Ouimais le meilleur examen du monde ne sert Ă rien si les lunettes rĂ©alisĂ©es aprĂšs ne sont pas honorĂ©es du mĂȘme sĂ©rieux. Donc le fait d'aller voir un optomĂ©triste ne garantie en
ZazzleRechercher des produits ou des designsVendre sur ZazzleïPanierOups ! Nous ne trouvons pas le produit que vous si nous pouvons vous aider Ă trouver quelque chose ouDĂ©couvrez nos produitsDĂ©couvrez nos produits populairesCarte Collage photo de 40e ou tout Ăąge Gros anniversaire-50% avec le code ZGETCREATIVEPorte-clĂ©s Mariage Sauvez la date Simple Calligraphie photo-15% avec le code ZGETCREATIVECarte Postale Santorin, GrĂšce-50% avec le code ZGETCREATIVETote Bag Collage photo personnalisĂ© Famille des amis-15% avec le code ZGETCREATIVECarte postale Gustav Klimt Judith-50% avec le code ZGETCREATIVEBudget Rose Gold Parties scintillant N'importe que-15% avec le code ZGETCREATIVE
Danscette rubrique. Un pÚre et un fils ont à eux deux 36 ans. - 12 mai 2019 Je pense à 2 nombres qui se suivent. Je les - 5 mai 2019 Casimir écrit la suite des nombres à partir de -
Il se rĂ©vĂšle ĂȘtre conseillĂ© de rĂ©aliser porter les lunettes en permanence, put les activitĂ©s quel professionnel sollicitent la perception visuelle loin et de prĂšs. Il est difficile de prĂ©voir una progression de una myopie, qui peut sâaccĂ©lĂ©rer Ă lâadolescence effectivement. Pour ralentir la progression de la myopie, arianne semblerait que rĂ©aliser pratiquer des actions de plein air flow, rĂ©guliĂšrement, pourrait avoir un effet bĂ©nĂ©fique chez les enfants et adolescents. Jâai 19 ans. Lors dâune consultation chez mon ophtalmologue, jou me suis rĂ©digĂ© diagnostiquer une small myopie 0. five. Jâai comme votre impression que mother vue se dĂ©grade de plus. Depuis ce petit constat jâai arrĂȘtĂ© sobre porter mes lunettes. Bonjour, jâai 15 ans, cela renseignĂ© maintenant 4 ans que jâai dieses lunettes mais nenni les porte la cual rarement. Câest pourquoi elle faut alors sâorienter vers des solutions de grossissement Ă©lectroniques comme les loupes Ă©lectroniques notammente,. Salut, laissez vous un temps dâadaptation De quelques jours Ă quelques semaines. Cuando au bout dâun certain temps vous avez toujours des problĂšmes, je nenni peux que vous conseiller de prendre un nouveau rendez-vous chez votre spĂ©cialiste. Les Ă©crans sont capables en effet engendrer des troubles para la vision. Il est gĂ©nĂ©ralement conseillĂ© de faire des pauses lors dâune exposition prolongĂ©e. Histoires Dâadaptation Verres Progressifs Lâopticien a dĂ» accompagner sa prescription mais les verres ne sont peut ĂȘtre pas non in addition de la meilleure qualitĂ© qui soit. Donc, je vais consulter algun autre ophtalmo sobre lui soulignant le problĂšme afin quâil mesure correctement mother vue. Et lo faire voir uses lunettes pour quâil me dise votre quâil en pense. Vu ma myopie, et ma static correction ça me coĂ»te suffisamment cher pour ne pas avoir envie de jeter lâargent expertise des fenĂȘtres. Ce nâest pas bien compliquĂ©, et cela peut ĂȘtre bien utile. Si vous souffrez lors du port de vos lunettes au point dâavoir dieses maux de tĂȘtes importants je nenni peux que les joueurs conseiller de reprendre contact avec votre professionnel de santĂ© afin de corriger cela. Je voudrais dĂ©terminer si câest serious et si jou peux ralentir ce fait. Ceci Ă©tant le port ou non de ces lunette risque faible dâinfluer sur lâĂ©volution de votre vue, par contre sinon vous serez habituĂ© au confort quâelles apportent il reste probable que les joueurs soyiez mal sans elles. Si cette myopie est rĂ©elle », arianne est malheureusement peu probable quâelle disparaisse. Heureusement, Ă lâĂąge adulte, vous allez pouvoir envisager une intervention de chirurgie rĂ©fractive qui est parfaitement efficace pour los angeles correction de una myopie common ». Les lentilles journaliĂšre doivent ĂȘtre jetĂ©es avant sobre dormir, il nâest pas recommandĂ© para dormir avec, et de les restĂ©riliser. Les dangers encourus peuvent menacer le pronostic visuel. Plusieurs germes sont Ă lâorigine de kĂ©ratites infectieuses sĂ©vĂšres, qui peuvent laisser de graves sĂ©quelles. The priori il reste plutĂŽt dĂ»r de pronostiquer une Ă©volution de la kurzsichtigkeit; gĂ©nĂ©ralement, la myopie faible nâĂ©volue pas ou trĂšs faible aprĂšs lâadolescence. Friday Fils Vient Dâavoir Des Lunettes Et Dit Quâil Eine Voit Plus Rien mum belle-soeur an european un mĂȘme type de problĂšme de vue que vous quand elle a new changĂ© ses lunettes et pourtant elle Ă©tait allĂ©e chez un opticien je veux dire pas votre grande chaĂźne ». Elle a traĂźnĂ© des mois et kklk mois avec kklk migraines et una vue trouble. Ou finalement, lâophtalmo a new fini par lo dĂ©couvrir un problĂšme aux yeux. Los angeles stabilisation entre ma myopie intervient gĂ©nĂ©ralement entre 18 et 25 ans, en fonction du degrĂ© de celle-ci. Porter des lunettes ne provoquera pas dâaccĂ©lĂ©ration para la myopie. Cet myopie est indĂ©cis -0. 25 se rĂ©vĂšle ĂȘtre la plus petite correction. Je les joueurs conseille de tenir vos lunettes au moins en classe, pour regarder algun film ou leur Ă©mission, etc. Pour faire du sport et se promener la journĂ©e, celles-ci vous seront probablement plus facultatives. Câest Ă vous de juger de lâintĂ©rĂȘt de cette correction partielle. Jou ne porte in addition mes lunettes pour aller danser, parce quâun jour jou les ai cassĂ©es. Il me semble que jâavais autant de succĂšs avec que sans, peut ĂȘtre que les hommes aiment de mĂȘme avoir lâimage dâune femme sage majoritairement en discothĂšque oĂč on voit bien de dĂ©lurĂ©es. Jou ne fais nĂ©gatif complexe avec mes lunettes et jou les porte dâailleurs pendant que je tâecris. Je trouve que ça me vieillit et depuis que jâai 38 ans, je begin Ă faire attention Ă ces impacts. Mon ophtalmo mâavait dit de nos porter simplement put travailler sur Ă©cran et regarder los angeles tĂ©lĂ©. Jâavais toutefois rapportĂ© uniquement des plaintes pour votre travail sur Ă©cran lors de ma consultation. Jâavais pour ma part des yeux fatiguĂ©s Ă cause du PC. Astigmatisme & Kurzsichtigkeit A mon avis tu fais erreur et Jupiter nâest probablement pas loin, mais tu 2 voir une boule, mĂȘme petite, et 4 points alignĂ©s en comparaison avec lâĂ©quateur de la planĂšte. Upon peut grossir leur Ă©toile 1000x ou voir quâun stage brillant, seul des objets du ciel profond ainsi que planĂštes prĂ©sentent un diamĂštre apparent qui grandi au fur ainsi que Ă mesure du grossissent. La monture EQ1 nâest pippo le top cependant pour apprendre Ă manipuler, câest particuliĂšrement bien.
Astuceâïž : que faire si Face ID ne vous reconnait pas avec des lunettes de soleil | iGeneration. Ăa chauffe encore - Centre Social et Culturel "Espace Tuilerie" Ville de Montchanin . Optic 2000, Playce Palmeraie, Playce Palmeraie Carrefour Faya, Abidjan (2020) Devinette : je porte des lunettes mais je ne peux pas me voir . Qui suis-je ? ïž | Devinette #18
Quand on a des problĂšmes de vue, pas le choix il faut porter des lunettes. Mais parfois, ce nâest pas si simple moqueries des camarades, gĂȘne pour participer Ă certaines activitĂ©s⊠RĂ©sultat certaines sont complexĂ©es par leurs lunettes ! Si tu portes des lunettes, raconte-nous, comment tu vis avec ! Est-ce que tu as dĂ©jĂ reçu des remarques ? Ou, au contraire, vois-tu les lunettes comme un accessoire de mode ? Comment les choisis-tu ? Dis-nous ce que tu aimerais trouver dans un article sur ce thĂšme dans le magazine Julie poste tes questions et tes tĂ©moignages ! Les 5 bonnes raisons de sâabonner Ă Juliemag Trouver des rĂ©ponses aux questions que se pose votre fille Voir votre fille prendre confiance en elle Sâinspirer du parcours de femmes exceptionnelles Faire le plein dâastuces et de conseils pour sa vie quotidienne La voir prendre sa place dans un groupe et la sociĂ©tĂ© Julie De 10 Ă 14 ans La meilleure amie des annĂ©es collĂšge Le magazine Julie, câest Ă la fois une grande sĆur et un coach pour les annĂ©es collĂšge. Les prĂ©-adolescentes vivent une Ă©tape importante leur corps se transforme, leur personnalitĂ© sâaffirme. Elles se questionnent et cherchent des de panique, Julie est lĂ ! Offrez Ă votre fille un abonnement au magazine Julie ! 1 numĂ©ro par mois Y'a pas qu'Ă l'Ă©cole qu'on apprend ! Il y a aussi les magazines Milan ! Rejoins la famille Milan Jeunesse et recevez nos actualitĂ©s et nos offres exclusives Ces informations sont destinĂ©es au groupe Bayard, auquel appartient. Elles sont enregistrĂ©es dans notre fichier afin de vous envoyer les newsletters que vous avez demandĂ©es. ConformĂ©ment Ă la loi Informatique et LibertĂ©s » du 6/01/1978 modifiĂ©e et au RGPD du 27/04/2016, elles peuvent donner lieu Ă lâexercice du droit dâaccĂšs, de rectification, dâeffacement, dâopposition, Ă la portabilitĂ© des donnĂ©es et Ă la limitation des traitements. Pour plus dâinformations, nous vous renvoyons aux dispositions de notre Politique de confidentialitĂ© sur le site © 2022 Milan Presse - Tous droits rĂ©servĂ©s
Ellesappuient chacun des pas dans le goudron oĂč le gravier. Si Jupiter est ici, ce n'est pas pour se recueillir, ce n'est pas pour fleurir. Les adolescents adultes dĂ©cĂ©dĂ©s ne sont pas ici, ils ne font que parti d'un passĂ© dĂ©jĂ usĂ© dans ses plus profondes pensĂ©es. Non, la brune a souhaitĂ© chercher de nouveaux lieux Ă Ă©tudier : le cimetiĂšre est un lieu reconnu pour les histoires d
Sujet [DEVINETTE] Je porte des lunettes mais je n'y vois rien, qui suis-je? shortcuts MP 16 mars 2020 à 205140 Je porte des lunettes mais je n'y vois rien, qui suis-je? Pseudo supprimé 16 mars 2020 à 205220 un jeune ivoirien SpoilAfficherMasquerje fais la blague avec un pseudo poubelle vu que j'assume pas ironna MP 16 mars 2020 à 205244 BambouPanda MP 16 mars 2020 à 205339 shortcuts MP 16 mars 2020 à 205351 NOn keeuuwa MP 16 mars 2020 à 205424 Gilbert Montagner ou Steevy Wonder Message édité le 16 mars 2020 à 205453 par keeuuwa LeFameuxAmi MP 16 mars 2020 à 205444 Suu-merde196 MP 16 mars 2020 à 205506 shortcuts MP 16 mars 2020 à 205538 Le 16 mars 2020 à 205506 Suu-merde196 a écrit Un nezOuiiiii A toi mon khey DoraBora MP 16 mars 2020 à 205548 Un fusil à lunette jepostetubides MP 16 mars 2020 à 205611 sympassif MP 16 mars 2020 à 205846 jacktopkek MP 16 mars 2020 à 205926 Victime de harcÚlement en ligne comment réagir ?
Jeporte des lunettes mais je n'y vois rien. Qui suis-je ? solution. Action. Ce mot peut désigner une action au judo, un moyen de brancher une lampe ou un animal capturé. solution. La roue qui tourne. Lorsque je prends un rond-point à grande vitesse avec ma voiture, une des roues ne tourne pas : laquelle ? solution. Bien couvert. Je ne suis pas vivant mais j'ai des feuilles, un dos
1 J'en ai marre de porter des lunettes, je ne les portes plus souvent, sauf devant l'ordi et j'ai senti une trĂšs lĂ©gĂšre amĂ©lioration. Les lunettes rendant les yeux "fainĂ©ants". Quelqu'un s'est-il dĂ©barrasser de la myopie par un moyen quelconque ? Si quelqu'un est passĂ© Ă la chirurgie au laser, j'aimerais savoir si c'est douloureux et si on se retrouve vĂ©ritablement avec une vue 10/10. Car j'ai lus sur certains forum que certains cas mĂȘme Ă la trentaine aprĂšs 5 ans voyaient leur vue baissĂ©. Si vous avez d'autres moyens pour mĂȘme amĂ©liorer sensiblement la vue je suis preneur ! SaletĂ© de lunettes, je me trouve moins beau gosse avec, alors autant ĂȘtre beau gosse Ă 100% 2 Pourquoi pas les lentilles? 3 J'en ai marre de porter des lunettes, je ne les portes plus souvent, sauf devant l'ordi et j'ai senti une trĂšs lĂ©gĂšre amĂ©lioration. Les lunettes rendant les yeux "fainĂ©ants". Quelqu'un s'est-il dĂ©barrasser de la myopie par un moyen quelconque ? Si quelqu'un est passĂ© Ă la chirurgie au laser, j'aimerais savoir si c'est douloureux et si on se retrouve vĂ©ritablement avec une vue 10/10. Car j'ai lus sur certains forum que certains cas mĂȘme Ă la trentaine aprĂšs 5 ans voyaient leur vue baissĂ©. Si vous avez d'autres moyens pour mĂȘme amĂ©liorer sensiblement la vue je suis preneur ! SaletĂ© de lunettes, je me trouve moins beau gosse avec, alors autant ĂȘtre beau gosse Ă 100% personellement, je porte des lentilles; zĂ©ro pb avec. une qualitĂ© de vue incomparable. pas contraignant. je dĂ©conseille l'opĂ©ration. ma soeur s'est fait opĂ©rer et malheureusement elle ne voit quasiment plus rien d'un oeil; cela la traumatise et la stresse bcp depuis des annĂ©es donc vraiment pas d'opĂ©ration. Mieux vaut des lentilles ou au pire des lunettes plutot que ne rien voir. 4 Attention Ă l'intervention par laser...il ne faut pas oublier qu'une dĂ©charge est demandĂ©e au patient pas trĂ©s normal pour une intervention qui est supposĂ©e ĂȘtre bien maitrisĂ©e ! Le mieux est encore les lentilles.... aprĂ©s un essaie toujours ! AncienMembre 5 SaletĂ© de lunettes, je me trouve moins beau gosse avec, alors autant ĂȘtre beau gosse Ă 100% Tu ne sais pas choisir les lunettes qui iront Ă ta gueule de beau-gosse! Ben opte pour des lentilles, c'est plus pratiques,non? 6 Attention Ă l'intervention par laser...il ne faut pas oublier qu'une dĂ©charge est demandĂ©e au patient pas trĂ©s normal pour une intervention qui est supposĂ©e ĂȘtre bien maitrisĂ©e ! Le mieux est encore les lentilles.... aprĂ©s un essaie toujours ! tout Ă fait d'accord. ma soeur a signĂ© cette dĂ©charge et maintenant elle regrette vraiment son opĂ©ration 7 Attention Ă l'intervention par laser...il ne faut pas oublier qu'une dĂ©charge est demandĂ©e au patient pas trĂ©s normal pour une intervention qui est supposĂ©e ĂȘtre bien maitrisĂ©e ! Le mieux est encore les lentilles.... aprĂ©s un essaie toujours ! Pourtant si tu fais un ratio du nbre d'interventions vs les echecs tu te rends compte que cette opĂ©ration est fiable.. tous mes proches qui l'ont subi en sont ressortis avec des yeux pleinement opĂ©rationnels.. 8 Pourtant si tu fais un ratio du nbre d'interventions vs les echecs tu te rends compte que cette opĂ©ration est fiable.. tous mes proches qui l'ont subi en sont ressortis avec des yeux pleinement opĂ©rationnels.. Cetes, j'avais travaillĂ© avec un pro dans le domaine et mĂȘme l'un des premiers Ă l'avoir pratiquĂ© en France ! Mais le risque zĂ©ro n'existant pas....il faut aussi prendre cela en considĂ©ration LA VUE C'EST LA VIE 9 Je connais 4 personnes dans mon entourage qui ont fait le laser et ca s'est tres bien passĂ©, elles revoient parfaitement et n'ont eu aucun mal a se remettre de l'opĂ©ration. Il faut attendre nĂ©anmoins que la vue se stabilise avant une quelconque intervention. 10 tout Ă fait d'accord. ma soeur a signĂ© cette dĂ©charge et maintenant elle regrette vraiment son opĂ©ration pourquoi elle regrette, qu'est ce qui s'est passĂ© ? je suis myope aussi, et jamais je ne ferai cette opĂ©ration j'ai trop peur des consĂ©quences 11 Je connais une personne qui a subit l'opĂ©ration, elle ne porte plus de lunettes et ça c'est trĂ©s bien passĂ© !!! Sinon tu peux essayer les lentilles mais c'est pĂ©nible je trouve. 12 lentille ou laser 13 Mais le laser , quelqu'un l'a fait et a perdu la partie "noire" d'un de ses yeux... il s'est retrouvĂ© avec un oeil normal et un oeil de "zombie" ... -/ 14 Mais le laser , quelqu'un l'a fait et a perdu la partie "noire" d'un de ses yeux... il s'est retrouvĂ© avec un oeil normal et un oeil de "zombie" ... -/ HĂ© bĂ©, ça n'encourage pas vraiment l'intervention au laser Je connais une personne qui a subit l'opĂ©ration, elle ne porte plus de lunettes et ça c'est trĂ©s bien passĂ© !!! Sinon tu peux essayer les lentilles mais c'est pĂ©nible je trouve. Je n'ai jamais portĂ© de lentilles, c'est justement le fait de devoir les enlever/nettoyer sans cesse qui me rebute. Mais je vais tester on verra bien. Faut-il obligatoirement revoir un ophtalmo pour commander des lentilles ? 15 J'en ai marre de porter des lunettes, je ne les portes plus souvent, sauf devant l'ordi et j'ai senti une trĂšs lĂ©gĂšre amĂ©lioration. Les lunettes rendant les yeux "fainĂ©ants". Quelqu'un s'est-il dĂ©barrasser de la myopie par un moyen quelconque ? Si quelqu'un est passĂ© Ă la chirurgie au laser, j'aimerais savoir si c'est douloureux et si on se retrouve vĂ©ritablement avec une vue 10/10. Car j'ai lus sur certains forum que certains cas mĂȘme Ă la trentaine aprĂšs 5 ans voyaient leur vue baissĂ©. Si vous avez d'autres moyens pour mĂȘme amĂ©liorer sensiblement la vue je suis preneur ! SaletĂ© de lunettes, je me trouve moins beau gosse avec, alors autant ĂȘtre beau gosse Ă 100% Si tu ressembles Ă ton avatar tu dois ĂȘtre vraiment moche donc lunettes ou lentilles, c'est du pareil au mĂȘme. 16 Si tu ressembles Ă ton avatar tu dois ĂȘtre vraiment moche donc lunettes ou lentilles, c'est du pareil au mĂȘme. Je ne ressemble pas Ă mon avatar, mon avatar c'est "Jackie Chan" Merci pour ton commentaire le troll tu peut aller voir ailleurs maintenant 17 Je n'ai jamais portĂ© de lentilles, c'est justement le fait de devoir les enlever/nettoyer sans cesse qui me rebute. Mais je vais tester on verra bien. Faut-il obligatoirement revoir un ophtalmo pour commander des lentilles ? Oui il faut revoir un ophtalmo pour qu'il te prescrit une ordonnance avec la marque des lentilles et ta correction.. Tu peux toujours tester et c'est pris en charge par la sĂ©cu sauf le produit de nettoyage. Ce qui est pĂ©nible c'est de les mettre et les enlever en touchant l'oeil...quand tu ne sais pas faire ça peut ĂȘtre douleureux avec les yeux qui pleurent.. 18 Les lentilles, c'est pas du tout chiant, tu les enlĂšve en 30secondes par habitude, tu peux varier avec les lunettes, c'est pas cher et c'est 1milliard fois meilleur que les lunettes Va voir ton ophtalmo et il te dira si tu as les yeux compatible avec les lentilles, car certains n'ont pas assez de larmes pour supporter les lentilles Ceux qui disent que c'est comme les lunettes, alors lĂ dĂ©trompez vous, ça n'a rien avoir, ce n'est pas aussi chiant. On m'a mĂȘme dit qu'on ne peut pas mettre de khol ou aller Ă la plage...que des sottises 19 Oui il faut revoir un ophtalmo pour qu'il te prescrit une ordonnance avec la marque des lentilles et ta correction.. Tu peux toujours tester et c'est pris en charge par la sĂ©cu sauf le produit de nettoyage. Ce qui est pĂ©nible c'est de les mettre et les enlever en touchant l'oeil...quand tu ne sais pas faire ça peut ĂȘtre douleureux avec les yeux qui pleurent..leurs *****, j'aurais pas de rendez-vs avant des plombes Les lentilles, c'est pas du tout chiant, tu les enlĂšve en 30secondes par habitude, tu peux varier avec les lunettes, c'est pas cher et c'est 1milliard fois meilleur que les lunettes Va voir ton ophtalmo et il te dira si tu as les yeux compatible avec les lentilles, car certains n'ont pas assez de larmes pour supporter les lentilles Ceux qui disent que c'est comme les lunettes, alors lĂ dĂ©trompez vous, ça n'a rien avoir, ce n'est pas aussi chiant. On m'a mĂȘme dit qu'on ne peut pas mettre de khol ou aller Ă la plage...que des sottises Quelle est leur durĂ©e de vie ? Je suppose qu'il faut les changer rĂ©guliĂšrement non ? 20 tout Ă fait d'accord. ma soeur a signĂ© cette dĂ©charge et maintenant elle regrette vraiment son opĂ©ration qu'est ce qu'il lui est arrivĂ© Ă ta soeur? 21 Quelle est leur durĂ©e de vie ? Je suppose qu'il faut les changer rĂ©guliĂšrement non ? Tout dĂ©pend de ton choix tu les change chaque jour, toute les deux semaines, tous les mois, l'annĂ©e. A toi de choisir avec l'ophtalmo 22 pourquoi elle regrette, qu'est ce qui s'est passĂ© ? je suis myope aussi, et jamais je ne ferai cette opĂ©ration j'ai trop peur des consĂ©quences qu'est ce qu'il lui est arrivĂ© Ă ta soeur? en fait; pour un oeil ca a trĂšs bien marchĂ© et pour l'autre elle a une fatigue oculaire trĂšs importante; limite elle ne voit pas de cet oeil. Je lui ai dĂ©jĂ proposĂ© de porter une lentille sur cet oeil mais elle ne la supporte pas; vraiment cette opĂ©ration l'a traumatisĂ©e. c'est trĂšs bizarre , imagine un oeil qui voit bien et l'autre presque pas du tout. 23 personellement, je porte des lentilles; zĂ©ro pb avec. une qualitĂ© de vue incomparable. pas contraignant. je dĂ©conseille l'opĂ©ration. ma soeur s'est fait opĂ©rer et malheureusement elle ne voit quasiment plus rien d'un oeil; cela la traumatise et la stresse bcp depuis des annĂ©es donc vraiment pas d'opĂ©ration. Mieux vaut des lentilles ou au pire des lunettes plutot que ne rien voir. elle a fait l'opĂ©ration au laser pour retirer la myopie? ou une autre opĂ©ration comme pour la cataracte?... De toute façon, dans toutes les opĂ©rations, il y a des risques. 24 elle a fait l'opĂ©ration au laser pour retirer la myopie? ou une autre opĂ©ration comme pour la cataracte?... De toute façon, dans toutes les opĂ©rations, il y a des risques. opĂ©ration contre la myopie simplement. 25 vraiment, les lentilles c'est prĂ©fĂ©rable. c'est pas contraignant du tout. 26 opĂ©ration contre la myopie simplement. J'ai le forum en entier. Je compatis au traumatisme de ta soeur. J'y avais songĂ© moi aussi Ă cette opĂ©ration mais j'ai peur des risques. Sinon, ma fille a un strabisme et l'ophtalmo m'a dit qu'Ă 6 ans, si son strabisme ne se rĂ©sorbe pas, elle encourt l'opĂ©ration du strabisme. Ca me fait flipper rien qu'en y songeant. 27 salam mĂȘme si tu fais le laser, tu seras obligĂ© de porter des lunettes, enfin c'est prĂ©conisĂ© dans le sens, oĂč si tu passes du temps devant l'ordi il est prĂ©fĂ©rable d'en porter pour Ă©viter le dĂ©sechement des yeux, souvent observĂ© aprĂšs ce genre d'intervention est ce que c'est douloureux? tu ne sens rien quand il est en train de faire le 1er oeil, une fois il attaque le 2Ăšme Ă croire que c'est psychologique tu as mal, avantage ça ne dure que quelques secondes. aprĂšs il est vrai que ça fait un peu mal, en tout cas supportable, c'est vrai que mon voisin de chambre gigotait, personnellement j'ai gerĂ©, mais le lendemain avec la lumiĂšre c'Ă©tait juste impossible ça arrache les yeux mĂȘme avec des lunettes de soleil..Une semaine aprĂšs c'est que du bonheur A mon avis, vois avec ton ophtalmologue dĂ©jĂ ton degrĂ© de myopie est ce qu'il est opĂ©rable via laser ou pas et fonces ykoune khir 28 J'ai le forum en entier. Je compatis au traumatisme de ta soeur. J'y avais songĂ© moi aussi Ă cette opĂ©ration mais j'ai peur des risques. Sinon, ma fille a un strabisme et l'ophtalmo m'a dit qu'Ă 6 ans, si son strabisme ne se rĂ©sorbe pas, elle encourt l'opĂ©ration du strabisme. Ca me fait flipper rien qu'en y songeant. Un strabisme pris en charge suffisament tĂŽt avant les 5 ans de l'enfants est souvent bien rĂ©glĂ©. Des exercices de rééducation avec l'aide d'une orthoptiste, le port de cache oeil pour l'enfant .... bref, ne pas occulter toutes ses possibilitĂ©s avant de penser Ă l'intervention chir ! 29 Un strabisme pris en charge suffisament tĂŽt avant les 5 ans de l'enfants est souvent bien rĂ©glĂ©. Des exercices de rééducation avec l'aide d'une orthoptiste, le port de cache oeil pour l'enfant .... bref, ne pas occulter toutes ses possibilitĂ©s avant de penser Ă l'intervention chir ! Ma fille a commencĂ© Ă porter des lunettes dĂšs ses 2 ans, quand elle a ses lunettes, ça va, mais dĂšs qu'elle les enlĂšve, on voit beaucoup son strabisme. Et en plus du strabisme, il y a une hypermĂ©tropie. J'aimerai bien avoir des tĂ©moignages de personnes qui ont Ă©tĂ© dans ce cas lĂ . 30 Ma fille a commencĂ© Ă porter des lunettes dĂšs ses 2 ans, quand elle a ses lunettes, ça va, mais dĂšs qu'elle les enlĂšve, on voit beaucoup son strabisme. Et en plus du strabisme, il y a une hypermĂ©tropie. J'aimerai bien avoir des tĂ©moignages de personnes qui ont Ă©tĂ© dans ce cas lĂ . ma fille de 21 ans porte des lunettes depuis l'Ăąge de 1 an .... et aujourd'hui plus de strabisme du tout...mais hypermĂ©trope....mais beaucoup moins car un suivi rĂ©gulier depuis 20 ans ! elle porte mĂȘme des lentilles depuis 2 semaines.... et ses yeux sont magnifiques 31 ma fille de 21 ans porte des lunettes depuis l'Ăąge de 1 an .... et aujourd'hui plus de strabisme du tout...mais hypermĂ©trope....mais beaucoup moins car un suivi rĂ©gulier depuis 20 ans ! elle porte mĂȘme des lentilles depuis 2 semaines.... et ses yeux sont magnifiques attention Ă la sĂ©cheresse des yeux avec les lentilles gros gros risque 32 attention Ă la sĂ©cheresse des yeux avec les lentilles gros gros risque elle ne les porte pas trop souvent, son ophtalmo lui a dĂ©conseillĂ© d'ailleurs ! c'est juste pour sa faire sa belle 33 ma fille de 21 ans porte des lunettes depuis l'Ăąge de 1 an .... et aujourd'hui plus de strabisme du tout...mais hypermĂ©trope....mais beaucoup moins car un suivi rĂ©gulier depuis 20 ans ! elle porte mĂȘme des lentilles depuis 2 semaines.... et ses yeux sont magnifiques Je me rappelle que c'est toi qui m'avait rĂ©pondu Ă un autre forum que j'avais créé. J'aurai tant aimĂ© qu'elle ne porte pas de lunettes en plus dĂšs son plus jeune Ăąge, c'est dure,... Sais tu si c'est tous les hypermĂ©tropes strabiques qui doivent porter des lunettes Ă vie? 34 Je me rappelle que c'est toi qui m'avait rĂ©pondu Ă un autre forum que j'avais créé. J'aurai tant aimĂ© qu'elle ne porte pas de lunettes en plus dĂšs son plus jeune Ăąge, c'est dure,... Sais tu si c'est tous les hypermĂ©tropes strabiques qui doivent porter des lunettes Ă vie? ma grande est myope ... et elle aussi porte lunettes et lentilles.... c'est un moindre mal que d'ĂȘtre appareillĂ© en optique Plus elle va grandir, plus elle va en jouer de ses lunettes couleurs, formes... ne t'inquiĂ©te pas, les enfants s'adaptent mieux que nous. 35 ma grande est myope ... et elle aussi porte lunettes et lentilles.... c'est un moindre mal que d'ĂȘtre appareillĂ© en optique Plus elle va grandir, plus elle va en jouer de ses lunettes couleurs, formes... ne t'inquiĂ©te pas, les enfants s'adaptent mieux que nous. Je porte moi aussi des lunettes, mais je les mets pas souvent et j'aime pas du tout, car ça limite ton champ de vision Ă cause des cadrans et des verres. Pourtant j'ai des invisibles, mais je m'y fais pas et je les porte pas souvent,... c'est quoi ĂȘtre appareillĂ© en optique?
Jepense sinon Ă deux paires de lunettes leur en VL ou l autre en VP. AprĂšs pas mal Ă©checs en lunettes et lentilles, u pense Ă leur Ă©ventuelle presbystie. Je les essaie durante ce moment mais je ne vois pas mieux para prĂ©s, câest plus efficacement mais flou. Jâai 43 ans et je suis Ă partir de lâĂąge de eighteen mois hypermĂ©trope
Photo d'Harry Potter petit prise aux studios Warner Bros Quand j'Ă©tais petite, les enfants Ă lunettes ça existait oui mais il n'y en avait pas beaucoup des "binoclards". Il y en avait peu, du coup ils Ă©taient plus montrĂ©s du doigt et souvent assez complexĂ©s. Il n'Ă©tait pas rare de voir qu'en cas de brouille, les lunettes tombaient oĂč Ă©taient cassĂ©es. Certaines mauvaises graines avaient compris Ă quel point il Ă©tait facile d'embĂȘter l'enfant Ă lunettes, il suffisait de lui piquer l'objet et de le faire marner. J'ai l'impression qu'aujourd'hui le dĂ©pistage est mieux fait et plus prĂ©coce, rĂ©sultat, l'enfant Ă lunettes n'est plus une bĂȘte curieuse. Je ne dis pas que c'est plus facile Ă accepter mais plus le port de lunettes se fait tĂŽt, plus c'est mieux intĂ©grĂ© par l'enfant. La preuve, moi Ă 45 ans j'ai un mal fou Ă m'y faire, je ne suis pas du tout Ă l'aise avec mes lunettes et je ne me sens pas moi. Ces enfants d'aujourd'hui Ă lunettes, nos enfants, vivent avec leurs lunettes depuis tout petit, elles font partie d'eux. Normal qu'ils aient envie comme tous les autres enfants de s'identifier Ă des personnages qui leur ressemblent. Et lĂ c'est peine perdue. C'est en rĂ©pondant Ă une interrogation de ma copine Audrey que j'ai eu envie d'Ă©crire ce billet. Sa petite fille de 4 ans ne voulait plus porter ses lunettes sous prĂ©texte que les princesses n'en portent pas. Nous nous sommes donc mises Ă chercher partout des hĂ©roĂŻnes de dessin animĂ© avec des lunettes et on fait chou blanc. Il a fallu se rendre Ă l'Ă©vidence, une fille Ă lunettes ce n'est pas encore entrĂ© dans l'univers Disney/Pixar/Dreamworks et autres faiseurs de rĂȘves. Les garçons d'aujourd'hui ont leur hĂ©ros Ă lunettes. Il s'appelle Harry Potter et je suis persuadĂ© qu'il a fait beaucoup pour que des petits garçons Ă lunettes le vivent bien. Chez les filles c'est le dĂ©sert. Les lunettes sont rĂ©servĂ©es aux clichĂ©s des filles intellos ou mal dans leur peau. Dans Scooby-Doo, Vera a des lunettes, mais quelles lunettes, pas de quoi affoler une gamine de 4 ans ! Vous ne pouvez pas imaginer la joie de Nina quand elle a eue sa premiĂšre Barbie Ă lunettes, la Barbie architecte. Et elle a hurlĂ© "Oh un Playmobil Ă lunettes" quand elle a ouvert un cadeau ! Bon ce sont des lunettes de soleil mais elles sont dessinĂ©es sur le personnage. D'ailleurs, Monsieur Playmobil, ça serait si compliquĂ© de faire un ou deux enfants avec des lunettes ? Quand ses jouets de tous les jours peuvent lui ressembler, mine de rien elle a le sourire... Et la petite souris vient justement de lui apporter le Schtroumpf Ă lunettes. Alors les cinĂ©astes, les crĂ©ateurs de personnages pour enfant, Ă quand une hĂ©roĂŻne fille Ă lunettes qui soit aussi gĂ©niale qu'Harry Potter ?
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troispaires de lunettes une pour mon fils mon epouse et moi meme ,rien que pour moi la facture est salee 640euros avec anti reflets et anti rayures qui n a que le nom car portees trois fois et deja rayees mais kryss ne veut rien savoir et je dois contribuer soit 30 pour cent de la somme des verres ,honteux car je pense avoir deja bien nourri le magasin kryss de la galerie marchande
22 avril 2022 je commence enfin Ă remettre en ligne mes Ă©crits, pour ceux qui ont envie de lire gratuitement des histoires. Celle-ci a Ă©tĂ© Ă©crite entre 2003 et le 22 aoĂ»t 2004. Si on exclut Ă©videmment les rĂ©dactions scolaires, câest mon premier texte â un roman court ou novella, je nâavais pas Ă©crit de nouvelles avant. A lâĂ©poque, je dĂ©couvrais Jules Verne et les titres en oĂč », Hercule Poirot, Sherlock Holmes et Joseph Rouletabille on retrouvera quelques traits grossiers de ces personnages volontiers hautains dans ce hĂ©ros, Justin Zafiro. Vous pouvez tĂ©lĂ©charger le PDF, ou lire en ligne juste en-dessous. Bonne lecture et nâhĂ©sitez pas Ă commenter đ DerniĂšre version en ligne du 3 aoĂ»t 2022, aprĂšs remise en page et un coup dâAntidote ! Genre polar, enquĂȘte policiĂšreRĂ©compenses, publication aucune. Taille 29 000 mots 166 000 caractĂšresTemps estimĂ© de lecture 2 heures Image en avant via Pixabayâ LE VOL DE LA COLOMBE â A Maman, sans qui je nâaurais jamais eu le courage de finir ce livre pour le 22 aoĂ»t, ni mĂȘme de le relire le lendemain du mariage. Bon anniversaire ! â PREMIERE PARTIE â â FAITS â â PREMIĂRE PARTIE â â FAITS â CHAPITRE I OĂ APPROCHE DOUCEMENT LE MYSTĂRE. Si jâai enfin lâhonneur de relater les Ă©vĂ©nements de cette nuit du 22 avril 1992, câest, je pense, bien plus grĂące Ă la demande de mon ami qui a su Ă©lucider le mystĂšre quâaux miennes. Mes requĂȘtes auprĂšs du directeur du musĂ©e, qui nâest autre que mon pĂšre, demeuraient vaines, car celui-ci voulait prĂ©server sa rĂ©putation et celle de son musĂ©e. Et je le comprends, parce que quand on connaĂźt partiellement lâaffaire, on peut se permettre, injustement, de douter de la sĂ©curitĂ© du bĂątiment ! Je dĂ©sespĂ©rais donc de pouvoir un jour montrer au monde entier la subtile solution de ce problĂšme quâil ignorait, Ă cause de nous qui avions rĂ©ussi Ă rĂ©soudre et Ă©touffer lâaffaire en une nuit et ainsi sauvegarder la renommĂ©e du musĂ©e. Mais, aprĂšs avoir lu dans un article de journal les infĂąmes dĂ©lations dâun policier, calomnies qui dĂ©crivaient le musĂ©e comme un moulin oĂč chacun pouvait emprunter Ă son simple grĂ© ce quâil lui plaisait », mon ami me pria, aprĂšs avoir demandĂ© lâautorisation au directeur, de raconter ce qui sâĂ©tait dĂ©roulĂ© douze ans plus tĂŽt. Cet ami, dont je vous parlerais bientĂŽt, a convaincu mon pĂšre en lui disant que le musĂ©e Ă©tait loin dâĂȘtre un moulin », quâil nây avait aucune honte Ă ĂȘtre au cĆur dâun si prodigieux vol et que cet Ă©pisode, puisquâil semblait ressurgir du passĂ©, devait ĂȘtre racontĂ© avec vĂ©ritĂ©. Prodigieux vol, car il y avait un grand mystĂšre, dĂ» Ă ce que rien ne nous permettait de dĂ©couvrir le voleur ni sa façon dâagir ; et câest pourtant avec bien peu de choses quâun ĂȘtre brillant et lucide a pu tout nous expliquer, en Ă©tant Ă©tranger Ă lâenquĂȘte. Vous mâaccuserez peut-ĂȘtre de commencer Ă parler de vol dans le prĂ©ambule, mais vous vous en doutiez probablement ; aprĂšs tout, que peut-il arriver de sensationnel dans un musĂ©e, Ă part un vol et lâacquisition dâune grande Ćuvre, Ă©vĂ©nement rare et peu sujet Ă roman ? Cela fait maintenant plusieurs annĂ©es que cela sâest produit, mais heureusement, le souvenir dâun tel chapitre dans ma vie demeure ineffaçable, et tous les dĂ©tails me reviennent comme si lâenquĂȘte avait eu lieu hier. Bien sĂ»r, quelques Ă©lĂ©ments me manquaient lorsque jâai commencĂ© Ă mettre au clair mes idĂ©es, et jâai donc Ă©tĂ© obligĂ©e, pour rĂ©diger une affaire si complexe, de demander lâaide des personnes prĂ©sentes et dâutiliser les notes que jâavais prises dĂšs le lendemain ; ainsi, je pense avoir tout retranscrit Ă lâidentique. Afin de laisser aux lecteurs le loisir dâenquĂȘter et dâaiguiser leur rĂ©flexion, je distillerai les indices comme ils le furent pour nous-mĂȘmes ; ou du moins jâessaierai, car rien nâest plus difficile pour moi que de raconter lâaffaire la plus incroyable de toutes celles auxquelles jâeus le privilĂšge dâassister â participer ayant Ă©tĂ© un bien grand mot pour rĂ©sumer mon rĂŽle. LĂ -bas, oĂč tous nous semblions faire de la figuration ou appartenir au dĂ©cor, oĂč nous restions Ă©bahis devant ce que nous considĂ©rions comme surnaturel, il nây avait quâune personne qui semblait comprendre lâincomprĂ©hensible celui-ci comprenait plus vite que la police, agissait alors que les interrogatoires se dĂ©roulaient et avançait pas Ă pas vers la clĂ© de cette Ă©nigme, vers son doux instant de gloire. Mais je pense exagĂ©rer en disant que je fus juste, comme beaucoup qui se reconnaĂźtront, un simple spectateur de lâenquĂȘte je suis tout de mĂȘme celle qui a amenĂ© sur les lieux le Sherlock Holmes du musĂ©e Reflet », alors quâil nâaurait jamais Ă©tĂ© au courant de lâaffaire sans moi. Je pense avoir fait beaucoup de louanges, et jâespĂšre que vous comprendrez que ce nâest pas pour faire lâĂ©loge dâun vol, ni par orgueil dâauteur, mais plutĂŽt parce que lâaffaire les vaut bien Ă mon humble avis. Tarissons-les pour le moment, et parlons maintenant du mystĂšre du musĂ©e Reflet. Mon pĂšre, Charles Doury, avait quittĂ© lâĂ©ducation dans son quarantiĂšme printemps pour devenir ce quâil avait toujours souhaitĂ© ĂȘtre directeur de musĂ©e. Il pouvait disserter des heures durant sur les toiles quâil avait acquises ou quâil aimerait acquĂ©rir. Ma mĂšre trouvait cette vocation bizarre »⊠Et câest en tant que fille du directeur, et non en tant que dĂ©tective â ce que je nâai jamais Ă©tĂ© â que la nuit du 22 avril, le tĂ©lĂ©phone me tira brusquement des bras de MorphĂ©e. Ă lâautre bout du fil, tel un claustrophobe coincĂ© dans un ascenseur et voulant Ă©conomiser son prĂ©cieux oxygĂšne, mon pĂšre me dit Elena, il y a eu un vol au musĂ©e, viens vite, je tâexpliquerai. » Puis il raccrocha. Jâaurais maudit ce tĂ©lĂ©phone qui ne semble sonner que lorsquâon essaie de prendre un bain, de manger ou de dormir en paix, si la voix nâĂ©tait pas Ă ce point empreinte de frayeur ; et je me demandai juste pourquoi il mâavait appelĂ©e, moi qui ne suis pas apte Ă rĂ©soudre un mystĂšre, aussi simple soit-il. Je compris quâil considĂ©rait que câĂ©tait le musĂ©e de la famille Doury qui avait Ă©tĂ© volĂ©, et pas seulement le sien. MâĂ©tant rendu compte de la difficultĂ© de rĂ©flĂ©chir Ă une heure si tardive, jâobĂ©is Ă mon pĂšre. Alors que je mâhabillais de la premiĂšre robe que je pus trouver, une robe rouge, je me dis quâune prĂ©sence pourrait mâĂȘtre utile, surtout si je devais passer la nuit au musĂ©e. En rĂ©alitĂ©, ce nâĂ©tait pas nâimporte quelle prĂ©sence que je dĂ©sirais, mais plutĂŽt celle dâun jeune homme qui, je lâespĂ©rais, ferait bientĂŽt partie de notre famille, en changeant mon nom. AprĂšs tout, si jâĂ©tais concernĂ©e, lui aussi lâĂ©tait. Et câest ainsi que je rĂ©veillai un jeune Ă©tudiant en mĂ©decine qui ne demandait quâĂ dormir et lui proposai de me retrouver au musĂ©e. CHAPITRE II OĂ JUSTIN FAIT SA PREMIĂRE APPARITION DANS LâOBSCURITĂ Que serait un grand mystĂšre sans un illustre enquĂȘteur ? Pourrait-on imaginer une affaire policiĂšre sans un grand dĂ©tective tel que ceux imaginĂ©s par Agatha Christie, Sir Arthur Conan Doyle ou Gaston Leroux ? Les secrets quâeux seuls peuvent dĂ©couvrir resteraient hermĂ©tiques Ă toute autre personne et nous aurions un mystĂšre irrĂ©solu ; ceci sâillustre parfaitement dans Dix petits nĂšgres dâAgatha Christie. La question Ă©tait donc qui allait rĂ©soudre, si toutefois un ĂȘtre humain en fut capable, lâaffaire du musĂ©e Reflet ? En 1986, mes parents avaient dĂ©cidĂ© de modifier les plans de notre grande maison, et pendant une semaine du mois dâaoĂ»t, nous sommes allĂ©s nous rĂ©fugier dans une auberge. Celle-ci Ă©tait tenue par madame Zafiro dont le mari Ă©tait le cuisinier du restaurant annexe. Madame Zafiro Ă©tait une femme de petite taille aux cheveux bruns et frisĂ©s, cherchant sans cesse les lunettes quâelle ne pouvait pas supporter malgrĂ© leur Ă©vidente nĂ©cessitĂ© ; monsieur Zafiro, quant Ă lui, Ă©tait un moustachu aux cheveux noirs et courts, ce que certains appelleraient un grand brun tĂ©nĂ©breux, ignorant ainsi sa coutumiĂšre jovialitĂ©. Les sueurs conjuguĂ©es de ces deux braves personnes permettaient Ă leur fils unique, Justin, dâĂ©tudier dans dâexcellentes conditions. Lorsque je fis sa connaissance, il avait dix-neuf ans et avait rĂ©ussi sa deuxiĂšme annĂ©e de premier cycle des Ă©tudes de mĂ©decine. En avril 1992, il Ă©tait donc en septiĂšme annĂ©e et allait bientĂŽt pouvoir accrocher sa plaque dorĂ©e ; je sous-entends bien sĂ»r quâil nâa pas redoublĂ©, tant le sĂ©rieux appliquĂ© dans ses Ă©tudes et ses facilitĂ©s Ă comprendre et apprendre sont dĂ©veloppĂ©es. Son pĂšre, Jim Zafiro, a quittĂ© la botte italienne pour venir habiter dans lâhexagone français lorsquâil avait quinze ans. Justin, quant Ă lui, est nĂ© en France, pays natal de sa mĂšre. Jamais confrontĂ© Ă une affaire policiĂšre, il nâavait vraiment pas sa place au cĆur de celle-ci ; il Ă©tait donc contraint, par exemple, dâassister aux interrogatoires sans y participer rĂ©ellement. De plus, avec ses besoins de symĂ©tries, quâil qualifie lui-mĂȘme de troubles obsessionnels compulsifs, il lui arriva dâĂ©nerver quelques policiers. De toute maniĂšre, ce nâĂ©tait pas pour rĂ©soudre lâaffaire que je lâavais appelĂ©, mais bien pour me tenir compagnie. Quand je le vis ce soir-lĂ , adossĂ© Ă un lampadaire et essuyant ses lunettes rondes, jâaurais ri aux Ă©clats si jâen avais le cĆur mal rasĂ© et les cheveux bruns, comme ses parents, en bataille. En y repensant, mais peut-ĂȘtre est-ce un faux souvenir, il avait un petit cĂŽtĂ© Edouard Baer â Ă lâĂ©poque, il ne pouvait Ă©videmment pas mây faire penser puisque je nâavais encore jamais vu cet acteur Ă lâĂ©cran. Bien que sa garde-robe soit trĂšs variĂ©e, Justin semblait sâĂȘtre habillĂ© trĂšs rapidement en effet, son jean crĂšme sâaccordait bien peu avec sa chemise bleu marine et encore moins avec son manteau marron clair, voire passĂ© ou trĂ©passĂ©. Ses vĂȘtements Ă©taient trĂšs mal repassĂ©s, comme Ă lâaccoutumĂ©e, et jâosais Ă peine imaginer le dos de sa chemise, cachĂ© par son manteau usĂ©. Une personne qui aurait voulu le rendre intimidant ce soir-lĂ se serait probablement penchĂ©e sur ses imposantes ombres. Celles-ci devaient leur grandeur Ă deux sphĂšres lumineuses, posĂ©es sur des murets de part et dâautre de lâescalier, Ă hauteur de lâentrĂ©e du musĂ©e donc au-dessus et derriĂšre Justin ; mais câĂ©tait encore bien peu pour donner Ă ce jeune homme toute son importance. Jâaimerais vous le dĂ©crire plus longuement, mais il mâa demandĂ©, pour une raison que jâignore encore â probablement la pudeur â de ne pas le faire. Peut-ĂȘtre ne veut-il pas ĂȘtre reconnu, puisquâil mâa Ă©galement demandĂ© de taire le nom de la ville oĂč se dĂ©roulĂšrent ces Ă©vĂ©nements, et de ne pas rĂ©vĂ©ler le vrai nom du musĂ©e ; ce sera Ă vous de mener lâenquĂȘte pour trouver quel musĂ©e Justin a surnommĂ© ainsi⊠AprĂšs de brĂšves politesses mensongĂšres sur nos allures respectives, et aprĂšs avoir montrĂ© au policier qui gardait la porte ma carte dâidentitĂ©, parfaitement mariĂ©es par sa couleur et ses plis au manteau de Justin, carte prouvant que jâĂ©tais bien la fille du directeur, nous franchisĂąmes le seuil. Ma montre, cadeau du galant jeune homme, indiquait une heure trente-quatre. Alors que je croyais entrer dans un lieu en alerte, je mâaperçus que, bizarrement, un grand calme rĂ©gnait dans le musĂ©e. Une petite fenĂȘtre laissait passer quelques rayons solaires reflĂ©tĂ©s par lâastre des nuits, et des tubes fluorescents avaient permis Ă quatre policiers de commencer leurs recherches. Que cherchaient-ils vraiment ? Eux-mĂȘmes ne le savaient probablement pas. Peut-ĂȘtre un passage secret, un tunnel, des traces de pas, des poussiĂšres dĂ©placĂ©es⊠En tout cas, ils cherchaient ces indices debout, agenouillĂ©s, voire allongĂ©s, tandis que celui qui devait ĂȘtre le plus gradĂ© des policiers prĂ©sents discutait avec mon pĂšre â Comme je vous lâai dit au tĂ©lĂ©phone, monsieur Doury, nous avons Ă©tĂ© la discrĂ©tion mĂȘme et nous avons utilisĂ© des voitures civiles. Nous ferons tout notre possible pour ne pas Ă©bruiter cette affaire et plus encore pour retrouver votre Colombe. » â Je vous en remercie, dit mon pĂšre. Jâai oubliĂ© de vous dire que jâai placĂ© un de vos hommes Ă lâentrĂ©e et lui ai demandĂ© de fermer le rideau de fer et la grille quand ma fille sera lĂ . Je lâai appelĂ©e pour me soutenir dans cette Ă©preuve. Ce musĂ©e est toute ma vie, vous comprenez ; et voler une Ćuvre majeure de mon musĂ©e, câest arracher une partie de ma vie. Justin et moi approchions des deux hommes. Face Ă mon pĂšre trapu, de taille moyenne et aux cheveux bruns grisonnants, la silhouette longue et effilĂ©e du policier se prĂ©cisait câĂ©tait un homme dâune cinquantaine dâannĂ©es aux cheveux courts, noirs et grisonnants, et dont le visage strict sâassociait Ă son costume noir et Ă sa chemise blanche pour lui donner un air impĂ©nĂ©trable. Pendant que je dĂ©visageais cet homme, nous entendĂźmes derriĂšre nous le policier qui avait vĂ©rifiĂ© mon identitĂ© fermer avec grand-peine la grille et la porte de fer. Mon pĂšre me vit avec Justin et sembla surpris de voir que je nâĂ©tais pas venue seule ; et câest rapidement quâil se chargea des prĂ©sentations. Jâappris alors que le policier Ă©tait le lieutenant Bourdon, chargĂ© de rassurer mon pĂšre. â Bonsoir, ou plutĂŽt bonne nuit. Je trouve trĂšs gentil de votre part dâĂȘtre venue soutenir votre pĂšre, mademoiselle, mais jâaimerais que vous et votre ami restiez en dehors de lâenquĂȘte. Il semblerait que les indices nâaffluent pas vraiment et il serait dĂ©plorable que vous nous empĂȘchiez de les dĂ©couvrir, surtout pour votre pĂšre. Je vous demanderai donc une nouvelle fois de bien vouloir vous tenir Ă lâĂ©cart⊠Lâhomme de cinquante ans avait Ă peine fini de nous dire cela le plus diplomatiquement quâil put mĂȘme si je sentais bien quâil aurait voulu nous dire de quitter au plus tĂŽt le musĂ©e oĂč nous nâavions rien Ă faire cette nuit-lĂ quand, ne me laissant pas le temps de dire que nous ferions tout pour ne gĂȘner nullement lâenquĂȘte, Justin dĂ©clara quâil ne gĂȘnerait pas pour la simple et bonne raison quâil nây avait rien Ă gĂȘner. » â Et quâest-ce qui vous fait dire ça, jeune homme ? demanda le lieutenant Ă la fois curieux et moqueur. Seriez-vous le voleur ? â Bien sĂ»r que non puisque je viens de lâextĂ©rieur et que je ne possĂšde pas la clĂ© de la porte dâentrĂ©e, dit lâinterrogĂ© en souriant. â Je ne vois pas le rapport, mâexclamais-je. Le voleur aussi est Ă lâextĂ©rieur maintenant, et il ne peut pas possĂ©der la clĂ© puisque câest mon pĂšre qui la garde pour la nuit. â Je mâexplique, dit lâĂ©nigmatique garçon. Je ne suis pas venu souvent ici, mais je me souviens quâil fait assez sombre, car il nây a pas de grandes fenĂȘtres, nâest-ce pas ? Mon pĂšre acquiesça. â Dans ce cas, continua Justin, si mes souvenirs sont bons, le tableau, qui a des dimensions dâenviron cent centimĂštres sur cinquante⊠â Soixante-treize sur cinquante-trois comme la Joconde, mon petit, rectifia le seul Ă avoir suffisamment choyĂ© le tableau pour connaĂźtre ses dimensions. â Dâaccord⊠De toute maniĂšre, les fenĂȘtres sont toutes trop petites pour laisser passer un tableau de cinquante-trois centimĂštres de large. Je pense que leur diamĂštre doit ĂȘtre de quarante centimĂštres, Ă peu de choses prĂšs. Sauf sâil y a des fenĂȘtres plus grandes que je nâai pas vues. Ă nouveau, en bon directeur connaissant tout de son musĂ©e, mon pĂšre prĂ©cisa que le diamĂštre des fenĂȘtres rondes Ă©tait de quarante-trois centimĂštres et quâaucune dâentre elles ne pouvait par consĂ©quent laisser sortir le tableau, mĂȘme sans son cadre. Il prĂ©cisa quâil nâexistait quâun seul type de petites fenĂȘtres au musĂ©e, et que cela constituait une de ses principales sĂ©curitĂ©s pour les grands tableaux. â Je commence Ă comprendre, dis-je. Le tableau nâa pas pu sortir par les fenĂȘtres ; il est donc nĂ©cessairement sorti par la porte. Or, le musĂ©e ferme quand le dernier des visiteurs est sorti, câest-Ă -dire vers dix-huit heures, si je ne mâabuse. Le tableau Ă©tait encore dans le musĂ©e Ă cette heure et ne pouvait sortir que par la porte, ce qui signifie que le voleur possĂšde la clĂ©, ou bien que le tableau est encore ici⊠â Ou dĂ©coupĂ©, finit le lieutenant. CHAPITRE III OĂ ON EXPRIME LâINEXPLICABLE â Lieutenant, vous pouvez venir voir ? entendit-on Ă travers le silence ambiant. Le policier nous laissa tous les trois prĂšs de lâentrĂ©e. Je profitai de son absence pour demander Ă mon pĂšre de plus amples informations, ma curiositĂ© ayant Ă©tĂ© Ă©veillĂ©e par ce que nous venions de conclure. â Câest simple, nous dit-il, nous ne savons strictement rien. Tu connais la sĂ©curitĂ© du musĂ©e elle est ancienne, comme moi. Je vais vous raconter ce qui sâest passĂ©. Asseyez-vous sur ce banc derriĂšre vous, ça risque dâĂȘtre long⊠Nous nous assĂźmes sur le banc indiquĂ© tandis quâil rĂ©flĂ©chissait sur ce quâil allait nous dire. â Hier matin, reprit-il enfin, je suis arrivĂ© comme dâhabitude vers huit heures pour ouvrir le musĂ©e avec la seule clĂ© qui existe. Câest moi qui garde cette clĂ© pendant la nuit, comme tu lâas dit tout Ă lâheure. Je suis allĂ© directement dans le bureau oĂč se trouvent les Ă©crans de contrĂŽle de la vidĂ©osurveillance, et oĂč jâai dĂ©sactivĂ© lâalarme par un code secret. Il est nĂ©cessaire de composer le code dans la minute qui succĂšde Ă notre entrĂ©e, si nous ne voulons pas assister Ă un dĂ©filĂ© de voitures de police. Ensuite, aprĂšs moi arrivĂšrent les gardes Hermann Erosi fut le premier, suivi par John Degrine, puis Hans Gano et Robert Pradcaz qui vinrent successivement jusquâĂ huit heures quarante-cinq. Les portes du musĂ©e ont Ă©tĂ© ouvertes au public Ă neuf heures, comme dâhabitude. â Excusez-moi, intervint Justin, mais vous avez dit que vous ĂȘtes le seul dĂ©tenteur de la clĂ© qui permet dâentrer. Etes-vous Ă©galement le seul Ă connaĂźtre le code ? â Je vois que tu fais attention Ă tout ce que je te dis⊠Dâabord, je suis le seul Ă possĂ©der la clĂ© pendant la nuit, alors quâelle est placĂ©e toute la journĂ©e dans la salle de vidĂ©osurveillance oĂč chaque garde sây relaie. Il est donc possible quâun dâentre eux, voire mĂȘme un visiteur, dĂ©tienne un double. Quant au code, je suis bien lâunique personne qui le connaisse, mais il nâest pas trĂšs mystĂ©rieux pour qui me connaĂźt un peu, et il se peut Ă©galement quâun garde lâait appris de mes incessants bavardages ou de certaines notes que jâai laissĂ©es dans le bureau. Enfin, si tu veux mon avis, le voleur ne possĂšde pas le code, et il a trouvĂ© un autre moyen pour commettre ce dĂ©lit. As-tu une autre question avant que je ne continue ? Justin nâen avait plus pour lâinstant et pria alors mon pĂšre de poursuivre. â Ce mardi sâest dĂ©roulĂ© sans problĂšme nous avons principalement accueilli des habituĂ©s le matin et un groupe dâenfants lâaprĂšs-midi. Nous fermons le musĂ©e Ă midi et demi et nous accueillons Ă nouveau Ă partir de deux heures et demie, mais exceptionnellement, nous avions arrĂȘtĂ© les visites Ă midi trente, afin que les enfants puissent faire leur tour en toute tranquillitĂ© lâaprĂšs-midi. Nous avons fermĂ© les portes quand ils sont partis, vers dix-sept heures quarante-cinq. â Vous voulez dire que les enfants sont restĂ©s trois heures au musĂ©e ? demanda Justin, qui semblait Ă©tonnĂ©. â Je sais que ça peut paraĂźtre beaucoup de temps pour un si petit musĂ©e, mais je leur ai fait faire le tour complet en leur racontant chaque anecdote que je connais. Nous avons Ă©galement organisĂ© un goĂ»ter qui a durĂ© presque trois quart dâheure, et une sĂ©ance photo dâune demi-heure. Quand ils sont partis, les gardes ont bien vĂ©rifiĂ©, comme dâhabitude, que personne nâest restĂ© cachĂ©, notamment dans les toilettes, et enfin, vers dix-huit heures, lorsque les gardes Ă©taient tous sortis, jâai Ă©teint les lumiĂšres et fermĂ© la porte, ce qui a allumĂ© lâalarme. Je suis certain que rien nâavait Ă©tĂ© volĂ© et que personne nâĂ©tait dans le musĂ©e Ă ce moment-lĂ . Je sais que je dĂ©taille Ă outrance les insignifiants Ă©vĂ©nements dâhier, sĂ»rement inutilement dâailleurs, mais comme je ne comprends pas ce qui sâest passĂ©, je me dis que tout a peut-ĂȘtre une importance. En fait, je prĂ©cise tout ce qui sâest dĂ©roulĂ© durant la journĂ©e, puisque je ne sais rien de ce qui sâest passĂ© pendant la nuit. â Et que sais-tu sur cette nuit ? demandai-je impatiente. â Jâallais y venir, continua mon pĂšre. Ă minuit trente, le cĂąble de la camĂ©ra a Ă©tĂ© sectionnĂ©, ce qui a entraĂźnĂ© le dĂ©clenchement de lâalarme, avertissant alors la police et moi-mĂȘme dâune intrusion. Je ne savais pas encore quâil y avait eu vol, et je pensais plutĂŽt quâil sâagissait dâune fausse alerte. Un quart dâheure plus tard, jâouvris le rideau de fer et la grille devant les policiers, et me rendis compte rapidement du triste Ă©vĂ©nement le cadre de la Colombe » nâentourait plus quâun mur jaune pĂąle. Il y a donc une sĂ©rie de questions auxquelles la police doit rĂ©pondre en toute discrĂ©tion comment quelquâun a-t-il pu se trouver dans le musĂ©e cette nuit, sachant que personne nây est restĂ© Ă la fermeture des portes ? Pourquoi avoir dĂ©truit la camĂ©ra de surveillance alors quâil aurait pu se montrer avec une cagoule, ou mĂȘme un dĂ©guisement ? Pourquoi avoir choisi ce tableau prĂ©cisĂ©ment, alors que dâautres coĂ»tent plus cher ? Enfin, et câest le plus important, comment a-t-il pu sortir de lĂ avec le tableau, alors que les fenĂȘtres sont trop petites, comme nous lâavons dit tout Ă lâheure ? Ah, et jâai omis de vous dire que quand lâalarme se dĂ©clenche, les portes du musĂ©e sont verrouillĂ©es et ne peuvent ĂȘtre ouvertes que de lâextĂ©rieur. Alors, quâen pensez-vous ? â Je pense, dis-je timidement, que pour entrer dans le musĂ©e, sâil nây Ă©tait pas dĂ©jĂ , le voleur avait besoin de la clĂ© et du code. Il aura choisi ce tableau parce quâil lui plaisait, mĂȘme sâil nâest pas le plus cher ; ce qui tend Ă prouver que nous avons affaire Ă quelquâun qui nâest pas intĂ©ressĂ© par lâargent, ou qui a volĂ© sans prĂ©mĂ©ditation, ce dont je me permets de douter. Enfin, pour sortir, il aurait tout simplement pu demander Ă un complice de lui ouvrir de lâextĂ©rieur, non ? â Je suis fier de toi, Elena, me fĂ©licita mon pĂšre. Tu es arrivĂ©e en quelques secondes Ă la conclusion quâont atteinte les enquĂȘteurs en plusieurs minutes⊠Mais il y a un problĂšme quand lâalarme est en fonctionnement, câest-Ă -dire la nuit, son dĂ©clenchement entraĂźne la fermeture des portes et lâactivation dâune sirĂšne qui nâĂ©met du bruit quâau poste de police et sur ce petit appareil que je garde prĂšs de moi chaque nuit ; câest dâailleurs parce que cette sirĂšne nâĂ©met pas de bruit directement que les voisins nâont pas Ă©tĂ© prĂ©venus. Et voici la faille dans ton raisonnement la sirĂšne sâarrĂȘte lorsque la porte est ouverte. Il est impossible de la stopper dâune autre maniĂšre il faut entrer dans le musĂ©e. â Mince, mâexclamais-je. Ce nâest vraiment pas de chance. â Mais la chance nâa rien Ă voir lĂ -dedans, rectifia mon pĂšre. Nous avons protĂ©gĂ© le musĂ©e des voleurs, et il est donc normal quâil ne puisse pas, en thĂ©orie, ĂȘtre volĂ©. Il reste lâĂ©ternelle question qui va sĂ»rement me hanter jusquâĂ la fin de mes jours comment le voleur a-t-il pu sortir le tableau ? Câest un vĂ©ritable casse-tĂȘte⊠Bien, je vais voir oĂč ils en sont ; attendez-moi lĂ , je nâen ai que pour quelques minutes. Justin sortit un calepin, un crayon, et se mit Ă noter tout ce quâil avait appris 8 heures arrivĂ©e de M. Doury puis quatre gardes â noms Ă vĂ©rifier Erozi, Degrine, Ganot, Pradcase. 9 heures ouverture habituĂ©s 12 heures 30 repas 14 h 30 fermeture inhabituelle pour laisser les enfants tranquilles. 17 h 45 dĂ©part des enfants et tour des gardes 18 heures fermeture du musĂ©e alarme 0 h 30 extinction de la camĂ©ra donc sirĂšne jusquâĂ 0 heure 45 ne sâĂ©teint que si ouverture 0 h 45 ouverture 1 heure appel dâElena 1 h 45 Elena regarde ce que jâĂ©cris au-dessus de mon Ă©paule, et son joli sourire creuse sur ses joues de magnifiques fossettes lorsquâelle lit sur ma feuille que je lâaime. » Il releva la tĂȘte et me sourit. â DEUXIĂME PARTIE â â OBSERVATIONS â CHAPITRE IV OĂ ON FAIT LE POINT SUR LES INDICES DES POLICIERS Je repensais Ă ce quâavait dit Justin â Tout Ă lâheure, lui rappelai-je, tu as dit quâon ne gĂȘnerait pas pour la simple et bonne raison quâil nây avait rien Ă gĂȘner. » Mais tu ne mâas toujours pas dit pourquoi tu penses quâil nây a aucune trace. â Appelle ça une intuition masculine, me rĂ©pondit-il en souriant. En fait, en tenant compte de la superficie du musĂ©e et du nombre dâenquĂȘteurs, je me suis dit que sâil y avait un indice, il aurait Ă©tĂ© trouvĂ© ou dĂ©truit en trois quarts dâheure, temps Ă©coulĂ© entre les arrivĂ©es des policiers et de nous. Nous nâavions donc plus rien Ă gĂȘner simplement parce quâils avaient dĂ©jĂ bougĂ© tout ce quâils nâavaient pas encore trouvĂ©. De toute maniĂšre, je doute que le voleur se soit amusĂ© Ă laisser traĂźner des indices, alors quâil nâest pas difficile de voler un tableau sans mettre ses empreintes sur chaque mur. Donc je pense que les enquĂȘteurs nâont pas dĂ©couvert dâĂ©lĂ©ment important. â Bien sĂ»r, sinon nous aurions Ă©tĂ© prĂ©venus de toute façon, rĂ©pondis-je fiĂšrement. â Je ne sais pas, me dit-il les yeux plongĂ©s, baissĂ© dans ses pensĂ©es. Peut-ĂȘtre ne veulent-ils pas nous donner de faux espoirs, surtout Ă ton pĂšre qui me semble trĂšs fragilisĂ© par cette affaire. Par contre, en admettant quâils aient trouvĂ© des Ă©lĂ©ments permettant de faire avancer lâenquĂȘte, les policiers ne chercheraient pas si dĂ©sespĂ©rĂ©ment quelque chose de nouveau. Seraient-ils tous employĂ©s Ă rechercher des indices ? Ă mon avis, tu as remarquĂ© que ces hommes cherchent quelque chose dont ils ignorent tout. Regarde celui-lĂ , lĂ -bas que cherche-t-il ? Justin me montra un policier tellement abaissĂ© quâon pouvait croire quâil Ă©tait allongĂ© sur le ventre. â Sauf sâil a perdu ses lentilles, continua-t-il, il nây a plus rien quâil puisse trouver sur le sol, puisque depuis une heure, tous ses collĂšgues y ont laissĂ© leurs empreintes de pas. VoilĂ pourquoi jâen arrive Ă penser que sâils sont ainsi disposĂ©s dans le musĂ©e, câest quâils ont probablement besoin dâun indice pour faire avancer lâenquĂȘte. Et sâils ont besoin dâun indice au point de chercher aprĂšs avoir tout chamboulĂ© eux-mĂȘmes, câest quâils nâont probablement rien trouvĂ©, ou du moins rien de rĂ©ellement important. â Logique, conclus-je. Mais le plus simple nâest-il pas dâaller leur demander ? En guise de rĂ©ponse, Justin se leva et je fis de mĂȘme en mâaidant de la main quâil me tendait. Nous nous dirigeĂąmes vers mon pĂšre et le lieutenant Bourdon, toujours en pleine conversation. Je crus comprendre que quelque chose venait dâĂȘtre dĂ©couvert, et afin dâen savoir plus, en prenant soin de ne couper la parole ni Ă lâun ni Ă lâautre, jâentrai plus ou moins habilement dans la discussion â Excusez-moi, murmurai-je un peu gĂȘnĂ©e. Tout Ă lâheure, avant de prendre le temps de rĂ©flĂ©chir, jâavais proposĂ© une hypothĂšse selon laquelle le tableau serait encore au musĂ©e. Je nâavais pas tenu compte des sĂ©curitĂ©s ni de la section du cĂąble de la camĂ©ra, mais maintenant que jâai Ă©tĂ© mise au courant de ces choses, je me dis que le tableau est nĂ©cessairement ici avec son voleur. Sinon, comment aurait-il pu sortir du musĂ©e avec le tableau, sachant quâil ne peut ni sortir par une fenĂȘtre sans dĂ©couper le tableau, ni ouvrir la porte dâentrĂ©e de lâextĂ©rieur sans dĂ©clencher lâalarme, ni de lâintĂ©rieur sans arrĂȘter la sirĂšne ? Je savais trĂšs bien ce quâils pouvaient me rĂ©pondre, mais je mâen moquais, parce que mon unique but Ă©tait dâentrer dans la conversation. â Et câest pourquoi nous recherchons un autre moyen de sortir ou autre chose, rĂ©torqua le policier. Nous avons trouvĂ© un indice qui semble expliquer comment la camĂ©ra sâest arrĂȘtĂ©e. Ou plutĂŽt a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e. Le cĂąble qui relit la camĂ©ra au bureau de vidĂ©osurveillance a Ă©tĂ© arrachĂ©. Les experts pensent que le voleur a eu recours Ă une trĂšs petite dose de nitroglycĂ©rine quâil a fait exploser par un choc ou par une variation de tempĂ©rature. Nous pourrions rechercher une preuve qui corrobore cette hypothĂšse, mais jâestime que câest inutile, dâautant plus que la nitroglycĂ©rine a dĂ» ĂȘtre employĂ©e en trĂšs petite quantitĂ©, pour nâabĂźmer rien dâautre, et que les gaz quâelle a dĂ©gagĂ©s doivent ĂȘtre en assez faible quantitĂ©, eux aussi. Remarquez, la nitroglycĂ©rine dĂ©gage un volume gazeux prĂšs de dix mille fois supĂ©rieures au volume de lâexplosif. Câest les experts qui disent ça ; moi, je nâen sais fichtre rien. AprĂšs tout, le fil a explosĂ© et a pu ĂȘtre dĂ©truit Ă distance, câest tout ce qui mâimporte. Pour en revenir Ă ce que nous disions, monsieur Doury, pouvons-nous contacter tous les gardes et leur demander de venir ? Mon pĂšre hĂ©sita, puis il murmura quâils pouvaient ĂȘtre contactĂ©s, mais quâil ne fallait pas les avertir du vol par tĂ©lĂ©phone, afin de ne pas divulguer lâinformation. » â Pour les faire venir, continua-t-il, vous pourrez leur dire que vous enquĂȘtez sur la disparition dâun homme en costume vert, en tout point semblable au costume du musĂ©e. Quand ils rentrent chez eux le soir, les gardes ont encore leur costume sur eux, car il nây a pas de vestiaire oĂč ils pourraient se changer. Enfin, faites ce que vous voulez, mais je vous en prie, ne parlez de ce vol Ă personne qui ne soit pas au musĂ©e. Je peux compter sur vous, nâest-ce pas ? Jâavais rarement vu mon pĂšre dans un tel Ă©tat dâangoisse. Ses mains tremblaient lĂ©gĂšrement, mais le signe le plus Ă©vident de son anxiĂ©tĂ© Ă©tait son excessive transpiration. Pour le calmer, le lieutenant Bourdon fit un signe dâassentiment et ajouta â MĂȘme si nous ne retrouvons pas la Colombe » avant neuf heures, ce qui nous laisse un peu plus de sept heures, nous nâhĂ©siterons pas Ă mentir au public. Nous ne dĂ©clarerons le vol quâau dernier moment, oĂč lâassurance lâexigera. Mais de toute maniĂšre, je compte bien vous rapporter le tableau avant lâouverture. Toutefois, il va falloir que jâinforme le parquet, ce qui aurait dĂ©jĂ dĂ» ĂȘtre fait. Et aprĂšs, ce sera Ă eux » de dĂ©cider. Il avait dit ce eux » avec une sorte de dĂ©dain, comme sâil nâacceptait pas lâautoritĂ© que le parquet a sur ses enquĂȘtes. Alors quâil parlait, je remarquai que le long visage du lieutenant se ridait en voyant mon pĂšre peinĂ©. Justin, qui nâavait pas encore dit un mot, demanda soudain si nous pouvions visiter le musĂ©e. Lâhomme Ă lâimpermĂ©able dit Ă mon pĂšre que sâen occuper lui changerait les idĂ©es. Allons-y, si vous y tenez », soupira mon pĂšre en sâessuyant le front du revers de la main. CHAPITRE V OĂ JUSTIN FAIT LE PLAN DES LIEUX Justin avait sorti son calepin et rajouta que lâextinction de la camĂ©ra Ă©tait probablement due Ă une explosion de nitroglycĂ©rine. Au fur et Ă mesure que nous avancions dans le musĂ©e, il dessinait les piĂšces ; et câest son dessin et les informations quâil avait mises que je reproduis ici, avec son aimable autorisation. Les modifications quâil y a ajoutĂ©es plus tard nây figurent pas pour des raisons Ă©videntes de sĂ©curitĂ©. La magie de Paint Je sens que tous dĂ©jĂ vous regardez ce plan et vous vous dites Que font-ils encore dans la salle dâentrĂ©e, Ă quinze mĂštres du vol ? » Je vous rappelle que nous nâavons fait que rĂ©flĂ©chir jusquâalors, et que câest maintenant que nous allons vraiment commencer Ă inspecter les lieux. Quant aux policiers, je vous ai dit quâils Ă©taient quatre dans la salle dâentrĂ©e, mais je ne vous ai pas dit quâils Ă©taient autant dans la salle du vol. Je dois Ă©galement prĂ©ciser que les noms donnĂ©s par Justin aux diffĂ©rentes salles ne sont absolument pas officiels, et que si un jour vous venez au musĂ©e Reflet » si toutefois vous trouvez quel musĂ©e fut ainsi surnommĂ©, il ne faudra pas demander oĂč se trouve la salle des tableaux joyeux. Remarquez au passage que, tout comme moi, notre ami ne connaĂźt strictement rien Ă lâart. Ceci Ă©tant dit, revenons au musĂ©e et Ă notre affaire. Justin, en esquissant lâĂ©bauche de son futur plan, semblait contrariĂ©. Ses sourcils se rapprochaient lâun de lâautre et, comme pour Ă©viter quâils ne se rejoignent, un fossĂ©, communĂ©ment appelĂ© la ride du lion, se forma entre eux. Il nous suivait, moi et mon pĂšre, vers la salle large, mais ne regardait rien dâautre que sa feuille griffonnĂ©e, si bien quâil marcha accidentellement â est-il nĂ©cessaire de le prĂ©ciser ? â sur la main dâun policier. AprĂšs sâĂȘtre excusĂ© maintes fois auprĂšs du malheureux homme, il nous rejoignit dans la salle des tableaux tristes. Cette salle semblait dĂ©laissĂ©e de lâenquĂȘte et nous nous y retrouvĂąmes seuls, ce qui ne semblait pas dĂ©plaire Ă Justin. En effet, le jeune homme profita de cette solitude pour parler Ă mon pĂšre de ses contrariĂ©tĂ©s â Monsieur Doury, dit-il avec anxiĂ©tĂ©. Savez-vous quelque chose Ă propos de ce vol que vous nâoseriez pas dire ? Surpris autant que moi, mon pĂšre se dĂ©fendit aussitĂŽt. Interrompant ses balbutiements, Justin rajouta â Je vous dis cela, parce que vous devrez bientĂŽt convaincre la police de votre innocence. Habituellement, jâapprĂ©ciais quand il restait aussi Ă©nigmatique avant dâapporter sa solution au problĂšme quâil soulevait, mais lĂ il accusait presque mon pĂšre de sâĂȘtre volĂ© lui-mĂȘme, ou au moins dâavoir Ă©tĂ© complice, et cela en Ă©tait trop. Jâallais intervenir, quand il prĂ©cisa ses propos â Calme-toi Elena. Je nâaccuse pas ton pĂšre, comme tu sembles le penser, mais jâessaie au contraire de le dĂ©fendre. Dans peu de temps, si lâenquĂȘte piĂ©tine, et elle piĂ©tinera, il sera le premier accusĂ©. Et tu sais pourquoi ? Parce quâil est, en thĂ©orie, le seul Ă possĂ©der la clĂ© et le code, parce quâil est lâun des seuls Ă connaĂźtre les sĂ©curitĂ©s du musĂ©e, et parce que lâassurance est un bon mobile pour se voler soi-mĂȘme. De plus, cette histoire de nitroglycĂ©rine vient tout compliquer en arrangeant tout maintenant, il paraĂźt vraiment simple de sortir de ce musĂ©e avec le tableau. â Comment ça ? demandai-je, calmĂ©e depuis que Justin avait dit quâil allait dĂ©fendre mon pĂšre. Câest lĂ tout le mystĂšre de cette affaire, je ne pense pas que ce soit trĂšs simple, comme tu dis. Avec toi, tout paraĂźt primaire dâhabitude, mais quelque chose me dit que tu auras bien du mal Ă prouver quoique ce soit ici, et Ă mon avis, tu ne pourras pas trouver seul le coupable. â Je ne dis pas que ce que je sais comment le voleur est sorti, mais juste que je crois connaĂźtre un moyen simple pour sortir avec le tableau, dĂ©clara-t-il humblement. Si câest possible, il suffisait au voleur dâarrĂȘter les camĂ©ras Ă partir de la salle de vidĂ©osurveillance, de sortir avec le tableau â tu as toi-mĂȘme parlĂ© de complice extĂ©rieur qui viendrait ouvrir la porte â, et ensuite, lorsque la nitroglycĂ©rine, si câĂ©tait bien de la nitroglycĂ©rine, a explosĂ©, il Ă©tait dĂ©jĂ loin. â Peut-ĂȘtre, dis-je en rĂ©flĂ©chissant. Dans ce cas, pourquoi cette explosion ? Nâest-elle pas inutile si le voleur pouvait arrĂȘter les camĂ©ras ? â Câest pourquoi je disais que ton pĂšre a besoin de prĂ©parer sa dĂ©fense, rĂ©pondit-il. Sa culpabilitĂ© est lâexplication la plus simple de ce vol et la meilleure raison de faire exploser la camĂ©ra. Elle aurait pu ĂȘtre dĂ©sactivĂ©e pour empĂȘcher que la premiĂšre personne qui arriverait au musĂ©e le lendemain ne soit inculpĂ©e⊠Et câest bien vous, monsieur Doury, qui arrivait le premier, nâest-ce pas ? Je pense que lâenquĂȘte tournera autour de vous, quand les policiers nâauront rien trouvĂ© ; vous serez leur solution de facilitĂ©, leur lot de consolation, si je puis mâexprimer ainsi. Mais lĂ nâest pas le problĂšme pour le moment. Je propose que nous continuions dâinspecter les lieux ; quâen pensez-vous ? â Et comment peut-il arrĂȘter les camĂ©ras ? demandai-je incrĂ©dule. Tu penses quâil a effectuĂ© un arrĂȘt sur image, nâest-ce pas ? Pourquoi ne pas vĂ©rifier les cassettes alors ? â Chaque chose en son temps, me rĂ©pondit-il. Pour lâinstant, je veux surtout voir la salle du vol. Nous Ă©tions abasourdis par lâattitude de Justin qui, aprĂšs avoir annoncĂ© Ă mon pĂšre quâil allait sĂ»rement ĂȘtre suspectĂ© de vol, parce quâil Ă©tait le directeur et quâil arrivait toujours au musĂ©e le premier, lui demandait de poursuivre sa visite. Il avait maintenant croisĂ© les bras et regardait partout afin quâaucun indice ne lui Ă©chappe il semblait si dĂ©contractĂ© quâon aurait cru quâil se moquait quâon puisse suspecter un innocent, et cela en devenait vexant. Nous lâobservions, bouche bĂ©e, poser ses yeux sur les bouches dâaĂ©ration, les fenĂȘtres dont nous avions parlĂ© ou encore les camĂ©ras. Soudain, il se mit Ă marcher vers la porte qui nous ramenait dans la salle dâentrĂ©e, et nous comprĂźmes quâil Ă©tait impatient de poursuivre lâinspection. Nous passĂąmes dans la salle ronde, oĂč il y avait bien peu de choses Ă observer sur le plan policier. Bien sĂ»r, pour un amateur dâart, cette piĂšce est plutĂŽt intĂ©ressante, et, entre autres sculptures et objets dâart, on pouvait y admirer un sublime bronze NapolĂ©on III, deux vases Ming en excellent Ă©tat ou encore une mĂ©daille reprĂ©sentant Camille Desmoulins de profil, placĂ©e sous une vitrine avec dâautres mĂ©dailles et des objets divers, allant de lâĂ©chiquier chinois de la dynastie Ming au Bouddha du XIXĂšme siĂšcle incrustĂ© de nacre, pierres et verrerie. Nous Ă©tions ressortis de cette piĂšce moins dâune minute aprĂšs y ĂȘtre entrĂ©s, et nous nous dirigeĂąmes vers la salle dite des tableaux joyeux. Cette piĂšce, tout comme les deux prĂ©cĂ©dentes, nâavait quasiment aucun intĂ©rĂȘt Ă ce stade de lâenquĂȘte ; nous la traversĂąmes toutefois en portant une grande attention sur ce qui nous entourait deux bancs en bois sĂ©parĂ©s par une poubelle, une dizaine de tableaux joyeux » et des camĂ©ras blanches sur des murs jaunĂątres. Mais ce qui nous intĂ©ressait tous les trois Ă©tait de lâautre cĂŽtĂ© dâun de ces murs la salle de la Colombe. Comment dĂ©crire cette piĂšce Ă lâinstant oĂč nous y entrions ? Je ne pense pas que cette ambiance puisse ĂȘtre reproduite. Le calme qui rĂ©gnait dans la salle dâentrĂ©e contrastait avec lâĂ©nervement dans cette piĂšce, oĂč tant de mouvements de la part des huit policiers qui sây trouvaient me faisaient penser Ă un grand magasin un samedi matin, Ă une autoroute au retour des vacances, ou encore Ă un attroupement de curieux prĂšs dâune personne griĂšvement blessĂ©e⊠On avait peine Ă croire quâils respiraient sans bonbonne dâoxygĂšne. De plus, ils nâĂ©taient pas habituĂ©s Ă ĂȘtre autant puisque, pendant que nous Ă©tions dans la salle large, les policiers de la salle dâentrĂ©e venaient de rejoindre les quatre policiers qui Ă©taient dans la salle du vol depuis une heure, doublant ainsi leur nombre. Je me dis alors que lâenquĂȘte avait Ă©tĂ© abandonnĂ©e de lâautre cĂŽtĂ©, et que le lieutenant Bourdon misait tout sur la salle de la Colombe. Justin passa au milieu de tous ces gens, et sâarrĂȘta devant le cadre vide qui semblait orner une superbe peinture jaune un peu plus pĂąle que le mur. Cette dĂ©coloration montrait lâabsence du tableau qui Ă©tait posĂ© sur ce mur depuis plusieurs semaines dĂ©jĂ . Nous restĂąmes lĂ pendant de longues minutes, admirant un inexplicable manque, traversĂ© par une planche de bois appartenant au cadre et chargĂ©e de maintenir le tableau, quand il Ă©tait prĂ©sent. Un peu Ă gauche, il y avait une zone encore plus claire que celle qui Ă©tait encadrĂ©e, ce qui semblait signifier quâun tableau Ă©tait restĂ© plus longtemps que la Colombe avant dâĂȘtre dĂ©placĂ©. Justin avait portĂ© la main devant sa bouche et fermĂ© les yeux, signes dâune profonde rĂ©flexion ; il ne lui restait plus quâĂ mordiller ses lunettes pour devenir le parfait stĂ©rĂ©otype de lâhomme pensif. Soudain, il se retourna vers la camĂ©ra, puis dĂ©clara Maintenant, je vais aller dans la salle de vidĂ©osurveillance. » CHAPITRE VI OĂ JUSTIN REGARDE CE QUI EST OBSERVABLE Justin venait de ressortir de la salle de la Colombe, et câĂ©tait maintenant nous qui le suivions. Mon pĂšre semblait inquiet et cherchait probablement un alibi ou un Ă©vĂ©nement qui pourrait le disculper. Il pensa au coup de fil quâil mâavait passĂ©, et dit soudain â Justin, au fait, jâai appelĂ© Elena de chez moi dĂšs que la camĂ©ra a explosĂ©. Je pense que câest assez pour prouver que je ne peux pas ĂȘtre le voleur, non ? â Je crois que vous nâavez pas bien compris ce que jâai dit, rĂ©pondit Justin. La camĂ©ra a, je pense, explosĂ© quand le voleur Ă©tait en dehors. Le voleur pouvait ĂȘtre nâimporte qui vous, Elena, moi ou mĂȘme un visiteur. Câest pourquoi la nitroglycĂ©rine expliquerait tout, mais compliquerait aussi lâaffaire. Ne vous inquiĂ©tez pas, nous allons trouver quelque chose qui vous disculpera rĂ©ellement. Nous arrivions prĂšs de la salle de vidĂ©osurveillance. Cette piĂšce est assez petite, et mon pĂšre dĂ©cida de nous laisser y entrer seul, tandis quâil irait parler au lieutenant Bourdon. Justin approuva cette initiative, et nous entrĂąmes tous deux dans la petite piĂšce. Il Ă©tait assez amusant de voir sur le bureau tant de tasses de cafĂ© vides, parce quâon imaginait les difficultĂ©s quâĂ©prouvaient les gardes pour ne pas sâendormir devant une demi-douzaine dâĂ©crans. Justin ressortit son carnet, et griffonna sur son plan les zones que nous voyons sur ces Ă©crans. Vous comprendrez que je nâindique pas ces zones sur le plan que je vous ai fourni ci-dessus je ne vais tout de mĂȘme pas vous montrer comment vous pouvez nous voler. En le voyant Ă©crire, en plus dâadmirer son incroyable mĂ©moire qui lui avait permis de retenir les positions de chaque tableau, je compris pourquoi il avait tenu Ă visiter le musĂ©e. En fait, quand il avait insistĂ© pour faire une visite guidĂ©e, je nâavais pas trĂšs bien compris ses intentions, parce que je savais quâil avait dĂ©jĂ fait le tour du musĂ©e en ma compagnie. Il ne pouvait tout de mĂȘme pas sâattendre Ă trouver le tableau dans une autre salle oĂč il aurait passĂ© inaperçu de tous sauf de lui. CâĂ©tait donc pour repĂ©rer ce qui Ă©tait visible par les camĂ©ras quâil avait revisitĂ© le musĂ©e cette nuit. Pour ma part, je remarquais seulement que la camĂ©ra dans la salle de la Colombe Ă©tait orientĂ©e non vers le tableau, mais Ă la gauche de celui-ci, vers la zone pĂąle dont je vous ai dĂ©jĂ parlĂ©. â VoilĂ ce que nous allons faire, dit-il en regardant encore son schĂ©ma. Tu vas rester ici, et je vais essayer de traverser le musĂ©e jusquâĂ la salle de la Colombe sans que tu me voies. Il ressortit et je mâinstallai devant les moniteurs de contrĂŽle, sur un fauteuil plutĂŽt confortable au revĂȘtement en croĂ»te de cuir noir. Dans la salle dâentrĂ©e, je vis que mon pĂšre discutait avec le lieutenant. La salle large repoussait encore les policiers avec la mĂ©lancolie que transmettaient ses tableaux â ou peut-ĂȘtre nâavait-elle aucun intĂ©rĂȘt pour lâenquĂȘte. Il en Ă©tait diffĂ©rent de la salle moyenne qui se voyait peu Ă peu envahie par les policiers de la salle du vol. Cette derniĂšre commençait Ă se vider, et je crus bon dâen dĂ©duire quâils nây trouvaient plus rien. Mais elle restait toutefois le centre des investigations, et deux policiers continuaient dây chercher un quelconque mais prĂ©cieux indice. En regardant la rĂ©partition des policiers dans le musĂ©e, je remarquais que personne ne sâintĂ©ressait Ă la salle ronde. Je me dis alors que si quelque chose y Ă©tait cachĂ©, personne nây porterait attention. Trois minutes plus tard, Justin revenait Ă mes cĂŽtĂ©s. Il me demanda si je lâavais vu sur une des camĂ©ras. Bien que je sois persuadĂ©e quâil savait que je ne pouvais pas le voir, je crus percevoir dans son regard une joie immense quand je lui rĂ©pondis non ». Cette joie ressemblait en tout point Ă celle dâun enfant venant de rĂ©ussir ce que ses parents lui avaient interdit. Justin regarda encore ce qui Ă©tait observable Ă travers ces camĂ©ras. â Sais-tu par oĂč je suis passĂ© ? me demanda-t-il. La rĂ©ponse nĂ©gative que je lui donnais Ă©tait purement rhĂ©torique puisquâil savait que je ne lâavais pas vu sur les Ă©crans, il savait aussi que je ne connaissais pas son trajet. â Par le plus long chemin, dit-il fiĂšrement, essayant en vain de mâĂ©tonner. Je suis passĂ© par la salle large, puis derriĂšre la salle ronde pour revenir dans la salle moyenne. Il est impossible de passer directement en sortant dâici dans la salle voisine Ă la salle du vol, Ă cause de la camĂ©ra qui est situĂ©e juste derriĂšre ce mur. Elle est orientĂ©e vers le mur de la salle ronde, et il est impossible, mĂȘme en passant en dessous dâelle, de ne pas ĂȘtre aperçu lorsquâon essaie dâatteindre la salle moyenne ; sauf si on arrive de lâautre cĂŽtĂ© de la porte, Ă lâextrĂ©mitĂ© qui nâest pas visible dans le champ de vision de la camĂ©ra. â Et alors ? demandai-je, incrĂ©dule. Cela signifie quâon peut atteindre la Colombe et mĂȘme la voler sans se faire voir par la camĂ©ra. Ce nâest pas vraiment utile pour dĂ©barrasser mon pĂšre de tout soupçon. â Tu as tout Ă fait raison, et câest mĂȘme le contraire, ajouta-t-il. Comme on peut traverser le musĂ©e sans se faire voir, je peux supprimer la nĂ©cessitĂ© dâun arrĂȘt sur image, et lâhypothĂšse que jâai Ă©mise tout Ă lâheure tient. Le voleur aurait pu entrer, arrĂȘter lâalarme, voler le tableau et ressortir grĂące Ă un complice extĂ©rieur tout en Ă©vitant les camĂ©ras. Cela signifie que la destruction de la camĂ©ra a un tout autre but. Mais lequel ? Celui que jâai dĂ©jĂ Ă©noncĂ©, câest-Ă -dire disculper ton pĂšre, ou au contraire lâaccuser ? Au fait, ton pĂšre a parlĂ© des toilettes tout Ă lâheure, mais je ne les ai pas notĂ©s sur mon plan ; oĂč sont-ils ? â Ă gauche en entrant, entre le rideau de fer et la grille, rĂ©pondis-je machinalement. OĂč allons-nous maintenant ? â Je nâen sais rien, rĂ©pondit-il en grimaçant. Sortons de cette piĂšce, ça sent le cafĂ©. CHAPITRE VII OĂ NOUS DEVONS PATIENTER Mon pĂšre venait nous rejoindre dans la salle de vidĂ©osurveillance quand il nous vit en sortir. â Justin, je voulais te prĂ©ciser que jâai Ă©tĂ© invitĂ© avec ma femme chez des amis, Jacques et Marina Hubert. Il y avait douze tĂ©moins, donc je pense que tu comprends que je ne pouvais pas rester dans le musĂ©e. Je ne sais mĂȘme pas pourquoi je nây ai pas pensĂ© plus tĂŽt, alors que câĂ©tait tellement Ă©vident. Est-ce que ça peut mâaider Ă ĂȘtre disculpĂ© ? â Non, rĂ©pondit simplement Justin. Vous avez la clĂ© qui vous permet dâentrer dans le musĂ©e Ă tout moment. Ensuite, vous avez pu passer sans ĂȘtre vu des camĂ©ras, et voler le tableau, avant de ressortir et de faire exploser la nitroglycĂ©rine que vous aviez placĂ©e sur la camĂ©ra. Ainsi, vous dĂ©clenchiez lâalarme, et vous Ă©tiez sĂ»r que personne ne vous accuserait dâavoir volĂ© le tableau le lendemain matin. Mais ceci nâest quâune hypothĂšse quâil nous faut enrayer en vous disculpant. Toutefois, je retiens que vous ne pouviez pas rester au musĂ©e. â Et bien justement, sâĂ©cria mon pĂšre. JâĂ©tais chez mes amis de dix-huit heures dix Ă minuit. Je suis ensuite retournĂ© chez moi avec ma femme, et nous sommes rentrĂ©s vers minuit vingt, une dizaine de minutes avant que lâalarme ne se dĂ©clenche. â Ah, mâexclamai-je. Alors câest pour cela que tu es habillĂ© ainsi⊠En effet, mon pĂšre portait une chemise jaune clair, un pantalon de couleur bois de rose, une ceinture et une cravate noires. CâĂ©tait, je crois, ce quâil mettait toujours pour une soirĂ©e entre amis. â Oui, me rĂ©pondit mon pĂšre. Je me suis changĂ© aprĂšs le travail dans ma voiture, parce que jâavais oubliĂ© de le faire au musĂ©e. Il me faut environ vingt minutes pour aller de chez mes amis Ă chez moi, mais il ne me faut que dix minutes pour aller du musĂ©e Ă chez eux. Câest pourquoi je ne suis pas repassĂ© chez moi et que ma femme mâa attendu chez les Hubert. â Et bien, M. Doury, vous voici la premiĂšre personne disculpĂ©e, conclut allĂšgrement Justin. Si vous pouvez prouver que vous Ă©tiez chez vos amis Ă dix-huit heures dix, il est clair que vous ne pouvez pas ĂȘtre le coupable. â Douze personnes pourront tĂ©moigner, rĂ©pĂ©ta mon pĂšre. â Tout ça est parfait, sourit Justin en se tordant les mains. Il faut maintenant trouver un alibi Ă vos gardes. Au fait, avez-vous parlĂ© de ce que je vous ai dit au lieutenant ? â Bien sĂ»r que non, rĂ©pondit mon pĂšre. Je ne veux pas lui donner de mauvaises idĂ©es. MĂȘme sâil est Ă©vident que je ne peux pas ĂȘtre le coupable, le lieutenant Bourdon dira que jâai volĂ© le tableau avant dâaller chez mes amis. Et lâenquĂȘte piĂ©tine il nây a aucun indice. â NâĂ©tait-ce pas ce que tu avais prĂ©dit, Justin ? risquai-je. Cette remarque nâavait absolument pas dĂ©tendu lâatmosphĂšre que mon pĂšre venait de retendre, et je me sentais gĂȘnĂ©e. â Je crois quâil ne nous reste plus quâĂ attendre lâarrivĂ©e des gardes. Les avez-vous dĂ©jĂ tous prĂ©venus ? demanda le jeune homme. Mon pĂšre rĂ©pondit quâils seraient tous lĂ dans une demi-heure environ. Justin regardait attentivement la poubelle fixĂ©e sur le mur pendant que nous lui parlions, et il se rongeait les ongles. Quand il vit que je le dĂ©visageais, sâattendant Ă une remarque de ma part sur son onychophagie, il mit ses mains dans ses poches. Il en sortit un mouchoir en papier, se moucha, et alla le jeter. Il en profita pour remettre droite la poubelle. Je me demandai alors sâil avait bougĂ© la poubelle parce quâil allait jeter un mouchoir, ou si câĂ©tait pour bouger la poubelle quâil sâĂ©tait mouchĂ©. Je vous ai dĂ©jĂ dit que voir un objet asymĂ©trique ou dĂ©placĂ© lui est totalement insupportable⊠Justin retourna sur le banc oĂč nous nous Ă©tions assis en arrivant et me demanda de venir, aprĂšs que mon pĂšre ait dit quâil retournait dans la salle du vol pour obtenir de plus amples informations sur lâavancĂ©e de lâaffaire. Il sortit son calepin et commença Ă rĂ©sumer lâaffaire â Ni les gardes ni le directeur nâĂ©taient au musĂ©e Ă dix-huit heures, car ils se sont vus en sortir. Ou alors, ils sont tous complices, mais jâen doute. Le tableau ne peut sortir que par la porte donc il est nĂ©cessaire de possĂ©der la clĂ© et le code. Le voleur pouvait sortir par une fenĂȘtre, mais câest inutile puisquâil doit sortir le tableau par la porte. Lâalarme pouvait ĂȘtre dĂ©clenchĂ©e Ă distance, grĂące Ă lâutilisation de nitroglycĂ©rine. Pour sortir, la prĂ©sence dâun complice est nĂ©cessaire, car si lâon essaie dâouvrir de lâintĂ©rieur, lâalarme se met en route et la porte se bloque. Enfin, M. Doury a un alibi Ă partir de dix-huit heures dix. Il regarda ses notes et semblait perplexe. â Je pense que le lieutenant admettra lâinnocence du directeur, ajouta-t-il. Il faudrait vraiment quâil soit de mauvaise foi pour dire que ton pĂšre ait pu retourner au musĂ©e pour voler le tableau et placer la nitroglycĂ©rine, avant de se rendre chez des amis dix minutes plus tard. Par contre, pour les gardes⊠Quâest-ce qui nous permet de les disculper, sâils sont innocents ? â Peut-ĂȘtre les camĂ©ras, hasardai-je. De toute maniĂšre, ce sont les seuls indices quâon possĂšde de cette nuit. â TrĂšs bonne idĂ©e, Elena. Allons visionner les bandes de ce soir. â Il faudrait peut-ĂȘtre demander la permission au lieutenant Bourdon et Ă mon pĂšre. â Oui, bien sĂ»r. Il se leva, me tendit la main pour que je me relĂšve, et nous nous dirigeĂąmes vers la salle qui avait portĂ© lâintĂ©rĂȘt de la police Ă son paroxysme depuis une heure trente maintenant. Mon pĂšre parlait encore avec le mĂȘme homme, et je me demandais ce quâils pouvaient bien se dire. Nous Ă©tions dans la salle moyenne quand le lieutenant vint vers nous, suivi des deux policiers qui Ă©taient restĂ©s dans la salle du vol. Je croyais quâil venait nous parler, mais je me trompais â Sâil vous plaĂźt, commença-t-il. Il me faisait penser Ă un confĂ©rencier qui essaie de rassembler vers lui toutes les attentions pour faire une importante dĂ©claration. Quâallait-il dire ? Nous nâallions pas tarder Ă le savoir. â Nous avons fouillĂ© la salle nord, la salle du vol, et le hall dâentrĂ©e, et nous nâavons rien trouvĂ© qui fasse avancer rĂ©ellement lâenquĂȘte. Je ne pense pas quâil soit utile que nous poursuivions ces investigations, puisquâelles ne nous apportent rien. Je propose que nous nous tournions vers autre chose la vidĂ©osurveillance. Je vais moi-mĂȘme visionner ce que les camĂ©ras ont enregistrĂ© cette nuit. Pendant ce temps-lĂ , je veux que vous inspectiez la salle sud et la salle ronde ; on ne sait jamais. Ne restez pas trop longtemps dans cette derniĂšre salle, car je veux procĂ©der aux interrogatoires lĂ -bas, dans la plus petite salle du musĂ©e, hormis les toilettes et la salle de vidĂ©osurveillance, bien sĂ»r. Pensez Ă©galement Ă vĂ©rifier que toutes les fenĂȘtres sont bien fermĂ©es, et quâil nây a aucun moyen de les ouvrir de lâextĂ©rieur. Quand les gardes arriveront, dans un petit quart dâheure normalement, vous veillerez Ă ce quâils ne repartent pas, et vous me prĂ©viendrez pour que commencent les interrogatoires. Compris ? Il nous reste exactement six heures et quarante-cinq minutes avant lâouverture du musĂ©e. Soit le tableau et le voleur seront retrouvĂ©s dâici lĂ , soit vous faites une croix sur votre prime de PĂąques, compris ? Des murmures dans la salle me laissaient penser que cette derniĂšre menace Ă©tait souvent utilisĂ©e par le lieutenant. Tout le monde savait quâil nâĂ©tait pas assez influent pour pouvoir supprimer une prime, mais dâun autre cĂŽtĂ©, ils savaient aussi que si lâenquĂȘte nâaboutissait pas, la mauvaise publicitĂ© pourrait, elle, avoir une grande influence sur les cloches de la police. Je prĂ©cise ici que la salle nord est la salle que Justin a nommĂ©e salle moyenne ou salle des tableaux joyeux, et que la salle sud-est la salle large dite salle des tableaux tristes. Alors que les policiers commençaient Ă quitter la salle oĂč nous nous trouvions, nous allĂąmes vers lâorateur, prĂšs de mon pĂšre, et nous lui demandĂąmes la permission de visionner les bandes avec lui. Cette proposition ne semblait guĂšre lâenchanter, mais mon pĂšre approuvait cette idĂ©e, et nous pĂ»mes finalement retourner dans la salle de vidĂ©osurveillance. CHAPITRE VIII OĂ JUSTIN REGARDE CE QUI A ĂTĂ OBSERVE â Je dĂ©teste cette odeur de cafĂ©, dit mon pĂšre en entrant dans la petite salle. Hier matin, câĂ©tait Robert Pradcaz qui Ă©tait chargĂ© de la vidĂ©osurveillance, et lâaprĂšs-midi, câĂ©tait John Degrine, il me semble. Il faudra que je leur dise de nettoyer leurs tasses quand ils quittent leur poste. Le lieutenant nâĂ©coutait absolument pas mon pĂšre. Monsieur le directeur, demanda-t-il, puis-je savoir pourquoi le cadre de la Colombe nâapparaĂźt sur aucune des camĂ©ras ? â Câest fort simple. Les camĂ©ras sont chacune orientĂ©es vers un tableau prĂ©cis, quâon appelle tableau-cible. Dans la salle du vol, le tableau-cible Ă©tait bien la Colombe, mais lorsque nous avons repeint les murs lâan dernier, nous lâavons dĂ©placĂ©e. â Ah, sâexclama Justin. VoilĂ pourquoi Ă cĂŽtĂ© de la Colombe, il y a une zone du mur qui est plus claire. â Oui, confirma mon pĂšre. AprĂšs lâavoir dĂ©placĂ©e, comme la Colombe nâĂ©tait plus dans lâobjectif, plutĂŽt que de bouger la camĂ©ra, nous avons dĂ©placĂ© une sculpture de la salle ronde, qui devenait alors lâĆuvre cible. â De quelle sculpture parlez-vous ? demandai-je. Je ne vois aucune statue dans la salle du vol. â Nous lâavons dĂ©placĂ©e, me rĂ©pondit le policier sans me regarder. Pourquoi diable nây a-t-il aucune camĂ©ra pointĂ©e sur la grille dâentrĂ©e ? Câest pourtant par-lĂ que le voleur est obligĂ© de passer. â Non, rĂ©pondit Justin. Le voleur peut aussi passer par la fenĂȘtre. Je vous rappelle que le diamĂštre de chaque fenĂȘtre est de quarante-trois centimĂštres. â Mais alors, mâexclamai-je, il a pu entrer par la fenĂȘtre. â Ce serait totalement stupide, dĂ©clara Justin, puisquâil est nĂ©cessaire de faire sortir le tableau par la porte. Si un voleur possĂšde la clĂ©, il nâa pas besoin de passer par la fenĂȘtre pour entrer. Ă la rigueur, on pourrait imaginer quâil soit entrĂ© par la fenĂȘtre, ait dĂ©crochĂ© le tableau, lâait amenĂ© devant la grille dâentrĂ©e, soit ressorti par la fenĂȘtre, ait ouvert la porte de lâextĂ©rieur et pris le tableau ; ainsi, lâhypothĂšse dâun complice extĂ©rieur serait inutile. Oui, on pourrait imaginer cela, rĂ©pĂ©ta-t-il. Le policier ignorait Justin comme il nous avait ignorĂ© mon pĂšre et moi. Il semblait trop occupĂ© Ă rembobiner les enregistrements des six camĂ©ras. â Nous allons regarder les enregistrements de la fermeture du musĂ©e Ă notre arrivĂ©e, câest-Ă -dire de dix-huit heures Ă une heure moins le quart, soit six heures quarante-cinq dâenregistrements. Câest exactement le temps quâil nous reste avant lâarrivĂ©e des visiteurs. Nous pourrions donc le regarder en temps rĂ©el, mais je pense que nous allons plutĂŽt regarder deux ou trois fois plus rapidement. Est-ce que quelquâun sait comment fonctionnent ces appareils ? Mon pĂšre, dâun Ăąge proche de celui du policier, montra combien il connaissait ces appareils ». En le voyant agir ainsi, un doute mâenvahit soudain et si câĂ©tait vraiment lui le voleur ? AprĂšs tout, lâassurance pourrait ĂȘtre le mobile, et il est autant suspect que les autres. Est-il capable de se voler pour de lâargent ? Non, bien sĂ»r que non. Je connais mon pĂšre tout de mĂȘme. Et en plus, il y avait cet alibi implacable, alors pourquoi me suis-je inquiĂ©tĂ©e ? Je crois que jâavais tout simplement peur pour mon pĂšre. Le lieutenant et le directeur sâassirent sur les deux chaises et Justin et moi regardions par-dessus leurs Ă©paules. Mon pĂšre appuya sur les boutons lecture puis avancĂ©e rapide. Nous vĂźmes les gardes et le directeur faire leur tour trois fois plus vite que dâhabitude. Sur le premier moniteur, on voyait la salle large. Justin fit remarquer le ventilateur qui nous indiquerait sâil y avait eu ou non un arrĂȘt de lâenregistrement. Sur le deuxiĂšme moniteur, on voyait le centre de la salle dâentrĂ©e, ce qui nous permit de dire que cinq personnes diffĂ©rentes sâĂ©taient dirigĂ©es vers la sortie. Mon pĂšre confirma que lui et ses quatre gardes sâĂ©taient attendus dehors pour se souhaiter, comme Ă lâaccoutumĂ©e, une bonne nuit. Le troisiĂšme moniteur Ă©tait reliĂ© Ă la camĂ©ra de la salle ronde. Avait-il un autre intĂ©rĂȘt que nous donner lâheure dâenregistrement, en montrant une horloge ? Le quatriĂšme nous montrait le mur extĂ©rieur de cette salle, et on put voir sortir de la salle moyenne deux gardes qui semblaient courir. Ces deux personnes avaient Ă©galement Ă©tĂ© filmĂ©es par la cinquiĂšme camĂ©ra. Enfin, la sixiĂšme camĂ©ra, comme nous lâavons dĂ©jĂ dit, Ă©tait orientĂ©e vers une statue. Comme le temps paraissait court sur le troisiĂšme moniteur ! Il Ă©tait maintenant dix-sept heures cinquante-huit, et on vit rĂ©apparaĂźtre sur le premier Ă©cran mon pĂšre dans la salle large. Il se dirigeait vers la salle oĂč nous nous trouvions actuellement et fut observĂ© par la deuxiĂšme camĂ©ra. Soudain, les lumiĂšres sâĂ©taient Ă©teintes, et les camĂ©ras Ă©clairaient les tableaux ciblĂ©s. â En effet, votre systĂšme est vĂ©tuste, se moqua le lieutenant. Pourquoi nâinstallez-vous pas des camĂ©ras Ă infrarouges ? Mon pĂšre rĂ©pondit que lâargent lui manquait, mais quâil y songeait en fait, il y a rĂ©ellement songĂ© trois ans plus tard, en mai 1995. Sur le deuxiĂšme moniteur, nous vĂźmes mon pĂšre sortir du musĂ©e. Il nous dit alors que ses gardes lâattendaient prĂšs du bĂątiment en face du musĂ©e, Ă lâabri du vent froid, et Ă©tait prĂȘt Ă nous jurer que personne nâĂ©tait restĂ© au musĂ©e. Justin continuait Ă fixer le deuxiĂšme moniteur, probablement pour vĂ©rifier que personne nâest entrĂ© par la suite. Nous restĂąmes encore un quart dâheure dans la salle aux odeurs de cafĂ©, et nous pĂ»mes voir que rien nâavait bougĂ© jusquâĂ dix-huit heures trente. Le lieutenant alla chercher trois de ses hommes et leur demanda de continuer Ă visionner les enregistrements jusquâĂ minuit quarante-cinq et de relever tout ce qui semblerait anormal. Il leur prĂ©cisa la prĂ©sence de lâhorloge sur le troisiĂšme moniteur et du ventilateur sur le premier. Justin hĂ©sitait Ă suivre le lieutenant dans la salle dâentrĂ©e pour attendre les quatre gardes, mais il se dit que les interrogatoires pourraient ĂȘtre intĂ©ressants. Câest alors quâil nous surprit encore en demandant si les anciens gardes avaient Ă©tĂ© contactĂ©s eux aussi. â Câest vrai, monsieur Doury, sâexclama le policier. Jâai oubliĂ© de vous demander si vous aviez des problĂšmes avec votre personnel rĂ©cemment. â Aucun, rĂ©pondit le directeur avec assurance. Il nây a pas dâanciens gardes, Justin. Depuis huit ans, ce sont messieurs Erosi, Degrine, Gano et Pradcaz qui sont Ă ce poste. Le lieutenant Bourdon venait encore de nous prouver quâil savait ignorer les gens. Il ne voulait en aucun cas montrer que Justin lui Ă©tait utile, et il avait fait semblant de poser une autre question. De toute maniĂšre, il Ă©tait certain que mon pĂšre rĂ©pondrait Ă son futur gendre, et il avait raison. Toujours pour montrer que câĂ©tait lui qui dirigeait, il invita tout le monde Ă sortir de la salle de vidĂ©osurveillance, pour ne pas perturber lâenquĂȘte. » CHAPITRE IX OĂ LE LIEUTENANT ET JUSTIN ACCUEILLENT LES GARDES Nous Ă©tions une nouvelle fois revenus dans la salle dâentrĂ©e. Deux gardes, John Degrine et Robert Pradcaz, Ă©taient arrivĂ©s et ne semblaient pas avoir Ă©tĂ© mis au courant de lâaffaire par les policiers chargĂ©s de les accueillir. Le lieutenant se dirigea vers eux et leur demanda froidement dâattendre. Mon pĂšre, Justin et moi rĂ©flĂ©chissions ensemble sur les Ă©vĂ©nements de cette nuit et sceptiques, nous arrivĂąmes Ă la conclusion suivante le tableau ne sera pas retrouvĂ© si le voleur ne se dĂ©voile pas. Les quatre gardes Ă©taient maintenant rĂ©unis dans la salle dâentrĂ©e, avec cinq policiers, le lieutenant Bourdon, le directeur, Justin et moi. Câest encore le lieutenant, devenu le maĂźtre des lieux, qui prit la parole. Si je me rappelle mot pour mot sa dĂ©claration, ainsi que celle qui suivra, câest grĂące au magnĂ©tophone que Justin utilisait dâhabitude pour ses cours et quâil me fit voir Ă la fin de lâaffaire. â Je demande votre attention, sâil vous plaĂźt. Par cette simple phrase, le policier fit taire les interrogations des gardes. Tous attendaient impatiemment quâil rĂ©vĂšle pourquoi il les avait rĂ©unis. En effet, officiellement, ils Ă©taient contactĂ©s pour rĂ©soudre la disparition dâun garde, et ils voyaient bien quâil nâen manquait aucun. â Je vous ai menti, continua-t-il. Vous nâĂȘtes pas venus pour la disparition dâun garde, mais pour la disparition dâune colombe. Je vais tĂącher de vous rĂ©sumer rapidement lâaffaire. â Vous voulez dire que le tableau reprĂ©sentant une colombe a Ă©tĂ© enlevĂ© ? demanda Hermann Erosi. â Oui, rĂ©pondit simplement le lieutenant. On sait que vous avez quittĂ© le musĂ©e Ă dix-huit heures et que vous avez vĂ©rifiĂ© que personne ne sây trouvait. Ă minuit trente, le cĂąble dâune camĂ©ra a Ă©tĂ© arrachĂ©, probablement par lâexplosion dâune petite dose de nitroglycĂ©rine. Quand nous sommes arrivĂ©s, un quart dâheure plus tard, la Colombe Ă©tait volĂ©e. Le problĂšme vient de la sĂ©curitĂ© nous pensons que le tableau est sorti par la porte, porte qui ne peut sâouvrir que de lâextĂ©rieur quand lâalarme est en fonctionnement. Et nous savons Ă©galement que pour ouvrir une porte, une clĂ© est nĂ©cessaire. Ici, un code est aussi nĂ©cessaire, et ĂȘtre en possession des deux est assez difficile pour un Ă©tranger. Le cynisme du policier me choquait il Ă©tait en train dâannoncer Ă cinq personnes quâils Ă©taient les principaux suspects, et il le faisait sur le ton de la plaisanterie. JâĂ©prouvais de plus en plus dâantipathie pour cet homme arrogant. Et je nâĂ©tais pas seule. â Et si le voleur nâavait pas le code ? demanda Justin froidement, en sâavançant face au lieutenant. Imaginez quâil possĂšde uniquement la clĂ©, et quâil soit restĂ© cachĂ© dans le musĂ©e. Il vole le tableau en Ă©vitant les camĂ©ras â ce qui est possible, je lâai essayĂ© â, puis le dĂ©pose prĂšs de lâentrĂ©e, sort par une fenĂȘtre, va ouvrir la porte, prend le tableau, referme la porte, et avant que lâalarme ne se mette en route parce quâil nâa pas composĂ© le code, il dĂ©sactive une camĂ©ra. Et nous savons Ă©galement quâune clĂ© peut ĂȘtre facilement copiĂ©e, surtout si elle se trouve dans la mĂȘme salle tous les jours. â Je reconnais bien lĂ la suprĂȘme intelligence des dĂ©butants, fit le lieutenant avec dĂ©dain. Sachez monsieur que sans preuve, ça ne vole pas haut ! â Au moins, ça vole, rĂ©pliqua Justin. â M. Zafiro, dit lâhomme vexĂ©. Vous oubliez que câest moi qui mĂšne lâenquĂȘte et que vous nâavez strictement rien Ă faire ici. Vous nâĂȘtes quâun jeune importun qui essaie de prouver quâil peut faire mieux que les autres. Câest facile dâĂ©laborer des hypothĂšses, mais ce nâest pas une mĂ©thode efficace. Câest pire mĂȘme vous ĂȘtes en train de modeler les indices pour vĂ©rifier que vous avez raison, alors que ce sont les indices qui doivent vous apporter la rĂ©ponse. â Quels indices ? demanda Justin avec une ironique naĂŻvetĂ©. â Le systĂšme de sĂ©curitĂ© nous indique que le voleur est passĂ© par la porte, rĂ©pondit le policier fiĂšrement. Mais je ne vous en veux pas, ce nâest pas votre mĂ©tier. â Est-ce rĂ©ellement le vĂŽtre ? murmura Justin. â DĂ©sormais, rĂ©pondit le lieutenant offensĂ© quelques secondes aprĂšs cette derniĂšre rĂ©partie, jâaimerais que vous restiez en dehors de lâenquĂȘte et que vous laissiez faire les vrais professionnels. Maintenant, si vous voulez prouver que ces hommes ne sont pas impliquĂ©s, je vous laisse quand mĂȘme la possibilitĂ© dâenquĂȘter. Vous voyez, je suis bon prince. Mais vous pouvez Ă©galement compter sur moi pour dĂ©masquer le voleur que vous essaierez de dĂ©fendre, jeune idiot. â Dans ce cas, laissez-moi assister aux interrogatoires, proposa Justin. Je prouverai que le voleur vient de lâextĂ©rieur, et je dĂ©fendrai lâinnocent que vous essaierez dâaccuser. â Si câest pour me gĂȘner⊠â Je ne vous gĂȘnerai plus, coupa Justin. Et jâessaierai dâappliquer votre mĂ©thode, celle dâun vrai policier, ajouta-t-il, non sans une certaine ironie. Cette derniĂšre remarque plaisait visiblement au lieutenant, qui croyait avoir gagnĂ© ce petit duel verbal. Il fit semblant de rĂ©flĂ©chir, et rĂ©pondit finalement que les Ă©loges ne le touchaient guĂšre, et que sâil pouvait aider un jeune homme Ă se rendre compte de ses erreurs, il ne voyait pas pourquoi il refuserait. â TROISIĂME PARTIE â â INTERROGATOIRES â CHAPITRE X OU JOHN DEGRINE EST INTERROGE Le lieutenant Bourdon, deux de ses hommes, Justin et moi Ă©tions rĂ©unis dans la salle ronde, devenue la salle des interrogatoires. Le lieutenant demanda quâon lui apporte un banc et une chaise. Sur le banc sâassirent de gauche Ă droite les policiers, M. Bourdon, Justin et moi. Deux personnes â est-il nĂ©cessaire de prĂ©ciser ? â sortirent un calepin. Le lieutenant nota le nom des quatre gardes, et dĂ©clara quâil les ferait venir par ordre alphabĂ©tique. Justin regarda comment son voisin avait orthographiĂ© les noms, et lui demanda sâil Ă©tait sĂ»r quâils sâĂ©crivaient ainsi. â Voyons, M. Zafiro, ça nâa aucune importance. Câest du perfectionnisme dĂ©placĂ©. Mais oui, jâai demandĂ© Ă M. Doury dâĂ©peler les noms, et ils sâĂ©crivent ainsi. Justin rectifia sur ses notes tandis quâun policier alla chercher le premier garde. â M. John Degrine ? demanda le lieutenant. â Oui, câest moi, rĂ©pondit le garde. â Asseyez-vous ! Lâhomme assis face Ă nous sur la chaise devait avoir une quarantaine dâannĂ©es. Ses cheveux bruns grisonnaient lĂ©gĂšrement, comme beaucoup de monde dans ce musĂ©e, et sa moustache Ă©tait Ă©paisse. Il portait une chemise marron Ă carreaux et un jean bleu clair, mais pas de montre. Ses mains semblaient indiquer quâil avait lâhabitude de travailler la terre. Il paraissait assez inquiet, mais Ă premiĂšre vue, je ne pensais pas quâil Ă©tait coupable. Le lieutenant aurait probablement hurlĂ© sâil savait que je me fiais Ă une simple impression physique⊠â Que faisiez-vous hier soir, entre dix-huit heures et minuit trente ? â Quand jâai quittĂ© le musĂ©e Ă dix-huit heures, je suis allĂ© acheter un litre de lait et deux escalopes de dinde, comme me lâavait demandĂ© ma femme le matin. Je suis rentrĂ© chez moi, vers dix-huit heures trente, puis jâai fait le repas tandis que Camille, ma femme, nourrissait le petit dernier. Ensuite, nous avons regardĂ© le journal tĂ©lĂ©visĂ© puis un dessin animĂ© avec lâaĂźnĂ©. Nous avons dormi vers vingt-deux heures trente environ, jusquâĂ ce que vous nous rĂ©veilliez, il y a une heure. â Bien, fit le voisin de Justin. Et quand vous avez fait le tour du musĂ©e, avez-vous remarquĂ© quelque chose dâinhabituel ? â Non, rĂ©pondit sans rĂ©flĂ©chir lâinterrogĂ©. Cela fait douze ans que je travaille dans ce musĂ©e, et jamais personne nâest restĂ© cachĂ© aprĂšs la fermeture. Nous faisons notre tour chaque soir, mais nous pourrions nous en passer. Enfin, il faut tout de mĂȘme ĂȘtre prudent⊠â Bien sĂ»r, interrompit lâinterrogateur. Ă tout hasard, connaissez-vous le prix du tableau volĂ© ? â Ăa dĂ©passe mes compĂ©tences. Moi je les surveille, pour le prix, il faudrait demander ça Ă M. Doury. â Dâaccord, mais est-ce le tableau le plus cher du musĂ©e Ă votre avis ? persĂ©vĂ©ra le lieutenant. â Oh ! sâexclama M. Degrine. Peut-ĂȘtre, mais je ne pense pas. Moi, lâart, vous savez⊠CâĂ©tait un des plus grands tableaux du musĂ©e, il me semble. AprĂšs, est-ce que ça signifie que câest le plus cher ? â Est-ce que M. Doury se serait fĂąchĂ© avec un de vous rĂ©cemment ? demanda le policier mĂ©thodique. â Non, et je rajouterai quâil ne sâest jamais fĂąchĂ© avec lâun de nous. Câest probablement lâhomme le plus calme que je connaisse. Mademoiselle Doury pourra dâailleurs vous le confirmer. â En effet, affirmai-je, il est impossible de lâĂ©nerver. Je crois lâavoir vu cinq ou six fois en colĂšre en vingt-quatre ans, et ce nâĂ©tait jamais pour rien. â Avez-vous des problĂšmes financiers ? continua le policier imperturbable. â Qui nâen a pas ? demanda le garde. Si vous voulez me demander si jâai volĂ© le tableau, faites-le, mais ne tournez pas ainsi autour du pot. Câest agaçant Ă la fin. JâĂ©tais impressionnĂ©e par ce changement brutal le garde timide venait dâagresser le lieutenant Bourdon. Je restais bouche bĂ©e et je me rendis compte que ce nâĂ©tait pas le cas de lâagressĂ©, qui semblait avoir atteint son but. Il voulait en effet, comme il nous le dit plus tard, rĂ©vĂ©ler la vĂ©ritable identitĂ© de chacun. â Bien, merci, dit le policier le plus simplement du monde. Pouvez-vous faire venir M. Erosi, sâil vous plaĂźt ? John Degrine se dirigeait vers la porte quand Justin lui demanda comment Ă©taient habillĂ©s ses collĂšgues et M. Doury ce soir-lĂ . Nous Ă©tions tous abasourdis par cette question, moi la premiĂšre. Le lieutenant cherchait Ă comprendre pourquoi Justin demandait cela, mais il ne le dĂ©couvrit pas. â Nous autres, rĂ©pondit le garde, nous Ă©tions habillĂ©s en vert, le costume du musĂ©e. Quant Ă M. le directeur, je nâen ai pas la moindre idĂ©e. Je ne remarque jamais comment sont habillĂ©s les gens. Mais je pense quâil ne sâest pas changĂ©, et quâil portait les mĂȘmes vĂȘtements quâil porte maintenant. â Je vous remercie, dit Justin. â Puis-je sortir ? demanda M. Degrine. â Oui, et appelez M. Erosi, rĂ©pĂ©ta le lieutenant Bourdon. CHAPITRE XI OU HERMANN EROSI PASSE AUX AVEUX Le deuxiĂšme garde Ă©tait physiquement trĂšs diffĂ©rent du premier ses cheveux Ă©taient gris et bouclĂ©s, son visage Ă©tait plus rond, et le personnage Ă©tait bien plus corpulent. Ses sourcils Ă©pais nâĂ©gayaient pas ses petits yeux sombres, et les rides de son visage crispĂ© montraient quâil Ă©tait inquiet. Si John Degrine ne me semblait pas pouvoir ĂȘtre le voleur, câĂ©tait tout Ă fait diffĂ©rent pour cet homme. Et ce nâest pas en entendant le son de sa voix gutturale que jâaurai changĂ© dâavis. â Bonsoir, dit-il de sa voix enrouĂ©e. Quâattendez-vous de moi exactement ? â Que vous avouiez, rĂ©pondit le lieutenant Bourdon. Je reconnais quâune fois encore, jâĂ©tais surprise par le policier. Dâaccord, il voulait dĂ©couvrir la vraie identitĂ© de chacun, et il avait rĂ©ussi Ă nous montrer que M. Degrine nâĂ©tait pas aussi timide quâil y paraissait, mais lĂ quâattendait-il ? Des aveux complets se font rarement aussi rapidement, mĂȘme dans les plus mauvais films. â Alors, vous vous en ĂȘtes rendu compte, murmura le garde pensif. Justin releva la tĂȘte quâil gardait plongĂ©e dans son calepin, et je fus soudain soulagĂ©e de ne pas ĂȘtre la seule Ă ne pas comprendre ce qui se passait. Ătions-nous dans un mauvais film ? Les deux policiers et leur supĂ©rieur semblaient eux aussi surpris, et le lieutenant incita le garde Ă continuer. Nous attendions tous attentivement et impatiemment la suite de ces dĂ©clarations. â Il y a une semaine, commença-t-il, jâai eu un accident de voiture. Pas grave, non ; mais pas remboursĂ© non plus. Tout ça parce que je nâai pas pu rĂ©gler lâassurance Ă temps. Comprenez-vous maintenant pourquoi lundi, avant-hier, jâai empruntĂ© Ă M. Doury mille francs ? Il fallait que je rĂ©pare ma voiture je ne pouvais plus continuer Ă venir travailler Ă pied. â Pardon ? demanda le lieutenant Bourdon qui ne voyait pas non plus de quoi parlait Hermann Erosi. Vous voulez dire que vous avez volĂ© votre patron ? â Je suis dĂ©solĂ© de ne pas avoir trouvĂ© dâautre crĂ©ancier, continua le garde, mais ma femme ne voulait pas quâon demande. Elle mâa dit que nous la ferions rĂ©parer au dĂ©but du mois, en touchant un peu aux Ă©conomies. De toute façon, jâallai rembourser M. Doury. Qui paie ses dettes sâenrichit⊠CâĂ©tait mon pĂšre qui disait ça. Nous Ă©tions tous déçus de ces rĂ©vĂ©lations, le lieutenant le premier. Il sâattendait Ă ce que lâaffaire soit bouclĂ©e en une dizaine de minutes, et il se retrouvait maintenant avec un nouveau vol sur les bras. Ce musĂ©e allait lui gĂącher sa nuit, voire sa semaine. Je crois que comme moi, il pensait que Hermann Erosi ne mentait pas en effet, ses phrases Ă©taient tellement confuses quâil Ă©tait Ă©vident quâil nâavait pas prĂ©parĂ© sa dĂ©fense. Justin se replongea dans ses notes, et il me sembla le voir sourire. Avait-il dĂ©couvert quelque chose que la police ignorait ? Celui qui brisa le silence de quelques secondes qui suivit les aveux fut le lieutenant, annonçant quâil nâen avait rien Ă faire, et quâil faudrait rĂ©gler ceci aprĂšs. â M. Doury sâoccupera de vous, continua le policier. AprĂšs tout, sâil accepte de vous prĂȘter cet argent, je ne vois pas pourquoi je vous poursuivrais. Je nâai pas envie de combler mon bureau de papiers inutiles en une nuit ; jâai dĂ©jĂ assez de mal Ă le vider comme ça. Mais revenons Ă ce qui me prĂ©occupe. Qui soupçonnez-vous ? Qui a volĂ© le tableau de la Colombe, dâaprĂšs vous ? DĂ©cidĂ©ment, la surprise Ă©tait la spĂ©cialitĂ© de cet enquĂȘteur. Finalement, je ne regrettais pas dâassister Ă ces interrogatoires. â Je nâen sais rien, moi, sâexclama M. Erosi. Tout ce que je sais, câest que ce nâest pas moi. Dâailleurs, si jâavais volĂ© le tableau, pourquoi mâencombrer de mille francs ? Je suis quasiment certain quâune toile comme celle-ci doit valoir dans les trois ou quatre mille. Un sourire narquois du lieutenant laissait entrevoir la modestie de la somme annoncĂ©e. Apparemment, ce tableau valait une petite fortune. â Vous devez soupçonner quelquâun plus que les autres, non ? demanda M. Bourdon. Quelquâun qui se serait rĂ©cemment brouillĂ© avec son patron, par exemple. On mâa appris que le⊠â Je ne sais pas dâoĂč vous tenez vos informations, coupa net le garde. Moi, je ne suis au courant de rien. Personne ne peut se fĂącher avec un homme aussi calme et aimable que M. Doury. â TrĂšs bien, fit le lieutenant. Au fait, quel est votre alibi pour cette nuit, entre dix-huit heures et minuit trente ? â Je suis allĂ© faire le plein dâessence, puis je suis rentrĂ© chez moi. Pendant que je faisais le repas, ma femme sâoccupait dâappeler notre fils Ă Lille. Ensuite, nous sommes allĂ©s nous coucher. Je ne pense pas que ce soit un alibi valable. â Vous nâavez pas regardĂ© la tĂ©lĂ© ? demanda le lieutenant. Avec un peu de chance, vous pourriez nous raconter un tĂ©lĂ©film inĂ©dit. â Je nâaime pas la regarder seul. â Et votre femme ? demanda le policier consternĂ©. â On voit que vous ne la connaissez pas quand elle appelle son fils⊠â Bien M. Erosi, je crois que vous pouvez sortir. Le lieutenant sâĂ©tait retournĂ© vers Justin qui comprit quâil avait le droit de poser une question sâil le dĂ©sirait. Cette fois, elle ne surprit plus que lâinterrogĂ© Vous rappelez-vous les vĂȘtements que vous portiez, vous, vos collĂšgues et M. Doury, quand vous ĂȘtes sortis du musĂ©e ? » â Nous quatre, nous portions le costume vert du musĂ©e, rĂ©pondit Hermann Erosi. M. le directeur, lui, portait un pantalon noir, il me semble. Je ne crois pas quâil portait la mĂȘme chemise jaune quâil porte actuellement. Enfin, je ne sais plus trĂšs bien. Il faudrait lui demander. Le lieutenant le remercia et lui demanda de faire venir Hans Gano. Entre les deux interrogatoires, il demanda Ă Justin sâil posait toujours la mĂȘme question pour savoir si le directeur sâĂ©tait rĂ©ellement changĂ© dans sa voiture avant dâaller chez ses amis ou sâil sâĂ©tait changĂ© au musĂ©e. Mon voisin rĂ©pondit quâil ne doutait absolument pas de lâalibi de M. Doury et que son intĂ©rĂȘt Ă©tait tout autre. Puis il se pencha Ă mon oreille et murmura Donc le lieutenant est au courant de lâindiscutable alibi de ton pĂšre. » Ce qui ne mâindiquait toujours pas le but de sa question⊠CHAPITRE XII OĂ HANS GANO SE DĂFEND Le troisiĂšme garde Ă©tait incroyablement calme, un placide zĂ©phyr dans la folle tempĂȘte qui se dĂ©clenchait. Alors que les autres avaient dans leur comportement des gestes montrant leur apprĂ©hension, on pouvait affirmer que M. Gano se savait innocent. LĂ encore, mes suppositions auraient mis le lieutenant Bourdon dans tous ses Ă©tats si je lui en avais fait part. Cet homme tenait sous son bras lâuniforme du musĂ©e, ce quâil avait justifiĂ© en disant lors de son arrivĂ©e que lâhomme disparu ne pouvait pas possĂ©der son costume vert, puisque câĂ©tait lui qui le portait. Ce dĂ©tail me fit penser que ce garde rĂ©flĂ©chissait plus que les autres, du moins, Ă deux heures du matin. Par contre, ses chaussures de sport bleues, associĂ©es Ă son pantalon crĂšme, Ă sa chemise noire et Ă la rousseur de ses cheveux, me laissaient penser quâil nâavait aucun goĂ»t vestimentaire du moins, Ă deux heures du matin !. Comme il voyait que le garde demeurait impassible, le lieutenant essaya de le dĂ©stabiliser en ne parlant pas. Mais Hans Gano faisait de mĂȘme, et le policier dut se rĂ©signer Ă parler le premier. â Pouvez-vous me dire oĂč vous Ă©tiez cette nuit, entre dix-huit heures et deux heures ? demanda-t-il Ă©nervĂ©. â Bonsoir, rĂ©pondit malicieusement le garde. JâĂ©tais invitĂ© Ă dĂźner pour lâanniversaire de mon beau-frĂšre, Ă partir de dix-neuf heures. La fĂȘte a fini vers une heure. Ma femme pourra en tĂ©moigner, ainsi quâune dizaine de personnes. Jâai aidĂ© Ă faire la vaisselle ensuite, puis jâai entendu le tĂ©lĂ©phone sonner tandis que jâouvrais la porte dâentrĂ©e en rentrant chez moi. â Et entre dix-huit et dix-neuf heures ? demanda le policier, dĂ©cidĂ© Ă coincer M. Gano Ă tout prix. â Vous pouvez remarquer que mon costume nâest pas celui du musĂ©e. Et comme je viens de vous dire que je nâai pas eu le temps de me changer aprĂšs votre coup de fil, je vous laisse deviner comment jâai mis Ă profit cette heure. â Ne jouez pas au malin, ordonna le lieutenant Ă©nervĂ©. Avez-vous une raison de penser que quelquâun est plus suspect quâun autre ? On mâa dit que vous aviez des problĂšmes dâargent. Câest plutĂŽt un bon mobile. â Personne ne vous a dit ça, mais câĂ©tait bien tentĂ© quand mĂȘme, dĂ©clara le garde. Je nâai aucun problĂšme financier. Hermann, John, Robert et moi, nous nous connaissons tous trĂšs bien, et nous savons par exemple que ce nâest pas moi qui aie le plus de souci avec ma banque. Ceci Ă©tant dit, je pense que le coupable nâest pas parmi nous. Si câĂ©tait le cas, je le saurais et M. Doury aussi. â Justement, qui vous dit que M. Doury nâest pas coupable ? poursuivit lâenquĂȘteur. â Qui vous dit quâil est coupable ? Qui nous dit que vous nâĂȘtes pas le voleur, appuyĂ© par la complicitĂ© de vos sept ou huit policiers ? demanda sur une voix monocorde le serein Hans Gano. â Sâil avait Ă©tĂ© le coupable, M. Bourdon ne serait sĂ»rement pas en train de sâobstiner Ă chercher un coupable prĂ©sent au musĂ©e, mais il aurait dĂ©jĂ annoncĂ© que le voleur Ă©tait parti. De plus, je pense pouvoir affirmer sans me tromper que vous aviez plus de facilitĂ© que lui pour reproduire la clĂ© de la grille dâentrĂ©e. Enfin, le lieutenant Bourdon ne sâintĂ©resse absolument pas Ă lâart, alors que le voleur si. Je fus surprise de voir que Justin venait de dĂ©fendre le policier quâil semblait trouver prĂ©tentieux tout Ă lâheure dans la salle dâentrĂ©e. Pourquoi ce soudain revirement ? Est-ce quâil pensait quâHans Gano avait quelque chose Ă nous cacher ? â Quâest-ce qui vous fait dire que le voleur sâintĂ©resse Ă la peinture ? demanda le policier situĂ© Ă gauche du banc, qui dit alors son premier mot depuis son entrĂ©e dans la salle ronde. â Disons que sâil sâintĂ©ressait seulement Ă lâargent, le voleur aurait sĂ»rement prĂ©fĂ©rĂ© sortir les huit tableaux qui sont assez petits pour passer par une fenĂȘtre, et ne se serait pas ennuyĂ© avec un qui ne peut sortir que par la porte. â Je vous en prie, messieurs, murmura le lieutenant. Jâaimerais quâon achĂšve cet interrogatoire assez rapidement. Monsieur Gano, pouvez-vous me dire les vĂȘtements que chacun de vous portait en quittant le musĂ©e ? Justin se tourna vers son voisin et sourit. â Les gardes rentrent chez eux avec le costume vert, parce que nous nâavons pas de local pour nous changer. Quant Ă M. Doury, je crois quâil avait la mĂȘme chemise quâactuellement, avec un jean bleu. Ă moins que je ne me trompe. Demandez-lui, ce sera plus sĂ»r. â Je vous remercie. Vous pouvez aller appeler le dernier garde, M. Pradcaz. Alors que Hans se dirigeait vers la sortie, le lieutenant le rappela Pour tout Ă lâheure, veuillez mâexcuser, M. Gano. AprĂšs tout, il faut me comprendre, jâai eu une journĂ©e difficile, et la nuit sâannonce pareil. En fait, je croyais que vous vous Ă©tiez changĂ©s avant de venir ici. Oui, mĂȘme si vous ĂȘtes trĂšs bien habillĂ©, je ne pensais pas quâon pouvait aller Ă une fĂȘte avec des baskets bleues. » Je ne pus mâempĂȘcher de sourire Ă la remarque de M. Bourdon. Le garde sortit sans rĂ©pliquer, et je profitais de lâatmosphĂšre dĂ©tendue pour faire remarquer que les trois gardes que nous avions vus aidaient leurs femmes en faisant le repas ou la vaisselle. Le machisme du lieutenant allait se rĂ©veiller quand arriva mon pĂšre. CHAPITRE XIII OU LE DIRECTEUR PASSE AUSSI UN INTERROGATOIRE â Je suis venu vous remercier de ne pas avoir retenu mon garde, M. Erosi, pour son vol. â Ce nâest rien, dĂ©clara le lieutenant. Sâil nâen tenait quâĂ moi, il serait dĂ©jĂ derriĂšre de solides barreaux, mais je nâai pas le temps ce soir de mâoccuper de papiers inutiles. Comptez sur moi pour le surveiller quand jâen aurais fini avec cette Colombe. â Mais, bĂ©gaya mon pĂšre, mais je croyais que vous alliez le laisser tranquille, puisque je ne porte pas plainte. â Plainte ou pas, la loi est la mĂȘme pour tous, dit le policier dont le regard devenait avide. Il est Ă©vident que je ne lâaccuserai pas de vous avoir volĂ©, chose que vous nierez trĂšs probablement ; mais je conserverai son nom dans un petit carnet, et je nâhĂ©siterai pas Ă le faire tomber pour nâimporte quoi. â Câest immonde, clamai-je. Vous ĂȘtes encore pire que je ne le croyais. Ce pauvre homme avait besoin dâargent, et il lâa simplement empruntĂ©. Ă sa place⊠â Je ne supporte pas les petits voleurs qui, lorsquâils sont pris sur le fait, se repentent et disent que ce nâĂ©tait quâun emprunt, me rĂ©pondit le lieutenant en gardant le sang-froid que jâavais perdu. Maintenant, si votre ami arrĂȘtait de faire craquer ses doigts, nous pourrions peut-ĂȘtre poursuivre cette affaire. Je ne comprenais pas ce quâil avait contre Justin mĂȘme si moi aussi il mâĂ©nervait, ce nâĂ©tait pas une raison pour ĂȘtre si agressif. Justin nâaccepta pas et demanda au policier, avec une hargne que je ne lui connaissais pas, sâil allait vraiment trouver un coupable en demandant Ă chacun dâavouer leurs problĂšmes financiers. Ironique, le lieutenant rĂ©pondit que lâhabit des personnes qui sont sorties Ă dix-huit heures Ă©tait sĂ»rement dâune importance capitale. â Pourrais-je interroger Ă nouveau les gardes quand vous en aurez fini ? rĂ©clama le jeune homme. â Certainement pas, rĂ©pondit le lieutenant avec un sourire bĂ©at. Câest moi qui rĂ©unirais les gardes et M. Doury aprĂšs cet interrogatoire individuel. Je tiens Ă leur demander Ă tous certaines choses qui pourraient bien faire avancer lâenquĂȘte. Enfin, pas sur le plan vestimentaire malheureusement. â Ainsi, vous croyez que cette question nâa aucun sous-entendu, marmonna Justin. Le policier Ă©tait incapable de rĂ©pondre quoi que ce soit, et il se retourna donc sur mon pĂšre qui attendait bouche bĂ©e sur le seuil de la porte. â Bien. M. Doury, puisque vous ĂȘtes lĂ , je vais pouvoir vous poser quelques questions. â Je vois que vous vous obstinez dans votre impasse, relança Justin plus insolent que jamais. Mais ce nâest pas grave puisque, aprĂšs tout, je ne suis pas obligĂ© dâĂ©couter ces sornettes. Il se leva et je le suivis. AprĂšs un sarcastique Ă tout Ă lâheure, messieurs », nous sortĂźmes. Je voulus lui demander pourquoi il sâĂ©tait Ă©nervĂ©, mais il parla le premier et demanda si je ne pouvais pas aller voir dans la salle de vidĂ©osurveillance oĂč en Ă©tait lâenquĂȘte, pendant que lui irait voir dans la salle large si de nouveaux indices avaient Ă©tĂ© dĂ©couverts. Nous nous sĂ©parĂąmes alors et je me rendis dans la salle que Justin mâavait indiquĂ©e. Les policiers dans cette salle Ă©taient tous trois trĂšs attentifs aux petits dĂ©tails qui titillaient leurs yeux, trois fois plus vite quâen rĂ©alitĂ©. Je leur demandai sâils avaient remarquĂ© quelque chose dâĂ©trange, mais ils me rĂ©pondirent que rien nâavait eu lieu entre dix-huit heures trente et vingt heures quinze. Je jetai un rapide coup dâĆil sur lâensemble des six moniteurs avant de ressortir. Je vis Justin sortir de la salle des tableaux tristes, et de son regard pensif, je dĂ©duis avec justesse que lâenquĂȘte nâavançait pas non plus de ce cĂŽtĂ©-ci. Nous Ă©tions en train de nous raconter ce que nous avaient appris les hommes du lieutenant quand nous vĂźmes mon pĂšre sortir de la salle ronde. Il demanda Ă Robert Pradcaz dâaller voir M. Bourdon, puis il vint nous exposer son interrogatoire dans les moindres dĂ©tails. â Le lieutenant mâa dâabord demandĂ© si je savais quelque chose Ă propos de mes gardes. Je lui ai bien Ă©videmment rĂ©pondu que non, et jâai ajoutĂ© que je rĂ©pondais dâeux comme de moi-mĂȘme. Le genre de phrase que lâon dit Ă la police pour disculper quelquâun. Ensuite, câest Ă moi quâil sâest attaquĂ©, en me demandant si jâavais des problĂšmes financiers, ou si le musĂ©e attirait moins de monde. Jâai continuĂ© Ă nier, mais le policier qui Ă©tait Ă sa gauche a sorti les rentrĂ©es dâargent des trois derniers mois, sur ordre de son supĂ©rieur bien entendu. Je ne comprends toujours pas comment ils ont pu se permettre de fouiller dans lâarmoire de la salle de vidĂ©osurveillance pour trouver le dossier ! Enfin, toujours est-il que maintenant, ils sont convaincus que nous Ă©tions dans une mauvaise passe et que ce vol arrive au bon moment. â Et ce nâest pas le cas, nâest-ce pas ? demandai-je. â Jâaimerais te dire que non, chĂ©rie, me rĂ©pondit mon pĂšre confus. Mais je ne peux pas, le musĂ©e connaĂźt effectivement une pĂ©riode difficile. â Alors, tu⊠commençai-je â Non, mâinterrompit-il, je nâai rien Ă voir dans cette histoire. Je serai incapable dâune chose pareille. De toute façon, si jâavais volĂ© une Ćuvre Ă chaque fois que nous enregistrons une baisse des entrĂ©es, il ne resterait plus que les murs Ă visiter. â Le lieutenant vous a-t-il demandĂ© autre chose ? demanda Justin. â Il mâa Ă©galement demandĂ© oĂč je suis allĂ© aprĂšs dix-huit heures, et je lui ai rĂ©pĂ©tĂ© que je suis allĂ© dĂźner avec ma femme chez les Hubert, de dix-huit heures quinze Ă minuit. â Tu nous lâavais dĂ©jĂ affirmĂ© tout Ă lâheure, rĂ©torquai-je. â Vous lâaviez donc dĂ©jĂ dit au lieutenant ? demanda Justin. â Oui, avant mĂȘme que vous nâarriviez. Et lĂ , quand je lui ai affirmĂ© que je ne pouvais pas ĂȘtre le voleur, il mâa rĂ©pondu sĂšchement que ce nâĂ©tait pas une preuve, ajouta mon pĂšre soucieux. â Câest Ă©trange, marmonna le jeune homme en se rongeant les ongles. Je ne vois pas oĂč il veut en venir votre innocence est tellement flagrante que mĂȘme un homme aussi teigneux que le lieutenant Bourdon devrait se rendre Ă lâĂ©vidence et vous disculper dâoffice. Si vous voulez mon avis, il sait que vous nâĂȘtes pas coupable, mais il croit que vous connaissez le voleur. Il essaie de vous intimider pour que vous lui rĂ©vĂ©liez le nom du cambrioleur. Enfin, il ajouta un aphorisme quâil venait probablement dâinventer Avec peu dâĂ©lĂ©ments, on ne peut obtenir que peu de matiĂšre. » Jâallais rire du ridicule qui Ă©manait de cette maxime et du sĂ©rieux du jeune homme, mais je me retins afin de ne pas le vexer. Il faut Ă©galement que je vous dise que Justin nâaime pas trop quand on se moque de sa vanitĂ©, et il se dĂ©clare volontiers, et bien souvent Ă tort, modeste. JâespĂšre quâen lisant ceci, il ne mâen voudra pas et comprendra que je ne peux pas donner un portrait idĂ©alisĂ© de lui. AprĂšs tout, ce sont aussi ses dĂ©fauts qui font son charme. â Et câest tout ce quâil vous a demandĂ© ? continua Justin. â Oui, je crois, rĂ©pondit mon pĂšre. Ah non il a Ă©galement rĂ©pĂ©tĂ© quâun garde serait plus suspect que les autres aux yeux de tous. Jâai rĂ©pondu que je ne voyais vraiment aucun suspect parmi les personnes prĂ©sentes au musĂ©e. â Le penses-tu vraiment, papa ? Il ne me rĂ©pondit pas, mais il me lança un regard si attristĂ© que je compris quâil nâavait pas menti au lieutenant. â Ce quâil faut maintenant, dĂ©clara Justin, câest innocenter les quatre gardes. CHAPITRE XIV OU ROBERT PRADCAZ CLOT LES INTERROGATOIRES INDIVIDUELS Je vous ai dit tout Ă lâheure que Justin possĂ©dait un magnĂ©tophone et quâil sâen Ă©tait servi tout au long de lâenquĂȘte. Quand il est sorti fĂąchĂ© de la salle, je nâavais pas remarquĂ© quâil y avait laissĂ© son manteau. Quand il alla le rechercher aprĂšs lâinterrogatoire de Robert Pradcaz, je compris quâil avait tout enregistrĂ©, et nous pĂ»mes entendre ce qui avait Ă©tĂ© dit. Au lendemain de lâenquĂȘte, jâai couchĂ© sur le papier tous les dialogues qui furent enregistrĂ©s grĂące au magnĂ©tophone, et vous pouvez donc ĂȘtre sĂ»rs de lâexactitude de ce qui va suivre. â Câest amusant, dit un des deux hommes de M. Bourdon, Robert est le seul prĂ©nom des quatre suspects qui ne possĂšde pas de h ». â Câest mĂȘme le seul des cinq, ajouta le lieutenant. â Vous voulez dire que le directeur aussi⊠â Je veux mĂȘme dire que sa fille et lâautre prĂ©tentieux sont aussi suspects, continua le lieutenant Bourdon. Je passe ici les remarques que je fis sur les propos de ce grossier personnage, propos que je pourrais dâailleurs difficilement retranscrire sans ĂȘtre censurĂ©e. â Tout de mĂȘme, cette enquĂȘte est bizarre, dit une troisiĂšme voix. Il y a quelque chose que je ne comprends pas si lâun dâentre eux a volĂ© la Colombe, câest forcĂ©ment pour lâargent. Dans ce cas, pourquoi se limiter Ă un tableau ? â Deux possibilitĂ©s, Ă©numĂ©ra le lieutenant soit câest lâĆuvre dâun passionnĂ©, soit le voleur veut nous faire croire que ce vol est lâĆuvre dâun passionnĂ©. Mais ça, le jeunot ne pourra jamais en tenir compte ; lui, il sâarrĂȘte Ă ses simples hypothĂšses et comme ça lâarrange, pour dĂ©fendre les gardes, de dire que le voleur sâintĂ©resse au tableau et non Ă la colossale somme quâil reprĂ©sente, il en dĂ©duit aussi simplement que bĂȘtement que ce vol est lâĆuvre dâun passionnĂ©. Bon, que fait ce Pradcaz ? Ah, le voilĂ . â Bon â bonsoir, bĂ©gaya le dernier garde qui venait dâentrer. Je-je crois que vous mâavez de-demandĂ© de venir ? â Asseyez-vous, M. Pradcaz, rĂ©pondit le lieutenant. Nous allons tĂącher de faire court il y a eu un vol au musĂ©e, et vous ĂȘtes lâun des sept principaux suspects. Nous vous avons tous rĂ©unis ici, et nous trouverons le coupable avant neuf heures du matin. Savez-vous quelque chose Ă propos de ce vol ou soupçonnez-vous quelquâun plus quâun autre ? â Bi-bien sĂ»r que non, rĂ©pondit-il. Si-si je savais quelque ch-chose, je se-serais venu avant que-que vous ne mâappeliez. Et dâa-dâailleurs, je suis sĂ»r que si un de nous sa-savait quelque chose, il serait ve-ve⊠â Bien, coupa le lieutenant insolemment. Connaissez-vous des problĂšmes financiers Ă lâun de vos collĂšgues ou Ă votre patron ? â Je-je ne crois p-pas. Mais peut-peut-ĂȘtre que le musĂ©e nâest p-p-pas dans sa meilleure pĂ©-pĂ©riode. Enfin je-je⊠â Oui, oui, je sais dĂ©jĂ tout ça, intervint le lieutenant. Vous pensez donc que M. Doury aurait pu se voler lui-mĂȘme ? â Ah non ! sâexclama Robert Pradcaz. â Et oĂč Ă©tiez-vous aprĂšs dix-huit heures ? â Je suis allĂ© acheter des fl-fleurs pour une fĂȘ-fĂȘte que do-donnait mon c-cousin, parce quâil a-avait annoncĂ© quâil allait se ma-marier le vingt-deux a-aoĂ»t. Je suis re-restĂ© chez lui ju-jusquâĂ d-dix ou on-onze heures, je ne sais plus. Beau-beaucoup de gens pourront con-con-confirmer. Et la f-fleuriste au-aus⊠â Merci de votre collaboration, vous pouvez sortir. LĂ encore, je passe les rires moqueurs que nous entendĂźmes sur la bande et les faux bĂ©gaiements des policiers. Pour une fois, il faut reconnaĂźtre au lieutenant une certaine intelligence et un certain respect, puisquâil mit fin Ă ces niaiseries de sa grave voix par un silence ! » que nous avons dâailleurs entendu tonner de la salle dâentrĂ©e. Il nâempĂȘche que cet interrogatoire fut plus court que les autres, ce qui me fit penser que M. Bourdon devait ĂȘtre assez exaspĂ©rĂ© par le problĂšme dâĂ©locution de M. Pradcaz. Nous venions juste dâentendre ce majestueux cri du lieutenant quand ce dernier sortit de la salle avec ses hommes et se dirigea vers la salle moyenne en demandant Ă tous de le suivre. CHAPITRE XV OU LES DERNIERES INFORMATIONS SONT RECUEILLIES Nous Ă©tions maintenant tous les dix dans la salle moyenne le lieutenant, les deux policiers des interrogatoires trois autres Ă©taient dans la salle de vidĂ©osurveillance et autant cherchaient encore vainement des indices dans la salle large, mon pĂšre, ses quatre gardes, Justin et moi. DâaprĂšs ce que nous avions appris par le magnĂ©tophone, le lieutenant Bourdon voulait rĂ©unir les gardes pour obtenir un plan complet du tour quâils avaient effectuĂ© neuf heures plus tĂŽt. Inutile de prĂ©ciser que le pauvre enquĂȘteur aurait prĂ©fĂ©rĂ© que chaque garde ait un tour prĂ©cis quâil effectuerait chaque soir ! Comme ce nâĂ©tait pas le cas, nous dĂ»mes supporter les hĂ©sitations et les erreurs de tous, personne ne se rappelant les salles quâil avait vĂ©rifiĂ©es ce soir-lĂ . Enfin, aprĂšs trois ou quatre minutes pendant lesquelles chacun essayait de se remĂ©morer avec qui il Ă©tait afin de pouvoir lâaccuser hypocritement de ne se rappeler de rien, nous eĂ»mes le trajet prĂ©cis de chacun, ainsi que les personnes qui sâĂ©taient vues. Le lieutenant prit un malin plaisir Ă prĂ©ciser que ces prĂ©tendus alibis ne sont absolument pas valables tant quâil nâest pas clairement dĂ©montrĂ© que tous ne sont pas complices. » Je trouvai assez amusant de voir que les mĂȘmes idĂ©es germaient dans mon esprit et dans celui du lieutenant. En effet, je me disais, dĂ©jĂ depuis le premier interrogatoire, que si tous Ă©taient complices, ça arrangerait bien des choses. AprĂšs tout, toutes les hypothĂšses Ă©taient basĂ©es sur la sortie des gardes et du directeur Ă dix-huit heures. Et sâils Ă©taient sortis avec le tableau ? Les gardes et le directeur se souvinrent de ceci M. Doury avait fermĂ© le rideau derriĂšre les enfants vers dix-sept heures quarante-cinq et dit Ă Hans Gano et Robert Pradcaz quâils pouvaient commencer leur tour. Ce dernier Ă©tait prĂšs de la salle ronde, tandis que son collĂšgue observait la salle dâentrĂ©e prĂšs de la grille dâentrĂ©e. Tous deux sâĂ©taient alors dirigĂ©s vers la porte du fond de la salle large, porte situĂ©e prĂšs de la salle ronde, puis Ă©taient ressortis par lâautre porte, avant de quitter le musĂ©e. Robert Pradcaz affirma nâavoir vu personne dans la salle ronde en jetant un rapide coup dâĆil derriĂšre son Ă©paule avant de sortir. AprĂšs avoir prĂ©venu ces deux premiers gardes de la fermeture du musĂ©e, le directeur sâĂ©tait dirigĂ© vers la salle de la Colombe, et avait demandĂ© aux deux autres gardes de procĂ©der Ă leurs vĂ©rifications. John Degrine et Hermann Erosi Ă©taient presque formels ils Ă©taient sortis dans la salle moyenne, Ă©taient passĂ©s par la salle dâentrĂ©e et puis avaient quittĂ© le musĂ©e. Quant aux toilettes, ils avaient Ă©tĂ© inspectĂ©s par Hans Gano et Hermann Erosi, qui affirmĂšrent indiscutablement que personne ne pouvait y ĂȘtre cachĂ©. Le chemin empruntĂ© par le directeur Ă©tait un peu plus complexe aprĂšs avoir fermĂ© le rideau dâentrĂ©e, il sâĂ©tait dirigĂ© vers M. Gano puis M. Pradcaz avant de partir dans la salle de la Colombe prĂ©venir M. Degrine et M. Erosi. Il Ă©tait ressorti et Ă©tait restĂ© plus longtemps que ces deux derniers gardes dans la salle des tableaux joyeux. Le lieutenant trouva assez intĂ©ressant » quâĂ partir de ce moment, le directeur ne fut aperçu par personne avant de rĂ©apparaĂźtre dans la salle large ; mon pĂšre se dĂ©fendit en disant quâil Ă©tait passĂ© derriĂšre la salle ronde oĂč aucune camĂ©ra et aucun garde ne pouvait le voir. Enfin, il ajouta que personne nâĂ©tait dans la salle de vidĂ©osurveillance oĂč il avait dĂ» se rendre pour Ă©teindre les lumiĂšres et ouvrir le rideau de fer sans dĂ©clencher lâalarme. Ensuite, en sortant, il ferma la grille et le rideau derriĂšre lui. â Est-ce que quelquâun pouvait rentrer quand vous avez ouvert le rideau ? demanda le lieutenant. â Bien sĂ»r que non, rĂ©pondit un garde. â Nous lâaurions vu puisque nous Ă©tions dehors, ajouta un autre. â Vous ĂȘtes sĂ»rs de ne pas avoir quittĂ© lâentrĂ©e des yeux ? interrogea M. Bourdon. â Non, fit John Degrine dont la timiditĂ© semblait avoir totalement disparu. Moi, je suis sĂ»r que personne ne pouvait entrer sans que je le vois, parce que je nâai pas quittĂ© lâentrĂ©e des yeux. â Dans ce cas, grogna le lieutenant, le voleur est entrĂ© au musĂ©e aprĂšs que vous en soyez sortis. Il avait donc besoin de la clĂ© et du code, quoi quâen dise notre dĂ©tective en herbe. Et quoi quâil en dise, ce cher M. Zafiro, la probabilitĂ© que le voleur soit une personne qui travaille au musĂ©e est trĂšs proche de cent pour cent. En parlant, le policier jetait des regards provocateurs au jeune homme dont la coiffure devenait de plus en plus cocasse, Ă cause de la ventilation. Je fus surprise de voir que Justin ne semblait sâintĂ©resser quâĂ sa montre et ne prit mĂȘme pas la peine de rĂ©pliquer. Au contraire, il se retourna et, quand il aperçut que les deux bancs nâĂ©taient pas parfaitement alignĂ©s, il sâempressa de corriger cet insignifiant, mais perturbant dĂ©tail. Je me demandais alors si son sens de la rĂ©partie sâĂ©tait tari ou sâil ne voulait pas rĂ©pondre par peur de devoir quitter le musĂ©e. Peut-ĂȘtre se rĂ©servait-il pour un moment ultĂ©rieur oĂč il pourrait rendre au lieutenant la monnaie de sa piĂšce. En fait, je nâen savais rien, et je me rendis compte que je perdais mon temps Ă chercher vainement des explications aux actes insondables de Justin. â Que faisons-nous maintenant ? demanda un policier Ă son supĂ©rieur Ă voix basse. â Maintenant, rĂ©pondit le lieutenant, quand notre jeune ami aura fini de sâamuser avec ce banc, nous pourrons continuer notre enquĂȘte. Justin ne tint pas compte de la remarque dĂ©sobligeante et continua son travail. Il releva la tĂȘte cinq secondes plus tard et, satisfait, il prĂ©cisa â Continuer lâenquĂȘte signifie probablement quâil faut attendre que les cassettes de vidĂ©osurveillance rĂ©vĂšlent leurs secrets. â Et il faut voir sâil reste des indices dans les salles que nous sommes en train de fouiller, ajouta le lieutenant. â Sâil y avait des indices dans ces salles, les collĂšgues les auraient dĂ©jĂ trouvĂ©s depuis longtemps, marmonna lâautre policier. â Je crois bien que vous ayez raison, soupira M. Bourdon, les investigations touchent Ă leur fin. â Ne me dites pas que vous allez abandonner ! intervint mon pĂšre qui, comme moi, avait entendu leurs chuchotements. Vous mâaviez promis de retrouver mon tableau ! â Nous nâabandonnerons pas, dĂ©clara le lieutenant. Je chercherai qui a volĂ© ce tableau tant quâon ne me prouvera pas que le voleur nâest pas ici en ce moment. Et si jamais je dĂ©couvre que le voleur est une personne Ă©trangĂšre au musĂ©e, je vous promets de mettre tout en Ćuvre pour retrouver votre tableau, notamment lorsquâil sera mis en vente. â Et si le voleur est un passionnĂ© ? surenchĂ©rit mon pĂšre. â Si le voleur nâest pas ici ce soir et sâil ne vend pas le tableau, je crains fort que vous ne deviez alors combler le cadre avec autre chose. â Mais vous mâaviez pourtant promis, se lamenta mon pĂšre. â Rien nâest jouĂ©, ajouta le lieutenant impatient de passer Ă autre chose. Jâai dit que les investigations allaient bientĂŽt ĂȘtre terminĂ©es, mais attendons de voir ce quâont enregistrĂ© les camĂ©ras. CHAPITRE XVI OĂ LâENQUĂTE FAIT UN GRAND BOND EN AVANT La situation me semblait bloquĂ©e avant que nâarrive ce nouvel indice qui allait enfin jeter un peu de lumiĂšre sur ces tĂ©nĂšbres. En effet, je ne voyais vraiment pas ce qui aurait pu disculper les gardes ou au contraire les accuser, si ce nâest la vidĂ©osurveillance. Plus jây pensais et plus je me disais que le voleur devait connaĂźtre suffisamment le musĂ©e pour savoir comment Ă©viter les camĂ©ras ; et si la vidĂ©osurveillance ne montrait pas le visage du voleur, je pensais que personne ne pourrait retrouver le tableau et dĂ©montrer lâinnocence de mon pĂšre et de ses hommes. Alors que nous attendions, Justin demanda Ă mon pĂšre oĂč Ă©tait la personne chargĂ©e de faire le mĂ©nage au musĂ©e. En effet, les gardes et le directeur Ă©taient lĂ , mais il nây avait pas dâagent dâentretien. Pour moi, ce nâĂ©tait pas un secret que mon pĂšre sâoccupait de cette tĂąche, mais il est vrai que jâai trouvĂ© cette question trĂšs pertinente de la part dâun enquĂȘteur. » Le lieutenant semblait dâailleurs sâen vouloir de ne pas avoir posĂ© la question avant. Juste aprĂšs la rĂ©ponse de mon pĂšre, lorsque le silence fut total, on entendit le pas pressĂ© dâun policier qui revenait de la salle large. Nous attendions tous une bonne nouvelle, mĂȘme si nous ne savions pas ce qui pourrait faire avancer lâaffaire. Nous eĂ»mes une rĂ©ponse Ă cette question avec ce que tenait le policier dans sa main. â Regardez lieutenant, cria le policier en avançant rapidement vers son interlocuteur. Nous avons trouvĂ© ceci au-dessus dâun tableau dans la salle sud. â Un bout de ficelle nouĂ©, marmonna le lieutenant Bourdon qui tenait le nouvel indice entre son pouce et son index. Je ne sais pas si ça a un rapport avec le vol, mais il se pourrait bien que je tienne lĂ la preuve que le voleur est sorti par la fenĂȘtre. â Câest fort possible, ajouta le policier. Les fenĂȘtres sont fermĂ©es de lâintĂ©rieur par un crochet ; et on peut imaginer que le voleur ait refermĂ© la fenĂȘtre de lâextĂ©rieur grĂące Ă cette ficelle qui se serait ensuite cassĂ©e avant de retomber sur le tableau. â Oui, câest une hypothĂšse. Mais je suis prudent avec les hypothĂšses, moi, dit-il sarcastique en jetant un regard supĂ©rieur Ă Justin qui lâignorait toujours. Moi, je ne fais pas de conclusion hĂątive dĂšs que je trouve quelque chose. â Ah ! soupira Justin en prenant un air naĂŻf. Si nous nâĂ©laborons aucune hypothĂšse, il ne nous reste quâĂ attendre que vos hommes aient fini de travailler, nâest-ce pas ? Alors, pendant ce temps-lĂ , nous, nous allons boire un petit cafĂ©, sĂ»rement. Pas trop serrĂ©, sâil vous plaĂźt. â Il est drĂŽle, lança le policier ironiquement. Mais peut-ĂȘtre avez-vous une idĂ©e Ă nous soumettre, vous qui semblait ĂȘtre un jeune homme si brillant et si sĂ»r de lui ? â Non, pas avant quatre heures et quart, rĂ©pondit Justin. â Pardon ? demanda en fronçant les sourcils le policier. Est-ce que vous vous moquez encore de moi ? â Ce nâest pas la raison de mon attente. â Et vous, se vengea le lieutenant, oĂč Ă©tiez-vous de dix-huit heures Ă une heure ? â Entre dix-huit heures et dix-huit heures trente, je suis allĂ© manger au restaurant universitaire avec ma cousine Justine qui pourra le confirmer. Ensuite, je suis retournĂ© seul chez moi afin de rĂ©viser et de dormir. Mon sommeil a durĂ© exactement une heure trente. Certes, en fouillant un peu dans ma vie, ce que vous ne vous gĂȘnerez sĂ»rement pas de faire, vous vous rendriez compte que je suis issu dâun milieu assez modeste et vous en dĂ©duirez, non hĂątivement, mais Ă tort, que jâai des problĂšmes financiers. Jâai pu remarquer lors des interrogatoires que vous cherchiez ce genre de difficultĂ©s auprĂšs de tous, ce qui me force Ă croire que vous nâexcluez pas le vol purement Ă©conomique, hypothĂšse tout Ă fait concevable, mĂȘme sâil paraĂźt absurde de dire quâun voleur qui ne sâintĂ©resse quâĂ lâargent puisse voler un seul tableau alors quâil en a plus dâune dizaine sous la main. Vous allez bien entendu me rĂ©pondre que ce peut ĂȘtre une ruse pour nous faire croire que ce vol est lâĆuvre dâun passionnĂ©, mais je vous demanderai pourquoi nous faire croire ceci ? En effet, on se moque bien de savoir si le voleur est passionnĂ© ou pas, intĂ©ressĂ© par lâargent ou multimilliardaire ; tout comme on se moque de le voir apparaĂźtre cagoulĂ© sur les Ă©crans de la surveillance, ou de le voir sortir par la porte sans utiliser le code. RĂ©flĂ©chissez trente secondes, ou au moins faites semblant ! Ne cherche-t-on pas Ă nous faire croire que le voleur connaĂźt le code, connaĂźt bien le musĂ©e et est passionnĂ© par ce tableau ? Ne cherche-t-on pas Ă nous faire croire que le voleur est entrĂ© au musĂ©e aprĂšs la fermeture ? Ne cherche-t-on pas Ă nous faire croire que le voleur est M. Doury ? Je poursuis ce stupide interrogatoire je ne connaissais pas suffisamment le musĂ©e pour savoir quel tableau est le plus onĂ©reux, et je ne me suis pas encore jamais fĂąchĂ© avec mon futur beau-pĂšre. Enfin, comme je viens de vous le dire, je ne pense pas que le voleur soit le directeur ou lâun de ses gardes, car je pense que le voleur Ă©tait encore dans la musĂ©e quand les portes ont Ă©tĂ© fermĂ©es. â Et quâest-ce qui vous fait croire cela, alors que les gardes que vous protĂ©gez nous disent le contraire ? demanda le lieutenant, pensif Ă ce que venait de dire plus ou moins confusĂ©ment Justin. â Le voleur ne connaĂźt pas le code, Ă mon avis. â Quâest-ce qui vous fait croire cela ? rĂ©pĂ©ta le policier en fronçant les sourcils. â La camĂ©ra, rĂ©pondit Justin. Pourquoi le voleur a-t-il dĂ©sactivĂ© cette camĂ©ra ? Sâil connaissait suffisamment les sĂ©curitĂ©s pour toutes les Ă©viter, il me semble Ă©vident quâil savait aussi que son geste aurait activĂ© lâalarme. Ce qui tend Ă prouver quâil aurait fait exploser la camĂ©ra pour prĂ©venir que le vol avait eu lieu, ou pour une autre raison. Le voleur nâavait sĂ»rement aucune raison de nous prĂ©venir quâil venait de voler le tableau, sauf peut-ĂȘtre pour sâamuser. Mais franchement, je doute fort que nous ayons affaire Ă un plaisantin. â Pourquoi donc, jeune homme ? demanda le lieutenant moqueur. Cette hypothĂšse ne vous plait pas, donc vous lâĂ©liminez, câest ça ? â Un plaisantin ne sâamuse pas avec lâargent. Quand il peut voler une dizaine de tableaux qui valent une petite fortune, il nâen vole pas quâun. Le lieutenant soupira pour admettre cette Ă©vidence. â Je disais donc que lâexplosion avait un autre but que celui de nous prĂ©venir, continua Justin. Jâai dĂ©jĂ dit et rĂ©pĂ©tĂ© que cette explosion pourrait servir Ă disculper, donc accuser au second degrĂ©, le directeur qui arrive le premier au musĂ©e le matin. Comme je suis persuadĂ© que M. Doury est innocent â et vous devriez lâĂȘtre aussi en connaissant son alibi â je pense que le voleur cherche non pas Ă disculper, mais au contraire Ă accuser le directeur. Or, si le voleur cherchait Ă faire accuser M. Doury, quâaurait-il fait ? Il aurait Ă©vitĂ© toutes les camĂ©ras, pris un seul tableau et fait exploser la camĂ©ra pour prĂ©venir de lâheure du vol. Dâailleurs, si la ficelle a bien un rapport avec le vol, le voleur est sorti par la fenĂȘtre, ce qui tend Ă prouver quâil nâavait pas le code. Jusque lĂ , tout va bien, nâest-ce pas ? â Oui, bien sĂ»r, rĂ©pondit le lieutenant, M. le directeur aurait agi ainsi. Alors je lui passe les menottes tout de suite ou vous allez quand mĂȘme essayer de le disculper ? â Quel est le mobile de M. Doury pour ce vol ? demanda Justin. â Lâassurance, souffla le lieutenant exaspĂ©rĂ©. â Mais alors, pourquoi ne sortir quâun seul tableau ? Câest inexplicable. Il aurait pu trouver plus simple et tout aussi efficace de sortir dâautres tableaux par la fenĂȘtre. â Vous cherchez des complications pour rien ! sâexclama le lieutenant. Si M. Doury est coupable, il nâa volĂ© que ce tableau parce que câest lâun de ceux quâil aime le moins, tout simplement. â Il y a une autre possibilitĂ© si les tableaux pouvaient sortir par la fenĂȘtre, on se serait dit que le voleur nâavait pas besoin de la clĂ© pour sortir par la porte. Le voleur, directeur ou pas, savait quâon dĂ©duirait du vol de ce tableau quâil possĂšde la clĂ© et le code. Revenons Ă ce que jâai dit tout Ă lâheure⊠â Pas Ă©vident de vous suivre ! interrompit le lieutenant. â LĂ , jâadmets que vous avez raison, sourit Justin. Moi-mĂȘme, jâai du mal Ă suivre le cours de ma pensĂ©e. Je crois que câest dĂ» Ă mon trop court sommeil, jây remĂ©dierai tout Ă lâheure. Bien, je disais donc tout Ă lâheure que je suis certain que M. Doury nâest pas le coupable, et que quelquâun qui aurait voulu le faire accuser sây serait pris de la mĂȘme façon connaissance des sĂ©curitĂ©s, vol dâun seul tableau digne dâun grand amateur dâart, explosion de la camĂ©ra pour ne pas accuser le directeur le lendemain matin â pardon, plus tard dans la matinĂ©e â et enfin, possession de la clĂ© et du code. Soyons francs M. Doury vous mâavez dit tout Ă lâheure que beaucoup de personnes pouvaient connaĂźtre le code, mais le pensez-vous vraiment ? â N-Non, bĂ©gaya lâinterrogĂ©. â Qui le connaĂźt alors ? interrogea fĂ©rocement le lieutenant. Quâon cesse de me mentir ! â Euh⊠rĂ©flĂ©chit mon pĂšre. Ă part moi, seules ma fille Elena et ma femme sont officiellement au courant. Ensuite, il se peut que mes gardes le soient aussi, car jâai longtemps laissĂ© le code Ă©crit sur un papier dans la salle de vidĂ©osurveillance. â Qui, parmi vous, est au courant ? demanda le lieutenant aux gardes qui Ă©taient rĂ©unis Ă cĂŽtĂ© de mon pĂšre. Les quatre hommes avouĂšrent avoir dĂ©jĂ regardĂ© au moins une fois le papier qui fut sous leurs yeux pendant trois ans environ. NĂ©anmoins, ils affirmĂšrent quâils ne se souvenaient plus du code quâils nâavaient pas vu depuis cinq ans. Un dâeux â je ne parviens plus Ă identifier la voix sur le magnĂ©tophone, mĂȘme si je sais que nâĂ©tait ni Hermann Erosi ni Robert Pradcaz aux voix si facilement reconnaissable â un dâeux ajouta mĂȘme quâil ne pouvait pas savoir si le code nâavait pas Ă©tĂ© changĂ©, ce qui fut approuvĂ© par ses collĂšgues. â LĂ nâest pas le problĂšme pour lâinstant, reprit Justin. Je pense que ce vol nâest quâune mise en scĂšne pour accuser le directeur, et jâen dĂ©duis, un peu hĂątivement certes, que le cambrioleur ne connaĂźt sĂ»rement pas le code. â Hum, pouffa le lieutenant pour montrer quâil trouvait ce raisonnement forcĂ©. Je crois que vous ĂȘtes un peu trop influencĂ© par vos connaissances vous disculpez bien vite M. Doury, ses hommes, et mĂȘme votre amie Elena. Je prĂ©fĂšre cesser lĂ toute conversation et allez voir les enregistrements. Pendant ce temps, vous nâavez quâĂ continuer de chercher des indices tous les trois. NâhĂ©sitez pas Ă venir me voir si vous trouvez quelque chose. â Quant Ă nous, dit mon pĂšre en se tournant vers moi et Justin, que faisons-nous ? â Attendons, rĂ©pondis-je. â Retournons dans la salle dâentrĂ©e. Je crois que je vais finir mon sommeil sur le banc qui sây trouve. Je le regardai avec Ă©tonnement comment pourrait-il dormir en ces heures ? Moi qui croyais Ă une plaisanterie de sa part, je fus surprise quelques minutes plus tard. â QUATRIĂME PARTIE â â DĂDUCTIONS ET RĂFLEXION â CHAPITRE XVII OĂ JUSTIN RĂSUME UNE NOUVELLE FOIS Nous Ă©tions tous trois, mon pĂšre, mon ami et moi, sur le banc de la salle dâentrĂ©e. Je demandai alors Ă Justin quâil nous explique plus dans le dĂ©tail ce quâil venait de dire au lieutenant. â Rassure-toi, Elena, me rĂ©pondit-il en souriant, tu es loin dâĂȘtre la seule Ă ne pas avoir compris tout ce que jâai dit. Moi-mĂȘme, je ne suis pas sĂ»r de mâĂȘtre compris. Mais je vais essayer de rĂ©sumer les points importants. PremiĂšrement, il y a ce vol unique pourquoi ne voler quâun seul tableau ? â Nous avons dĂ©jĂ rĂ©pondu plusieurs fois, rĂ©pliquai-je. â Câest vrai, ajouta mon pĂšre. Sâil nây a quâun seul tableau volĂ©, câest que le voleur est un passionnĂ© ou veut se faire passer pour tel. â Dâaccord, dit Justin. Imaginons que le voleur soit un passionnĂ© et quâil ne veuille voler que ce tableau. Moi, Ă sa place, jâaurais volĂ© dâautres tableaux, mĂȘme si câĂ©tait pour les rĂ©expĂ©dier au musĂ©e quelques jours aprĂšs. Ainsi, jâaurai Ă©tĂ© sĂ»r que lâenquĂȘte se tournerait vers un voleur intĂ©ressĂ© par lâargent, en se dĂ©tournant de moi. â Tu nâas pas tort, assura mon pĂšre, mais tu nâas pas forcĂ©ment raison non plus. â Je sais, continua le jeune homme, mais je continue mon raisonnement tout de mĂȘme. Maintenant, imaginons que le voleur soit intĂ©ressĂ© par lâargent et quâil nâait volĂ© quâun seul tableau que pour nous faire croire Ă lâĆuvre dâun passionnĂ©. â Câest tout Ă fait possible aussi, coupa mon pĂšre. â Non, rĂ©pondit Justin, ou difficilement, car le voleur aurait tout de mĂȘme pris dâautres tableaux. Peut-il craindre que la police le retrouve si elle cherche une personne motivĂ©e par lâargent ? Je crains fort quâil ne soit pas le seul dans ce cas et quâil aurait eu tort de se priver dâun autre tableau. â Peut-ĂȘtre, murmura mon pĂšre pensif. Quâen dĂ©duis-tu alors, si le voleur nâest intĂ©ressĂ© ni par le tableau ni par lâargent ? â Je nâai rien dit de semblable, se dĂ©fendit Justin. Je fais juste remarquer que dans les deux cas, le voleur aurait dĂ» voler dâautres tableaux, mĂȘme si ce nâĂ©tait pas pour en profiter, au moins pour tromper la police. Mais aprĂšs tout, câest un dĂ©tail auquel nâaura pas pensĂ© le voleur, qui devient alors, Ă tort ou Ă raison, un amateur dâart. Et de plus, ce vol oblige le cambrioleur Ă possĂ©der la clĂ© du musĂ©e, alors que dâautres tableaux auraient pu sortir par une fenĂȘtre. Il se retourna vers moi, et je compris quâil voulait savoir si jâavais quelque chose Ă ajouter. Je hochai la tĂȘte. â Bien, poursuivit-il, je continue avec une deuxiĂšme question pourquoi se cacher des camĂ©ras ? Ou plutĂŽt, pourquoi nâapparaĂźtre sur aucune camĂ©ra ? â Ăa, rĂ©pondis-je fiĂšre de pouvoir apporter une pierre Ă lâĂ©difice de la vĂ©ritĂ©, on nâen sait rien. Il faut attendre que les cassettes soient visionnĂ©es jusquâĂ une heure moins le quart, quand entrent les policiers. â JusquâĂ minuit trente, corrigea Justin. Juste avant quâil ne rĂ©ponde, je crus voir un Ă©clair dans ses yeux, comme sâil venait de comprendre quelque chose dâune capitale importance. â Dâailleurs, ajouta-t-il, je pourrai dire au lieutenant quâil est inutile dâaller plus loin, car si le tableau Ă©tait sorti entre minuit trente et minuit quarante-cinq, lâalarme aurait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e avant que nâarrivent les policiers et M. Doury. â Câest juste, intervint mon pĂšre. Mais Elena a raison sur un point on ne sait pas si le voleur nâapparaĂźt sur aucune camĂ©ra. â Il est exactement trois heures vingt-cinq, donc cela fait environ une heure dix que les policiers regardent ce qui a Ă©tĂ© enregistrĂ© de dix-huit trente Ă vingt-deux heures. Apparemment, personne nâa Ă©tĂ© vu pendant ces trois heures trente, sinon nous aurions Ă©tĂ© prĂ©venus. Maintenant, je suis tout Ă fait dâaccord avec Elena il faut attendre. Jâai dit tout Ă lâheure quâon voulait nous faire croire que le voleur Ă©tait un fervent admirateur de la Colombe. En admettant que personne nâapparaisse sur les camĂ©ras, cela voudrait dire que le voleur connaĂźt trĂšs bien les lieux ou tente de nous faire croire quâil travaille ici⊠à tort ou Ă raison. â Câest impossible, je connais mes employĂ©s depuis de trop nombreuses annĂ©es pour en imaginer un endossant le costume du traĂźtre. â Continuons, susurrai-je impatiente. Je ne vois pas beaucoup dâautres questions. Comment est sorti le voleur ? Par la fenĂȘtre, ou par la porte ? â Avant, interrompit Justin, nous pourrions nous demander pourquoi faire exploser la camĂ©ra. AprĂšs une courte pause pendant laquelle il nous dĂ©visagea, il poursuivit ses explications. â Jâai dĂ©jĂ rĂ©pondu plusieurs fois Ă cette question, qui rappelle un peu la prĂ©cĂ©dente. En effet, pourquoi ce dĂ©sir de ne pas apparaĂźtre masquĂ© sur les Ă©crans de surveillance ? Soit le voleur ne se trouve pas photogĂ©nique, soit il cherche Ă se disculper en agissant ainsi. Lâexplosion de la camĂ©ra serait explicable si vous Ă©tiez le voleur, M. Doury on pourrait dire que vous avez prĂ©fĂ©rĂ© annoncer le vol aussitĂŽt, quand personne nâest censĂ© ĂȘtre au musĂ©e, plutĂŽt quâĂ huit heures, quand vous y ĂȘtes seul. â Oui, mais⊠sâinsurgea le directeur. â Je ne crois pas Ă votre culpabilitĂ©, continua Justin sur un ton monocorde. Je viens de vous dire que les indices semblent nous indiquer que le voleur connaĂźt bien le musĂ©e et aime un tableau qui sây trouve. â Sây trouvait, corrigeai-je maladroitement. â Et sây retrouvera, ajouta Justin avec un sourire malin. Je pense que si vous Ă©tiez coupable, vous seriez apparu sur plusieurs camĂ©ras, en feignant de ne pas savoir quâon pouvait les Ă©viter. De plus, vous nâauriez pas attendu dâĂȘtre dans une passe assez difficile pour vous voler. Pour moi, vous ĂȘtes dâores et dĂ©jĂ innocent, et câest grĂące Ă cela que jâai une longueur dâavance sur lâenquĂȘte officielle. Bien sĂ»r, le lieutenant Bourdon pourrait prendre tout ça au second degrĂ© et dire que vous avez fait exprĂšs de faire croire que vous Ă©tiez coupable pour quâon pense quâen fait vous ne lâĂȘtes pas. Cet homme est fou, ajouta-t-il avec un large sourire. â Je suis content que tu me soutiennes, dit mon pĂšre. Mais de toute façon, mon alibi est suffisant pour convaincre le lieutenant, non ? â Cet homme est fou vous dis-je, rĂ©pĂ©ta Justin. Ăvidemment, comme vous ne semblez pas possĂ©der le don dâubiquitĂ©, vous ne pouviez pas ĂȘtre Ă la fois chez vous en train de vous changer, en allant chez vos amis, et au musĂ©e en train de vous voler. Mais le lieutenant est en droit de penser que vous vous ĂȘtes changĂ© chez vos amis. â Si je comprends bien, tu veux dire que mon alibi ne tient peut-ĂȘtre pas la route et que quelquâun qui mâen veut a volĂ© la Colombe et fait en sorte que je sois le principal suspect câest bien ce que tu insinues ? â Tout Ă fait, rĂ©pondit Justin. Comme je lâai dit au lieutenant, le fait que seule la Colombe fut volĂ©e, que le voleur esquive toutes les sĂ©curitĂ©s, que le tableau soit nĂ©cessairement sorti par la porte fermĂ©e Ă clĂ©, et lâexplosion de la camĂ©ra font probablement partie dâune mise en scĂšne destinĂ©e Ă faire croire que vous ĂȘtes le coupable. â Qui pourrait mâen vouloir Ă ce point ? sâinterrogea mon pĂšre. â LĂ , soupira Justin, je ne peux vraiment pas vous aider. Mais je crois quâil ne faut pas exclure lâhypothĂšse que lâun de vos gardes pourrait ĂȘtre complice. â Quâest-ce qui te fait dire ça ? tonna mon pĂšre. â Le voleur possĂšde la clĂ© du musĂ©e, et connaĂźt le champ de vision des camĂ©ras. MĂȘme si je suis persuadĂ© que tout ceci fasse partie dâun plan pour vous accuser, il semble Ă©vident que ces connaissances ne peuvent pas ĂȘtre totalement⊠â Si, coupa net mon pĂšre. Je rĂ©pĂšte que la clĂ© est Ă la portĂ©e de tous, dans la salle de vidĂ©osurveillance, oĂč lâon voit assez aisĂ©ment comment Ă©viter les camĂ©ras. â Au fait, demandai-je en essayant de changer le sujet de la conversation, comment se fait-il quâon puisse Ă©viter toutes les camĂ©ras ? â Les six camĂ©ras ne peuvent pas couvrir lâensemble du musĂ©e, et nous avons prĂ©fĂ©rĂ© les orienter vers des Ćuvres plutĂŽt que sur la porte, Ă©tant donnĂ© quâon peut sortir par une fenĂȘtre. Et je ne crains pas quâon nous vole la porte, ou plutĂŽt la grille dâentrĂ©e. Mon pĂšre nâavez rien perdu de son sens de lâhumour, mĂȘme dans cette situation assez pĂ©nible. â Je vais maintenant essayer de rĂ©pondre Ă ta question, Elena, intervint Justin. Comment est sorti le voleur ? Je pense que tu veux savoir si la ficelle est un leurre ou pas, nâest-ce pas ? â Oui, est-ce que le voleur est sorti par la fenĂȘtre ou par la porte ? â Et bien, malgrĂ© ce que jâavais pensĂ©, le voleur est sĂ»rement sorti par la fenĂȘtre. Câest assez Ă©trange, sachant quâil possĂšde la clĂ©, de ne faire sortir que le tableau par la porte ; mais je lâexplique par lâabsence de complice. En fait, pour sortir par la porte, il faut lâouvrir de lâextĂ©rieur⊠â Ah oui, câest vrai, fis-je alors que je me sentais de plus en plus ridicule. Mais quâest-ce qui te fait dire que ce nâest pas un piĂšge ? â Si ma thĂ©orie est bonne, le voleur essaie de faire accuser ton pĂšre ; dans ce cas, il faut que la police sache que le vol nĂ©cessitait la clĂ© et croit que le voleur possĂ©dait aussi le code, mais il est inutile quâelle sache quâil est sorti par la fenĂȘtre. En plus, en observant bien la ficelle, jâai pu remarquer quâelle est trĂšs courte, trop pour lâutilisation annoncĂ©e par le policier. Jâen conclus donc quâelle a dĂ» casser. Reste maintenant Ă savoir si câest vraiment ce Ă quoi a servi la ficelle, ou si câest seulement un cadeau » des enfants de lâaprĂšs-midi⊠â Qui tâen veut Ă ce point ? criai-je Ă mon pĂšre. â Voici la nouvelle question, fit lĂ©gĂšrement Justin. Ou plutĂŽt, ajouta-t-il, qui aurait intĂ©rĂȘt Ă ce que ton pĂšre soit accusĂ© ? CHAPITRE XVIII OĂ JUSTIN MâĂTONNE UNE FOIS DE PLUS Comme il lâavait annoncĂ©, Justin sâĂ©tendit un peu sur le banc pour achever sa nuit. Le banc Ă©tait fort long, et je mâĂ©cartai Ă lâune des extrĂ©mitĂ©s, prĂšs de la tĂȘte du jeune homme, Ă lâopposĂ© de mon pĂšre. Mon regard se tourna vers ce dernier, et je vis quâil Ă©tait fĂąchĂ© par lâattitude de mon compagnon et quâil rĂ©flĂ©chissait Ă ce quâil venait de dire. En effet, il y avait de quoi mĂ©diter ! CâĂ©tait Ă croire que Justin pouvait rĂ©flĂ©chir Ă des centaines de possibilitĂ©s Ă la fois, et quâil les Ă©liminait au fur et Ă mesure. Cette intense rĂ©flexion avait dĂ» lâĂ©puiser, car maintenant, il fermait les yeux et remua pour trouver la position la plus confortable possible sur ce banc en bois. Enfin, aprĂšs avoir regardĂ© mon pĂšre et mon ami, je dĂ©tournai le regard vers ma montre qui indiquait trois heures trente. Soudain, une phrase de Justin me revint Ă lâesprit, une phrase dans laquelle il annonçait quâĂ quatre heures et quart, il nous soumettrait une nouvelle idĂ©e du vol. DĂšs lors, les questions se bousculĂšrent dans mon esprit. Je me souviens encore vaguement de ce que je me demandais, et ce que je me rĂ©pondais, notamment grĂące Ă mes notes. Justin dirait-il au lieutenant de ce quâil venait de nous rĂ©vĂ©ler, ou bien avait-il dĂ©jĂ Ă©laborĂ© une autre hypothĂšse encore plus sĂ©duisante ? Savait-il quelque chose quâil se refusait de nous dire ? Non, pourquoi ferait-il ça ? Pour protĂ©ger quelquâun, certes, mais pour qui serait-il capable dâune chose pareille ici ? Je ne voyais quâune personne moi. Mon pĂšre aussi, Ă©ventuellement, mais il lâavait dĂ©jĂ disculpĂ© officiellement devant mes yeux, et je savais quâil Ă©tait tout bonnement incapable dâun tel acte. Et sâil pensait que jâĂ©tais la coupable ? AprĂšs tout, je nâavais aucun alibi, jâĂ©tais lâune des personnes les mieux placĂ©es pour accĂ©der au tableau la nuit, et le mobile aurait Ă©videmment pu ĂȘtre lâargent. Allons, Elena, pourquoi se torturer lâesprit ? Si ça se trouve, Justin va annoncer au lieutenant ce quâil vient de nous annoncer. Oui, câest Ă©videmment cela. Mais alors, pourquoi attendre quatre heures et quart ? Cela ferait prĂšs de quatre heures que le vol aurait Ă©tĂ© commis, mais y a-t-il un rapport ? Plus je rĂ©flĂ©chissais et moins je comprenais Justin. Apparemment, il ne me restait plus quâune chose Ă faire lâimiter. Mais comme cela aurait déçu mon pĂšre, je mâabstins de me reposer. De toute maniĂšre, comment me reposer en cherchant une signification Ă ce fameux horaire ? Subitement, une idĂ©e me vint, une idĂ©e que je mâempressai de vĂ©rifier et de valider. â Bien sĂ»r, gĂ©mis-je, pourquoi nây ai-je pas pensĂ© plus tĂŽt ? De deux heures quinze, Ă quatre heures quinze, il y a deux heures, soit un tiers de six heures. Ă deux heures quinze, nous visionnions ce qui sâĂ©tait passĂ© Ă dix-huit heures trente, donc Ă quatre heures et quart, les policiers visionneront ce qui sâest passĂ© Ă minuit trente. JâĂ©tais contente dâavoir trouvĂ© la ou au moins une des raisons pour laquelle Justin avait Ă©tĂ© si mystĂ©rieux tout Ă lâheure. Mais autre chose me venait Ă lâesprit la satisfaction que reflĂ©taient ses yeux marron, lorsquâil annonça que le voleur ne pouvait sortir quâavant minuit trente, et quâil nâĂ©tait donc pas nĂ©cessaire de visionner le quart dâheure pendant lequel lâalarme avait fonctionnĂ©. Or, il ne voulait pas le visionner, puisquâil avait dit avant cet instant oĂč il mâĂ©tait apparu Ă©merveillĂ© quâil ferait sa dĂ©claration Ă quatre heures et quart, donc avant que les policiers ne voient ces fameuses quinze minutes. Que devais-je en dĂ©duire ? Ătait-ce moi qui me trompais en disant que Justin Ă©tait content de trouver une excuse pour que les policiers ne voient pas lâenregistrement de minuit trente Ă minuit quarante-cinq ? Ce qui nâexpliquait toutefois pas pourquoi il avait prĂ©vu de parler Ă quatre heures et quart avant de dire au lieutenant quâil Ă©tait inutile de regarder ce que les camĂ©ras avaient enregistrĂ© aprĂšs minuit trente. Quel casse-tĂȘte ! Jâallais bientĂŽt ĂȘtre persuadĂ©e que jâĂ©tais la voleuse lorsquâun Ă©vĂ©nement nouveau mâĂŽta provisoirement ces questions de mon esprit. CHAPITRE XIX OĂ PARTENT LES HOMMES DU LIEUTENANT Je me pris une nouvelle fois Ă regarder machinalement ma montre. Lâheure que Justin avait annoncĂ©e ne me quittait plus, et jâĂ©tais fortement tentĂ©e de rĂ©veiller ce machiavĂ©lique jeune homme pour avoir une confirmation de mon idĂ©e. Il Ă©tait maintenant trois heures quarante-deux. Dans une demi-heure environ, je serai fixĂ©e. Lâattente aurait Ă©tĂ© longue si le lieutenant nâĂ©tait pas venu nous voir moi et mon pĂšre pour nous demander un service. Quand il arriva prĂšs du banc, il fut surpris de voir Justin assoupi, ce qui ne lâempĂȘcha pas de parler aussi fort quâĂ lâaccoutumĂ©e. Il devait alors se dire que si câĂ©tait pour dormir, cet Ă©tudiant aurait trĂšs bien pu rester chez lui. â Jâai demandĂ© Ă mes hommes quâils procĂšdent Ă une perquisition chez vos gardes, M. Doury, annonça-t-il. Comme je souhaite quâils soient au moins deux par maison visitĂ©e, jâai dĂ» demander Ă mes huit hommes de sâoccuper de cela. â Et la vidĂ©osurveillance ! mâexclamai-je aussitĂŽt. â Jâallais y venir, mademoiselle. Ceux qui Ă©taient chargĂ©s de regarder les cassettes ont fait un arrĂȘt sur image en attendant que nous arrivions. Comme tout le monde est parti, sauf nous quatre, jâavais pensĂ© que nous allions nous en occuper ensemble. Toutefois, puisque votre ami nâest pas capable de rester Ă©veillĂ© pendant une nuit complĂšte, nous allons nous en charger Ă trois. De toute façon, câest bien suffisant⊠Je me retins dâabord de dire quoi que ce soit pour dĂ©fendre Justin, car je ne voulais pas que le lieutenant mâinterdise de participer au visionnage des bandes. Puis je me dis quâil nâavait rien Ă interdire Ă la fille du vrai maĂźtre des lieux â Effectivement, câest difficile dâĂȘtre en forme la nuit lorsquâon travaille activement la journĂ©e. Il ne connaĂźt pas encore les trente-neuf heures et ne les connaĂźtra peut-ĂȘtre jamais, lui. Jâinsistai sur ce dernier mot pour que le lieutenant comprenne ce que je pensais de lui et du travail quâil fournissait. Ses sourcils froncĂ©s et menaçants indiquaient visiblement quâil cherchait une rĂ©partie â Si je travaillais vraiment trente-neuf heures par semaine, je ferais souvent des semaines de quatre jours. â Qui a dit que vous travaillez ? pensai-je, sans toutefois oser le dire. Si vous nâĂ©tiez pas bornĂ© Ă vouloir que mon pĂšre soit coupable, lui dis-je, peut-ĂȘtre travailleriez-vous moins cette semaine. Juste aprĂšs avoir parlĂ©, je me dis que je venais de me faire un ennemi. Cet ennemi nâajouta rien, si ce nâest un faible allons-y, nous nâavons pas de temps Ă perdre. » En nous dirigeant vers la salle des moniteurs, je jetai un dernier coup dâĆil sur le banc, et je remarquai que Justin nâavait pas bougĂ©. Avait-il entendu ce que nous avions dit ou Ă©tait-il dĂ©jĂ endormi ? Dans la salle oĂč nous humions le cafĂ© Ă chaque parole, nous nous disposĂąmes, mon pĂšre et moi, de chaque cĂŽtĂ© du lieutenant Bourdon. Enfin, en tant que directeur connaissant parfaitement son musĂ©e et ses sĂ©curitĂ©s, mon pĂšre relança les enregistrements. En repensant Ă ce quâavait dit Justin, je prĂȘtais une attention toute particuliĂšre aux moniteurs un et trois sur lesquels nous voyions le ventilateur et lâhorloge. Rien ne bougeait, et pourtant, jâĂ©tais bloquĂ©e ici pendant plus dâune demi-heure encore. Que le temps me semblait long ! CHAPITRE XX OĂ LâHEURE ARRIVE Il Ă©tait maintenant quatre heures dix. Les quatre gardes Ă©taient revenus avec les huit policiers depuis moins de cinq minutes. Ăvidemment, ils Ă©taient arrivĂ©s bredouilles, et jâen profitai pour faire remarquer au lieutenant quâun voleur digne de ce nom nâexposerait pas un tableau chez lui sâil lâavait volĂ© le jour mĂȘme. Pour pouvoir rejoindre Justin, je feins de devoir aller aux toilettes. Je retrouvai notre jeune dĂ©tective assoupi sur le banc, Ă peu prĂšs dans la mĂȘme position que nous lây avions laissĂ©. Jâeus alors rĂ©ellement une envie pressante, celle de connaĂźtre la vĂ©ritĂ© de mon ami ; et câest pourquoi je rĂ©veillai ce dernier. Il ouvrit les yeux alors que je lâeffleurai Ă peine, et ne me rĂ©pondit rien quand je lui demandai ce quâil comptait annoncer. â Allons voir ton pĂšre et ce cher lieutenant Bourdon, me dit-il dâune humeur joviale. Puis il mâentraĂźna dans la salle de vidĂ©osurveillance. La remarque du lieutenant nous laissa de marbre dĂ©jĂ rĂ©veillĂ©, jeune homme ? Câest bien dommage, car vous devriez vous reposer, vous qui en faites tellement. » Jâattendais avec impatience lâexplosion de la camĂ©ra, lorsque lâhorloge de la salle ronde indiquerait minuit trente, car je serais si mon hypothĂšse Ă©tait bonne en effet, puisque lâenregistrement a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© pendant environ cinq minutes, le temps que nous remplacions les hommes du lieutenant, ce nâĂ©tait plus Ă quatre heures et quart, mais Ă quatre heures dix-sept que Justin ferait sa dĂ©claration. Quatre heures et quart. Justin fixait encore les camĂ©ras, et je me rĂ©jouissais de lui annoncer lâheure. Il comprit Ă mon sourire que je savais ce quâil attendait, et il me montra le moniteur six qui allait bientĂŽt afficher un Ă©cran noir. Lorsque ce fut le cas, le lieutenant commenta â LâĂ©cran de la camĂ©ra de la salle de la Colombe est brouillĂ© ; je pense que cela signifie que câest Ă ce moment que lâexplosion a eu lieu. Je ne sais pas trop si on peut encore attendre quelque chose de ce qui suit, puisque la porte dâentrĂ©e ne peut plus ĂȘtre ouverte Ă partir de ce moment sans arrĂȘter lâalarme. Et aprĂšs, quand nous sommes arrivĂ©s, personne nâĂ©tait dans le musĂ©e. â Tout Ă fait, confirma Justin satisfait de la proposition du lieutenant. Et si maintenant vous le permettez, je peux vous prouver que le coupable nâest pas une personne prĂ©sente ici en ce moment. â Je serai ravi de voir ça ! sâexclama le policier souriant, mais nĂ©anmoins peu rassurĂ©. Et comment allez-vous vous y prendre ? Attendez, laissez-moi deviner ! Vous allez vĂ©rifier les garde-robes de chacun pour en dĂ©duire qui pourrait ĂȘtre le voleur. Câest ça, non ? â Venez dans la salle dâentrĂ©e pour que je puisse dĂ©monter cette Ă©nigme devant tout le monde, rĂ©pondit Justin avec austĂ©ritĂ©. Je nâai pas envie de me rĂ©pĂ©ter devant vos hommes. â Allons-y, puisquâici, il nây a plus rien Ă voir. Je crus voir une esquisse de sourire sur le visage rayonnant de Justin. â CINQUIĂME PARTIE â â CONCLUSION â CHAPITRE XXI OĂ JUSTIN EXPLIQUE LâINEXPLICABLE Ă ce moment, je ne savais encore rien du voleur, mĂȘme si je me doutais que ce nâĂ©tait pas un de ceux qui Ă©taient sortis ce soir Ă dix-huit heures, mais jâĂ©tais bien loin de penser que⊠Allons Elena, ne rĂ©vĂ©lons pas avant lâheure la conclusion Ă©tonnante de cette non moins Ă©tonnante affaire. Je me suis promise au dĂ©but de la rĂ©daction que je reconstituerai lâenquĂȘte dans lâordre chronologique des Ă©vĂ©nements, et ce nâest pas le moment pour moi de flancher, si prĂšs du but. Justin venait de rĂ©unir tout le monde dans la salle dâentrĂ©e. Les huit policiers, le lieutenant Bourdon, les quatre gardes, mon pĂšre et moi faisions face au jeune orateur qui prit bien soin de sâĂ©claircir la voix avant de parler. Enfin, alors que mon cĆur battait la chamade Ă lâapproche de lâissue de cette affaire, il commença en ces mots â Quel mystĂšre ! Pour tous ceux qui ne sont pas restĂ©s avec moi cette nuit, et pour ceux qui se sont opposĂ©s Ă moi il se tourna vers le lieutenant, je vais rĂ©sumer mes faits et gestes. â On nâa pas que ça Ă faire ! sâinterposa le lieutenant. Si vous savez quelque chose, dites-le maintenant, mais faites-nous grĂące dâun ennuyeux exposĂ© de vos idĂ©es sur la maniĂšre dont doit ĂȘtre menĂ©e une enquĂȘte. â Bien sĂ»r, lieutenant, fit Justin avec un sĂ©rieux ironique. Je cherche Ă vous prouver quâon peut, juste en Ă©chafaudant des hypothĂšses, parvenir Ă ses fins. Mais votre mĂ©thode, appliquĂ©e rigoureusement, doit, elle aussi, ĂȘtre recommandĂ©e et je pense quâelle nâest pas si mauvaise dans dâautres affaires. â Assez ! hurla la personne visĂ©e. Jâen ai maintenant assez de cette insolence. Depuis le dĂ©but vous me provoquez, vous et votre amie. Pour qui vous prenez-vous ? Vous nâĂȘtes rien dans cette enquĂȘte, juste un importun, une mouche qui brasse du vent inutilement. â Pas inutilement, corrigea Justin. Je brasse du vent pour voler. â Et bien, ça ne vole pas haut, rĂ©pĂ©ta le lieutenant Bourdon. Oui, je sais au moins, ça vole il prit le ton quâavait empruntĂ© Justin plus tĂŽt dans la nuit. Ăa, mon pauvre petit, câest ce que vous croyez ! â Restons-en lĂ , et laissez-moi continuer mon exposĂ©, si vous le voulez bien, fit poliment Justin. â Dâaccord, mais je doute que cela apporte quelque chose de nouveau Ă lâaffaire. â Si vous ne voulez pas mâĂ©couter, libre Ă vous de continuer vos vaines investigations. Maintenant, si vous dĂ©sirez savoir ce que jâai Ă dire, laissez-moi poursuivre. â TrĂšs bien, souffla le lieutenant. â JâĂ©tais tranquillement dans mon lit, continua Justin, lorsque jâentendis le tĂ©lĂ©phone sonner. CâĂ©tait Elena qui me demanda de la rejoindre au musĂ©e oĂč il y avait eu un vol. â Quelle bonne idĂ©e, murmura le lieutenant. â Comme je suis arrivĂ© un peu avant elle, jâen ai profitĂ© pour chercher des indices Ă lâextĂ©rieur du musĂ©e. Naturellement, il nây avait rien Ă voir, mais il y avait quelque chose Ă prĂ©voir, quelque chose dont je vous reparlerai bientĂŽt. â Quoi donc ? demanda un policier. Quây a-t-il dehors que nous nâavons pas vu ? â Rien, rĂ©pondit Justin. Vous lâavez vu, mais vous nây avez pas prĂȘtĂ© attention. Vous nâavez pas anticipĂ©, contrairement Ă quelquâun, par exemple, qui Ă©mettrait des hypothĂšses. Le lieutenant grogna. â Quand elle fut enfin arrivĂ©e, continua le jeune homme en me dĂ©signant, dans toute sa splendeur nocturne, nous entrĂąmes sur la permission de M. Doury, qui nous informa de ce qui se passait. Jâappris notamment les Ă©vĂ©nements de la journĂ©e et le mode de fonctionnement de lâalarme. DĂšs lors, nous savions que le tableau ne pouvait sortir que par la porte et non par une fenĂȘtre, et que personne nâavait pu ouvrir la porte dâentrĂ©e aprĂšs minuit trente, heure Ă laquelle la camĂ©ra a explosĂ©. JâespĂšre que vous me suivez toujours. â Ătant donnĂ© que vous ne nous apprenez rien de plus⊠chuchota le lieutenant, provoquant des rires parmi ses hommes et provoquant Ă©galement mon exaspĂ©ration. â Maintenant, vous ĂȘtes tous dâaccord pour dire que les quatre gardes et M. le directeur sont sortis du musĂ©e et se sont sĂ©parĂ©s Ă dix-huit heures, nâest-ce pas ? â Ăa, fit le lieutenant, câest ce quâils nous disent. Et quâest-ce qui nous dit quâils ne sont pas tous coupables ? â Le vol unique, rĂ©pondit placidement Justin. Vous qui connaissez la valeur rĂ©elle du tableau, dites-moi si vous pensez quâon peut voler pour un cinquiĂšme de cette somme ? â Ce ne serait pas une premiĂšre, sourit le lieutenant. Mais vous ne pouvez pas savoir, vous ne cĂŽtoyez pas des petits voleurs toute lâannĂ©e, vous⊠â Dâaccord, si ça peut vous faire plaisir, ils auraient pu ne voler quâun seul tableau et ignorer tous les autres. Dans ce cas, pourquoi celui-ci ? Pourquoi la Colombe, et pas un autre ? â Mais quâest-ce que jâen sais, moi ? sâĂ©nerva le lieutenant. â Pourquoi voler un tableau qui ne peut sortir que par la porte ? rĂ©pĂ©ta Justin. Vous ne trouvez pas ça ridicule, vous qui avez lâhabitude de telles affaires ? Il est Ă©vident que les gardes et M. le directeur allaient ĂȘtre les premiers suspects, en tant que personnes ayant accĂšs Ă la clĂ© nĂ©cessaire au vol. â Câest vrai, confirma mon pĂšre. Si nous Ă©tions les voleurs, pourquoi nous serions-nous contentĂ©s dâun seul tableau, et pourquoi justement celui-ci ? Vous nâĂȘtes peut-ĂȘtre pas sans ignorer que la Colombe est lâune des Ćuvres majeures du musĂ©e et que par consĂ©quent, sa disparition Ă©quivaut Ă une baisse des chiffres dâaffaires. Si jâĂ©tais complice du vol, croyez bien que ce nâest pas ce tableau que vous rechercheriez cette nuit⊠â Bon, cĂ©da le lieutenant, jâaccepte dâabandonner cette idĂ©e pour le moment. De toute façon, je nây croyais pas trop non plus. Ă mon avis, ce vol est lâĆuvre dâune seule personne qui serait sortie par la fenĂȘtre, comme le prouve la ficelle. Ou câest une mise en scĂšne pour nous faire croire que le voleur est seul⊠â Ne nous perdons pas dans des raisonnements trop complexes pour lâinstant, coupa Justin. JâĂ©tais en train de vous dire que les gardes et M. Doury ne peuvent pas ĂȘtre les voleurs. Au fait, chacun dâentre eux a un alibi entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze, il me semble. â Voyons, rĂ©flĂ©chit le lieutenant en regardant son carnet, M. Degrine est allĂ© faire des courses jusquâĂ dix-huit heures trente donc il ne pouvait pas ĂȘtre au musĂ©e pendant cet intervalle de temps. M. Erosi est allĂ© faire le plein dâessence et Ă©tant donnĂ© que la station la plus proche est Ă dix minutes dâici, il ne pouvait pas ĂȘtre au musĂ©e entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze. Enfin, leurs tickets confirmeront. M. Gano Ă©tait Ă un anniversaire Ă partir de dix-neuf heures, mais il sâest changĂ© avant. Il lui faut dix minutes pour retourner chez lui, cinq pour se changer et une demi-heure pour aller chez son beau-frĂšre, ce qui lui laisse un quart dâheure. Son alibi ne tient pas. â Pardon, rectifia M. Gano, mais je vous ai dit que jâĂ©tais invitĂ© Ă dix-neuf heures, mais pas que jây suis arrivĂ© Ă cette heure. Ă vrai dire, je suis arrivĂ© Ă sept heures moins le quart. â Et si vous vous Ă©tiez changĂ©s dans votre voiture ? demanda le lieutenant qui nâapprĂ©ciait vraiment pas ce garde. En accĂ©lĂ©rant ensuite, vous pouvez faire le trajet en vingt ou vingt-cinq minutes, et ainsi quitter le musĂ©e Ă dix-huit heures quinze. Si je prouve que vous ĂȘtes le coupable, jâajouterai mĂȘme un procĂšs pour excĂšs de vitesse ! â Dans ce cas, ses vĂȘtements de garde devraient encore ĂȘtre dans sa voiture, affirma Justin. Je ne pense pas quâil aurait pu arriver demain matin sans son costume sâil Ă©tait le coupable. â Avez-vous vu le costume chez lui ? demanda le lieutenant Ă ses hommes. â Oui, je me souviens de lâavoir vu sur son lit, rĂ©pondit un policier. â Le voilĂ innocentĂ© jusquâĂ dix-huit heures quinze, grimaça M. Bourdon. M. Doury Ă©tait chez des amis Ă partir de dix-huit heures quinze, donc ne peut pas avoir volĂ© pendant ce quart dâheure. Mais pourquoi voulez-vous donc savoir sâils ont un alibi de dix-huit heures Ă dix-huit heures quinze ? â Je vous expliquerai, ne vous inquiĂ©tez pas. Continuez, sâil vous plaĂźt. â TrĂšs bien, oĂč en Ă©tais-je. Ah oui, M. Pradcaz Ă©tait lui aussi Ă une fĂȘte Ă propos dâun mariage, et est passĂ© chez une fleuriste avant. Câest bizarre tous ces anniversaires, vous ne trouvez pas ? Enfin, tant quâil y a des alibis, il y a des cellules vides, comme dit le vieil adage. Justin sourit et continua son exposĂ© des faits â Tout ceci prouve que John Degrine, Hermann Erosi, Hans Gano, Robert Pradcaz et Charles Doury ne pouvaient pas voler entre dix-huit heures et dix-huit quinze le tableau. Quant Ă moi, je suis bien heureusement innocentĂ©, car jâĂ©tais Ă lâhĂŽpital jusquâĂ dix-huit heures, avant de passer au restaurant universitaire avec ma cousine Justine. â Pourquoi voulez-vous Ă tout prix que le vol ait lieu entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze ? demanda le lieutenant impatient. â Avant, est-ce que vous admettez que si je vous prouve que le vol a eu lieu pendant ce quart dâheure, toute personne prĂ©sente ici en ce moment sera disculpĂ©e ? â Oui, dit le lieutenant aprĂšs une courte rĂ©flexion. Ă lâexception de Mlle Doury. â Bien sĂ»r, mais aussi Ă lâexception de vos hommes et vous. â Vous me faites rire, jeune homme. Vous commencez vraiment Ă me plaire, et je pense vous avoir mal jugĂ©. Vous avez plus dâhumour et de bon sens que je ne le croyais. â Je peux vous retourner le compliment. â Allez, continuez, sourit le policier. Jâadmets que si le vol a eu lieu pendant ces quinze minutes, aucun dâentre vous ne peut ĂȘtre coupable. Mais je maintiens que le voleur a trĂšs bien pu rentrer dans le musĂ©e plus tard. â Non, sâĂ©cria Justin avec malice. Ne bougez pas, jâarrive. Il se dirigea vers la grille quâil ouvrit, puis referma derriĂšre lui. Je me demandais alors ce quâil voulait nous prouver en sortant du musĂ©e. Il ouvrit le rideau de fer dâune vingtaine de centimĂštres et une grille lumineuse fut projetĂ©e sur le sol de la salle dâentrĂ©e. Il revint vers nous, en prenant toujours soin de refermer la grille. Alors, il montra la camĂ©ra deux et dit â Vous voyez, on peut traverser le musĂ©e en esquivant toutes les camĂ©ras, mais lorsque les globes situĂ©s Ă lâentrĂ©e sont allumĂ©s, notre ombre ne peut plus Ă©viter les sĂ©curitĂ©s. Or, comme ils sâallument Ă dix-huit heures quinze dâaprĂšs M. le directeur, Ă partir de cette heure-lĂ , on ne peut plus ni entrer ni sortir. Nous restions tous bouche bĂ©e, le lieutenant le premier. Sâil avait eu un chapeau, je pense quâil lâaurait inclinĂ© devant son loyal adversaire. Toutefois, il chercha Ă contrer Justin qui savourait dĂ©jĂ sa victoire Le voleur a pu rentrer par lâextĂ©rieur en passant par une fenĂȘtre. â Il aurait fallu que la ficelle soit placĂ©e avant le vol, ce qui voudrait dire quâelle ait Ă©tĂ© placĂ©e de lâintĂ©rieur alors que la fenĂȘtre Ă©tait ouverte. â Ah oui, câest juste, dit le lieutenant. Mais le coupable peut sortir par la porte dâentrĂ©e en lâouvrant peu, non ? â Il faudrait quâil ouvre la porte dâau moins une vingtaine de centimĂštres, et câest suffisant comme vous pouvez le constater Ă lâinstant mĂȘme. â Dâaccord, mais le voleur a pu rentrer au musĂ©e entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze, attendre avant de sortir le tableau sous le rideau, sortir par la fenĂȘtre et⊠â Certes, ajouta Justin avec son large sourire, le vol a pu avoir lieu entre dix-huit heures cinq et minuit trente, mais le voleur a dĂ» pĂ©nĂ©trer dans le musĂ©e entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze, ce qui nous innocente toujours. Dâailleurs, il a trĂšs bien pu ne pas y pĂ©nĂ©trer et rester cachĂ© dans un coin sombre de la salle de vidĂ©osurveillance. â Je vois, marmonna le lieutenant sarcastique. Ainsi, il nâaurait besoin que de la clĂ© dâentrĂ©e, ce qui innocente encore plus les gardes et le directeur. â Je sais que ça peut vous surprendre, mais câest exactement ce que je pense. Sinon, pourquoi sâennuyer Ă passer par la fenĂȘtre ? Le voleur se moque bien dâapparaĂźtre de dos sur les Ă©crans. Et cela explique lâexplosion de la camĂ©ra. Jâai deux versions des faits qui me semblent justes dans la premiĂšre, le voleur possĂšde la clĂ© et le code, pĂ©nĂštre dans le musĂ©e entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze et en ressort par la fenĂȘtre, en laissant le tableau devant la porte. Dans la seconde, le voleur ne possĂšde que la clĂ© et est enfermĂ© dans le musĂ©e lorsque le personnel en sort ; il prĂ©pare sa sortie par une fenĂȘtre et dĂ©place la Colombe devant la porte dâentrĂ©e pour pouvoir le rĂ©cupĂ©rer Ă minuit trente, avant de faire exploser la camĂ©ra. Dans cette hypothĂšse, lâexplosion de la camĂ©ra est interprĂ©tĂ©e comme un brouillage des pistes on croit que le voleur connaissait le code alors quâen rĂ©alitĂ©, il lâignorait. â Oui, susurra le lieutenant. Jâai encore une autre possibilitĂ© si le voleur fait partie du personnel, il peut disposer une ficelle sur une fenĂȘtre, lui permettant ainsi de ne pas passer par la porte et de voler le tableau plus tard. â Câest une hypothĂšse qui se tient, affirma Justin, mais les gardes ont fait leur tour par groupes, ce qui signifierait quâil nây aurait pas un, mais plusieurs coupables parmi eux. â Pas forcĂ©ment, ajouta le lieutenant, il y a aussi une personne qui a fait son tour seule. â M. Doury ne peut pas ĂȘtre le coupable puisquâil Ă©tait chez des amis jusquâĂ minuit et quâil Ă©tait chez lui Ă minuit trente, lorsque lâalarme sâest dĂ©clenchĂ©e. Sachant quâil habite Ă une vingtaine de minutes de ses amis, il nâaurait pas eu le temps de faire un dĂ©tour par le musĂ©e. Voler un tableau en laissant le cadre, sans se faire repĂ©rer des camĂ©ras, prend plus de temps quâon ne pourrait lâimaginer, surtout lorsquâon sort par la fenĂȘtre. â TrĂšs bien, dit le lieutenant dâune voix basse. Vous avez gagnĂ©, jeune homme, nous quittons le musĂ©e. Il reste encore de nombreuses pistes, notamment si nous admettons que le vol peut ĂȘtre lâĆuvre de deux ou plusieurs personnes. Il se peut que tout le monde soit complice ou que personne nâait rien Ă voir avec ce vol. Une seule chose est sĂ»re si le voleur a agi en solo, ce ne peut pas ĂȘtre lâun de vous. Sauf Mlle Doury, Ă©ventuellement. Enfin, je crois quâil nây a plus rien que nous puissions faire pour cette Colombe, si ce nâest vĂ©rifier les ventes de tableaux. VoilĂ notre derniĂšre chance⊠Alors, il se tourna vers mon pĂšre et lui dit â Monsieur Doury, vous avez de la chance dâavoir un tel gendre sans lui, vous auriez Ă©tĂ© accusĂ© Ă tort. Au fait, ĂȘtes-vous toujours sĂ»r de ne pas porter plainte contre M. Erosi pour lâemprunt » ? â Non, rĂ©pondit mon pĂšre. Je ne lui en veux mĂȘme pas, tellement ce vol est ridicule Ă cĂŽtĂ© de celui de ma Colombe. Je vous en prie, lieutenant, faites votre possible pour retrouver mon tableau. Mon pĂšre venait de prendre conscience quâil ne reverrait plus jamais lâune de ses toiles prĂ©fĂ©rĂ©es, et je crus voir ses yeux briller dans lâobscuritĂ© environnante ; il Ă©tait Ă©vident quâil se retenait de pleurer. Jâaurais tant voulu faire quelque chose pour lâaider. Ă quatre heures quarante, M. Bourdon serra la main de lâadversaire qui lui avait ouvert les yeux, sâexcusa de nâavoir rien pu faire cette nuit, et promit de mettre tout en Ćuvre pour retrouver le tableau le plus vite possible. Il avait dâailleurs demandĂ© Ă mon pĂšre de ne pas dĂ©clarer le vol avant jeudi, mais peut-ĂȘtre Ă©tait-ce simplement pour lui laisser un dernier espoir. Nous regardĂąmes tous les trois, mon pĂšre, Justin et moi, partir les policiers, suivis des quatre gardes. Il fallait maintenant fermer le musĂ©e pour la journĂ©e qui se prĂ©parait. CHAPITRE XXII OĂ JUSTIN EXPLIQUE SES RAISONNEMENTS Nous restions tous les trois dans la salle dâentrĂ©e quand mon pĂšre et moi, avides dâexplications, demandĂąmes Ă notre sauveur » comment il en Ă©tait arrivĂ© Ă une telle conclusion. â Quand je suis arrivĂ© au musĂ©e, commença-t-il, jâai immĂ©diatement remarquĂ© ces lampes dehors, bien quâen rĂ©alitĂ©, je nây prĂȘtais aucune attention puisque je ne connaissais pas encore la disposition des camĂ©ras. Puis nous avons fait notre tour dans le musĂ©e, ce qui me permit de repĂ©rer les zones surveillĂ©es et de constater la possibilitĂ© dâĂ©viter les camĂ©ras pour atteindre la salle du vol. Je repensais quasiment aussitĂŽt Ă ces lumiĂšres, et me dis que la porte ne pouvait pas ĂȘtre ouverte quand elles Ă©taient allumĂ©es. DâaprĂšs le fonctionnement du systĂšme de sĂ©curitĂ©, nous avons tous dĂ©duit aisĂ©ment que le voleur ne pouvait sortir quâavant minuit trente. Moi, dâaprĂšs ces fameuses lumiĂšres, jâen dĂ©duis que le voleur ne pouvait entrer quâavant dix-huit heures quinze. â TrĂšs impressionnant, dit mon pĂšre. Et comme nos alibis prouvent que nous Ă©tions hors du musĂ©e entre dix-huit heures et dix-huit heures quinze, nous ne pouvons pas ĂȘtre les voleurs. â Sauf si plusieurs personnes du musĂ©e sont impliquĂ©es, ajouta Justin. AprĂšs tout, le lieutenant nâavait peut-ĂȘtre pas si tort que ça en disant que vous pouvez ĂȘtre tous complices. Dans ce cas, ce vol est un vĂ©ritable jeu dâenfant puisque le base de tous mes raisonnements est votre dĂ©position dans laquelle vous confirmez ĂȘtre tous sortis du musĂ©e Ă dix-huit heures. â Câest inadmissible, sâindigna mon pĂšre. Comment peut-il dire une chose pareille ? Tu nous vois nous associer tous les cinq pour nous voler ? Ce lieutenant pense Ă beaucoup de choses, mais sĂ»rement pas au cĂŽtĂ© humain des gens. â Allons, allons, M. Doury, calmez-vous. Ce nâest quâune hypothĂšse parmi tant dâautres. Je crois que le lieutenant avait raison sur ce point on ne peut pas rĂ©soudre une affaire en nâutilisant que des hypothĂšses. Et vous savez pourquoi ? â Parce que les hypothĂšses sont infinies ? risquai-je. â Tout Ă fait, Elena. Câest ce que certains appellent la falsifiabilitĂ© de la thĂ©orie les hypothĂšses peuvent prouver ce qui nâest pas vrai, mais pas ce qui lâest. Regarde ce vol par exemple. Apparemment, tout tend Ă nous prouver que le voleur est ton pĂšre. Or, nous savons quâil est innocent ; le coupable est donc quelquâun qui cherche Ă lâaccuser, qui y aurait intĂ©rĂȘt. Nous savons que le voleur connaĂźt suffisamment les sĂ©curitĂ©s pour les esquiver et nous savons Ă©galement quâil ou elle possĂšde au moins la clĂ© dâentrĂ©e. Qui mieux quâun proche du directeur pourrait rĂ©unir toutes ces conditions ? Il sâarrĂȘta de parler quelques secondes pour nous regarder. â Mais tout ceci nâest quâhypothĂšse, continua-t-il, et le coupable est probablement une personne qui nâa rien Ă voir avec le musĂ©e, comme lâa justement conclu la police. Je venais de commencer Ă comprendre ce que Justin venait de dire. Je tremblais de colĂšre, et suffocante, jâeus beaucoup de mal Ă prononcer cette phrase â Est-ce que tu insinues que câest moi qui ai volĂ© la Colombe ? â Oui, me rĂ©pondit-il le plus simplement du monde. â â Mais, mais, bĂ©gayai-je, mais tu es un monstre ! Tu ne me fais donc pas confiance ? Je ne peux pas croire que⊠â Le voleur a un rapport avec le musĂ©e, coupa-t-il. Voyez-vous, il nây a quâun dĂ©tail qui me tracasse dans cette affaire, câest le fait que le voleur nâait pris quâun seul tableau. Câest inexplicable. Sauf si tout nâest quâune mise en scĂšne pour faire accuser quelquâun, un prĂ©texte. Ce vol ne serait quâun prĂ©texte pour faire accuser celui qui possĂšde la clĂ© et connaĂźt les sĂ©curitĂ©s du musĂ©e, le directeur. DĂšs que jâai compris ça, je me suis demandĂ© ce qui se passerait si ton pĂšre Ă©tait arrĂȘtĂ©. Comme ils disent dans les films, Ă qui profite le crime ? Je ne vois que deux personnes Mme Doury et toi, Elena. Ta mĂšre Ă©tait avec ton pĂšre chez leurs amis donc elle savait quâil avait un alibi ; mais toi ? Toi, tu ne le savais pas, nâest-ce pas ? â Non, mais ce nâest pas moi ! mâexclamai-je. â Ne tâinquiĂšte pas Elena, moi je te crois. Tu es bien incapable dâune chose pareille. De toute façon, mĂȘme si câĂ©tait toi qui avais volĂ© le tableau, je ne tâen voudrais pas. â Parfait, murmura Justin. â Mais ce nâest pas moi, rĂ©pĂ©tai-je, attendrie par les bons sentiments de mon pĂšre. â Si ce nâest toi, coupa Justin, câest donc ton frĂšre. LĂ , plus Ă©nervĂ©e que jamais, je crus vraiment que mon ami devenait fou. Il savait bien que jâĂ©tais fille unique, alors pourquoi parlait-il de mon frĂšre ? Pourquoi citer La Fontaine Ă une heure si tardive ? Ou ton pĂšre, reprit-il sereinement. â Je nâai rien Ă y gagner moi dans cette affaire ! sâexclama mon pĂšre pour se dĂ©fendre. â Voyons, M. Doury, et lâassurance ? Câest probablement le meilleur mobile qui soit. Mais vous ne pouvez pas ĂȘtre coupable du vol, vous pouvez tout au plus ĂȘtre complice. Je vous disais que les hypothĂšses sont infinies ; je vais vous en donner un dernier exemple. Je regardais ce spectacle en me gardant bien dâintervenir. Mon pĂšre me paraissait souffrir de plus en plus de ce vol, et cela expliquait, avec lâinsolence de Justin, son comportement soudain vis-Ă -vis de celui qui lâavait sauvĂ©. â Vers deux heures et quart, nous sommes allĂ©s voir ce qui avait Ă©tĂ© enregistrĂ© de dix-sept heures quarante-cinq Ă dix-huit heures et demie, vous vous en rappelez ? â Bien sĂ»r, fit mon pĂšre. â Et bien, câest Ă ce moment que jâai commencĂ© Ă comprendre que je mâĂ©tais trompĂ© sur toute la ligne. Pendant les interrogatoires, jâai demandĂ© aux interrogĂ©s sâils se souvenaient les vĂȘtements que vous cinq portiez ce soir-lĂ . Ce nâĂ©tait pas pour savoir les habits que vous portiez, mais plutĂŽt ce que vous portiez dans vos bras. Personne ne mâa parlĂ© dâune valise qui aurait pu contenir le tableau volĂ©, et qui Ă©tait le seul moyen de faire sortir une planche de bois de cinquante-trois centimĂštres sur soixante-treize. â Planche de bois, mon tableau ! sâĂ©cria mon pĂšre. Un peu de respect, sâil te plaĂźt. Je sais que je te dois ma disculpation, mais ce nâest pas une raison pour insulter ainsi un tel chef-dâĆuvre. â Ce nâĂ©tait pas une insulte, mais veuillez mâexcuser si je vous ai offensĂ©. Bien, je disais donc que le tableau nâavait pas pu sortir Ă dix-huit heures. Jâexclus lâhypothĂšse selon laquelle vous seriez tous coupables, hypothĂšse qui est possible, mais peu probable Ă©tant donnĂ© lâamitiĂ© qui existe entre vous. JâĂ©tais perdu dans une multitude de questions pourquoi ne voler quâun seul tableau, pourquoi faire exploser cette camĂ©ra, pourquoi les Ă©viter ou encore, pourquoi ne pas laisser le musĂ©e ouvert lâaprĂšs-midi ? â Je lâai dĂ©jĂ dit, dit mon pĂšre Ă©tonnĂ© de cette question. Il y avait des enfants qui ⊠â Je sais, coupa net Justin. Mais pourquoi interdire lâaccĂšs aux habituĂ©s ? â Mais⊠tenta mon pĂšre. â Laissez-moi continuer, ordonna Justin. Il nây a aucune raison pour interdire lâaccĂšs aux habituĂ©s, dâautant plus que les affaires ne vont pas trĂšs fort. Vous voyez ce qui commençait Ă se mettre en place dans mon esprit⊠Maintenant, je vais vous dire ce que jâai dĂ©couvert sur lâenregistrement de dix-huit heures je vous ai vu, M. Doury, nâapparaĂźtre que sur le premier Ă©cran. â Jâai expliquĂ© au lieutenant Bourdon que je suis passĂ© derriĂšre la salle ronde, et que câest pour cette raison que je nâai pas Ă©tĂ© aperçu, rĂ©pondit simplement mon pĂšre. â Oui, et vous avez aussi affirmĂ© ĂȘtre restĂ© plus longtemps que John Degrine et Hermann Erosi dans la salle des tableaux joyeux. Or, sauf si vous ĂȘtes sortis en longeant les murs pour masquer quelque chose, on aurait dĂ» vous apercevoir avant sur les moniteurs cinq et quatre. Mon pĂšre fronça les sourcils et recula de dĂ©goĂ»t devant de telles accusations. Moi-mĂȘme, je ne comprenais pas oĂč Justin voulait en venir en disant Ă mon pĂšre quâil Ă©tait impossible que le tableau sorte Ă dix-huit heures sans ĂȘtre vu, avant de lâaccuser dâavoir surmontĂ© cette impossibilitĂ©. Et pourquoi mâavait-il accusĂ©e avant de sâattaquer Ă mon pĂšre ? â Maintenant, comment faire sortir un tableau en bois devant quatre gardes ? continua Justin avec de plus en plus dâassurance. Il aurait fallu transformer le bois en papier et çâaurait Ă©tĂ© bien plus simple. Tiens, et si vous aviez substituĂ© le tableau Ă un vulgaire poster, le midi ? Nâest-ce pas lĂ une charmante hypothĂšse quâil convient de dĂ©velopper ? En fait, quand je dis midi, il faut comprendre une heure de lâaprĂšs-midi environ. Sinon, votre femme nâaurait pas compris votre retard, alors que vous auriez pu lui dire que vous partiez une heure plus tĂŽt pour faire le mĂ©nage. Je vous ai demandĂ© si vous aviez un agent dâentretien, et vous mâavez rĂ©pondu, comme je lâespĂ©rais, que vous Ă©tiez vous-mĂȘme chargĂ© du mĂ©nage. Est-ce que je me trompe ? Est-ce que vous nâĂȘtes pas venu vers treize heures ? â N-non, bĂ©gaya mon pĂšre. Je suis venu faire le mĂ©nage, en effet, comme tous les mardis, jeudis et samedis. â Alors, quâavez vous pu faire Ă une heure, seul au musĂ©e ? Je vais vous le dire vous avez volĂ© puis dĂ©posĂ© le tableau dans le coffre de votre voiture, dans une valise, Ă une consigne de la gare ou Ă un autre endroit. Puis vous remplacez votre chef-dâĆuvre par un poster dâexcellente qualitĂ©, en sachant que les enfants nây verraient que du feu et que vos gardes ne le regarderaient pas de prĂšs, contrairement Ă vos habituĂ©s Ă qui vous interdisez ingĂ©nieusement lâentrĂ©e. Ensuite, Ă dix-sept heures quarante-cinq, quand vous ĂȘtes sĂ»rs que plus personne nâira le voir, vous ĂŽtez le poster que vous chiffonnez, en faisant le moins de bruit possible. Jâai calculĂ© le volume de la boule formĂ©e pour un poster dâune Ă©paisseur de 0,8 millimĂštre et jâai trouvĂ© que son rayon Ă©tait de 4,2 centimĂštres. Mais jâai aussitĂŽt pensĂ© que vous auriez pu la diviser en deux boules plus petites, voire en quatre boules⊠Je vous ai dit que le voleur devait entrer au musĂ©e avant dix-huit heures quinze. Nous pourrions rajouter que le voleur devait y ĂȘtre aprĂšs dix-sept heures quarante-cinq, heure Ă laquelle le tableau, ou plutĂŽt son substitut, fut vu pour la derniĂšre fois. Vous qui avez fait votre tour du musĂ©e seul, vous ĂȘtes la seule personne qui ait pu voler ce tableau sans lâaide dâun complice. Vous Ă©vitiez les camĂ©ras cinq et quatre, car vous possĂ©diez sur vous une boule de papier quâil serait dangereux de voir sur les enregistrements. Mais vous rĂ©apparaissez sur lâĂ©cran un, votre mĂ©fait accompli. Il me restait maintenant Ă trouver une preuve convaincante. Cette apparition sur la camĂ©ra un signifierait que vous avez jetĂ© le poster dĂ©chirĂ© quelque part derriĂšre la salle ronde. Les policiers ont cherchĂ© des indices partout, mais pas dans les poubelles tout de mĂȘme ils savent trĂšs bien que des centaines de personnes peuvent personnaliser chaque poubelle avec leurs propres dĂ©tritus. Si vous saviez le mal que jâai eu Ă trouver cette preuve, mais je pense que ça en valait la peine⊠En se dirigeant vers la poubelle situĂ©e derriĂšre la salle ronde, il continua son monologue â Cette hypothĂšse Ă©tait intĂ©ressante, et elle me plaisait davantage que celle faisant intervenir une personne de lâextĂ©rieur. Je pensais que vous Ă©tiez le coupable, et je cherchais un moyen de le vĂ©rifier sans attirer lâattention de la police sur vous. Jâimaginais la scĂšne pour savoir ce qui pourrait bien vous trahir. Ăvidemment, je pensais que le tableau pourrait ĂȘtre encore dans le coffre de votre voiture, mais encore une fois, je ne pouvais pas vĂ©rifier sans envoyer mon futur beau-pĂšre en prison. Je pensais alors Ă cette peur de vous montrer sur la quatriĂšme camĂ©ra, mais pas sur la premiĂšre, et⊠Il Ă©tait maintenant arrivĂ© devant ce qui Ă©tait devenue la poubelle la plus importante de ma vie. Allais-je dĂ©couvrir que mon pĂšre Ă©tait un voleur ou que mon futur mari Ă©tait dingue ? Il lâouvrit, et je compris quâil Ă©tait dingue. â Mince, dit-il, jâaurai pourtant juré⊠â Ne jure pas, dit mon pĂšre qui avait gardĂ© son calme en se dirigeant vers la poubelle, sachant quâil ne craignait rien. Si tu veux, nous pouvons vĂ©rifier dans mon coffre que le tableau nây est pas. Tout ceci est dâun ridicule ! Tu nâas aucune preuve de ma culpabilitĂ©, mais tu mâaccuses Ă tort, et tu me rabaisses au rang de voleur sous les yeux de ma propre fille. Justin cherchait toujours dans la poubelle, mais ne trouvait rien. Aucun doute, il Ă©tait devenu fou. Je le rassurais en lui disant que je ne lui en voulais pas, ni pour ses accusations envers moi ni pour celles envers mon pĂšre, mais il continuait de rĂ©pĂ©ter Pourtant, je suis sĂ»r. » â Tu nâhĂ©sites pas Ă Ă©chafauder des hypothĂšses farfelues, basĂ©es sur le simple fait que je nâapparaisse pas sur deux camĂ©ras, continua mon pĂšre. Ă quoi bon me dĂ©fendre si câest ensuite pour mâaccuser ? Maintenant que tu as la certitude de ton erreur, je pense quâil est prĂ©fĂ©rable que tu retournes te coucher ; nous discuterons encore ce soir chez moi de cette affaire, Ă tĂȘte reposĂ©e, et je suis sĂ»r que tu tâen voudras dâavoir avancĂ© de telles sornettes. Je tâinvite Ă dĂźner avec Elena. â Pourtant, rĂ©pĂ©ta Justin, pourtant, je suis sĂ»r. Il arrĂȘta de se tapoter sur le front, et releva les yeux, quittant sa pensĂ©e. â Tant pis, je suis obligĂ© dâutiliser ma derniĂšre preuve, ajouta-t-il en souriant. Heureusement que jâavais prĂ©vu que vous aviez sorti le poster dĂ©chirĂ© ! En rĂ©alitĂ©, je pense que vous aviez mis les morceaux dans votre poche gauche, et câest pour ça que vous ne pouviez pas vous montrer sur les moniteurs quatre et cinq, alors que vous pouviez rĂ©apparaĂźtre sur le moniteur un. â Encore une nouvelle folie ? demanda mon pĂšre, fatiguĂ© de toutes ces accusations. â Oh non, fit Justin. Jâaimerais bien que cela en soit une, croyez-le bien, mais je suis sĂ»r que non. Jâimagine que vous avez dĂ©jĂ vu un cadre vide. â Non, rĂ©pondit mon pĂšre ironiquement, ça ressemble Ă quoi ? Ce nâest que mon mĂ©tier, aprĂšs tout ! â Et bien, rĂ©pondit Justin, ignorant lâironie, je sais comment câest constituĂ©, car jâen ai un chez moi, encadrant un tapis sur lequel est reprĂ©sentĂ© un esquimau sur un traĂźneau tirĂ© par des huskies. Il y a bien sĂ»r ce que nous voyons autour du tableau, lequel est un peu plus grand que le rebord intĂ©rieur du cadre. Câest ainsi quâil est retenu pour ne pas tomber Ă lâavant. DerriĂšre, il doit y avoir une barre coupant le cadre rectangulaire en son milieu, pour Ă©viter que le tableau ne tombe Ă lâarriĂšre quand on penche le cadre en avant. â Oui, câest ça, fit mon pĂšre exaspĂ©rĂ©. â Les cadres sont faits pour des tableaux rigides, pas pour des posters. Pour faire tenir droit une feuille de papier, et faire en sorte quâelle ne se plie pas, je pense quâil est nĂ©cessaire de recourir Ă de la colle, nâest-ce pas ? Je continuais de regarder mon pĂšre, mais je ne le vis pas pĂąlir apparemment, Justin se trompait une nouvelle fois. â Et les policiers ne lâauraient pas vu ? demanda mon pĂšre. â Non, car ils nâont pas soulevĂ© le cadre, sachant quâaucun indice ne se trouverait derriĂšre. Ils ont probablement vĂ©rifiĂ© quâil nây avait aucune empreinte devant, mais pas derriĂšre. Et mĂȘme sâils lâavaient dĂ©placĂ©, ils nâauraient pas cherchĂ© Ă le fouiller, et ne se seraient donc pas rendu compte de ce que vous aviez fait. Cette fois, Justin se dirigea vers la salle du vol. En le suivant, je continuai dâobserver mon pĂšre qui semblait autant que moi croire Ă la folie de notre jeune ami. Ce dernier sâarrĂȘta devant le cadre vide. â AprĂšs mes observations et ma derniĂšre hypothĂšse, dit-il, il convient de faire une expĂ©rience et une contre-expĂ©rience pour vĂ©rifier lâauthenticitĂ© de ce que jâavance. â Et qui est le cobaye ? demanda mon pĂšre. Justin souleva le cadre de la Colombe et le dĂ©crocha du mur. Il le tourna vers nous et nous montra alors un coin de papier blanc. â En retirant le poster Ă dix-huit heures, M. Doury, je crains que vous nâayez oubliĂ© de vĂ©rifier si vous ne lâarrachiez pas⊠â Et que prouve ce vulgaire bout de papier ne reprĂ©sentant rien ? demanda mon pĂšre, aprĂšs avoir avalĂ© sa salive. â Il prouve quâun poster a remplacĂ© le tableau. Quand voulez-vous quâun poster pĂ»t prendre cette place, si ce nâest hier midi ? Avant de me dire quâil y a bien longtemps, vous avez placĂ© un poster, pensez que nous pourrons dater cette colle qui me semble bien rĂ©cente. â Pourquoi ? hurlai-je, maintenant que la culpabilitĂ© de mon pĂšre ne faisait plus aucun doute. Pourquoi as-tu fait ça ? â Pour lâargent, ma fille, rĂ©pondit mon pĂšre, comprenant quâil avait perdu. Le musĂ©e est dans une bien mauvaise passe, et jâai en ce moment une offre tout Ă fait attrayante pour un superbe tableau. En me dĂ©robant la Colombe, jâobtenais lâargent de lâassurance comme un prĂȘt Ă zĂ©ro pour cent. Ăvidemment, je me serai restituĂ© le tableau dans quelques semaines, quand je serais plus Ă lâaise sur le plan Ă©conomique, et jâaurai rendu lâargent Ă lâassurance. Justin ne savourait pas sa victoire, car il savait que je souffrais de cette nouvelle. Il retourna chercher son manteau dans la salle oĂč il lâavait laissĂ© lors de son sommeil. Mon pĂšre avait honte et sâexcusa. Quant Ă moi, je lui pardonnai presque aussitĂŽt, fiĂšre de mon ami. Je venais de comprendre pourquoi celui-ci mâavait accusĂ© il voulait que mon pĂšre me dise quâil ne mâen voudrait pas mĂȘme si jâĂ©tais coupable, pour quâau final, câest moi qui ne lui en veuille pas. Lorsquâil revint, Justin avait avec lui un rouleau de papier. â Je me doutais que le musĂ©e aurait vendu des posters de lâune de ses plus belles Ćuvres. Jâai trouvĂ© cet exemplaire dans le guichet. Vous voyez ce coin blanc ? Je suis sĂ»r que nous pourrions Ă©galement identifier le vulgaire bout de papier ne reprĂ©sentant rien » comme une partie de ce poster. Il replaça derriĂšre le cadre cette fausse Colombe â Quant Ă lâĆuvre originale, dit-il avec un sourire, je suis sĂ»r quâelle sera rĂ©expĂ©diĂ©e au musĂ©e, avec dâamples excuses dâun kleptomane qui dĂ©sirait juste sâamuser un peu. Bien sĂ»r, les mots de cette lettre seront dĂ©coupĂ©s dâun journal, afin dâĂ©viter des problĂšmes graphologiques. Quâen dites-vous, M. Doury ? â Oui, je pense que tu as raison, fit mon pĂšre avec un lĂ©ger sourire retrouvĂ©. Ăa ne mâĂ©tonnerait mĂȘme pas que lâexpĂ©diteur demeure inconnu. â Cela va de soi, rĂ©pondit Justin. â Je te remercie Justin, dit mon pĂšre en tendant la main. Le lieutenant a raison jâai de la chance que ma fille tâait choisi. â Merci, dit le jeune homme en serrant vigoureusement la main du directeur. â Je peux vous avouer une chose maintenant jâai eu une chance inespĂ©rĂ©e avec cette ficelle. LâenquĂȘte tournait Ă mon dĂ©savantage, alors que je savais que rien ne pouvait mâaccuser, ni me disculper. Jâavais Ă©galement pris soin de vĂ©rifier que mes gardes auraient un alibi. Ce vol devait rester mystĂ©rieux, et je me suis donc amusĂ© Ă brouiller toutes les pistes. Il me semblait avoir tout prĂ©vu comme il nây avait personne au musĂ©e Ă partir de dix-huit heures, je savais que la police en dĂ©duirait que le voleur connaissait les sĂ©curitĂ©s et voulait le montrer. En dĂ©sactivant la camĂ©ra, je pensais que le lieutenant en conclurait aussitĂŽt que le voleur ne possĂ©dait pas le code. CâĂ©tait le vrai but de cette explosion, je nâavais mĂȘme pas pensĂ© que cela pourrait servir Ă prĂ©venir du vol. Câest vrai que câĂ©tait un peu tordu de ma part⊠Et ça a failli me perdre selon mes idĂ©es, le lieutenant devait ĂȘtre persuadĂ© que le voleur ne possĂ©dait pas le code, donc quâil Ă©tait sorti par la fenĂȘtre. Sans cette ficelle, le policier nâaurait peut-ĂȘtre mĂȘme pas prĂȘtĂ© attention Ă cette hypothĂšse et aurait conclu aussitĂŽt Ă la prĂ©sence dâun complice extĂ©rieur possĂ©dant la clĂ© et le code. Alors, çâaurait Ă©tĂ© trĂšs fĂącheux, surtout pour mes gardes ; moi, jâavais un alibi solide jusquâĂ minuit. Heureusement que les hommes du lieutenant ont retrouvĂ© une vieille ficelle. â Heureusement que jâavais un bout de ficelle sur moi, en effet, rectifia Justin. Câest moi qui lâai mise, lorsque jâai demandĂ© Ă Elena de vĂ©rifier sâil y avait du nouveau dans la salle de vidĂ©osurveillance, juste aprĂšs ĂȘtre sorti de la salle des interrogatoires. Je ne voulais pas que le lieutenant croie que le voleur avait un complice extĂ©rieur. Et puis, un petit indice de plus ne pouvait pas lui faire de mal, il en avait tellement peu⊠â Tu as vraiment pensĂ© Ă tout, dit mon pĂšre Ă©patĂ©. â Je crois quâil est lâheure dâaller se coucher maintenant, finit Justin. Quâen penses-tu Elena ? â Bonne idĂ©e, rĂ©pondis-je en bĂąillant. Je tombe de sommeil. â Alors, M. Doury, Ă bientĂŽt. â Ă bientĂŽt, les enfants. Alors que nous nous Ă©loignions vers la sortie, mon pĂšre dit le dĂźner de ce soir tient encore, au fait. » Je mâĂ©tais retournĂ©e, et derriĂšre mon pĂšre, je pouvais voir la Colombe apporter Ă NoĂ© un rameau dâolivier, symbole de calme et paix retrouvĂ©s.
Myope- Enigmatik Myope classée dans junior Je porte des lunettes mais je n'y vois rien. Qui suis-je ? > solution Partagez cette énigme Suggestions liées à cette énigme Dents Il a des dents
Quandje lui ai fait la remarque elle m'a certifiĂ© que ça ne posait aucun problĂšme. Toujours est-il que je ne vois bien ni de prĂšs, ni de loin avec ces lunettes, et que je vois mĂȘme dĂ©doublĂ© certaines choses (notamment lors de la lecture). Je les porte donc pour reposer mes yeux, mais en voyant le monde totalement flou.
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je porte des lunettes mais je ne vois rien