuser avec ce banc, nous pourrons continuer notre enquĂȘte. Justin ne tint pas compte de la remarque dĂ©sobligeante et continua son travail. Il releva la tĂȘte cinq secondes plus tard et, satisfait, il prĂ©cisa — Continuer l’enquĂȘte signifie probablement qu’il faut attendre que les cassettes de vidĂ©osurveillance rĂ©vĂšlent leurs secrets. — Et il faut voir s’il reste des indices dans les salles que nous sommes en train de fouiller, ajouta le lieutenant. — S’il y avait des indices dans ces salles, les collĂšgues les auraient dĂ©jĂ  trouvĂ©s depuis longtemps, marmonna l’autre policier. — Je crois bien que vous ayez raison, soupira M. Bourdon, les investigations touchent Ă  leur fin. — Ne me dites pas que vous allez abandonner ! intervint mon pĂšre qui, comme moi, avait entendu leurs chuchotements. Vous m’aviez promis de retrouver mon tableau ! — Nous n’abandonnerons pas, dĂ©clara le lieutenant. Je chercherai qui a volĂ© ce tableau tant qu’on ne me prouvera pas que le voleur n’est pas ici en ce moment. Et si jamais je dĂ©couvre que le voleur est une personne Ă©trangĂšre au musĂ©e, je vous promets de mettre tout en Ɠuvre pour retrouver votre tableau, notamment lorsqu’il sera mis en vente. — Et si le voleur est un passionnĂ© ? surenchĂ©rit mon pĂšre. — Si le voleur n’est pas ici ce soir et s’il ne vend pas le tableau, je crains fort que vous ne deviez alors combler le cadre avec autre chose. — Mais vous m’aviez pourtant promis, se lamenta mon pĂšre. — Rien n’est jouĂ©, ajouta le lieutenant impatient de passer Ă  autre chose. J’ai dit que les investigations allaient bientĂŽt ĂȘtre terminĂ©es, mais attendons de voir ce qu’ont enregistrĂ© les camĂ©ras. CHAPITRE XVI OÙ L’ENQUÊTE FAIT UN GRAND BOND EN AVANT La situation me semblait bloquĂ©e avant que n’arrive ce nouvel indice qui allait enfin jeter un peu de lumiĂšre sur ces tĂ©nĂšbres. En effet, je ne voyais vraiment pas ce qui aurait pu disculper les gardes ou au contraire les accuser, si ce n’est la vidĂ©osurveillance. Plus j’y pensais et plus je me disais que le voleur devait connaĂźtre suffisamment le musĂ©e pour savoir comment Ă©viter les camĂ©ras ; et si la vidĂ©osurveillance ne montrait pas le visage du voleur, je pensais que personne ne pourrait retrouver le tableau et dĂ©montrer l’innocence de mon pĂšre et de ses hommes. Alors que nous attendions, Justin demanda Ă  mon pĂšre oĂč Ă©tait la personne chargĂ©e de faire le mĂ©nage au musĂ©e. En effet, les gardes et le directeur Ă©taient lĂ , mais il n’y avait pas d’agent d’entretien. Pour moi, ce n’était pas un secret que mon pĂšre s’occupait de cette tĂąche, mais il est vrai que j’ai trouvĂ© cette question trĂšs pertinente de la part d’un enquĂȘteur. » Le lieutenant semblait d’ailleurs s’en vouloir de ne pas avoir posĂ© la question avant. Juste aprĂšs la rĂ©ponse de mon pĂšre, lorsque le silence fut total, on entendit le pas pressĂ© d’un policier qui revenait de la salle large. Nous attendions tous une bonne nouvelle, mĂȘme si nous ne savions pas ce qui pourrait faire avancer l’affaire. Nous eĂ»mes une rĂ©ponse Ă  cette question avec ce que tenait le policier dans sa main. — Regardez lieutenant, cria le policier en avançant rapidement vers son interlocuteur. Nous avons trouvĂ© ceci au-dessus d’un tableau dans la salle sud. — Un bout de ficelle nouĂ©, marmonna le lieutenant Bourdon qui tenait le nouvel indice entre son pouce et son index. Je ne sais pas si ça a un rapport avec le vol, mais il se pourrait bien que je tienne lĂ  la preuve que le voleur est sorti par la fenĂȘtre. — C’est fort possible, ajouta le policier. Les fenĂȘtres sont fermĂ©es de l’intĂ©rieur par un crochet ; et on peut imaginer que le voleur ait refermĂ© la fenĂȘtre de l’extĂ©rieur grĂące Ă  cette ficelle qui se serait ensuite cassĂ©e avant de retomber sur le tableau. — Oui, c’est une hypothĂšse. Mais je suis prudent avec les hypothĂšses, moi, dit-il sarcastique en jetant un regard supĂ©rieur Ă  Justin qui l’ignorait toujours. Moi, je ne fais pas de conclusion hĂątive dĂšs que je trouve quelque chose. — Ah ! soupira Justin en prenant un air naĂŻf. Si nous n’élaborons aucune hypothĂšse, il ne nous reste qu’à attendre que vos hommes aient fini de travailler, n’est-ce pas ? Alors, pendant ce temps-lĂ , nous, nous allons boire un petit cafĂ©, sĂ»rement. Pas trop serrĂ©, s’il vous plaĂźt. — Il est drĂŽle, lança le policier ironiquement. Mais peut-ĂȘtre avez-vous une idĂ©e Ă  nous soumettre, vous qui semblait ĂȘtre un jeune homme si brillant et si sĂ»r de lui ? — Non, pas avant quatre heures et quart, rĂ©pondit Justin. — Pardon ? demanda en fronçant les sourcils le policier. Est-ce que vous vous moquez encore de moi ? — Ce n’est pas la raison de mon attente. — Et vous, se vengea le lieutenant, oĂč Ă©tiez-vous de dix-huit heures Ă  une heure ? — Entre dix-huit heures et dix-huit heures trente, je suis allĂ© manger au restaurant universitaire avec ma cousine Justine qui pourra le confirmer. Ensuite, je suis retournĂ© seul chez moi afin de rĂ©viser et de dormir. Mon sommeil a durĂ© exactement une heure trente. Certes, en fouillant un peu dans ma vie, ce que vous ne vous gĂȘnerez sĂ»rement pas de faire, vous vous rendriez compte que je suis issu d’un milieu assez modeste et vous en dĂ©duirez, non hĂątivement, mais Ă  tort, que j’ai des problĂšmes financiers. J’ai pu remarquer lors des interrogatoires que vous cherchiez ce genre de difficultĂ©s auprĂšs de tous, ce qui me force Ă  croire que vous n’excluez pas le vol purement Ă©conomique, hypothĂšse tout Ă  fait concevable, mĂȘme s’il paraĂźt absurde de dire qu’un voleur qui ne s’intĂ©resse qu’à l’argent puisse voler un seul tableau alors qu’il en a plus d’une dizaine sous la main. Vous allez bien entendu me rĂ©pondre que ce peut ĂȘtre une ruse pour nous faire croire que ce vol est l’Ɠuvre d’un passionnĂ©, mais je vous demanderai pourquoi nous faire croire ceci ? En effet, on se moque bien de savoir si le voleur est passionnĂ© ou pas, intĂ©ressĂ© par l’argent ou multimilliardaire ; tout comme on se moque de le voir apparaĂźtre cagoulĂ© sur les Ă©crans de la surveillance, ou de le voir sortir par la porte sans utiliser le code. RĂ©flĂ©chissez trente secondes, ou au moins faites semblant ! Ne cherche-t-on pas Ă  nous faire croire que le voleur connaĂźt le code, connaĂźt bien le musĂ©e et est passionnĂ© par ce tableau ? Ne cherche-t-on pas Ă  nous faire croire que le voleur est entrĂ© au musĂ©e aprĂšs la fermeture ? Ne cherche-t-on pas Ă  nous faire croire que le voleur est M. Doury ? Je poursuis ce stupide interrogatoire je ne connaissais pas suffisamment le musĂ©e pour savoir quel tableau est le plus onĂ©reux, et je ne me suis pas encore jamais fĂąchĂ© avec mon futur beau-pĂšre. Enfin, comme je viens de vous le dire, je ne pense pas que le voleur soit le directeur ou l’un de ses gardes, car je pense que le voleur Ă©tait encore dans la musĂ©e quand les portes ont Ă©tĂ© fermĂ©es. — Et qu’est-ce qui vous fait croire cela, alors que les gardes que vous protĂ©gez nous disent le contraire ? demanda le lieutenant, pensif Ă  ce que venait de dire plus ou moins confusĂ©ment Justin. — Le voleur ne connaĂźt pas le code, Ă  mon avis. — Qu’est-ce qui vous fait croire cela ? rĂ©pĂ©ta le policier en fronçant les sourcils. — La camĂ©ra, rĂ©pondit Justin. Pourquoi le voleur a-t-il dĂ©sactivĂ© cette camĂ©ra ? S’il connaissait suffisamment les sĂ©curitĂ©s pour toutes les Ă©viter, il me semble Ă©vident qu’il savait aussi que son geste aurait activĂ© l’alarme. Ce qui tend Ă  prouver qu’il aurait fait exploser la camĂ©ra pour prĂ©venir que le vol avait eu lieu, ou pour une autre raison. Le voleur n’avait sĂ»rement aucune raison de nous prĂ©venir qu’il venait de voler le tableau, sauf peut-ĂȘtre pour s’amuser. Mais franchement, je doute fort que nous ayons affaire Ă  un plaisantin. — Pourquoi donc, jeune homme ? demanda le lieutenant moqueur. Cette hypothĂšse ne vous plait pas, donc vous l’éliminez, c’est ça ? — Un plaisantin ne s’amuse pas avec l’argent. Quand il peut voler une dizaine de tableaux qui valent une petite fortune, il n’en vole pas qu’un. Le lieutenant soupira pour admettre cette Ă©vidence. — Je disais donc que l’explosion avait un autre but que celui de nous prĂ©venir, continua Justin. J’ai dĂ©jĂ  dit et rĂ©pĂ©tĂ© que cette explosion pourrait servir Ă  disculper, donc accuser au second degrĂ©, le directeur qui arrive le premier au musĂ©e le matin. Comme je suis persuadĂ© que M. Doury est innocent — et vous devriez l’ĂȘtre aussi en connaissant son alibi — je pense que le voleur cherche non pas Ă  disculper, mais au contraire Ă  accuser le directeur. Or, si le voleur cherchait Ă  faire accuser M. Doury, qu’aurait-il fait ? Il aurait Ă©vitĂ© toutes les camĂ©ras, pris un seul tableau et fait exploser la camĂ©ra pour prĂ©venir de l’heure du vol. D’ailleurs, si la ficelle a bien un rapport avec le vol, le voleur est sorti par la fenĂȘtre, ce qui tend Ă  prouver qu’il n’avait pas le code. Jusque lĂ , tout va bien, n’est-ce pas ? — Oui, bien sĂ»r, rĂ©pondit le lieutenant, M. le directeur aurait agi ainsi. Alors je lui passe les menottes tout de suite ou vous allez quand mĂȘme essayer de le disculper ? — Quel est le mobile de M. Doury pour ce vol ? demanda Justin. — L’assurance, souffla le lieutenant exaspĂ©rĂ©. — Mais alors, pourquoi ne sortir qu’un seul tableau ? C’est inexplicable. Il aurait pu trouver plus simple et tout aussi efficace de sortir d’autres tableaux par la fenĂȘtre. — Vous cherchez des complications pour rien ! s’exclama le lieutenant. Si M. Doury est coupable, il n’a volĂ© que ce tableau parce que c’est l’un de ceux qu’il aime le moins, tout simplement. — Il y a une autre possibilitĂ© si les tableaux pouvaient sortir par la fenĂȘtre, on se serait dit que le voleur n’avait pas besoin de la clĂ© pour sortir par la porte. Le voleur, directeur ou pas, savait qu’on dĂ©duirait du vol de ce tableau qu’il possĂšde la clĂ© et le code. Revenons Ă  ce que j’ai dit tout Ă  l’heure
 — Pas Ă©vident de vous suivre ! interrompit le lieutenant. — LĂ , j’admets que vous avez raison, sourit Justin. Moi-mĂȘme, j’ai du mal Ă  suivre le cours de ma pensĂ©e. Je crois que c’est dĂ» Ă  mon trop court sommeil, j’y remĂ©dierai tout Ă  l’heure. Bien, je disais donc tout Ă  l’heure que je suis certain que M. Doury n’est pas le coupable, et que quelqu’un qui aurait voulu le faire accuser s’y serait pris de la mĂȘme façon connaissance des sĂ©curitĂ©s, vol d’un seul tableau digne d’un grand amateur d’art, explosion de la camĂ©ra pour ne pas accuser le directeur le lendemain matin — pardon, plus tard dans la matinĂ©e — et enfin, possession de la clĂ© et du code. Soyons francs M. Doury vous m’avez dit tout Ă  l’heure que beaucoup de personnes pouvaient connaĂźtre le code, mais le pensez-vous vraiment ? — N-Non, bĂ©gaya l’interrogĂ©. — Qui le connaĂźt alors ? interrogea fĂ©rocement le lieutenant. Qu’on cesse de me mentir ! — Euh
 rĂ©flĂ©chit mon pĂšre. À part moi, seules ma fille Elena et ma femme sont officiellement au courant. Ensuite, il se peut que mes gardes le soient aussi, car j’ai longtemps laissĂ© le code Ă©crit sur un papier dans la salle de vidĂ©osurveillance. — Qui, parmi vous, est au courant ? demanda le lieutenant aux gardes qui Ă©taient rĂ©unis Ă  cĂŽtĂ© de mon pĂšre. Les quatre hommes avouĂšrent avoir dĂ©jĂ  regardĂ© au moins une fois le papier qui fut sous leurs yeux pendant trois ans environ. NĂ©anmoins, ils affirmĂšrent qu’ils ne se souvenaient plus du code qu’ils n’avaient pas vu depuis cinq ans. Un d’eux — je ne parviens plus Ă  identifier la voix sur le magnĂ©tophone, mĂȘme si je sais que n’était ni Hermann Erosi ni Robert Pradcaz aux voix si facilement reconnaissable — un d’eux ajouta mĂȘme qu’il ne pouvait pas savoir si le code n’avait pas Ă©tĂ© changĂ©, ce qui fut approuvĂ© par ses collĂšgues. — LĂ  n’est pas le problĂšme pour l’instant, reprit Justin. Je pense que ce vol n’est qu’une mise en scĂšne pour accuser le directeur, et j’en dĂ©duis, un peu hĂątivement certes, que le cambrioleur ne connaĂźt sĂ»rement pas le code. — Hum, pouffa le lieutenant pour montrer qu’il trouvait ce raisonnement forcĂ©. Je crois que vous ĂȘtes un peu trop influencĂ© par vos connaissances vous disculpez bien vite M. Doury, ses hommes, et mĂȘme votre amie Elena. Je prĂ©fĂšre cesser lĂ  toute conversation et allez voir les enregistrements. Pendant ce temps, vous n’avez qu’à continuer de chercher des indices tous les trois. N’hĂ©sitez pas Ă  venir me voir si vous trouvez quelque chose. — Quant Ă  nous, dit mon pĂšre en se tournant vers moi et Justin, que faisons-nous ? — Attendons, rĂ©pondis-je. — Retournons dans la salle d’entrĂ©e. Je crois que je vais finir mon sommeil sur le banc qui s’y trouve. Je le regardai avec Ă©tonnement comment pourrait-il dormir en ces heures ? Moi qui croyais Ă  une plaisanterie de sa part, je fus surprise quelques minutes plus tard. – QUATRIÈME PARTIE — – DÉDUCTIONS ET RÉFLEXION — CHAPITRE XVII OÙ JUSTIN RÉSUME UNE NOUVELLE FOIS Nous Ă©tions tous trois, mon pĂšre, mon ami et moi, sur le banc de la salle d’entrĂ©e. Je demandai alors Ă  Justin qu’il nous explique plus dans le dĂ©tail ce qu’il venait de dire au lieutenant. — Rassure-toi, Elena, me rĂ©pondit-il en souriant, tu es loin d’ĂȘtre la seule Ă  ne pas avoir compris tout ce que j’ai dit. Moi-mĂȘme, je ne suis pas sĂ»r de m’ĂȘtre compris. Mais je vais essayer de rĂ©sumer les points importants. PremiĂšrement, il y a ce vol unique pourquoi ne voler qu’un seul tableau ? — Nous avons dĂ©jĂ  rĂ©pondu plusieurs fois, rĂ©pliquai-je. — C’est vrai, ajouta mon pĂšre. S’il n’y a qu’un seul tableau volĂ©, c’est que le voleur est un passionnĂ© ou veut se faire passer pour tel. — D’accord, dit Justin. Imaginons que le voleur soit un passionnĂ© et qu’il ne veuille voler que ce tableau. Moi, Ă  sa place, j’aurais volĂ© d’autres tableaux, mĂȘme si c’était pour les rĂ©expĂ©dier au musĂ©e quelques jours aprĂšs. Ainsi, j’aurai Ă©tĂ© sĂ»r que l’enquĂȘte se tournerait vers un voleur intĂ©ressĂ© par l’argent, en se dĂ©tournant de moi. — Tu n’as pas tort, assura mon pĂšre, mais tu n’as pas forcĂ©ment raison non plus. — Je sais, continua le jeune homme, mais je continue mon raisonnement tout de mĂȘme. Maintenant, imaginons que le voleur soit intĂ©ressĂ© par l’argent et qu’il n’ait volĂ© qu’un seul tableau que pour nous faire croire Ă  l’Ɠuvre d’un passionnĂ©. — C’est tout Ă  fait possible aussi, coupa mon pĂšre. — Non, rĂ©pondit Justin, ou difficilement, car le voleur aurait tout de mĂȘme pris d’autres tableaux. Peut-il craindre que la police le retrouve si elle cherche une personne motivĂ©e par l’argent ? Je crains fort qu’il ne soit pas le seul dans ce cas et qu’il aurait eu tort de se priver d’un autre tableau. — Peut-ĂȘtre, murmura mon pĂšre pensif. Qu’en dĂ©duis-tu alors, si le voleur n’est intĂ©ressĂ© ni par le tableau ni par l’argent ? — Je n’ai rien dit de semblable, se dĂ©fendit Justin. Je fais juste remarquer que dans les deux cas, le voleur aurait dĂ» voler d’autres tableaux, mĂȘme si ce n’était pas pour en profiter, au moins pour tromper la police. Mais aprĂšs tout, c’est un dĂ©tail auquel n’aura pas pensĂ© le voleur, qui devient alors, Ă  tort ou Ă  raison, un amateur d’art. Et de plus, ce vol oblige le cambrioleur Ă  possĂ©der la clĂ© du musĂ©e, alors que d’autres tableaux auraient pu sortir par une fenĂȘtre. Il se retourna vers moi, et je compris qu’il voulait savoir si j’avais quelque chose Ă  ajouter. Je hochai la tĂȘte. — Bien, poursuivit-il, je continue avec une deuxiĂšme question pourquoi se cacher des camĂ©ras ? Ou plutĂŽt, pourquoi n’apparaĂźtre sur aucune camĂ©ra ? — Ça, rĂ©pondis-je fiĂšre de pouvoir apporter une pierre Ă  l’édifice de la vĂ©ritĂ©, on n’en sait rien. Il faut attendre que les cassettes soient visionnĂ©es jusqu’à une heure moins le quart, quand entrent les policiers. — Jusqu’à minuit trente, corrigea Justin. Juste avant qu’il ne rĂ©ponde, je crus voir un Ă©clair dans ses yeux, comme s’il venait de comprendre quelque chose d’une capitale importance. — D’ailleurs, ajouta-t-il, je pourrai dire au lieutenant qu’il est inutile d’aller plus loin, car si le tableau Ă©tait sorti entre minuit trente et minuit quarante-cinq, l’alarme aurait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e avant que n’arrivent les policiers et M. Doury. — C’est juste, intervint mon pĂšre. Mais Elena a raison sur un point on ne sait pas si le voleur n’apparaĂźt sur aucune camĂ©ra. — Il est exactement trois heures vingt-cinq, donc cela fait environ une heure dix que les policiers regardent ce qui a Ă©tĂ© enregistrĂ© de dix-huit trente Ă  vingt-deux heures. Apparemment, personne n’a Ă©tĂ© vu pendant ces trois heures trente, sinon nous aurions Ă©tĂ© prĂ©venus. Maintenant, je suis tout Ă  fait d’accord avec Elena il faut attendre. J’ai dit tout Ă  l’heure qu’on voulait nous faire croire que le voleur Ă©tait un fervent admirateur de la Colombe. En admettant que personne n’apparaisse sur les camĂ©ras, cela voudrait dire que le voleur connaĂźt trĂšs bien les lieux ou tente de nous faire croire qu’il travaille ici
 Ă  tort ou Ă  raison. — C’est impossible, je connais mes employĂ©s depuis de trop nombreuses annĂ©es pour en imaginer un endossant le costume du traĂźtre. — Continuons, susurrai-je impatiente. Je ne vois pas beaucoup d’autres questions. Comment est sorti le voleur ? Par la fenĂȘtre, ou par la porte ? — Avant, interrompit Justin, nous pourrions nous demander pourquoi faire exploser la camĂ©ra. AprĂšs une courte pause pendant laquelle il nous dĂ©visagea, il poursuivit ses explications. — J’ai dĂ©jĂ  rĂ©pondu plusieurs fois Ă  cette question, qui rappelle un peu la prĂ©cĂ©dente. En effet, pourquoi ce dĂ©sir de ne pas apparaĂźtre masquĂ© sur les Ă©crans de surveillance ? Soit le voleur ne se trouve pas photogĂ©nique, soit il cherche Ă  se disculper en agissant ainsi. L’explosion de la camĂ©ra serait explicable si vous Ă©tiez le voleur, M. Doury on pourrait dire que vous avez prĂ©fĂ©rĂ© annoncer le vol aussitĂŽt, quand personne n’est censĂ© ĂȘtre au musĂ©e, plutĂŽt qu’à huit heures, quand vous y ĂȘtes seul. — Oui, mais
 s’insurgea le directeur. — Je ne crois pas Ă  votre culpabilitĂ©, continua Justin sur un ton monocorde. Je viens de vous dire que les indices semblent nous indiquer que le voleur connaĂźt bien le musĂ©e et aime un tableau qui s’y trouve. — S’y trouvait, corrigeai-je maladroitement. — Et s’y retrouvera, ajouta Justin avec un sourire malin. Je pense que si vous Ă©tiez coupable, vous seriez apparu sur plusieurs camĂ©ras, en feignant de ne pas savoir qu’on pouvait les Ă©viter. De plus, vous n’auriez pas attendu d’ĂȘtre dans une passe assez difficile pour vous voler. Pour moi, vous ĂȘtes d’ores et dĂ©jĂ  innocent, et c’est grĂące Ă  cela que j’ai une longueur d’avance sur l’enquĂȘte officielle. Bien sĂ»r, le lieutenant Bourdon pourrait prendre tout ça au second degrĂ© et dire que vous avez fait exprĂšs de faire croire que vous Ă©tiez coupable pour qu’on pense qu’en fait vous ne l’ĂȘtes pas. Cet homme est fou, ajouta-t-il avec un large sourire. — Je suis content que tu me soutiennes, dit mon pĂšre. Mais de toute façon, mon alibi est suffisant pour convaincre le lieutenant, non ? — Cet homme est fou vous dis-je, rĂ©pĂ©ta Justin. Évidemment, comme vous ne semblez pas possĂ©der le don d’ubiquitĂ©, vous ne pouviez pas ĂȘtre Ă  la fois chez vous en train de vous changer, en allant chez vos amis, et au musĂ©e en train de vous voler. Mais le lieutenant est en droit de penser que vous vous ĂȘtes changĂ© chez vos amis. — Si je comprends bien, tu veux dire que mon alibi ne tient peut-ĂȘtre pas la route et que quelqu’un qui m’en veut a volĂ© la Colombe et fait en sorte que je sois le principal suspect c’est bien ce que tu insinues ? — Tout Ă  fait, rĂ©pondit Justin. Comme je l’ai dit au lieutenant, le fait que seule la Colombe fut volĂ©e, que le voleur esquive toutes les sĂ©curitĂ©s, que le tableau soit nĂ©cessairement sorti par la porte fermĂ©e Ă  clĂ©, et l’explosion de la camĂ©ra font probablement partie d’une mise en scĂšne destinĂ©e Ă  faire croire que vous ĂȘtes le coupable. — Qui pourrait m’en vouloir Ă  ce point ? s’interrogea mon pĂšre. — LĂ , soupira Justin, je ne peux vraiment pas vous aider. Mais je crois qu’il ne faut pas exclure l’hypothĂšse que l’un de vos gardes pourrait ĂȘtre complice. — Qu’est-ce qui te fait dire ça ? tonna mon pĂšre. — Le voleur possĂšde la clĂ© du musĂ©e, et connaĂźt le champ de vision des camĂ©ras. MĂȘme si je suis persuadĂ© que tout ceci fasse partie d’un plan pour vous accuser, il semble Ă©vident que ces connaissances ne peuvent pas ĂȘtre totalement
 — Si, coupa net mon pĂšre. Je rĂ©pĂšte que la clĂ© est Ă  la portĂ©e de tous, dans la salle de vidĂ©osurveillance, oĂč l’on voit assez aisĂ©ment comment Ă©viter les camĂ©ras. — Au fait, demandai-je en essayant de changer le sujet de la conversation, comment se fait-il qu’on puisse Ă©viter toutes les camĂ©ras ? — Les six camĂ©ras ne peuvent pas couvrir l’ensemble du musĂ©e, et nous avons prĂ©fĂ©rĂ© les orienter vers des Ɠuvres plutĂŽt que sur la porte, Ă©tant donnĂ© qu’on peut sortir par une fenĂȘtre. Et je ne crains pas qu’on nous vole la porte, ou plutĂŽt la grille d’entrĂ©e. Mon pĂšre n’avez rien perdu de son sens de l’humour, mĂȘme dans cette situation assez pĂ©nible. — Je vais maintenant essayer de rĂ©pondre Ă  ta question, Elena, intervint Justin. Comment est sorti le voleur ? Je pense que tu veux savoir si la ficelle est un leurre ou pas, n’est-ce pas ? — Oui, est-ce que le voleur est sorti par la fenĂȘtre ou par la porte ? — Et bien, malgrĂ© ce que j’avais pensĂ©, le voleur est sĂ»rement sorti par la fenĂȘtre. C’est assez Ă©trange, sachant qu’il possĂšde la clĂ©, de ne faire sortir que le tableau par la porte ; mais je l’explique par l’absence de complice. En fait, pour sortir par la porte, il faut l’ouvrir de l’extĂ©rieur
 — Ah oui, c’est vrai, fis-je alors que je me sentais de plus en plus ridicule. Mais qu’est-ce qui te fait dire que ce n’est pas un piĂšge ? — Si ma thĂ©orie est bonne, le voleur essaie de faire accuser ton pĂšre ; dans ce cas, il faut que la police sache que le vol nĂ©cessitait la clĂ© et croit que le voleur possĂ©dait aussi le code, mais il est inutile qu’elle sache qu’il est sorti par la fenĂȘtre. En plus, en observant bien la ficelle, j’ai pu remarquer qu’elle est trĂšs courte, trop pour l’utilisation annoncĂ©e par le policier. J’en conclus donc qu’elle a dĂ» casser. Reste maintenant Ă  savoir si c’est vraiment ce Ă  quoi a servi la ficelle, ou si c’est seulement un cadeau » des enfants de l’aprĂšs-midi
 — Qui t’en veut Ă  ce point ? criai-je Ă  mon pĂšre. — Voici la nouvelle question, fit lĂ©gĂšrement Justin. Ou plutĂŽt, ajouta-t-il, qui aurait intĂ©rĂȘt Ă  ce que ton pĂšre soit accusĂ© ? CHAPITRE XVIII OÙ JUSTIN M’ÉTONNE UNE FOIS DE PLUS Comme il l’avait annoncĂ©, Justin s’étendit un peu sur le banc pour achever sa nuit. Le banc Ă©tait fort long, et je m’écartai Ă  l’une des extrĂ©mitĂ©s, prĂšs de la tĂȘte du jeune homme, Ă  l’opposĂ© de mon pĂšre. Mon regard se tourna vers ce dernier, et je vis qu’il Ă©tait fĂąchĂ© par l’attitude de mon compagnon et qu’il rĂ©flĂ©chissait Ă  ce qu’il venait de dire. En effet, il y avait de quoi mĂ©diter ! C’était Ă  croire que Justin pouvait rĂ©flĂ©chir Ă  des centaines de possibilitĂ©s Ă  la fois, et qu’il les Ă©liminait au fur et Ă  mesure. Cette intense rĂ©flexion avait dĂ» l’épuiser, car maintenant, il fermait les yeux et remua pour trouver la position la plus confortable possible sur ce banc en bois. Enfin, aprĂšs avoir regardĂ© mon pĂšre et mon ami, je dĂ©tournai le regard vers ma montre qui indiquait trois heures trente. Soudain, une phrase de Justin me revint Ă  l’esprit, une phrase dans laquelle il annonçait qu’à quatre heures et quart, il nous soumettrait une nouvelle idĂ©e du vol. DĂšs lors, les questions se bousculĂšrent dans mon esprit. Je me souviens encore vaguement de ce que je me demandais, et ce que je me rĂ©pondais, notamment grĂące Ă  mes notes. Justin dirait-il au lieutenant de ce qu’il venait de nous rĂ©vĂ©ler, ou bien avait-il dĂ©jĂ  Ă©laborĂ© une autre hypothĂšse encore plus sĂ©duisante ? Savait-il quelque chose qu’il se refusait de nous dire ? Non, pourquoi ferait-il ça ? Pour protĂ©ger quelqu’un, certes, mais pour qui serait-il capable d’une chose pareille ici ? Je ne voyais qu’une personne moi. Mon pĂšre aussi, Ă©ventuellement, mais il l’avait dĂ©jĂ  disculpĂ© officiellement devant mes yeux, et je savais qu’il Ă©tait tout bonnement incapable d’un tel acte. Et s’il pensait que j’étais la coupable ? AprĂšs tout, je n’avais aucun alibi, j’étais l’une des personnes les mieux placĂ©es pour accĂ©der au tableau la nuit, et le mobile aurait Ă©videmment pu ĂȘtre l’argent. Allons, Elena, pourquoi se torturer l’esprit ? Si ça se trouve, Justin va annoncer au lieutenant ce qu’il vient de nous annoncer. Oui, c’est Ă©videmment cela. Mais alors, pourquoi attendre quatre heures et quart ? Cela ferait prĂšs de quatre heures que le vol aurait Ă©tĂ© commis, mais y a-t-il un rapport ? Plus je rĂ©flĂ©chissais et moins je comprenais Justin. Apparemment, il ne me restait plus qu’une chose Ă  faire l’imiter. Mais comme cela aurait déçu mon pĂšre, je m’abstins de me reposer. De toute maniĂšre, comment me reposer en cherchant une signification Ă  ce fameux horaire ? Subitement, une idĂ©e me vint, une idĂ©e que je m’empressai de vĂ©rifier et de valider. — Bien sĂ»r, gĂ©mis-je, pourquoi n’y ai-je pas pensĂ© plus tĂŽt ? De deux heures quinze, Ă  quatre heures quinze, il y a deux heures, soit un tiers de six heures. À deux heures quinze, nous visionnions ce qui s’était passĂ© Ă  dix-huit heures trente, donc Ă  quatre heures et quart, les policiers visionneront ce qui s’est passĂ© Ă  minuit trente. J’étais contente d’avoir trouvĂ© la ou au moins une des raisons pour laquelle Justin avait Ă©tĂ© si mystĂ©rieux tout Ă  l’heure. Mais autre chose me venait Ă  l’esprit la satisfaction que reflĂ©taient ses yeux marron, lorsqu’il annonça que le voleur ne pouvait sortir qu’avant minuit trente, et qu’il n’était donc pas nĂ©cessaire de visionner le quart d’heure pendant lequel l’alarme avait fonctionnĂ©. Or, il ne voulait pas le visionner, puisqu’il avait dit avant cet instant oĂč il m’était apparu Ă©merveillĂ© qu’il ferait sa dĂ©claration Ă  quatre heures et quart, donc avant que les policiers ne voient ces fameuses quinze minutes. Que devais-je en dĂ©duire ? Était-ce moi qui me trompais en disant que Justin Ă©tait content de trouver une excuse pour que les policiers ne voient pas l’enregistrement de minuit trente Ă  minuit quarante-cinq ? Ce qui n’expliquait toutefois pas pourquoi il avait prĂ©vu de parler Ă  quatre heures et quart avant de dire au lieutenant qu’il Ă©tait inutile de regarder ce que les camĂ©ras avaient enregistrĂ© aprĂšs minuit trente. Quel casse-tĂȘte ! J’allais bientĂŽt ĂȘtre persuadĂ©e que j’étais la voleuse lorsqu’un Ă©vĂ©nement nouveau m’îta provisoirement ces questions de mon esprit. CHAPITRE XIX OÙ PARTENT LES HOMMES DU LIEUTENANT Je me pris une nouvelle fois Ă  regarder machinalement ma montre. L’heure que Justin avait annoncĂ©e ne me quittait plus, et j’étais fortement tentĂ©e de rĂ©veiller ce machiavĂ©lique jeune homme pour avoir une confirmation de mon idĂ©e. Il Ă©tait maintenant trois heures quarante-deux. Dans une demi-heure environ, je serai fixĂ©e. L’attente aurait Ă©tĂ© longue si le lieutenant n’était pas venu nous voir moi et mon pĂšre pour nous demander un service. Quand il arriva prĂšs du banc, il fut surpris de voir Justin assoupi, ce qui ne l’empĂȘcha pas de parler aussi fort qu’à l’accoutumĂ©e. Il devait alors se dire que si c’était pour dormir, cet Ă©tudiant aurait trĂšs bien pu rester chez lui. — J’ai demandĂ© Ă  mes hommes qu’ils procĂšdent Ă  une perquisition chez vos gardes, M. Doury, annonça-t-il. Comme je souhaite qu’ils soient au moins deux par maison visitĂ©e, j’ai dĂ» demander Ă  mes huit hommes de s’occuper de cela. — Et la vidĂ©osurveillance ! m’exclamai-je aussitĂŽt. — J’allais y venir, mademoiselle. Ceux qui Ă©taient chargĂ©s de regarder les cassettes ont fait un arrĂȘt sur image en attendant que nous arrivions. Comme tout le monde est parti, sauf nous quatre, j’avais pensĂ© que nous allions nous en occuper ensemble. Toutefois, puisque votre ami n’est pas capable de rester Ă©veillĂ© pendant une nuit complĂšte, nous allons nous en charger Ă  trois. De toute façon, c’est bien suffisant
 Je me retins d’abord de dire quoi que ce soit pour dĂ©fendre Justin, car je ne voulais pas que le lieutenant m’interdise de participer au visionnage des bandes. Puis je me dis qu’il n’avait rien Ă  interdire Ă  la fille du vrai maĂźtre des lieux — Effectivement, c’est difficile d’ĂȘtre en forme la nuit lorsqu’on travaille activement la journĂ©e. Il ne connaĂźt pas encore les trente-neuf heures et ne les connaĂźtra peut-ĂȘtre jamais, lui. J’insistai sur ce dernier mot pour que le lieutenant comprenne ce que je pensais de lui et du travail qu’il fournissait. Ses sourcils froncĂ©s et menaçants indiquaient visiblement qu’il cherchait une rĂ©partie — Si je travaillais vraiment trente-neuf heures par semaine, je ferais souvent des semaines de quatre jours. — Qui a dit que vous travaillez ? pensai-je, sans toutefois oser le dire. Si vous n’étiez pas bornĂ© Ă  vouloir que mon pĂšre soit coupable, lui dis-je, peut-ĂȘtre travailleriez-vous moins cette semaine. Juste aprĂšs avoir parlĂ©, je me dis que je venais de me faire un ennemi. Cet ennemi n’ajouta rien, si ce n’est un faible allons-y, nous n’avons pas de temps Ă  perdre. » En nous dirigeant vers la salle des moniteurs, je jetai un dernier coup d’Ɠil sur le banc, et je remarquai que Justin n’avait pas bougĂ©. Avait-il entendu ce que nous avions dit ou Ă©tait-il dĂ©jĂ  endormi ? Dans la salle oĂč nous humions le cafĂ© Ă  chaque parole, nous nous disposĂąmes, mon pĂšre et moi, de chaque cĂŽtĂ© du lieutenant Bourdon. Enfin, en tant que directeur connaissant parfaitement son musĂ©e et ses sĂ©curitĂ©s, mon pĂšre relança les enregistrements. En repensant Ă  ce qu’avait dit Justin, je prĂȘtais une attention toute particuliĂšre aux moniteurs un et trois sur lesquels nous voyions le ventilateur et l’horloge. Rien ne bougeait, et pourtant, j’étais bloquĂ©e ici pendant plus d’une demi-heure encore. Que le temps me semblait long ! CHAPITRE XX OÙ L’HEURE ARRIVE Il Ă©tait maintenant quatre heures dix. Les quatre gardes Ă©taient revenus avec les huit policiers depuis moins de cinq minutes. Évidemment, ils Ă©taient arrivĂ©s bredouilles, et j’en profitai pour faire remarquer au lieutenant qu’un voleur digne de ce nom n’exposerait pas un tableau chez lui s’il l’avait volĂ© le jour mĂȘme. Pour pouvoir rejoindre Justin, je feins de devoir aller aux toilettes. Je retrouvai notre jeune dĂ©tective assoupi sur le banc, Ă  peu prĂšs dans la mĂȘme position que nous l’y avions laissĂ©. J’eus alors rĂ©ellement une envie pressante, celle de connaĂźtre la vĂ©ritĂ© de mon ami ; et c’est pourquoi je rĂ©veillai ce dernier. Il ouvrit les yeux alors que je l’effleurai Ă  peine, et ne me rĂ©pondit rien quand je lui demandai ce qu’il comptait annoncer. — Allons voir ton pĂšre et ce cher lieutenant Bourdon, me dit-il d’une humeur joviale. Puis il m’entraĂźna dans la salle de vidĂ©osurveillance. La remarque du lieutenant nous laissa de marbre dĂ©jĂ  rĂ©veillĂ©, jeune homme ? C’est bien dommage, car vous devriez vous reposer, vous qui en faites tellement. » J’attendais avec impatience l’explosion de la camĂ©ra, lorsque l’horloge de la salle ronde indiquerait minuit trente, car je serais si mon hypothĂšse Ă©tait bonne en effet, puisque l’enregistrement a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© pendant environ cinq minutes, le temps que nous remplacions les hommes du lieutenant, ce n’était plus Ă  quatre heures et quart, mais Ă  quatre heures dix-sept que Justin ferait sa dĂ©claration. Quatre heures et quart. Justin fixait encore les camĂ©ras, et je me rĂ©jouissais de lui annoncer l’heure. Il comprit Ă  mon sourire que je savais ce qu’il attendait, et il me montra le moniteur six qui allait bientĂŽt afficher un Ă©cran noir. Lorsque ce fut le cas, le lieutenant commenta — L’écran de la camĂ©ra de la salle de la Colombe est brouillĂ© ; je pense que cela signifie que c’est Ă  ce moment que l’explosion a eu lieu. Je ne sais pas trop si on peut encore attendre quelque chose de ce qui suit, puisque la porte d’entrĂ©e ne peut plus ĂȘtre ouverte Ă  partir de ce moment sans arrĂȘter l’alarme. Et aprĂšs, quand nous sommes arrivĂ©s, personne n’était dans le musĂ©e. — Tout Ă  fait, confirma Justin satisfait de la proposition du lieutenant. Et si maintenant vous le permettez, je peux vous prouver que le coupable n’est pas une personne prĂ©sente ici en ce moment. — Je serai ravi de voir ça ! s’exclama le policier souriant, mais nĂ©anmoins peu rassurĂ©. Et comment allez-vous vous y prendre ? Attendez, laissez-moi deviner ! Vous allez vĂ©rifier les garde-robes de chacun pour en dĂ©duire qui pourrait ĂȘtre le voleur. C’est ça, non ? — Venez dans la salle d’entrĂ©e pour que je puisse dĂ©monter cette Ă©nigme devant tout le monde, rĂ©pondit Justin avec austĂ©ritĂ©. Je n’ai pas envie de me rĂ©pĂ©ter devant vos hommes. — Allons-y, puisqu’ici, il n’y a plus rien Ă  voir. Je crus voir une esquisse de sourire sur le visage rayonnant de Justin. – CINQUIÈME PARTIE — – CONCLUSION — CHAPITRE XXI OÙ JUSTIN EXPLIQUE L’INEXPLICABLE À ce moment, je ne savais encore rien du voleur, mĂȘme si je me doutais que ce n’était pas un de ceux qui Ă©taient sortis ce soir Ă  dix-huit heures, mais j’étais bien loin de penser que
 Allons Elena, ne rĂ©vĂ©lons pas avant l’heure la conclusion Ă©tonnante de cette non moins Ă©tonnante affaire. Je me suis promise au dĂ©but de la rĂ©daction que je reconstituerai l’enquĂȘte dans l’ordre chronologique des Ă©vĂ©nements, et ce n’est pas le moment pour moi de flancher, si prĂšs du but. Justin venait de rĂ©unir tout le monde dans la salle d’entrĂ©e. Les huit policiers, le lieutenant Bourdon, les quatre gardes, mon pĂšre et moi faisions face au jeune orateur qui prit bien soin de s’éclaircir la voix avant de parler. Enfin, alors que mon cƓur battait la chamade Ă  l’approche de l’issue de cette affaire, il commença en ces mots — Quel mystĂšre ! Pour tous ceux qui ne sont pas restĂ©s avec moi cette nuit, et pour ceux qui se sont opposĂ©s Ă  moi il se tourna vers le lieutenant, je vais rĂ©sumer mes faits et gestes. — On n’a pas que ça Ă  faire ! s’interposa le lieutenant. Si vous savez quelque chose, dites-le maintenant, mais faites-nous grĂące d’un ennuyeux exposĂ© de vos idĂ©es sur la maniĂšre dont doit ĂȘtre menĂ©e une enquĂȘte. — Bien sĂ»r, lieutenant, fit Justin avec un sĂ©rieux ironique. Je cherche Ă  vous prouver qu’on peut, juste en Ă©chafaudant des hypothĂšses, parvenir Ă  ses fins. Mais votre mĂ©thode, appliquĂ©e rigoureusement, doit, elle aussi, ĂȘtre recommandĂ©e et je pense qu’elle n’est pas si mauvaise dans d’autres affaires. — Assez ! hurla la personne visĂ©e. J’en ai maintenant assez de cette insolence. Depuis le dĂ©but vous me provoquez, vous et votre amie. Pour qui vous prenez-vous ? Vous n’ĂȘtes rien dans cette enquĂȘte, juste un importun, une mouche qui brasse du vent inutilement. — Pas inutilement, corrigea Justin. Je brasse du vent pour voler. — Et bien, ça ne vole pas haut, rĂ©pĂ©ta le lieutenant Bourdon. Oui, je sais au moins, ça vole il prit le ton qu’avait empruntĂ© Justin plus tĂŽt dans la nuit. Ça, mon pauvre petit, c’est ce que vous croyez ! — Restons-en lĂ , et laissez-moi continuer mon exposĂ©, si vous le voulez bien, fit poliment Justin. — D’accord, mais je doute que cela apporte quelque chose de nouveau Ă  l’affaire. — Si vous ne voulez pas m’écouter, libre Ă  vous de continuer vos vaines investigations. Maintenant, si vous dĂ©sirez savoir ce que j’ai Ă  dire, laissez-moi poursuivre. — TrĂšs bien, souffla le lieutenant. — J’étais tranquillement dans mon lit, continua Justin, lorsque j’entendis le tĂ©lĂ©phone sonner. C’était Elena qui me demanda de la rejoindre au musĂ©e oĂč il y avait eu un vol. — Quelle bonne idĂ©e, murmura le lieutenant. — Comme je suis arrivĂ© un peu avant elle, j’en ai profitĂ© pour chercher des indices Ă  l’extĂ©rieur du musĂ©e. Naturellement, il n’y avait rien Ă  voir, mais il y avait quelque chose Ă  prĂ©voir, quelque chose dont je vous reparlerai bientĂŽt. — Quoi donc ? demanda un policier. Qu’y a-t-il dehors que nous n’avons pas vu ? — Rien, rĂ©pondit Justin. Vous l’avez vu, mais vous n’y avez pas prĂȘtĂ© attention. Vous n’avez pas anticipĂ©, contrairement Ă  quelqu’un, par exemple, qui Ă©mettrait des hypothĂšses. Le lieutenant grogna. — Quand elle fut enfin arrivĂ©e, continua le jeune homme en me dĂ©signant, dans toute sa splendeur nocturne, nous entrĂąmes sur la permission de M. Doury, qui nous informa de ce qui se passait. J’appris notamment les Ă©vĂ©nements de la journĂ©e et le mode de fonctionnement de l’alarme. DĂšs lors, nous savions que le tableau ne pouvait sortir que par la porte et non par une fenĂȘtre, et que personne n’avait pu ouvrir la porte d’entrĂ©e aprĂšs minuit trente, heure Ă  laquelle la camĂ©ra a explosĂ©. J’espĂšre que vous me suivez toujours. — Étant donnĂ© que vous ne nous apprenez rien de plus
 chuchota le lieutenant, provoquant des rires parmi ses hommes et provoquant Ă©galement mon exaspĂ©ration. — Maintenant, vous ĂȘtes tous d’accord pour dire que les quatre gardes et M. le directeur sont sortis du musĂ©e et se sont sĂ©parĂ©s Ă  dix-huit heures, n’est-ce pas ? — Ça, fit le lieutenant, c’est ce qu’ils nous disent. Et qu’est-ce qui nous dit qu’ils ne sont pas tous coupables ? — Le vol unique, rĂ©pondit placidement Justin. Vous qui connaissez la valeur rĂ©elle du tableau, dites-moi si vous pensez qu’on peut voler pour un cinquiĂšme de cette somme ? — Ce ne serait pas une premiĂšre, sourit le lieutenant. Mais vous ne pouvez pas savoir, vous ne cĂŽtoyez pas des petits voleurs toute l’annĂ©e, vous
 — D’accord, si ça peut vous faire plaisir, ils auraient pu ne voler qu’un seul tableau et ignorer tous les autres. Dans ce cas, pourquoi celui-ci ? Pourquoi la Colombe, et pas un autre ? — Mais qu’est-ce que j’en sais, moi ? s’énerva le lieutenant. — Pourquoi voler un tableau qui ne peut sortir que par la porte ? rĂ©pĂ©ta Justin. Vous ne trouvez pas ça ridicule, vous qui avez l’habitude de telles affaires ? Il est Ă©vident que les gardes et M. le directeur allaient ĂȘtre les premiers suspects, en tant que personnes ayant accĂšs Ă  la clĂ© nĂ©cessaire au vol. — C’est vrai, confirma mon pĂšre. Si nous Ă©tions les voleurs, pourquoi nous serions-nous contentĂ©s d’un seul tableau, et pourquoi justement celui-ci ? Vous n’ĂȘtes peut-ĂȘtre pas sans ignorer que la Colombe est l’une des Ɠuvres majeures du musĂ©e et que par consĂ©quent, sa disparition Ă©quivaut Ă  une baisse des chiffres d’affaires. Si j’étais complice du vol, croyez bien que ce n’est pas ce tableau que vous rechercheriez cette nuit
 — Bon, cĂ©da le lieutenant, j’accepte d’abandonner cette idĂ©e pour le moment. De toute façon, je n’y croyais pas trop non plus. À mon avis, ce vol est l’Ɠuvre d’une seule personne qui serait sortie par la fenĂȘtre, comme le prouve la ficelle. Ou c’est une mise en scĂšne pour nous faire croire que le voleur est seul
 — Ne nous perdons pas dans des raisonnements trop complexes pour l’instant, coupa Justin. J’étais en train de vous dire que les gardes et M. Doury ne peuvent pas ĂȘtre les voleurs. Au fait, chacun d’entre eux a un alibi entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze, il me semble. — Voyons, rĂ©flĂ©chit le lieutenant en regardant son carnet, M. Degrine est allĂ© faire des courses jusqu’à dix-huit heures trente donc il ne pouvait pas ĂȘtre au musĂ©e pendant cet intervalle de temps. M. Erosi est allĂ© faire le plein d’essence et Ă©tant donnĂ© que la station la plus proche est Ă  dix minutes d’ici, il ne pouvait pas ĂȘtre au musĂ©e entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze. Enfin, leurs tickets confirmeront. M. Gano Ă©tait Ă  un anniversaire Ă  partir de dix-neuf heures, mais il s’est changĂ© avant. Il lui faut dix minutes pour retourner chez lui, cinq pour se changer et une demi-heure pour aller chez son beau-frĂšre, ce qui lui laisse un quart d’heure. Son alibi ne tient pas. — Pardon, rectifia M. Gano, mais je vous ai dit que j’étais invitĂ© Ă  dix-neuf heures, mais pas que j’y suis arrivĂ© Ă  cette heure. À vrai dire, je suis arrivĂ© Ă  sept heures moins le quart. — Et si vous vous Ă©tiez changĂ©s dans votre voiture ? demanda le lieutenant qui n’apprĂ©ciait vraiment pas ce garde. En accĂ©lĂ©rant ensuite, vous pouvez faire le trajet en vingt ou vingt-cinq minutes, et ainsi quitter le musĂ©e Ă  dix-huit heures quinze. Si je prouve que vous ĂȘtes le coupable, j’ajouterai mĂȘme un procĂšs pour excĂšs de vitesse ! — Dans ce cas, ses vĂȘtements de garde devraient encore ĂȘtre dans sa voiture, affirma Justin. Je ne pense pas qu’il aurait pu arriver demain matin sans son costume s’il Ă©tait le coupable. — Avez-vous vu le costume chez lui ? demanda le lieutenant Ă  ses hommes. — Oui, je me souviens de l’avoir vu sur son lit, rĂ©pondit un policier. — Le voilĂ  innocentĂ© jusqu’à dix-huit heures quinze, grimaça M. Bourdon. M. Doury Ă©tait chez des amis Ă  partir de dix-huit heures quinze, donc ne peut pas avoir volĂ© pendant ce quart d’heure. Mais pourquoi voulez-vous donc savoir s’ils ont un alibi de dix-huit heures Ă  dix-huit heures quinze ? — Je vous expliquerai, ne vous inquiĂ©tez pas. Continuez, s’il vous plaĂźt. — TrĂšs bien, oĂč en Ă©tais-je. Ah oui, M. Pradcaz Ă©tait lui aussi Ă  une fĂȘte Ă  propos d’un mariage, et est passĂ© chez une fleuriste avant. C’est bizarre tous ces anniversaires, vous ne trouvez pas ? Enfin, tant qu’il y a des alibis, il y a des cellules vides, comme dit le vieil adage. Justin sourit et continua son exposĂ© des faits — Tout ceci prouve que John Degrine, Hermann Erosi, Hans Gano, Robert Pradcaz et Charles Doury ne pouvaient pas voler entre dix-huit heures et dix-huit quinze le tableau. Quant Ă  moi, je suis bien heureusement innocentĂ©, car j’étais Ă  l’hĂŽpital jusqu’à dix-huit heures, avant de passer au restaurant universitaire avec ma cousine Justine. — Pourquoi voulez-vous Ă  tout prix que le vol ait lieu entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze ? demanda le lieutenant impatient. — Avant, est-ce que vous admettez que si je vous prouve que le vol a eu lieu pendant ce quart d’heure, toute personne prĂ©sente ici en ce moment sera disculpĂ©e ? — Oui, dit le lieutenant aprĂšs une courte rĂ©flexion. À l’exception de Mlle Doury. — Bien sĂ»r, mais aussi Ă  l’exception de vos hommes et vous. — Vous me faites rire, jeune homme. Vous commencez vraiment Ă  me plaire, et je pense vous avoir mal jugĂ©. Vous avez plus d’humour et de bon sens que je ne le croyais. — Je peux vous retourner le compliment. — Allez, continuez, sourit le policier. J’admets que si le vol a eu lieu pendant ces quinze minutes, aucun d’entre vous ne peut ĂȘtre coupable. Mais je maintiens que le voleur a trĂšs bien pu rentrer dans le musĂ©e plus tard. — Non, s’écria Justin avec malice. Ne bougez pas, j’arrive. Il se dirigea vers la grille qu’il ouvrit, puis referma derriĂšre lui. Je me demandais alors ce qu’il voulait nous prouver en sortant du musĂ©e. Il ouvrit le rideau de fer d’une vingtaine de centimĂštres et une grille lumineuse fut projetĂ©e sur le sol de la salle d’entrĂ©e. Il revint vers nous, en prenant toujours soin de refermer la grille. Alors, il montra la camĂ©ra deux et dit — Vous voyez, on peut traverser le musĂ©e en esquivant toutes les camĂ©ras, mais lorsque les globes situĂ©s Ă  l’entrĂ©e sont allumĂ©s, notre ombre ne peut plus Ă©viter les sĂ©curitĂ©s. Or, comme ils s’allument Ă  dix-huit heures quinze d’aprĂšs M. le directeur, Ă  partir de cette heure-lĂ , on ne peut plus ni entrer ni sortir. Nous restions tous bouche bĂ©e, le lieutenant le premier. S’il avait eu un chapeau, je pense qu’il l’aurait inclinĂ© devant son loyal adversaire. Toutefois, il chercha Ă  contrer Justin qui savourait dĂ©jĂ  sa victoire Le voleur a pu rentrer par l’extĂ©rieur en passant par une fenĂȘtre. — Il aurait fallu que la ficelle soit placĂ©e avant le vol, ce qui voudrait dire qu’elle ait Ă©tĂ© placĂ©e de l’intĂ©rieur alors que la fenĂȘtre Ă©tait ouverte. — Ah oui, c’est juste, dit le lieutenant. Mais le coupable peut sortir par la porte d’entrĂ©e en l’ouvrant peu, non ? — Il faudrait qu’il ouvre la porte d’au moins une vingtaine de centimĂštres, et c’est suffisant comme vous pouvez le constater Ă  l’instant mĂȘme. — D’accord, mais le voleur a pu rentrer au musĂ©e entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze, attendre avant de sortir le tableau sous le rideau, sortir par la fenĂȘtre et
 — Certes, ajouta Justin avec son large sourire, le vol a pu avoir lieu entre dix-huit heures cinq et minuit trente, mais le voleur a dĂ» pĂ©nĂ©trer dans le musĂ©e entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze, ce qui nous innocente toujours. D’ailleurs, il a trĂšs bien pu ne pas y pĂ©nĂ©trer et rester cachĂ© dans un coin sombre de la salle de vidĂ©osurveillance. — Je vois, marmonna le lieutenant sarcastique. Ainsi, il n’aurait besoin que de la clĂ© d’entrĂ©e, ce qui innocente encore plus les gardes et le directeur. — Je sais que ça peut vous surprendre, mais c’est exactement ce que je pense. Sinon, pourquoi s’ennuyer Ă  passer par la fenĂȘtre ? Le voleur se moque bien d’apparaĂźtre de dos sur les Ă©crans. Et cela explique l’explosion de la camĂ©ra. J’ai deux versions des faits qui me semblent justes dans la premiĂšre, le voleur possĂšde la clĂ© et le code, pĂ©nĂštre dans le musĂ©e entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze et en ressort par la fenĂȘtre, en laissant le tableau devant la porte. Dans la seconde, le voleur ne possĂšde que la clĂ© et est enfermĂ© dans le musĂ©e lorsque le personnel en sort ; il prĂ©pare sa sortie par une fenĂȘtre et dĂ©place la Colombe devant la porte d’entrĂ©e pour pouvoir le rĂ©cupĂ©rer Ă  minuit trente, avant de faire exploser la camĂ©ra. Dans cette hypothĂšse, l’explosion de la camĂ©ra est interprĂ©tĂ©e comme un brouillage des pistes on croit que le voleur connaissait le code alors qu’en rĂ©alitĂ©, il l’ignorait. — Oui, susurra le lieutenant. J’ai encore une autre possibilitĂ© si le voleur fait partie du personnel, il peut disposer une ficelle sur une fenĂȘtre, lui permettant ainsi de ne pas passer par la porte et de voler le tableau plus tard. — C’est une hypothĂšse qui se tient, affirma Justin, mais les gardes ont fait leur tour par groupes, ce qui signifierait qu’il n’y aurait pas un, mais plusieurs coupables parmi eux. — Pas forcĂ©ment, ajouta le lieutenant, il y a aussi une personne qui a fait son tour seule. — M. Doury ne peut pas ĂȘtre le coupable puisqu’il Ă©tait chez des amis jusqu’à minuit et qu’il Ă©tait chez lui Ă  minuit trente, lorsque l’alarme s’est dĂ©clenchĂ©e. Sachant qu’il habite Ă  une vingtaine de minutes de ses amis, il n’aurait pas eu le temps de faire un dĂ©tour par le musĂ©e. Voler un tableau en laissant le cadre, sans se faire repĂ©rer des camĂ©ras, prend plus de temps qu’on ne pourrait l’imaginer, surtout lorsqu’on sort par la fenĂȘtre. — TrĂšs bien, dit le lieutenant d’une voix basse. Vous avez gagnĂ©, jeune homme, nous quittons le musĂ©e. Il reste encore de nombreuses pistes, notamment si nous admettons que le vol peut ĂȘtre l’Ɠuvre de deux ou plusieurs personnes. Il se peut que tout le monde soit complice ou que personne n’ait rien Ă  voir avec ce vol. Une seule chose est sĂ»re si le voleur a agi en solo, ce ne peut pas ĂȘtre l’un de vous. Sauf Mlle Doury, Ă©ventuellement. Enfin, je crois qu’il n’y a plus rien que nous puissions faire pour cette Colombe, si ce n’est vĂ©rifier les ventes de tableaux. VoilĂ  notre derniĂšre chance
 Alors, il se tourna vers mon pĂšre et lui dit — Monsieur Doury, vous avez de la chance d’avoir un tel gendre sans lui, vous auriez Ă©tĂ© accusĂ© Ă  tort. Au fait, ĂȘtes-vous toujours sĂ»r de ne pas porter plainte contre M. Erosi pour l’emprunt » ? — Non, rĂ©pondit mon pĂšre. Je ne lui en veux mĂȘme pas, tellement ce vol est ridicule Ă  cĂŽtĂ© de celui de ma Colombe. Je vous en prie, lieutenant, faites votre possible pour retrouver mon tableau. Mon pĂšre venait de prendre conscience qu’il ne reverrait plus jamais l’une de ses toiles prĂ©fĂ©rĂ©es, et je crus voir ses yeux briller dans l’obscuritĂ© environnante ; il Ă©tait Ă©vident qu’il se retenait de pleurer. J’aurais tant voulu faire quelque chose pour l’aider. À quatre heures quarante, M. Bourdon serra la main de l’adversaire qui lui avait ouvert les yeux, s’excusa de n’avoir rien pu faire cette nuit, et promit de mettre tout en Ɠuvre pour retrouver le tableau le plus vite possible. Il avait d’ailleurs demandĂ© Ă  mon pĂšre de ne pas dĂ©clarer le vol avant jeudi, mais peut-ĂȘtre Ă©tait-ce simplement pour lui laisser un dernier espoir. Nous regardĂąmes tous les trois, mon pĂšre, Justin et moi, partir les policiers, suivis des quatre gardes. Il fallait maintenant fermer le musĂ©e pour la journĂ©e qui se prĂ©parait. CHAPITRE XXII OÙ JUSTIN EXPLIQUE SES RAISONNEMENTS Nous restions tous les trois dans la salle d’entrĂ©e quand mon pĂšre et moi, avides d’explications, demandĂąmes Ă  notre sauveur » comment il en Ă©tait arrivĂ© Ă  une telle conclusion. — Quand je suis arrivĂ© au musĂ©e, commença-t-il, j’ai immĂ©diatement remarquĂ© ces lampes dehors, bien qu’en rĂ©alitĂ©, je n’y prĂȘtais aucune attention puisque je ne connaissais pas encore la disposition des camĂ©ras. Puis nous avons fait notre tour dans le musĂ©e, ce qui me permit de repĂ©rer les zones surveillĂ©es et de constater la possibilitĂ© d’éviter les camĂ©ras pour atteindre la salle du vol. Je repensais quasiment aussitĂŽt Ă  ces lumiĂšres, et me dis que la porte ne pouvait pas ĂȘtre ouverte quand elles Ă©taient allumĂ©es. D’aprĂšs le fonctionnement du systĂšme de sĂ©curitĂ©, nous avons tous dĂ©duit aisĂ©ment que le voleur ne pouvait sortir qu’avant minuit trente. Moi, d’aprĂšs ces fameuses lumiĂšres, j’en dĂ©duis que le voleur ne pouvait entrer qu’avant dix-huit heures quinze. — TrĂšs impressionnant, dit mon pĂšre. Et comme nos alibis prouvent que nous Ă©tions hors du musĂ©e entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze, nous ne pouvons pas ĂȘtre les voleurs. — Sauf si plusieurs personnes du musĂ©e sont impliquĂ©es, ajouta Justin. AprĂšs tout, le lieutenant n’avait peut-ĂȘtre pas si tort que ça en disant que vous pouvez ĂȘtre tous complices. Dans ce cas, ce vol est un vĂ©ritable jeu d’enfant puisque le base de tous mes raisonnements est votre dĂ©position dans laquelle vous confirmez ĂȘtre tous sortis du musĂ©e Ă  dix-huit heures. — C’est inadmissible, s’indigna mon pĂšre. Comment peut-il dire une chose pareille ? Tu nous vois nous associer tous les cinq pour nous voler ? Ce lieutenant pense Ă  beaucoup de choses, mais sĂ»rement pas au cĂŽtĂ© humain des gens. — Allons, allons, M. Doury, calmez-vous. Ce n’est qu’une hypothĂšse parmi tant d’autres. Je crois que le lieutenant avait raison sur ce point on ne peut pas rĂ©soudre une affaire en n’utilisant que des hypothĂšses. Et vous savez pourquoi ? — Parce que les hypothĂšses sont infinies ? risquai-je. — Tout Ă  fait, Elena. C’est ce que certains appellent la falsifiabilitĂ© de la thĂ©orie les hypothĂšses peuvent prouver ce qui n’est pas vrai, mais pas ce qui l’est. Regarde ce vol par exemple. Apparemment, tout tend Ă  nous prouver que le voleur est ton pĂšre. Or, nous savons qu’il est innocent ; le coupable est donc quelqu’un qui cherche Ă  l’accuser, qui y aurait intĂ©rĂȘt. Nous savons que le voleur connaĂźt suffisamment les sĂ©curitĂ©s pour les esquiver et nous savons Ă©galement qu’il ou elle possĂšde au moins la clĂ© d’entrĂ©e. Qui mieux qu’un proche du directeur pourrait rĂ©unir toutes ces conditions ? Il s’arrĂȘta de parler quelques secondes pour nous regarder. — Mais tout ceci n’est qu’hypothĂšse, continua-t-il, et le coupable est probablement une personne qui n’a rien Ă  voir avec le musĂ©e, comme l’a justement conclu la police. Je venais de commencer Ă  comprendre ce que Justin venait de dire. Je tremblais de colĂšre, et suffocante, j’eus beaucoup de mal Ă  prononcer cette phrase — Est-ce que tu insinues que c’est moi qui ai volĂ© la Colombe ? — Oui, me rĂ©pondit-il le plus simplement du monde. — — Mais, mais, bĂ©gayai-je, mais tu es un monstre ! Tu ne me fais donc pas confiance ? Je ne peux pas croire que
 — Le voleur a un rapport avec le musĂ©e, coupa-t-il. Voyez-vous, il n’y a qu’un dĂ©tail qui me tracasse dans cette affaire, c’est le fait que le voleur n’ait pris qu’un seul tableau. C’est inexplicable. Sauf si tout n’est qu’une mise en scĂšne pour faire accuser quelqu’un, un prĂ©texte. Ce vol ne serait qu’un prĂ©texte pour faire accuser celui qui possĂšde la clĂ© et connaĂźt les sĂ©curitĂ©s du musĂ©e, le directeur. DĂšs que j’ai compris ça, je me suis demandĂ© ce qui se passerait si ton pĂšre Ă©tait arrĂȘtĂ©. Comme ils disent dans les films, Ă  qui profite le crime ? Je ne vois que deux personnes Mme Doury et toi, Elena. Ta mĂšre Ă©tait avec ton pĂšre chez leurs amis donc elle savait qu’il avait un alibi ; mais toi ? Toi, tu ne le savais pas, n’est-ce pas ? — Non, mais ce n’est pas moi ! m’exclamai-je. — Ne t’inquiĂšte pas Elena, moi je te crois. Tu es bien incapable d’une chose pareille. De toute façon, mĂȘme si c’était toi qui avais volĂ© le tableau, je ne t’en voudrais pas. — Parfait, murmura Justin. — Mais ce n’est pas moi, rĂ©pĂ©tai-je, attendrie par les bons sentiments de mon pĂšre. — Si ce n’est toi, coupa Justin, c’est donc ton frĂšre. LĂ , plus Ă©nervĂ©e que jamais, je crus vraiment que mon ami devenait fou. Il savait bien que j’étais fille unique, alors pourquoi parlait-il de mon frĂšre ? Pourquoi citer La Fontaine Ă  une heure si tardive ? Ou ton pĂšre, reprit-il sereinement. — Je n’ai rien Ă  y gagner moi dans cette affaire ! s’exclama mon pĂšre pour se dĂ©fendre. — Voyons, M. Doury, et l’assurance ? C’est probablement le meilleur mobile qui soit. Mais vous ne pouvez pas ĂȘtre coupable du vol, vous pouvez tout au plus ĂȘtre complice. Je vous disais que les hypothĂšses sont infinies ; je vais vous en donner un dernier exemple. Je regardais ce spectacle en me gardant bien d’intervenir. Mon pĂšre me paraissait souffrir de plus en plus de ce vol, et cela expliquait, avec l’insolence de Justin, son comportement soudain vis-Ă -vis de celui qui l’avait sauvĂ©. — Vers deux heures et quart, nous sommes allĂ©s voir ce qui avait Ă©tĂ© enregistrĂ© de dix-sept heures quarante-cinq Ă  dix-huit heures et demie, vous vous en rappelez ? — Bien sĂ»r, fit mon pĂšre. — Et bien, c’est Ă  ce moment que j’ai commencĂ© Ă  comprendre que je m’étais trompĂ© sur toute la ligne. Pendant les interrogatoires, j’ai demandĂ© aux interrogĂ©s s’ils se souvenaient les vĂȘtements que vous cinq portiez ce soir-lĂ . Ce n’était pas pour savoir les habits que vous portiez, mais plutĂŽt ce que vous portiez dans vos bras. Personne ne m’a parlĂ© d’une valise qui aurait pu contenir le tableau volĂ©, et qui Ă©tait le seul moyen de faire sortir une planche de bois de cinquante-trois centimĂštres sur soixante-treize. — Planche de bois, mon tableau ! s’écria mon pĂšre. Un peu de respect, s’il te plaĂźt. Je sais que je te dois ma disculpation, mais ce n’est pas une raison pour insulter ainsi un tel chef-d’Ɠuvre. — Ce n’était pas une insulte, mais veuillez m’excuser si je vous ai offensĂ©. Bien, je disais donc que le tableau n’avait pas pu sortir Ă  dix-huit heures. J’exclus l’hypothĂšse selon laquelle vous seriez tous coupables, hypothĂšse qui est possible, mais peu probable Ă©tant donnĂ© l’amitiĂ© qui existe entre vous. J’étais perdu dans une multitude de questions pourquoi ne voler qu’un seul tableau, pourquoi faire exploser cette camĂ©ra, pourquoi les Ă©viter ou encore, pourquoi ne pas laisser le musĂ©e ouvert l’aprĂšs-midi ? — Je l’ai dĂ©jĂ  dit, dit mon pĂšre Ă©tonnĂ© de cette question. Il y avait des enfants qui 
 — Je sais, coupa net Justin. Mais pourquoi interdire l’accĂšs aux habituĂ©s ? — Mais
 tenta mon pĂšre. — Laissez-moi continuer, ordonna Justin. Il n’y a aucune raison pour interdire l’accĂšs aux habituĂ©s, d’autant plus que les affaires ne vont pas trĂšs fort. Vous voyez ce qui commençait Ă  se mettre en place dans mon esprit
 Maintenant, je vais vous dire ce que j’ai dĂ©couvert sur l’enregistrement de dix-huit heures je vous ai vu, M. Doury, n’apparaĂźtre que sur le premier Ă©cran. — J’ai expliquĂ© au lieutenant Bourdon que je suis passĂ© derriĂšre la salle ronde, et que c’est pour cette raison que je n’ai pas Ă©tĂ© aperçu, rĂ©pondit simplement mon pĂšre. — Oui, et vous avez aussi affirmĂ© ĂȘtre restĂ© plus longtemps que John Degrine et Hermann Erosi dans la salle des tableaux joyeux. Or, sauf si vous ĂȘtes sortis en longeant les murs pour masquer quelque chose, on aurait dĂ» vous apercevoir avant sur les moniteurs cinq et quatre. Mon pĂšre fronça les sourcils et recula de dĂ©goĂ»t devant de telles accusations. Moi-mĂȘme, je ne comprenais pas oĂč Justin voulait en venir en disant Ă  mon pĂšre qu’il Ă©tait impossible que le tableau sorte Ă  dix-huit heures sans ĂȘtre vu, avant de l’accuser d’avoir surmontĂ© cette impossibilitĂ©. Et pourquoi m’avait-il accusĂ©e avant de s’attaquer Ă  mon pĂšre ? — Maintenant, comment faire sortir un tableau en bois devant quatre gardes ? continua Justin avec de plus en plus d’assurance. Il aurait fallu transformer le bois en papier et ç’aurait Ă©tĂ© bien plus simple. Tiens, et si vous aviez substituĂ© le tableau Ă  un vulgaire poster, le midi ? N’est-ce pas lĂ  une charmante hypothĂšse qu’il convient de dĂ©velopper ? En fait, quand je dis midi, il faut comprendre une heure de l’aprĂšs-midi environ. Sinon, votre femme n’aurait pas compris votre retard, alors que vous auriez pu lui dire que vous partiez une heure plus tĂŽt pour faire le mĂ©nage. Je vous ai demandĂ© si vous aviez un agent d’entretien, et vous m’avez rĂ©pondu, comme je l’espĂ©rais, que vous Ă©tiez vous-mĂȘme chargĂ© du mĂ©nage. Est-ce que je me trompe ? Est-ce que vous n’ĂȘtes pas venu vers treize heures ? — N-non, bĂ©gaya mon pĂšre. Je suis venu faire le mĂ©nage, en effet, comme tous les mardis, jeudis et samedis. — Alors, qu’avez vous pu faire Ă  une heure, seul au musĂ©e ? Je vais vous le dire vous avez volĂ© puis dĂ©posĂ© le tableau dans le coffre de votre voiture, dans une valise, Ă  une consigne de la gare ou Ă  un autre endroit. Puis vous remplacez votre chef-d’Ɠuvre par un poster d’excellente qualitĂ©, en sachant que les enfants n’y verraient que du feu et que vos gardes ne le regarderaient pas de prĂšs, contrairement Ă  vos habituĂ©s Ă  qui vous interdisez ingĂ©nieusement l’entrĂ©e. Ensuite, Ă  dix-sept heures quarante-cinq, quand vous ĂȘtes sĂ»rs que plus personne n’ira le voir, vous ĂŽtez le poster que vous chiffonnez, en faisant le moins de bruit possible. J’ai calculĂ© le volume de la boule formĂ©e pour un poster d’une Ă©paisseur de 0,8 millimĂštre et j’ai trouvĂ© que son rayon Ă©tait de 4,2 centimĂštres. Mais j’ai aussitĂŽt pensĂ© que vous auriez pu la diviser en deux boules plus petites, voire en quatre boules
 Je vous ai dit que le voleur devait entrer au musĂ©e avant dix-huit heures quinze. Nous pourrions rajouter que le voleur devait y ĂȘtre aprĂšs dix-sept heures quarante-cinq, heure Ă  laquelle le tableau, ou plutĂŽt son substitut, fut vu pour la derniĂšre fois. Vous qui avez fait votre tour du musĂ©e seul, vous ĂȘtes la seule personne qui ait pu voler ce tableau sans l’aide d’un complice. Vous Ă©vitiez les camĂ©ras cinq et quatre, car vous possĂ©diez sur vous une boule de papier qu’il serait dangereux de voir sur les enregistrements. Mais vous rĂ©apparaissez sur l’écran un, votre mĂ©fait accompli. Il me restait maintenant Ă  trouver une preuve convaincante. Cette apparition sur la camĂ©ra un signifierait que vous avez jetĂ© le poster dĂ©chirĂ© quelque part derriĂšre la salle ronde. Les policiers ont cherchĂ© des indices partout, mais pas dans les poubelles tout de mĂȘme ils savent trĂšs bien que des centaines de personnes peuvent personnaliser chaque poubelle avec leurs propres dĂ©tritus. Si vous saviez le mal que j’ai eu Ă  trouver cette preuve, mais je pense que ça en valait la peine
 En se dirigeant vers la poubelle situĂ©e derriĂšre la salle ronde, il continua son monologue — Cette hypothĂšse Ă©tait intĂ©ressante, et elle me plaisait davantage que celle faisant intervenir une personne de l’extĂ©rieur. Je pensais que vous Ă©tiez le coupable, et je cherchais un moyen de le vĂ©rifier sans attirer l’attention de la police sur vous. J’imaginais la scĂšne pour savoir ce qui pourrait bien vous trahir. Évidemment, je pensais que le tableau pourrait ĂȘtre encore dans le coffre de votre voiture, mais encore une fois, je ne pouvais pas vĂ©rifier sans envoyer mon futur beau-pĂšre en prison. Je pensais alors Ă  cette peur de vous montrer sur la quatriĂšme camĂ©ra, mais pas sur la premiĂšre, et
 Il Ă©tait maintenant arrivĂ© devant ce qui Ă©tait devenue la poubelle la plus importante de ma vie. Allais-je dĂ©couvrir que mon pĂšre Ă©tait un voleur ou que mon futur mari Ă©tait dingue ? Il l’ouvrit, et je compris qu’il Ă©tait dingue. — Mince, dit-il, j’aurai pourtant juré  — Ne jure pas, dit mon pĂšre qui avait gardĂ© son calme en se dirigeant vers la poubelle, sachant qu’il ne craignait rien. Si tu veux, nous pouvons vĂ©rifier dans mon coffre que le tableau n’y est pas. Tout ceci est d’un ridicule ! Tu n’as aucune preuve de ma culpabilitĂ©, mais tu m’accuses Ă  tort, et tu me rabaisses au rang de voleur sous les yeux de ma propre fille. Justin cherchait toujours dans la poubelle, mais ne trouvait rien. Aucun doute, il Ă©tait devenu fou. Je le rassurais en lui disant que je ne lui en voulais pas, ni pour ses accusations envers moi ni pour celles envers mon pĂšre, mais il continuait de rĂ©pĂ©ter Pourtant, je suis sĂ»r. » — Tu n’hĂ©sites pas Ă  Ă©chafauder des hypothĂšses farfelues, basĂ©es sur le simple fait que je n’apparaisse pas sur deux camĂ©ras, continua mon pĂšre. À quoi bon me dĂ©fendre si c’est ensuite pour m’accuser ? Maintenant que tu as la certitude de ton erreur, je pense qu’il est prĂ©fĂ©rable que tu retournes te coucher ; nous discuterons encore ce soir chez moi de cette affaire, Ă  tĂȘte reposĂ©e, et je suis sĂ»r que tu t’en voudras d’avoir avancĂ© de telles sornettes. Je t’invite Ă  dĂźner avec Elena. — Pourtant, rĂ©pĂ©ta Justin, pourtant, je suis sĂ»r. Il arrĂȘta de se tapoter sur le front, et releva les yeux, quittant sa pensĂ©e. — Tant pis, je suis obligĂ© d’utiliser ma derniĂšre preuve, ajouta-t-il en souriant. Heureusement que j’avais prĂ©vu que vous aviez sorti le poster dĂ©chirĂ© ! En rĂ©alitĂ©, je pense que vous aviez mis les morceaux dans votre poche gauche, et c’est pour ça que vous ne pouviez pas vous montrer sur les moniteurs quatre et cinq, alors que vous pouviez rĂ©apparaĂźtre sur le moniteur un. — Encore une nouvelle folie ? demanda mon pĂšre, fatiguĂ© de toutes ces accusations. — Oh non, fit Justin. J’aimerais bien que cela en soit une, croyez-le bien, mais je suis sĂ»r que non. J’imagine que vous avez dĂ©jĂ  vu un cadre vide. — Non, rĂ©pondit mon pĂšre ironiquement, ça ressemble Ă  quoi ? Ce n’est que mon mĂ©tier, aprĂšs tout ! — Et bien, rĂ©pondit Justin, ignorant l’ironie, je sais comment c’est constituĂ©, car j’en ai un chez moi, encadrant un tapis sur lequel est reprĂ©sentĂ© un esquimau sur un traĂźneau tirĂ© par des huskies. Il y a bien sĂ»r ce que nous voyons autour du tableau, lequel est un peu plus grand que le rebord intĂ©rieur du cadre. C’est ainsi qu’il est retenu pour ne pas tomber Ă  l’avant. DerriĂšre, il doit y avoir une barre coupant le cadre rectangulaire en son milieu, pour Ă©viter que le tableau ne tombe Ă  l’arriĂšre quand on penche le cadre en avant. — Oui, c’est ça, fit mon pĂšre exaspĂ©rĂ©. — Les cadres sont faits pour des tableaux rigides, pas pour des posters. Pour faire tenir droit une feuille de papier, et faire en sorte qu’elle ne se plie pas, je pense qu’il est nĂ©cessaire de recourir Ă  de la colle, n’est-ce pas ? Je continuais de regarder mon pĂšre, mais je ne le vis pas pĂąlir apparemment, Justin se trompait une nouvelle fois. — Et les policiers ne l’auraient pas vu ? demanda mon pĂšre. — Non, car ils n’ont pas soulevĂ© le cadre, sachant qu’aucun indice ne se trouverait derriĂšre. Ils ont probablement vĂ©rifiĂ© qu’il n’y avait aucune empreinte devant, mais pas derriĂšre. Et mĂȘme s’ils l’avaient dĂ©placĂ©, ils n’auraient pas cherchĂ© Ă  le fouiller, et ne se seraient donc pas rendu compte de ce que vous aviez fait. Cette fois, Justin se dirigea vers la salle du vol. En le suivant, je continuai d’observer mon pĂšre qui semblait autant que moi croire Ă  la folie de notre jeune ami. Ce dernier s’arrĂȘta devant le cadre vide. — AprĂšs mes observations et ma derniĂšre hypothĂšse, dit-il, il convient de faire une expĂ©rience et une contre-expĂ©rience pour vĂ©rifier l’authenticitĂ© de ce que j’avance. — Et qui est le cobaye ? demanda mon pĂšre. Justin souleva le cadre de la Colombe et le dĂ©crocha du mur. Il le tourna vers nous et nous montra alors un coin de papier blanc. — En retirant le poster Ă  dix-huit heures, M. Doury, je crains que vous n’ayez oubliĂ© de vĂ©rifier si vous ne l’arrachiez pas
 — Et que prouve ce vulgaire bout de papier ne reprĂ©sentant rien ? demanda mon pĂšre, aprĂšs avoir avalĂ© sa salive. — Il prouve qu’un poster a remplacĂ© le tableau. Quand voulez-vous qu’un poster pĂ»t prendre cette place, si ce n’est hier midi ? Avant de me dire qu’il y a bien longtemps, vous avez placĂ© un poster, pensez que nous pourrons dater cette colle qui me semble bien rĂ©cente. — Pourquoi ? hurlai-je, maintenant que la culpabilitĂ© de mon pĂšre ne faisait plus aucun doute. Pourquoi as-tu fait ça ? — Pour l’argent, ma fille, rĂ©pondit mon pĂšre, comprenant qu’il avait perdu. Le musĂ©e est dans une bien mauvaise passe, et j’ai en ce moment une offre tout Ă  fait attrayante pour un superbe tableau. En me dĂ©robant la Colombe, j’obtenais l’argent de l’assurance comme un prĂȘt Ă  zĂ©ro pour cent. Évidemment, je me serai restituĂ© le tableau dans quelques semaines, quand je serais plus Ă  l’aise sur le plan Ă©conomique, et j’aurai rendu l’argent Ă  l’assurance. Justin ne savourait pas sa victoire, car il savait que je souffrais de cette nouvelle. Il retourna chercher son manteau dans la salle oĂč il l’avait laissĂ© lors de son sommeil. Mon pĂšre avait honte et s’excusa. Quant Ă  moi, je lui pardonnai presque aussitĂŽt, fiĂšre de mon ami. Je venais de comprendre pourquoi celui-ci m’avait accusĂ© il voulait que mon pĂšre me dise qu’il ne m’en voudrait pas mĂȘme si j’étais coupable, pour qu’au final, c’est moi qui ne lui en veuille pas. Lorsqu’il revint, Justin avait avec lui un rouleau de papier. — Je me doutais que le musĂ©e aurait vendu des posters de l’une de ses plus belles Ɠuvres. J’ai trouvĂ© cet exemplaire dans le guichet. Vous voyez ce coin blanc ? Je suis sĂ»r que nous pourrions Ă©galement identifier le vulgaire bout de papier ne reprĂ©sentant rien » comme une partie de ce poster. Il replaça derriĂšre le cadre cette fausse Colombe — Quant Ă  l’Ɠuvre originale, dit-il avec un sourire, je suis sĂ»r qu’elle sera rĂ©expĂ©diĂ©e au musĂ©e, avec d’amples excuses d’un kleptomane qui dĂ©sirait juste s’amuser un peu. Bien sĂ»r, les mots de cette lettre seront dĂ©coupĂ©s d’un journal, afin d’éviter des problĂšmes graphologiques. Qu’en dites-vous, M. Doury ? — Oui, je pense que tu as raison, fit mon pĂšre avec un lĂ©ger sourire retrouvĂ©. Ça ne m’étonnerait mĂȘme pas que l’expĂ©diteur demeure inconnu. — Cela va de soi, rĂ©pondit Justin. — Je te remercie Justin, dit mon pĂšre en tendant la main. Le lieutenant a raison j’ai de la chance que ma fille t’ait choisi. — Merci, dit le jeune homme en serrant vigoureusement la main du directeur. — Je peux vous avouer une chose maintenant j’ai eu une chance inespĂ©rĂ©e avec cette ficelle. L’enquĂȘte tournait Ă  mon dĂ©savantage, alors que je savais que rien ne pouvait m’accuser, ni me disculper. J’avais Ă©galement pris soin de vĂ©rifier que mes gardes auraient un alibi. Ce vol devait rester mystĂ©rieux, et je me suis donc amusĂ© Ă  brouiller toutes les pistes. Il me semblait avoir tout prĂ©vu comme il n’y avait personne au musĂ©e Ă  partir de dix-huit heures, je savais que la police en dĂ©duirait que le voleur connaissait les sĂ©curitĂ©s et voulait le montrer. En dĂ©sactivant la camĂ©ra, je pensais que le lieutenant en conclurait aussitĂŽt que le voleur ne possĂ©dait pas le code. C’était le vrai but de cette explosion, je n’avais mĂȘme pas pensĂ© que cela pourrait servir Ă  prĂ©venir du vol. C’est vrai que c’était un peu tordu de ma part
 Et ça a failli me perdre selon mes idĂ©es, le lieutenant devait ĂȘtre persuadĂ© que le voleur ne possĂ©dait pas le code, donc qu’il Ă©tait sorti par la fenĂȘtre. Sans cette ficelle, le policier n’aurait peut-ĂȘtre mĂȘme pas prĂȘtĂ© attention Ă  cette hypothĂšse et aurait conclu aussitĂŽt Ă  la prĂ©sence d’un complice extĂ©rieur possĂ©dant la clĂ© et le code. Alors, ç’aurait Ă©tĂ© trĂšs fĂącheux, surtout pour mes gardes ; moi, j’avais un alibi solide jusqu’à minuit. Heureusement que les hommes du lieutenant ont retrouvĂ© une vieille ficelle. — Heureusement que j’avais un bout de ficelle sur moi, en effet, rectifia Justin. C’est moi qui l’ai mise, lorsque j’ai demandĂ© Ă  Elena de vĂ©rifier s’il y avait du nouveau dans la salle de vidĂ©osurveillance, juste aprĂšs ĂȘtre sorti de la salle des interrogatoires. Je ne voulais pas que le lieutenant croie que le voleur avait un complice extĂ©rieur. Et puis, un petit indice de plus ne pouvait pas lui faire de mal, il en avait tellement peu
 — Tu as vraiment pensĂ© Ă  tout, dit mon pĂšre Ă©patĂ©. — Je crois qu’il est l’heure d’aller se coucher maintenant, finit Justin. Qu’en penses-tu Elena ? — Bonne idĂ©e, rĂ©pondis-je en bĂąillant. Je tombe de sommeil. — Alors, M. Doury, Ă  bientĂŽt. — À bientĂŽt, les enfants. Alors que nous nous Ă©loignions vers la sortie, mon pĂšre dit le dĂźner de ce soir tient encore, au fait. » Je m’étais retournĂ©e, et derriĂšre mon pĂšre, je pouvais voir la Colombe apporter Ă  NoĂ© un rameau d’olivier, symbole de calme et paix retrouvĂ©s.
Myope- Enigmatik Myope classée dans junior Je porte des lunettes mais je n'y vois rien. Qui suis-je ? > solution Partagez cette énigme Suggestions liées à cette énigme Dents Il a des dents
Quandje lui ai fait la remarque elle m'a certifiĂ© que ça ne posait aucun problĂšme. Toujours est-il que je ne vois bien ni de prĂšs, ni de loin avec ces lunettes, et que je vois mĂȘme dĂ©doublĂ© certaines choses (notamment lors de la lecture). Je les porte donc pour reposer mes yeux, mais en voyant le monde totalement flou. jAd6R.
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