Quon ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualitĂ©s empruntĂ©es. » Pascal, PensĂ©es (1670) notions Ă©voquĂ©es : - le sujet, la conscience, autrui, l'esprit et la matiĂšre - l'interprĂ©tation - le dĂ©sir - la morale -la sociĂ©tĂ©
Qu’est-ce que le moi ?Un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants ; si je passe par lĂ , puis-je dire qu’il s’est mis lĂ  pour me voir ? Non ; car il ne pense pas Ă  moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu’un Ă  cause de sa beautĂ©, l’aime-t-il ? Non car la petite vĂ©role, qui tuera la beautĂ© sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera si on m’aime pour mon jugement, pour ma mĂ©moire, m’aime-t-on, moi ? Non, car je puis perdre ces qualitĂ©s sans me perdre moi-mĂȘme. OĂč est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’ñme ? et comment aimer le corps ou l’ñme, sinon pour ces qualitĂ©s, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu’elles sont pĂ©rissables ? car aimerait-on la substance de l’ñme d’une personne, abstraitement, et quelques qualitĂ©s qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualitĂ©s empruntĂ©es. »
0004:34 - durée : 00:04:34 - Un été avec Pascal - par : Antoine Compagnon - Il y avait en Pascal un jouteur et un joueur. Il aimait les masques, les doubles,
Qu'est-ce que le moi ? Un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants ; si je passe par lĂ , puis-je dire qu'il s'est mis lĂ  pour me voir ? Non ; car il ne pense pas Ă  moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu'un Ă  cause de sa beautĂ©, l'aime-t-il ? Non car la petite vĂ©role, qui tuera la beautĂ© sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus. Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mĂ©moire, m'aime-t-on? moi ? Non, car je puis perdre ces qualitĂ©s sans me perdre moi-mĂȘme. OĂč est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'Ăąme ? et comment aimer le corps ou l'Ăąme, sinon pour ces qualitĂ©s, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont pĂ©rissables ? car aimerait-on la substance de l'Ăąme d'une personne, abstraitement, et quelques qualitĂ©s qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualitĂ©s. Qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aime personne que pour des qualitĂ©s empruntĂ©es. Blaise PASCAL, PensĂ©es La conscience de soi est d'abord celle de l'Ă©vidence de sa propre identitĂ©. Nous nous rapportons immĂ©diatement Ă  nous-mĂȘmes en tant que sujet de nos sensations, de nos actions ou de nos pensĂ©es. Ce que je ressens, je sais que c'est moi qui le ressens, il en est de mĂȘme avec ce que je fais ou ce que je pense. Nous vivons donc continuellement dans la certitude d'ĂȘtre soi mĂȘme. La philosophie interroge cette Ă©vidence et la prescription de l'oracle de Delphes Connais-toi toi mĂȘme. est l'une des interrogations inaugurales. C'est Ă  partir de cette Ă©vidence d'ĂȘtre soi que Pascal questionne le moi. La prĂ©sence de l'article indique que l'auteur va chercher Ă  dĂ©finir cette rĂ©alitĂ© du moi. Qu'est ce qui nous dĂ©finit comme un moi ? Plus surprenant encore la question Qu'est ce que le moi ? devient vite cette autre question Qu'est ce que l'on aime en moi lorsque l'on m'aime ? Pourquoi cette apprĂ©hension du moi par l'amour ? En considĂ©rant le moi Ă  travers son corps et Ă  travers son Ăąme, Pascal cherche Ă  le localiser mais le moi n'est-il pas ce qui nous Ă©chappe toujours alors que paradoxalement nous sommes toujours pour nous-mĂȘme moi ? Comment comprendre alors cette derniĂšre prescription morale qui nous interdit de nous moquer des gens d'honneur et de responsabilitĂ©s... qualitĂ©s, les qualitĂ©s d'une Ăąme, les qualitĂ©s du corps. On n'aime pas la personne, on aime personne, c'est Ă  direaucune singularitĂ© dĂ©terminĂ©e et repĂ©rable comme telle. On ne peut aimer une personne abstraitement. PascalprĂ©cise qu'il serait injuste de n'aimer que des qualitĂ©s abstraites de l'Ăąme ou du corps car on n'aurait aucune raisond'aimer une personne plus qu'une autre. Le dernier paragraphe est une prescription morale qui clĂŽt le raisonnement de l'auteur, nous n'aimons chez les autresque des qualitĂ©s empruntĂ©es, c'est Ă  dire des qualitĂ©s qu'ils ont pour un temps et qu'ils rendent d'une certainemaniĂšre, ces qualitĂ©s non substantielles ne dĂ©finissent pas les personnes, aucune qualitĂ© en ce sens ne vaut mieuxqu'une autre, aucune n'exprime mieux que l'autre ce qu'est la personne. Lorsqu'on se moque, on se moque decertaines qualitĂ©s que nous appelons dĂ©fauts que nous n'aimerions pas avoir ou que nous avons peur d'avoir. Maisces dĂ©fauts ne dĂ©finissent pas les personnes, pas plus que leurs qualitĂ©s, lorsque nous nous moquons, nous ne nousmoquons que des qualitĂ©s qui ne sont pas ce qui font les ĂȘtres. Ceux qui acceptent les charges et les offices sontceux qui ont des responsabilitĂ©s institutionnelles, ceux qui cherchent Ă  se faire aimer par leur action. La chargeĂ©tant une mission Ă  accomplir, l'office pouvant reprĂ©senter la responsabilitĂ© religieuse. Toutes les qualitĂ©s se valent,Pascal critique ceux qui par exemple valorisent les qualitĂ©s de l'Ăąme au dĂ©triment des qualitĂ©s du corps, aucunequalitĂ© n'est durable, celui qui se met par exemple au service du roi, ou le roi lui-mĂȘme qui ne doit son titre qu'Ă  safiliation vaut autant que le philosophe et ses facultĂ©s intellectuelles qui ne dit devoir que de lui-mĂȘme. Aucunhomme n'est suffisamment supĂ©rieur Ă  un autre pour pouvoir s'en moquer car chacun de brille » qu'un moment quepar des qualitĂ©s qui ne lui sont pas inhĂ©rentes. La question initiale de Pascal subit un dĂ©placement, le moi cesse progressivement de faire l'objet d'une recherchedĂ©finitionnelle de type mĂ©taphysique pour devenir l'objet introuvable d'un amour impossible. Le moi n'existe que dansl'amour, celui que l'on se porte Ă  soi-mĂȘme, celui qu'on nous porte en tant que nous sommes aimĂ©. Mais cetteexigence d'amour excĂšde l'amour dĂ» aux qualitĂ©s. Les autres ne m'aiment que pour des qualitĂ©s finalement aussi peuessentielles que des qualitĂ©s institutionnelles, sans jamais m'aimer, moi, comme je voudrais qu'ils m'aiment, c'est Ă dire pour moi mĂȘme. Cependant cette revendication du moi est injuste, car il est injuste de n'aimer une personneque pour des qualitĂ©s qui la rendent aimable mais cette injustice es le signe d'une misĂšre, celle de notre condition etde l'impossibilitĂ© de faire correspondre notre dĂ©sir d'amour celui que l'on donne ou veut recevoir avec un ĂȘtre aimĂ©. \Sujet dĂ©sirĂ© en Ă©change Hume La sociĂ©tĂ© amĂ©liore-t-elle l'ĂȘtre humain ?. »
AntoineCompagnon, propos recueillis par Sven Ortoli publiĂ© le 25 March 2021 1 min. La formule de Pascal « Le moi est haĂŻssable » est aussi dĂ©sespĂ©rante que dĂ©finitive,. Mais qu’est-ce
Qu’est-ce que le moi ? Un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants, si je passe par lĂ , puis-je dire qu’il s’est mis lĂ  pour me voir ? Non, car il ne pense pas Ă  moi en particulier. Mais celui qui aime quelqu’un Ă  cause de sa beautĂ©, l’aime-t-il ? Non car la petite vĂ©role, qui tuera la beautĂ© sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus. Et si on m’aime pour mon jugement, pour ma mĂ©moire, m’aime-t-on moi ? Non, car je puis perdre ces qualitĂ©s sans me perdre moi-mĂȘme. OĂč est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps ni dans l’ñme? Et comment aimer le corps ou l’ñme, sinon pour ces qualitĂ©s, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu’elles sont pĂ©rissables ? Car aimerait-on la substance de l’ñme d’une personne, abstraitement, et quelques qualitĂ©s qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualitĂ©s. Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualitĂ©s empruntĂ©es. » Blaise PASCAL, PensĂ©es, 1670, Ă©dition Brunschvicg, fragment 323. n n Ce fragment 323 des PensĂ©es constitue sans doute l’un des textes les plus troublants de la mĂ©taphysique occidentale. Pascal y aborde la question du “moi”. Cette notion est universellement invoquĂ©e pour dĂ©signer ce qui fait l’identitĂ© et la singularitĂ© de la personne humaine. Et de fait, chacun y recourt familiĂšrement avec la certitude qu’elle renvoie Ă  une rĂ©alitĂ© permanente et stable, Ă  la maniĂšre d’un noyau substantiel et indestructible. Mais quelle part de vĂ©ritĂ© se trouve contenue dans cette reprĂ©sentation ? Étrangement, Ă  mesure que Pascal progresse dans son analyse, les certitudes concernant le moi s’affaissent les unes aprĂšs les autres. Et ceci est d’autant plus dĂ©rangeant que l’analyse s’aventure dans une direction inattendue la question de ce rapport privilĂ©giĂ© Ă  autrui qu’est l’amour. Qui aime-t-on vraiment lorsque nous aimons ? En quelques lignes, Pascal nous entraine dans un abĂźme de perplexitĂ© et nous pose cette question le moi est-il rĂ©alitĂ© ou illusion ? “Qu’est-ce que le moi ?” La question “Qu’est-ce que le moi ?“ est la question philosophique par excellence depuis Socrate, puisqu’elle porte sur l’essence, sur ce qui fait qu’une chose est ce qu’elle est qu’est-ce que le beau ? La vertu ? Le courage ? Il est Ă  noter que cette question ne se confond pas avec la question d’ordre psychologique qui pourrait se formuler ainsi “qui suis-je ?“. Elle n’appelle pas l’auteur ou le lecteur Ă  s’interroger sur lui-mĂȘme, Ă  se livrer Ă  une introspection, mais Ă  dĂ©finir l’essence de ce que l’on appelle le “moi”. Or, prĂ©cisĂ©ment, cette dĂ©finition, pour ĂȘtre valable, doit ĂȘtre universelle. Il s’agit donc de produire le concept de cette “rĂ©alitĂ©â€ que l’on appelle le “moi”. Mais comment procĂ©der Ă  une telle analyse ? Classiquement, pour atteindre l’essence d’une chose ou d’un ĂȘtre, on procĂšde par Ă©limination on dĂ©passe les apparences, les qualitĂ©s extĂ©rieures, pour atteindre l’essence, le noyau substantiel. C’est prĂ©cisĂ©ment la dĂ©marche suivie par Pascal au dĂ©but du texte. Le moi comme objet du regard Pour parvenir Ă  une dĂ©finition du moi », Pascal envisage une situation concrĂšte celle d’un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour regarder les passants dans la rue. Le recours Ă  ce genre de situation impersonnelle ne peut que surprendre, car comment pourrait-on saisir le “moi” d’une personne en la voyant passer dans la rue? Et pourtant, par effet de contraste, Pascal nous renforce dans une certaine idĂ©e de ce qu’est le “moi” une sorte de noyau substantiel qui demeure cachĂ©, invisible et donc inobservable de l’extĂ©rieur. C’est pourquoi la rĂ©ponse Ă  la question ne nous surprend guĂšre “Non, car il ne pense pas Ă  moi en particulier.” En effet, comment ce qu’il y a de plus intime et de plus personnel pourrait-il ĂȘtre aperçu dans la plus impersonnelle des situations une personne au milieu de la foule ? Le moi comme objet d’amour Pascal va donc poser le problĂšme d’une autre maniĂšre, en recourant cette fois Ă  la situation de l’amour. De fait, il semble bien qu’une telle solution puisse nous permettre d’atteindre ce que nous cherchons. C’est en tout cas une certitude universellement admise aimer quelqu’un, c’est bien entendu l’aimer “pour lui-mĂȘme”, pour son “moi”. On remarquera au passage qu’à travers ces deux hypothĂšses, Pascal vient de balayer l’éventail de toutes les relations humaines possibles de la plus impersonnelle Ă  la plus personnelle qui soit. Or, contre toute attente, au fil de son investigation, Pascal parvient Ă  chaque fois Ă  une conclusion nĂ©gative concernant le moi et l’amour. Sans cesse, le moi nous Ă©chappe. S’agissant du moi, l’expĂ©rience nous apprend que la vĂ©role peut ravager un visage sans dĂ©truire la personne ; de mĂȘme, la mĂ©moire, l’humour, la bontĂ© peuvent s’altĂ©rer au fil du temps
 Ces qualitĂ©s ne constituent donc pas le moi “puisqu’elles peuvent disparaĂźtre sans tuer la personne”. La personne demeure toujours la mĂȘme; les fondements de son identitĂ© n’en sont pas Ă©branlĂ©s, mĂȘme si sa personnalitĂ© s’en trouve affectĂ©e. Par consĂ©quent, le moi, par essence, n’est» ni beau, ni intelligent, ni bon, ni spirituel. Comment se fait-il donc que, en dĂ©pit des changements qui surviennent, une personne puisse demeurer la mĂȘme ? PrĂ©cisĂ©ment, la notion du moi est supposĂ©e rĂ©soudre ce paradoxe de la permanence dans le changement, de l’identitĂ© de l’ĂȘtre dans la multiplicitĂ© de ses manifestations. En outre, l’analyse de Pascal se hasarde du cĂŽtĂ© de l’amour. Qu’aimons-nous vraiment lorsque nous aimons quelqu’un son “moi” ou seulement des qualitĂ©s ? Lorsque ses qualitĂ©s viennent Ă  disparaĂźtre, que reste-t-il de notre amour? Sur cette question, la rĂ©ponse de Pascal se rĂ©vĂšle dĂ©routante. Car nous croyons que l’amour nous permet d’accĂ©der au moi de la personne aimĂ©e et, d’autre part, nous nous plaisons Ă  Ă©tablir des distinctions entre les formes de l’amour. Ainsi, selon que l’amour porte sur l’aspect physique ou sur l’aspect moral de la personne, nous disons qu’il est superficiel et inconstant ou, Ă  l’inverse, profond, durable et authentique. Mais voilĂ  Pascal nous montre que, dans les deux cas, les qualitĂ©s sont “pĂ©rissables” et qu’elles ne “font pas le moi” puisque le moi est supposĂ© demeurer identique, permanent, stable. Par consĂ©quent, aimer une personne pour ses qualitĂ©s physiques ou morales, ce n’est jamais l’aimer pour elle-mĂȘme, mais seulement pour des qualitĂ©s transitoires, pĂ©rissables. Pour les mĂȘmes raisons, il n’est peut-ĂȘtre pas plus superficiel d’aimer quelqu’un pour ses qualitĂ©s physiques qu’il n’est profond de l’aimer pour des qualitĂ©s morales puisque, dans les deux cas, les qualitĂ©s sont changeantes, pĂ©rissables et qu’elles ne “font pas le moi”. Toujours, l’identitĂ© de la personne d’autrui nous Ă©chappe! Pascal suggĂšre donc ici que, si une personne peut perdre telle ou telle qualitĂ© du corps ou de l’esprit, c’est peut-ĂȘtre que l’amour repose sur une illusion lorsqu’il prĂ©tend Ă©lire et rencontrer son objet. LĂ  encore, l’expĂ©rience des choses humaines semble corroborer l’analyse de Pascal nous aimons louer les qualitĂ©s de la personne aimĂ©e, les cĂ©lĂ©brer comme les causes de notre amour. Mais lorsque l’amour vient Ă  disparaĂźtre, nous ne percevons plus ces mĂȘmes qualitĂ©s. Mais alors, qu’avons-nous cru aimer jusqu’ici ? La personne pour elle-mĂȘme ou seulement des qualitĂ©s ? Impasse et dilemme Les analyses prĂ©cĂ©dentes ont ruinĂ© l’illusion de l’amour et nous ont conduit dans une impasse nous n’avons pas trouvĂ© le moi. C’est pourquoi Pascal se demande “OĂč est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps ni dans l’ñme ?” Pascal ne pose plus la question “Qu’est-ce que le moi ?”, mais la question “OĂč est le moi ?”. Le changement de direction est extraordinaire ! La premiĂšre question portait sur l’essence du moi et semblait en admettre l’existence car on ne cherche pas la dĂ©finition d’une chose qui n’existe pas. La seconde, en revanche, porte sur l’existence du moi si nous n’avons pu le trouver, c’est peut-ĂȘtre parce qu’il n’existe pas!
 Mais cette impasse nous conduit Ă©galement Ă  un dilemme, c’est-Ă -dire Ă  un choix crucial mais impossible Ă  faire. Car de deux choses l’une ou bien le moi existe, ou bien il n’existe pas. S’il existe, il demeure inaccessible, inconnaissable. Dans ce cas, nous ne pouvons aimer que “des qualitĂ©s pĂ©rissables qui ne font pas le moi “. Donc, nous ratons le “moi”. Inversement, si le moi n’existe pas, comment peut-on aimer quelqu’un “pour lui-mĂȘme”. Pourrait-on aimer “la substance de l’ñme abstraitement”, indĂ©pendamment de ses qualitĂ©s se demande Pascal? Pourrait-on aimer quelqu’un en faisant abstraction de ses qualitĂ©s ? Cette hypothĂšse semble peu crĂ©dible en effet. Il faut noter que Pascal semble ici se moquer de la chose pensante » dont Descartes nous dit qu’elle constitue Ă  la fois le sujet et l’objet de la pensĂ©e. Dans le cogito, le sujet qui se dĂ©couvre par la pensĂ©e ne saisit pas son identitĂ© personnelle ni les aspects de sa personnalitĂ© ni les mĂ©andres de son histoire, mais seulement la puissance de penser qui est en lui. En d’autres termes, l’intuition fulgurante du cogito ergo sum » ne rĂ©vĂšle pas un sujet singulier et concret, mais un sujet universel abstrait. PrĂ©cisĂ©ment, une chose pensante, c’est-Ă -dire un esprit, un entendement ou une raison ». Toute personne s’avisant de reconduire cette expĂ©rience de pensĂ©e parviendrait au mĂȘme rĂ©sultat Ă  l’origine de l’acte de penser, de douter, il y a nĂ©cessairement un esprit. Le penseur se dĂ©couvre dans l’activitĂ© mĂȘme de la pensĂ©e, en tant que sujet du verbe penser », mais non en tant que sujet unique et singulier. Injustice Mais le propos de Pascal va plus loin. Il voit bien qu’il paraĂźt difficile d’aimer quelqu’un abstraitement. Cela semble non seulement impossible, mais encore cela serait injuste. Impossible, car ce sont prĂ©cisĂ©ment les qualitĂ©s de la personne sa beautĂ©, sa gentillesse, sa bontĂ©, son intelligence, son humanité  qui nous poussent Ă  l’aimer. On n’aime jamais “l’ñme d’une personne abstraitement, et indĂ©pendamment de ses qualitĂ©s”. En outre, cela serait injuste, car aimer quelqu’un sans prendre en considĂ©ration ses qualitĂ©s, cela reviendrait Ă  aimer, par exemple, de la mĂȘme façon un homme bon et un homme mauvais. Or, le principe mĂȘme de la justice consiste Ă  traiter les autres en fonction de leurs mĂ©rites personnels. Amour humain et amour chrĂ©tien Comme nous l’avons dĂ©jĂ  dit, l’amour humain ne peut naĂźtre que sur la considĂ©ration des qualitĂ©s de l’ĂȘtre aimĂ©. Or, seul le prĂ©cepte de l’amour chrĂ©tien peut nous enjoindre d’aimer autrui sans considĂ©rer ses qualitĂ©s singuliĂšres et particuliĂšres femme honnĂȘte ou adultĂšre, prostituĂ©e, bon samaritain, percepteur vĂ©reux ou humble charpentier, tous sont enfants de Dieu. Tu aimeras ton prochain comme toi-mĂȘme» autrement dit, tu aimeras autrui non pas en raison de telle ou telle qualitĂ©, mais en raison de son statut gĂ©nĂ©rique, en tant qu’il est ton semblable. L’amour chrĂ©tien constitue-t-il le modĂšle de tout amour vĂ©ritable? Dans un ouvrage qui avait pour but de faire l’apologie de la religion chrĂ©tienne, la remarque a son importance
 Lire la suite de l’article, publiĂ©e le 23 octobre Professeur agrĂ©gĂ© de philosophie, Daniel Guillon-Legeay a enseignĂ© la philosophie en lycĂ©e durant vingt-cinq annĂ©es en lycĂ©e. Il tient le blog Chemins de Philosophie. Suivre sur Twitter dguillonlegeay
Sivous souhaitez l’étudier pour amĂ©liorer votre psalmodie du Coran, vous pourrez constater que la science du Tajwid est vaste. En effet, selon les rĂšgles du Tajwid, il existe actuellement 10 variations de lecture diffĂ©rentes, dont le Warsh, le
SociĂ©tĂ© ProcĂšs L’enregistrement d’un dĂ©jeuner de famille de 2014 a Ă©tĂ© diffusĂ©, jeudi, au procĂšs d’Hubert Caouissin et Lydie Troadec. Pascal Troadec et son Ă©pouse Brigitte, tuĂ©s avec leurs deux enfants trois ans plus tard, assistaient Ă  ce repas. Article rĂ©servĂ© aux abonnĂ©s L’enregistreur tourne, il est cachĂ© dans le soutien-gorge de Lydie Troadec. Tu t’installes lĂ , Pascal, ordonne-t-elle Ă  son frĂšre. J’ai mandatĂ© Hubert [Caouissin]. » On entend Pascal Troadec protester Surtout pas Hubert. Avec Papa, t’aurais pas fait ça
 – J’ai mandatĂ© Hubert. » Bruit de chaises. Tension. Vas-y maman, je t’écoute. » RenĂ©e Troadec prend la parole. Bon ben, j’estime que j’ai droit Ă  la moitiĂ© de ce que vous avez pris. – La moitiĂ© de quoi ?, s’exclame Pascal. – Ah, bah j’sais pas
 » Lydie s’adresse Ă  sa mĂšre. Dis ce que tu as Ă  dire, maman. » La vieille dame rĂ©pĂšte qu’elle veut la moitiĂ© de ce qui a Ă©tĂ© pris ». Pascal Troadec, entre sidĂ©ration et colĂšre Maman, qu’est-ce qu’on t’a piquĂ© ? – Des piĂšces d’or
, murmure la vieille dame. – Qui a piquĂ© des piĂšces d’or ? ! Moi, j’ai volĂ© des piĂšces d’or ? ! T’es malade ? ! – OĂč il y a des piĂšces d’or ? Je comprends rien
 », intervient Brigitte, la femme de Pascal. La voix posĂ©e d’Hubert Caouissin couvre le tumulte. Lydie m’a mandatĂ©. » Il poursuit d’un ton docte. Il y avait quelque chose dans l’immeuble de Brest. Quelque chose de trĂšs trĂšs important. Alors, deux possibilitĂ©s, soit vous n’y ĂȘtes pour rien, soit vous avez quelque chose Ă  vous reprocher
 – Se reprocher quoi ? Mais vous ĂȘtes tous malades !, explose Pascal. – Mais pourquoi tu t’énerves si t’as rien Ă  te reprocher ? », lui lance sa sƓur Lydie. Cris, hurlements, fracas. Brigitte, l’épouse de Pascal, perd ses nerfs. Viens, on s’en va, on s’en va ! Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Vous nous traitez de voleurs ? » Pascal, au dĂ©sespoir Tu me traites de voleur, Maman ? C’est pas bien. » Hubert Caouissin, toujours aussi maĂźtre de lui J’ai des informations
 – Ecoutez Hubert, ordonne Lydie. Je l’ai mandatĂ©. – Mais j’ai volĂ© quoi ? !, insiste Pascal – D’oĂč elle dĂ©barque cette histoire ? », crie Brigitte. Hubert Caouissin rĂ©pĂšte Je vous jure que c’est fabuleux, qu’il y a de quoi changer la vie de tout le monde. Je sais ce que je dis. Il y a eu quelque chose. Il n’y a plus rien. Qui l’a pris ? » Il ajoute Pour des choses comme ça, on Ă©radique des familles entiĂšres. Donc, si vous avez fait quelque chose, il vaut mieux s’arranger. – Mais tu sais QUOI ?, demande Pascal. Il vous reste de cet article Ă  lire. La suite est rĂ©servĂ©e aux abonnĂ©s. Pascal, auteur chrĂ©tien, grand scientifique, se pose une question : « Qu'est ce que le moi ». Cette problĂ©matique, de nature humaine, est une recherche a laquelle beaucoup de philosophe ont tentĂ© de rĂ©pondre, en vain. Pascal voulait absolument acquĂ©rir le savoir du moi, de quoi Ă©tait il fait, Ă©tait il rĂ©el ou n'Ă©tait-il qu'une illusion ?
Explication 3 - Pascal, PensĂ©es, Qu`est-ce que le moi Explication de texte Blaise PASCAL, PensĂ©es posth. 1669, Qu’est-ce que le moi ? » Le tournant philosophique que constitue l’Ɠuvre de Descartes, Ă  la premiĂšre moitiĂ© du XVIIe siĂšcle, est associĂ© Ă  l’irruption du Moi » comme principe premier de la rĂ©flexion. Je » ne suis plus un terme second, une fois considĂ©rĂ© Dieu, la totalitĂ© de la nature ou la communautĂ© politique, mais la pierre de touche de tout fondement correct. Il semble permis d’apercevoir ici la genĂšse d’une pensĂ©e aux dimensions humaines, et par suite de l’humanisme qui se dĂ©veloppera dans le courant du XVIIIe siĂšcle, voire d’un existentialisme fin XIXe, dĂ©but XXe siĂšcle. Je suis, j’existe », reprĂ©senterait le motif de la subjectivitĂ© triomphante, qui s’affirme contre tous les faux-semblants hĂ©ritĂ©s de la soumission aux conventions religieuses ou sociales – et qui doit culminer dans la possibilitĂ© offerte Ă  l’individu moderne d’enfin ĂȘtre luimĂȘme » ou de venir comme il est ». Pourtant, ce principe est-il un principe si fĂ©cond ? Peut-on aisĂ©ment l’identifier et le mettre existentiellement en avant ? C’est ce que conteste Pascal, dans ce fragment des PensĂ©es publiĂ©es seulement de façon posthume, en 1669 le moi » est pour les ĂȘtre humain sans consistance, il est facteur d’isolement puisque son identitĂ© Ă©chappe Ă  autrui. ProcĂ©dant par rĂ©gression, Pascal Ă©tablit en effet que si je ne suis pas les qualitĂ©s de mon corps, ni celles de mon Ăąme jugement et mĂ©moire, et si ce qui reste est trop abstrait pour me caractĂ©riser en propre, alors on ne peut jamais apprĂ©cier chez moi que ce qui, empruntĂ©, n’est pas moi. Si Descartes fait du moi » l’objet d’une auto-saisie, Ă©vidence hors de doute pour moi-mĂȘme, il passe sous silence la façon dont je » peux ĂȘtre apprĂ©hendĂ© par autrui – cet autre moi autre que moi. L’enjeu n’est pas mince, car comment placer le moi » comme point de dĂ©part des discussions scientifiques, mais aussi morales et politiques, s’il n’est pas partageable, si la subjectivitĂ© indubitable ne permet pas l’inter-subjectivitĂ© ? Ainsi, un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre d’une rue, observant les passants, me voit-il vĂ©ritablement, lorsque je passe, demande Pascal ? On pourrait ĂȘtre tentĂ© de penser que oui, c’est d’ailleurs ce que l’on dit j’ai Ă©tĂ© aperçu par cet homme Ă  sa fenĂȘtre », autrement dit, c’est bien moi qui suis l’objet de sa perception. Pascal rĂ©pond pourtant par la nĂ©gative il ne pense pas Ă  moi en particulier ». Et en effet, si j’y songe davantage, la vision qu’il porte vers moi me laisse indiffĂ©renciĂ© de tout autre homme, il pourrait estimer voir n’importe qui d’autre, voire quelque automate humanoĂŻde portant, comme moi, manteau et chapeau. Cette distinction importante avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© introduite par Descartes, dans sa Seconde MĂ©ditation, Ă  propos d’un exemple similaire on a trop tendance Ă  confondre, dans le langage, voir et juger voir. L’homme Ă  la fenĂȘtre ne voit de moi qu’une forme humaine habillĂ©e en mouvement, et juge voir lĂ  un passant. Mais ce jugement n’est que le produit d’une induction, basĂ©e sur ses expĂ©riences passĂ©es toutes les fois qu’il lui a Ă©tĂ© donnĂ© de le vĂ©rifier, les formes humanoĂŻdes en mouvements sous des manteaux et chapeaux correspondaient effectivement Ă  de vĂ©ritables passants, il est donc probable qu’il en soit de mĂȘme actuellement. Simplement, cela signifie qu’à rigoureusement parler, pour l’homme Ă  la fenĂȘtre, ce n’est pas moi ici et maintenant qu’il voit sous ce manteau et ce chapeau, mais un mĂ©lange plus ou moins abstrait d’autres passants. La situation serait parfaitement diffĂ©rente si l’homme Ă  la fenĂȘtre regardait la foule dans le but de m’identifier il m’attendrait parce que nous avons rendez-vous, mais il faut dans ce cas qu’il m’ait dĂ©jĂ  identifiĂ© auparavant, qu’il connaisse dĂ©jĂ  ce que je suis. Pascal suppose alors le cas oĂč nous estimons ĂȘtre le mieux identifiĂ© par l’autre l’amour. L’amour, en effet, s’attache bien Ă  la singularitĂ© de l’ĂȘtre aimĂ©. On peut apprĂ©cier quelqu’un comme un autre ; l’idĂ©e d’amour suppose une impossible interchangeabilitĂ©. Celui qui est aimĂ© est un moi incomparable, identique Ă  lui seul. Mais comment l’amant identifie-t-il vĂ©ritablement l’aimĂ© ? Ou doit ĂȘtre situĂ©e la singularitĂ© qui lui fait identifier une personne unique ? La rĂ©ponse la plus Ă©vidente semble celle de la beautĂ©. L’amant reconnaĂźt l’aimĂ© dans sa singularitĂ© corporelle. S’assurer que l’autre est sensible Ă  ma beautĂ© – et insensible Ă  toute autre beautĂ© potentielle –, cela semble bien vĂ©rifier qu’il est liĂ© Ă  moi Ă  la façon du personnage de Camille au dĂ©but de la fameuse scĂšne d’ouverture du MĂ©pris de Godard. Et pourtant, lĂ  aussi l’identification est rapidement contestable, tant il est aisĂ© de dĂ©solidariser le moi de son existence corporelle la petite vĂ©role aujourd’hui la variole, cette maladie sexuellement transmissible provoquant de fortes Ă©ruptions cutanĂ©es dĂ©truirait ma beautĂ©, sans toutefois me tuer, moi. La reconnaissance amoureuse qui se portait vers mon corps tel qu’il Ă©tait fait donc l’aveu qu’elle n’était pas reconnaissance de ce que je suis. N’est-ce pas prĂ©cisĂ©ment l’inquiĂ©tude de l’aimĂ©e de n’ĂȘtre l’objet que d’un amour de surface, qui s’éteindrait avec la vieillesse ou la maladie ? Il faut donc conclure ce premier jet le moi » n’est pas le corps – et l’autre ne peut, par suite, d’aucune façon me percevoir adĂ©quatement. 1/2 Mais si, selon la SixiĂšme MĂ©ditation, je ne suis certes pas dans mon corps comme un pilote en son navire », il reste que moi, chose pensante, ne saurais me confondre avec mon corps. Et si l’on admet que l’amour de la simple beautĂ© n’est qu’un amour superficiel, c’est qu’il est possible Ă  celui qui m’aime de s’attacher, au-delĂ  de l’apparence physique, Ă  ce qui me semble me caractĂ©riser bien davantage mon jugement et ma mĂ©moire. Le jugement, qui dĂ©signe la synthĂšse personnelle de la rationalitĂ© et des sentiments, et la mĂ©moire, tĂ©moin du vĂ©cu unique de chaque individu, semblent en effet conjointement le jugement est influencĂ© par la mĂ©moire du passĂ©, la sĂ©lection opĂ©rĂ©e dans le tissu mĂ©moriel est l’affaire du jugement me dĂ©finir. Ne se trouve-t-on pas une affinitĂ© avec celui dont les souvenirs correspondent aux siens ? Ne trouve-t-on pas qu’apprĂ©cier les mĂȘmes choses est se ressembler, au point que l’on puisse parler d’ñmes jumelles ou d’ñmes sƓurs ? Descartes, pour dĂ©finir ce que je suis, au dĂ©but de la Seconde MĂ©ditation, parle bien d’une chose pensante, c’est-Ă -dire [d’]une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent », n’est-ce pas lĂ  l’ĂȘtre de jugement, appuyĂ© sur sa mĂ©moire ? Pascal, pourtant, d’invalider Ă©galement cette piste je puis perdre ces qualitĂ©s [mĂ©moire et jugement] sans me perdre moi-mĂȘme ». Aucune situation n’est ici mentionnĂ©e. Comment comprendre une telle affirmation, de prime abord assez contre-intuitive ? John Locke, dans son Essai sur l’entendement humain, vingt ans aprĂšs la publication des PensĂ©es, fera prĂ©cisĂ©ment de la mĂ©moire le marqueur de l’identitĂ© personnelle. Et pourtant, il semble bien que si mon jugement comme ma mĂ©moire se transforment tout le long de ma vie pour s’enrichir ou s’appauvrir, je considĂšre bien que le nourrisson que je vois sur cette photo de famille est bien moi, que je ne meurs pas en changeant d’avis ou en oubliant quelque pĂ©riode de ma vie passĂ©e, et que quels que soient les opinions et souvenirs prĂ©sents dans mon vieil Ăąge, ils seront bien les miens. En d’autres termes, il semble qu’on puisse affirmer avec Pascal que comme la corporalitĂ©, l’orientation prise par ma pensĂ©e n’est qu’une qualitĂ© du moi et ne se confond pas avec lui. L’amant qui s’y attache ne m’identifie pas moi essentiellement. Il ne se lie qu’à des attributs contingents et pĂ©rissables ». Pascal n’est en fait ici pas si Ă©loignĂ© de Descartes la chose pensante doit, certes, ĂȘtre comprise comme ce qui doute, conçoit, affirme et nie, mais indĂ©pendamment de la particularitĂ© de ce qui est conçu, affirmĂ© ou niĂ©. La preuve en est le caractĂšre de pĂ©remption, attribuĂ© aux jugements et Ă  la mĂ©moire pour les diffĂ©rencier du moi. C’est la SixiĂšme MĂ©ditation qui sert ici de soubassement, et la preuve de l’immortalitĂ© du moi le cogito, dont on se saurait concevoir la divisibilitĂ©, ne peut par suite subir quelque corruption. Toute rassurante que pourrait ĂȘtre cette pensĂ©e face Ă  la mort, Pascal en dĂ©voile, pour cette vie, les tristes consĂ©quences personne ne peut m’aimer, car personne ne peut m’identifier. Quant Ă  cette substance de l’ñme, la pure chose pensante dĂ©crite dans Seconde et la TroisiĂšme des MĂ©ditations, Pascal explique que, parfaitement gĂ©nĂ©rale elle concerne toute subjectivitĂ©, elle est abstraite et donc ne s’offre pas Ă  l’apprĂ©ciation humaine [o]n n’aime [
] personne, mais seulement des qualitĂ©s ». Qui pourrait aimer indiffĂ©remment tout homme ? Qui souhaiterait ĂȘtre aimĂ© exactement comme tout un chacun ? Et Pascal de conclure il n’est pas indigne de se faire estimer pour quelque rĂŽle socialement Ă©tabli, quelque honneur public que l’on aurait pu opposer aux Ɠuvres sincĂšres d’une intimitĂ© non compromise par la vie mondaine, car nul ne peut ĂȘtre aimĂ© autrement que pour ce qu’il n’est pas, des attributs qu’il emprunte. Comme pour le fragment des deux infinis, Pascal, assume les renversements de paradigme de la modernitĂ©, mais c’est pour les retourner contre l’ambition qui les portait la subjectivitĂ© cartĂ©sienne n’est pas rĂ©cusĂ©e, mais est mise en lumiĂšre sa stĂ©rilitĂ©, l’isolement vis-Ă -vis d’autrui qu’elle engage et donc son inaptitude Ă  fonder, comme le voudrait Descartes, l’ensemble de la pensĂ©e philosophique les phĂ©nomĂ©nologues et existentialistes, qui reprendront Ă  nouveaux frais, au dĂ©but du XXe siĂšcle, l’ego cartĂ©sien, se verront rĂ©guliĂšrement achopper sur le problĂšme du solipsisme. Comme pour le fragment des deux infinis, c’est tacitement une apologie de la religiositĂ© chrĂ©tienne qui s’exprime – selon le projet initial des PensĂ©es. Qui, en effet, pourra rĂ©pondre au dĂ©sir de chaque individu d’ĂȘtre identifiĂ©, aimĂ© pour ce qu’il est vĂ©ritablement, selon son essence propre, si ce n’est Dieu ? Il n’y a pas d’amour heureux – sauf dans la foi, car seule l’omniscience divine permet de dĂ©passer l’aporie de la demande d’affection humaine. Tout autre lien doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme superficiel, caduc. Pascal ne prouve jamais l’existence de Dieu. Il ne fait jamais de la foi une affaire de raison dĂ©monstrative, mais toujours une affaire de cƓur. Si l’enthousiasme du libre-penseur pour les rĂ©volutions intellectuelles modernes est rabrouĂ© par la mise en lumiĂšre des implications de ces derniĂšres, toute libertĂ© lui est laissĂ©e de se porter ou non vers la religion il n’est question pour lui alors que de voir s’il prĂ©fĂšre un univers sans possibilitĂ© d’amour et de reconnaissance personnelle Ă  celui dans lequel ils peuvent ĂȘtre envisagĂ©s. Comme dans le fragment du pari, Pascal ne s’adresse, en derniĂšre instance, qu’aux intĂ©rĂȘts de l’incroyant dĂ©sire-t-il vraiment s’enfermer dans la misĂšre affective ? Souhaite-t-il vraiment se refuser Ă  la jouissance ? 2/2
Dansce Webinaire en ligne offert, voici ce que tu vas dĂ©couvrir : Harmoniser corps/esprit sans disqualifier le corps. Les organismes de prise en charge pour financer ta formation. Favoriser l’écoute de l’ĂȘtre en calmant le mental et en dĂ©veloppant une prĂ©sence attentive Ă  ce qui se passe et au ressenti. Prendre soin du vivant en
25 octobre 2017 Auteur Tatiana Klejniak, artiste, licenciĂ©e en philosophie RĂ©sumĂ© Partir d’une question je vous donne un indice, le titre de l’article, voire mĂȘme de plusieurs, tant qu’à faire, et dĂ©couvrir que parfois, une question peut ouvrir de nouveaux champs, d’autres possibilitĂ©s, peut conduire ailleurs, sur un autre chemin. Et parfois, dans cet ailleurs, on s’y reconnaĂźt, soi, l’autre, que je suis pour moi, pour toi. Nous suivrons le rĂ©cit de M, une partie de son cheminement, et comment elle s’est dĂ©couverte autre, Ă  diverses reprises, par divers biais. Temps de lecture 15 minutes TĂ©lĂ©charger l'analyse en PDF Qu’est-ce que je fous lĂ  ? ». Je ne sais pas vous, mais moi, je me la pose de temps en temps, cette question. Ici, ou lĂ , seule, ou pas. Avec en arriĂšre-fond, voire en arriĂšre-goĂ»t, un sentiment d’inquiĂ©tante Ă©trangetĂ©. L’impression de ne pas, plus, ĂȘtre chez soi. Sentiment propre Ă  tout homme, qui souvent reste voilĂ©, Ă©vincĂ©, mais qui se dĂ©voile, parfois, quand la familiaritĂ© quotidienne se brise. Un instant, oĂč ce qui semblait familier ne l’est plus, ou inversement. Les deux, familier et non familier, s’avĂ©rant, non point antinomiques, mais fonciĂšrement liĂ©s. LiĂ©e, aussi, Ă  l’inquiĂ©tante Ă©trangetĂ©, l’angoisse. Couple insĂ©parable. Il pointera le bout de son nez, ce couple, cĂ©lĂšbre, Ă  divers moments, dans la vie de M. Nous allons le dĂ©couvrir au travers de son rĂ©cit. Mais encore un mot, avant. Qu’est-ce que je fous lĂ  ? », encore, j’y tiens, j’insiste. Telle est, pour Jean Oury, la question fondamentale, Ă  toujours se poser »[1]. Si elle peut apparaĂźtre, se glisser, subrepticement, dans diverses circonstances, un souper en famille, avec des amis, seul, en couple, dans la foule, 
, cette question, profondĂ©ment existentielle, touche au plus profond de notre ĂȘtre. Elle n’attend pas de rĂ©ponse, mais nous interroge. Impossible de l’ignorer. Nous la verrons, cette question, au cours des diffĂ©rents rĂ©cits, se poser, violente, Ă©tincelante, ou en filigrane. Marque humaine, trop, peut-ĂȘtre, ou pas. Un point de dĂ©part, parfois, aussi, vers d’autres chemins, de traverse. Oui, ça arrive, et nous allons nous en apercevoir grĂące Ă  l’histoire de M, enfin une partie de sa vie, qu’elle m’a confiĂ©e. Je l’en remercie, d’ailleurs, ici et maintenant. Et je lui laisse la parole, il est temps. Qu’est-ce qui m’assure que je peux compter sur toi, sur l’Autre ? C’est peu de dire que pour elle, cette question s’est rĂ©vĂ©lĂ©e, de façon brutale, sur son lieu de travail. Le boulot Ă©tait horrible, comme aller en prison, un vrai systĂšme carcĂ©ral ». Elle y voit un Ă©lĂ©ment dĂ©clencheur qui la conduira chez le neuropsychiatre. Il lui donnera des antidĂ©presseurs et parlera d’anxiĂ©tĂ©. M retourne au travail, dans d’autres services, a, comme elle le dit des comportements de fuite, mais ça n’allait pas mieux. J’ai toujours essayĂ© d’esquiver l’histoire. J’étais trĂšs mal dans ma peau, sans personne ». Elle rencontre un homme, se marie, a un enfant, mais, vers trente-sept ans, ce sera beaucoup plus sĂ©rieux, je pleurais sans cesse, partout, je n’arrivais pas Ă  arrĂȘter de pleurer. Une tristesse incroyable. Comme une fatalitĂ©. J’ai laissĂ© mon enfant Ă  son pĂšre. Je n’étais pas la bonne mĂšre, pas responsable ». M rencontre une autre neuropsychiatre, un dragon. J’étais amorphe, je n’avais plus aucune volontĂ©. Elle a proposĂ© de m’hospitaliser. J’étais mĂ©fiante, mais ai acceptĂ©. ». AntidĂ©presseurs Ă  dose massive, par intraveineuse, Ă©lectrochocs, six, coup sur coup. M a oubliĂ© beaucoup de cette pĂ©riode, elle a des trous noirs, mais se souvient de l’impression d’ĂȘtre une autre. Je parlais Ă  des gens que je ne connaissais pas. J’étais dĂ©sinhibĂ©e, comme quelqu’un d’autre qui vivait Ă  ma place ». AprĂšs quatre ou cinq mois Ă  l’hĂŽpital, on lui donne du Rohypnol, et lĂ  elle dĂ©cide de le cracher dans l’évier, signe pour elle qu’elle reprend conscience. Elle pourra, peu de temps aprĂšs, dire Ă  la neuropsychiatre qu’elle veut sortir. Celle-ci attendait que M puisse l’articuler. Dire, s’exprimer, par les mots, M ne savait pas le faire. Dans ma famille, on ne parlait pas, chacun vivait dans sa bulle. Mes parents Ă©taient lĂ , sans y ĂȘtre. Je ressentais un grand sentiment d’insĂ©curitĂ©, la peur d’ĂȘtre abandonnĂ©e. J’ai reproduit ça dans mes couples. Quand on me quittait, la terre s’arrĂȘtait de tourner. Je ne savais pas me situer. Les autres Ă©taient mon miroir. J’étais comme ça ». Un grand sentiment d’insĂ©curitĂ©. Soi et l’Autre. Il y va, ici, pour Lacan, de ce quelque chose de primitif qui s’établit dans la relation de confiance. Dans quelle mesure et jusqu’à quel point puis-je compter sur l’Autre ? Qu’est-ce qu’il y a de fiable dans les comportements de l’Autre ? Quelle suite puis-je attendre de ce qui dĂ©jĂ  a Ă©tĂ© par lui promis ? »[2]. Interrogation primitive, commune, Ă  toutes et tous, Ă  la base de l’histoire de chacune. De fait, lĂ  aussi, je ne sais pas vous, mais moi je me la pose souvent cette question. Elle m’accompagne. Qu’est-ce qui m’assure que je peux compter sur toi, sur l’Autre, qui pourtant m’a donnĂ© sa parole. L’a-t-il donnĂ©e d’ailleurs ? Vraiment ? Mais ça se reprend une parole, ça tient Ă  quoi ? Es-tu lĂ , rĂ©ellement, pour moi ? Existe-t-il un lien, entre nous ? Et si je n’étais rien pour toi, rien du tout, ou si peu. Et l’on pressent, Ă  quel point, ces questions remontent, de loin. C’en est Ă©tourdissant. Et pointe, notre cĂ©lĂšbre couple, inquiĂ©tante Ă©trangetĂ© et angoisse, jamais trĂšs loin quand il s’agit de questions existentielles. Un combat ordinaire Bref. Pour M, ce lien n’existait pas, elle ne l’a pas connu. Elle a dĂ» trouver comment le tisser. Je ne sentais pas ce lien avec mes parents. Pourtant, ils m’aimaient, mais il y a des manques. Les paroles, les Ă©changes Ă©taient interdits. Je n’avais pas droit Ă  l’échec. Je voulais un lien indĂ©fectible, qu’il y ait au monde quelqu’un pour qui je compte vraiment. J’y croyais quand mĂȘme ». M a eu un fils. C’est pour lui, notamment, qu’elle rĂ©primera ses idĂ©es de suicide. Je ne pouvais pas infliger ça Ă  mon fils que j’ai voulu profondĂ©ment, avec qui le lien ne se dĂ©fera jamais. IdĂ©alement, c’est le lien le plus fort qui soit. C’est toi qui fais le lien, la relation avec l’autre c’est toi chaque jour, je l’ignorais complĂštement ». CrĂ©er du lien, un nouveau mode de vie. Pouvoir s’appuyer, sur quelque chose, quelqu’un. Une autre façon d’ĂȘtre au monde, de faire avec, soi, les autres. M le dĂ©couvrira, notamment, en s’inscrivant Ă  l’acadĂ©mie. Ce sera le seul milieu oĂč je me suis sentie bien. J’étais au niveau des autres, alors qu’avant je me sentais en dessous, j’étais comme chez moi. Ce fut ma thĂ©rapie. J’avais trouvĂ© ma façon de m’exprimer. Je n’ai jamais eu la parole facile ». M peut dĂšs lors se dire, ĂȘtre en rapport avec les autres, grĂące Ă  l’art, et ĂȘtre reconnue, aussi, par les professeurs, et leurs apprĂ©ciations. Sa dĂ©marche crĂ©ative lui permettra Ă  la fois de s’émanciper, d’affirmer sa singularitĂ©, et du mĂȘme mouvement de faire lien, de se rendre visible, d’ĂȘtre reconnue, par l’Autre. Enfant dĂ©jĂ , M gribouillait sans cesse, et se racontait des histoires, avec tout et n’importe quoi, inventait une vie sociale. La peinture deviendra son mode d’expression, comme possibilitĂ© de lien, une façon de se positionner avec les autres, ce que je ne sais pas faire avec la parole ». Pour M, crĂ©er, lui permettra Ă  la fois de se positionner comme sujet, de s’exprimer, et de s’adresser Ă  l’Autre. Une rencontre devient possible, et dĂšs lors des Ă©vĂ©nements peuvent survenir. Ainsi a-t-elle trouvĂ© une possibilitĂ© de vivre et de dire Ă  l’autre, malgrĂ© mon effacement. Pouvoir m’adresser Ă  l’autre. Car les autres m’intĂ©ressent, mais je n’arrivais pas Ă  comprendre les autres car je ne savais pas qui j’étais. Exprimer sa crĂ©ativitĂ©, c’est liĂ© Ă  la vie. C’est parce qu’on est crĂ©atif qu’on a survĂ©cu. On fait avec des petites choses ». Des petites choses, particuliĂšres, Ă  chacune. Des bricolages, singuliers, inventions personnelles, et uniques, toujours, qui ouvrent Ă  l’évĂ©nement, Ă  de nouveaux chemins, d’autres modes d’existence. LibĂ©rer la vie lĂ  oĂč elle est prisonniĂšre, comme disait l’autre Deleuze[3], ou essayer. C’est un combat, incertain, un combat ordinaire titre d’une trĂšs belle bd de Manu Larcenet, que je vous conseille, en passant. Vous y retrouverez le sentiment d’inquiĂ©tante Ă©trangetĂ©, le sien, de sentiment, et ses angoisses, aussi, et beaucoup d’autres choses, trĂšs belles, et vivantes. Son bricolage Ă  lui, ce sera la bd, enfin notamment, car je ne le connais pas personnellement Manu. Bon, je ferme ma parenthĂšse. Allez, quelques questions, pour la route, les derniĂšres, promis. J’ai utilisĂ© des mots, quelques lignes plus haut, qui en fait sont bien plus lourds de sens que ce que je n’imaginais. Les voici, en vrac se rendre visible Ă  qui ?, s’exprimer, dire et le plus compliquĂ©, Ă  mes yeux, ĂȘtre reconnue[4]. Car, vous allez me dire, car vous me suivez, hein ? Par qui, mais oui, par qui pardi peut-on le peut-on ? le doit-on ? se dire reconnu? Par moi, toute seule, je me reconnais ? C’est peu, non ? Par toi, tel ou telle autre. Dans le cas de M, notamment, les professeurs, Ă  l’acadĂ©mie. Mais dĂšs lors, et je sens que cette affaire est dĂ©finitivement plus complexe que prĂ©vue, donc je reprends, et je vais ĂȘtre trop longue, je le sais. Si tu me reconnais, il me faut te reconnaĂźtre, en retour. Que vaudrait la reconnaissance de quelqu’un que je ne reconnais pas ? Et si je la perds, cette reconnaissance que me donne cet autre, que reste-t-il ? Et s’il s’agissait, aussi, d’une reconnaissance non pas liĂ©e Ă  tel ou telle autre, mais une reconnaissance symbolique, de l’Autre, avec majuscule concept fort complexe que j’emprunte Ă  Lacan sans le maĂźtriser totalement, du tout
 Bon, j’ai un peu mal Ă  la tĂȘte. On en reparle, d’accord ? DĂ©couvrir nos rĂ©cits, analyses conceptuelles et analyses d'oeuvres ?DĂ©couvrir les propositions politiques du Mouvement pour une psychiatrie dans le milieu de vie ? RĂ©fĂ©rences
LĂȘtre humain Ă©volue, change, se transforme : on peut parler de mĂ©tamorphoses du moi. La question de la subjectivitĂ© humaine a Ă©voluĂ© au cours du temps. La littĂ©rature est l'un des mĂ©dias les plus Ă  mĂȘme de questionner le « moi » et ses transformations. Au XX e siĂšcle, avec la dĂ©couverte de l'inconscient, un vĂ©ritable
1 Le moi est introuvable. Texte de Pascal. Qu'est-ce que le moi ? Un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants ; si je passe par lĂ , puis-je dire qu'il s'est mis lĂ  pour me voir ? Non ; car il ne pense pas Ă  moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu'un Ă  cause de sa beautĂ©, l'aime-t-il ? Non ; car la petite vĂ©role, qui tuera la beautĂ© sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus. Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mĂ©moire, m'aime-t-on, moi ? Non, car je peux perdre ces qualitĂ©s sans me perdre moi-mĂȘme. OĂč est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'Ăąme ? Et comment aimer le corps ou l'Ăąme, sinon pour ces qualitĂ©s, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont pĂ©rissables ? Car aimerait-on la substance de l'Ăąme d'une personne, abstraitement, et quelques qualitĂ©s qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualitĂ©s. Qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aime personne que pour des qualitĂ©s empruntĂ©es » PensĂ©es 1670 B323 L 688 PrĂ©sentation du texte sa problĂ©matique et sa structure. On pourrait dire du moi ce que Saint Augustin disait du temps Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais, mais que je veuille l'expliquer Ă  la demande, je ne le sais pas ! » De fait, je dis sans cesse moi » je » comme si, ce que la notion recouvre, Ă  savoir l'idĂ©e d'une unitĂ© et d'une identitĂ© personnelles, allait de soi. Ce petit garçon que j'Ă©tais, ce vieillard que je suis, c'est toujours moi. Je me regarde comme une seule et mĂȘme personne tout au long de ma vie. Or, ne sommes-nous pas en prĂ©sence d'une fausse Ă©vidence ? Est-il possible de fonder l'identitĂ© que je me confĂšre ? Implique-t-elle la prĂ©sence d'un moi rĂ©el et durable ? Tel est le problĂšme que Pascal affronte avec cette question apparemment si simple Qu'est-ce que le moi ? ». La question implique que le philosophe ait pris acte de ce que le mot implique et se demande est-il possible de faire correspondre au mot un ĂȘtre ou bien cette dĂ©nomination procĂšde-t-elle d'un rapport imaginaire Ă  soi-mĂȘme ? Suis-je un et identique ou je » devient-il toujours autre ? Suis-je permanent ou changeant, un ou plusieurs, semblable Ă  moi-mĂȘme ou toujours diffĂ©rent ? OĂč est donc ce moi que nous prĂ©supposons sans cesse et dont ce texte montre qu'il est introuvable ? Qu'est-ce que la personne ? Faut-il soupçonner que lĂ  oĂč on vise une personne il n'y a personne, personne d'autre que les visages multiples et divers que chacun revĂȘt pour chacun ? Il faudrait alors conclure Ă  l'intelligence du langage qui, dans le mĂȘme mot personne » glisse de quelqu'un une personne Ă  l'absence de quelqu'un personne et Ă  la clairvoyance du mythe grec qui, avec Ulysse et le cyclope PolyphĂšme nous invitait Ă  mĂ©diter le mystĂšre de la personne. Pascal procĂšde par juxtaposition de perspectives, dans un jeu de questions et de rĂ©ponses oĂč l'on a l'impression qu'il nous donne Ă  voir ce qu'est le moi en nous montrant ce qu'il n'est pas. Il n'y a pas de prĂ©supposĂ© dogmatique mais un examen implacable des rĂ©ponses oĂč l'on serait tentĂ© de s'enliser, implacable parce qu'une formule suffit pour en rĂ©vĂ©ler le caractĂšre aporĂ©tique. L'analyse suit une progression qui va du plus extĂ©rieur ce que le passant est pour l'homme qui se met Ă  la fenĂȘtre Ă  ce qui est le plus intĂ©rieur l'Ăąme qui se rend peut-ĂȘtre visible dans l'expressivitĂ© des attitudes mais Ă  laquelle on ne peut remonter que par ascĂšse.Cependant il convient de noter qu'il n'est pas question de profondeur et de surface comme s'il y avait un moi profond Ă  trouver illusion des discours intimistes puisque chaque fois qu'on croit le trouver quelque part le moi nous Ă©chappe. Il faut donc souligner la facture baroque de ce texte si l'on entend par lĂ  un texte sensible Ă  la complexitĂ© mouvante et fuyante du rĂ©el. Il n'y a pas de simplification du thĂšme de l'analyse mais une complexification croissante, une tendance Ă  multiplier les perspectives parce qu'aucune Ă  elle seule n'est capable de rĂ©pondre Ă  la question initiale. Le dernier mot du texte consiste Ă  rĂ©vĂ©ler la fragilitĂ©, l'inconsistance du moi et corrĂ©lativement ses illusions. IdĂ©es gĂ©nĂ©rales du texte. - Le premier argument invite Ă  distinguer l'identitĂ© humaine de l'identitĂ© personnelle. Que voit en effet l'homme Ă  la fenĂȘtre ? Un passant, un ĂȘtre qui n'est ni un objet inerte, ni un animal mais un homme. En voyant un ĂȘtre de forme humaine un corps d'une certaine forme, une certaine maniĂšre d'ĂȘtre j'identifie un ĂȘtre qui me ressemble et partage avec moi une mĂȘme humanitĂ©. Mais saisir une identitĂ© humaine n'est pas saisir une identitĂ© personnelle. C'est lĂ  une dĂ©termination gĂ©nĂ©rale valable pour tous les membres de l'espĂšce or ce qui fait que je suis moi », c'est prĂ©cisĂ©ment ce qui me distingue de tout autre, ce qui me singularise. Je suis bien un homme mais cet homme que je suis est un ĂȘtre unique, non interchangeable. Mon unicitĂ© est irrĂ©ductible non seulement en quantitĂ© je suis seul Ă  ĂȘtre ce que je suis mais aussi en qualitĂ© Je ne suis semblable qu'Ă  moi-mĂȘme, il n'y a pas au monde un ĂȘtre qui me ressemble au point d'ĂȘtre indiscernable de moi. Chaque moi est diffĂ©rent d'un autre. Cette unicitĂ©, l'homme Ă  la fenĂȘtre ne peut pas l'apprĂ©hender tant qu'il se contente de regarder des passants ĂȘtres anonymes, indiffĂ©renciĂ©s. L'argument pascalien joue ici sur l'opposition gĂ©nĂ©ralitĂ© /particularitĂ© ou individualitĂ©. Le deuxiĂšme et le troisiĂšme argument sont introduits par le thĂšme de l'amour et jouent sur l'opposition changeant/permanent ; accidentel/ substantiel. Si l'identitĂ© c'est le propre de ce qui est un en quantitĂ© et en qualitĂ©, c'est aussi ce qui fait qu'un ĂȘtre reste le mĂȘme malgrĂ© tous les changements qui peuvent l'affecter dans le temps. L'identitĂ© renvoie Ă  l'idĂ©e de rĂ©sistance au changement, de permanence dans le temps. J'ai changĂ© » ou il a changĂ© » dit-on souvent. La formule implique que quelque chose demeure le mĂȘme. Comme l'a montrĂ© Kant, l'idĂ©e de changement suppose celle de permanence car si l'ĂȘtre auquel on attribue ces changements ne subsistait pas, qu'est-ce qui changerait ? Or ces changements peuvent ĂȘtre si radicaux que bien qu'ils ne dĂ©stabilisent pas le sentiment de mon identitĂ©, ils peuvent altĂ©rer les sentiments que l'on me porte. Dans l'amour, par exemple un moi et un toi se rencontrent, se sĂ©duisent par des qualitĂ©s physiques ou morales. Pascal montre avec finesse que ce qui fait leur sĂ©duction a rapport au beau. Or cette beautĂ© qui t'enchante aujourd'hui est chose fragile. Une maladie ici la petite vĂ©role un accident pensons Ă  cette jeune personne qui a Ă©tĂ© brĂ»lĂ©e vive dans un bus incendiĂ© par des voyous ou simplement l'Ɠuvre du temps peuvent l'anĂ©antir. Cessant de possĂ©der ce qui fait que tu m'aimes, tu ne m'aimeras plus et pourtant ma beautĂ© disparue je n'en subsiste pas moins moi. Il en est de mĂȘme pour les qualitĂ©s intellectuelles et morales. Ma sĂ©duction peut tenir Ă  mon intelligence, Ă  ma gentillesse mais ces qualitĂ©s sont pĂ©rissables comme les qualitĂ©s physiques. Dans la maladie, les Ă©preuves de la vie, la personne la plus gentille du monde peut devenir un ĂȘtre acariĂątre, mĂ©chant. Comment l'aimer encore puisqu'on l'aimait pour cette gentillesse qui l'a dĂ©sertĂ©e sans qu'elle cesse pour autant de subsister elle ? D'oĂč l'interrogation qui suit oĂč est donc ce moi s'il n'est ni dans le corps ni dans l'Ăąme ? » Cette question introduit le quatriĂšme argument qui joue sur l'opposition abstrait/concret ; personnel/impersonnel ; substance/accident. De fait personne ne pourrait dire moi » s'il ne rapportait pas ses changements Ă  quelque chose qui demeure. Dans le langage traditionnel, on parle d'un support substantiel. L'idĂ©e de substance s'oppose Ă  celle d'accidents. La substance d'une chose c'est d'une part son essence, ce qui fait d'elle ce qu'elle est, d'autre part le sujet au sens de sub-jectum ce qui se tient sous, ce qui soutient auquel on rapporte telle ou telle modification ou comme on disait, tel accident. Si substance il y a, on comprend qu'il n'est possible de la saisir que par une opĂ©ration d'abstraction. Or ce que nous sommes les uns pour les autres c'est une rĂ©alitĂ© concrĂšte, des qualitĂ©s changeantes certes, mais hors d'elles nous n'avons aucune visibilitĂ© ni existence rĂ©elle. Ainsi, par ascĂšse, il est possible et nĂ©cessaire de remonter Ă  un substrat corporel et Ă  un substrat spirituel permettant d'identifier les multiples transformations physiques et morales d'un ĂȘtre au cours de son existence comme siennes. Reste que si substance » il y a, c'est lĂ  chose abstraite et bien impersonnelle alors qu'une personne est chose concrĂšte et personnelle. Aimerait-on la substance de l'Ăąme d'une personne, abstraitement et quelques qualitĂ©s qui y fussent ? ». Non seulement il est impossible d'aimer une abstraction mais ce serait injuste. Pascal veut signifier que toutes changeantes qu'elles soient, les qualitĂ©s ne sont pas rien. Don de la nature ou rĂ©sultat d'un effort de soi sur soi, elles sont ce qui diffĂ©rencie les hommes et fait leur sĂ©duction. La beautĂ© est plus sĂ©duisante que la laideur, l'intelligence que la bĂȘtise, la gentillesse que la mĂ©chancetĂ©. On est sensible Ă  des qualitĂ©s concrĂštes non Ă  des abstractions. Montaigne a dit cela de maniĂšre magistrale. Parlant de son amitiĂ© pour Etienne de la BoĂ©tie, il Ă©crit Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu'en rĂ©pondant Parce que c'Ă©tait lui, parce que c'Ă©tait moi » Essais L1 L'enquĂȘte a donc Ă©chouĂ©. Le moi est inassignable. D'oĂč la conclusion de l'auteur on n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualitĂ©s ». La fin du texte opĂšre un brusque passage de la mĂ©taphysique Ă  la politique car la notion de qualitĂ© ne renvoie pas qu'aux qualitĂ©s physiques ou morales. Nous sommes des ĂȘtres sociaux et ce que les hommes sont les uns pour les autres tient aussi des rĂŽles sociaux. Dans la famille je suis papa », au bureau je suis un employĂ© exemplaire », avec mes amis je suis autre chose et la plupart du temps un ĂȘtre vu diffĂ©remment par les uns et par les autres parce que je ne suis pas tout Ă  fait le mĂȘme avec les uns et les autres. Qui suis-je donc ? Qui es-tu ? Un rĂŽle. L'Ă©tymologie de la notion de personne confĂšre toute sa pertinence Ă  cette analyse. Le mot vient de per-sonare rĂ©sonner au travers, au travers du masque en latin persona c'est le masque que les acteurs antiques portaient sur le visage pour figurer pendant la durĂ©e d'une reprĂ©sentation l'unitĂ© d'un caractĂšre. La personne est un masque, entendons un rĂŽle qui lui est assignĂ© dans une situation donnĂ©e. On sait que lorsque le rĂŽle social est fortement valorisĂ© collectivement, l'individu a tendance Ă  faire corps avec lui et Ă  ne pas se sentir exister hors de lui. D'oĂč la comĂ©die sociale dont il serait bien hypocrite de se moquer. Car si le moi est inassignable peu importe la maniĂšre dont il s'identifie ou est identifiĂ©. C'est au fond de maniĂšre toujours fictive. Il n'est pas moins absurde de vouloir ĂȘtre aimĂ© pour son masque social que de vouloir ĂȘtre aimĂ© pour soi-mĂȘme car ce soi-mĂȘme » on ne sait pas ce que c'est. Au terme de cette salutaire dĂ©mystification une nouvelle question se pose le moi est peut-ĂȘtre introuvable nĂ©anmoins j'ai le sentiment d'en ĂȘtre un. Alors d'oĂč vient le sentiment de l'unitĂ© et de l'identitĂ© de ma personne ? 2 Le fondement de l'identitĂ© personnelle. a Les conditions de possibilitĂ© de l'identitĂ© en gĂ©nĂ©ral et de l'identitĂ© personnelle en particulier. L'identitĂ© de quoi que ce soit n'est jamais offerte Ă  un regard passif. Les Anciens affrontaient la question avec la cĂ©lĂšbre Ă©nigme du bateau de ThĂ©sĂ©e. Lorsque toutes ses piĂšces ont Ă©tĂ© changĂ©es peut-on dire qu'on a affaire au mĂȘme bateau ? N'y a-t-il pas lĂ  un abus de langage ? N'est-on pas en prĂ©sence d'un autre bateau ? Que disons-nous lorsque nous nous obstinons Ă  parler du bateau de ThĂ©sĂ©e c'est-Ă -dire lorsque nous prĂ©supposons son identitĂ© ? Pour cette question voir la belle Ă©tude de Pierre Guenancia L'identitĂ© dans Notions philosophiques. Folio Essais. On peut admettre que l'identitĂ© du bateau de ThĂ©sĂ©e est celle de sa forme. Quelles que soient les transformations subies, celles-ci s'inscrivent dans une configuration qui demeure la mĂȘme. Ses Ă©lĂ©ments matĂ©riels ne sont plus les Ă©lĂ©ments d'origine comme c'est le cas avec les cellules de notre corps ou avec nos Ă©tats Ă©motionnels et affectifs mais on les intĂšgre dans un ensemble qui lui, demeure identique Ă  lui-mĂȘme. Ou bien on admet qu'un changement continu vaut pour identitĂ©. Si on avait dĂ©truit le bateau d'un seul coup pour en reconstruire un autre on ne parlerait pas du mĂȘme bateau. Mais les changements se sont opĂ©rĂ©s progressivement et le fait, pour l'esprit, de les avoir accompagnĂ©s suffit Ă  les rapporter Ă  un je ne sais quoi » qui fonde la permanence de l'objet dans le temps. On comprend ainsi les apories auxquelles confronte la question de l'identitĂ©. Car la loi du rĂ©el est le changement, la variation continue or l'esprit ne se sent pas chez lui dans la mobilitĂ© universelle. Sa tendance est d'unifier et d'identifier. L'opĂ©ration d'identification est, ainsi, une opĂ©ration intellectuelle, nĂ©cessaire pour se repĂ©rer dans le monde. Sans cette tendance de l'esprit, le rĂ©el ne serait que chaos, confusion sensible. Platon disait d'un tel monde qu'il donnerait le vertige. Mais l'esprit est ainsi fait qu'il unifie du multiple, identifie du divers et fixe l'ĂȘtre du mobile. Ainsi, pouvons-nous dire qu'une chose est ceci ou cela. La question mĂ©taphysique demeure cependant entiĂšre. Faut-il dire que l'ĂȘtre est, le non-ĂȘtre n'est pas ParmĂ©nide ou bien que rien n'est, tout devient HĂ©raclite ? Entre l'immobilitĂ© parmĂ©nidienne et la mobilitĂ© hĂ©raclitĂ©enne la contradiction semble indĂ©passable. Et pourtant qu'il s'agisse des objets ou du sujet, ils ne sont identifiables que sur fond du dĂ©passement de cette contradiction. L'identitĂ© exige de faire tenir ensemble ce qui logiquement s'oppose, le mĂȘme et l'autre disait Platon. Ce prodige n'est pas une donnĂ©e empirique, c'est un acte d'entendement. Il n'y a pas d'identitĂ© sans opĂ©ration intellectuelle d'identification. Ceci est vrai aussi bien de l'identitĂ© des objets que de celle du sujet. Et l'on peut rajouter c'est sans doute parce que le monde est apprĂ©hendĂ© par un sujet dont le propre est de s'unifier et de s'identifier comme le mĂȘme malgrĂ© l'hĂ©morragie du devenir qu'il y a, hors de lui, du mĂȘme. Sans la conscience qui synthĂ©tise dans l'unitĂ© et l'identitĂ© du bateau de ThĂ©sĂ©e la multiplicitĂ© et la diversitĂ© de ses changements, celui-ci n'aurait pas plus de permanence que le sujet qui le perçoit. b La critique empiriste de l'identitĂ©. On peut se demander si ce n'est pas l'oubli de cette vĂ©ritĂ© qui fonde la critique empirique de l'identitĂ© personnelle. MĂ©ditant le texte de Pascal sur le moi Hume, en effet, tire une leçon de scepticisme sur l'unitĂ© et la permanence du moi. C'est que pour l'empirisme le fondement de la connaissance est l'expĂ©rience. Les idĂ©es ne sont que des copies des impressions sensibles. Or l'unitĂ© ou la permanence de mon moi n'est pas l'objet d'une impression sensible, elle n'est pas perçue. Le moi ou la personne remarque Hume Ce n'est pas une impression particuliĂšre, mais ce Ă  quoi nos diverses idĂ©es ou impressions sont censĂ©es se rapporter » or la conscience de mon ĂȘtre est toujours partielle, mes Ă©tats, tels que je les Ă©prouve, sont fondamentalement hĂ©tĂ©rogĂšnes et discontinus. Par exemple ce que je suis pour moi, c'est ce que je suis Ă  un moment donnĂ© et lorsque je dors je ne suis plus rien du tout. Hume en conclut que la permanence du moi est un mythe. C'est l'imagination qui construit l'illusion de l'unitĂ© et de l'identitĂ© de ma personne en fantasmant une continuitĂ© lĂ  oĂč il n'y a que discontinuitĂ©, en fantasmant une permanence lĂ  oĂč il n'y a que changement continuel, en fantasmant une unitĂ© lĂ  oĂč il n'y a que multiplicitĂ©. Notre seule expĂ©rience de nous-mĂȘme Ă©crit-il est celle d'un faisceau ou une collection de perceptions diffĂ©rentes » et toujours variables, de sorte que ce que nous appelons moi » n'est qu'une croyance, une fiction n'ayant aucun fondement ontologique. On peut se demander si l'erreur de Hume n'est pas de chercher l'identitĂ© lĂ  oĂč l'on ne peut pas la trouver. Il veut, en effet, qu'elle soit une donnĂ©e empirique, qu'elle existe hors de l'esprit qui la constitue Ă  partir de la diversitĂ© sensible et lĂ  est sans doute l'erreur. Qu'il s'agisse de l'identitĂ© d'un objet ou de celle du sujet on a toujours affaire Ă  une construction intellectuelle. Ainsi, chacun de nous a conscience d'ĂȘtre le mĂȘme au cours de son existence et Hume, on peut le parier, n'Ă©chappe pas Ă  la rĂšgle. Pas davantage que Montaigne qui, lui aussi, a sĂ©rieusement Ă©branlĂ© le prĂ©supposĂ© d'identitĂ©. Les formules des Essais oĂč Montaigne pointe la mobilitĂ©, la multiplicitĂ© du moi sont lĂ©gions. Le monde, Ă©crit-il, n'est qu'une branloire pĂ©renne. Toutes choses y branlent sans cesse la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d'Egypte, et du branle public et du leur. La constance mĂȘme n'est autre chose qu'un branle plus languissant » Essais III. 2 Moi Ă  cette heure et moi tantĂŽt sommes bien deux » Essais III. 9 Je crois des hommes plus malaisĂ©ment la constance que toute autre chose, et rien plus aisĂ©ment que l'inconstance » Essais. II 1 Certes, c'est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant, que l'homme. Il est malaisĂ© d'y fonder un jugement constant et uniforme » Essais I. 1 Alors comment comprendre que le doute sur l'identitĂ©, aussi solidement Ă©tayĂ© par les leçons de l'expĂ©rience, par un Hume ou un Montaigne, puisse ne pas rĂ©sister aux mĂȘmes leçons de l'expĂ©rience ? Celle- ci montre, en effet, que ni Hume ni Montaigne ne renonce Ă  dire Je ou Moi. Tout le projet de Montaigne est au contraire de peindre son moi dans sa diversitĂ©....et dans son unitĂ©. Montaigne fait mĂȘme de l'identitĂ© personnelle ce qui confĂšre Ă  un individu et Ă  sa vie sa maĂźtresse forme » dit-il. Essais I. 50 c La conscience de soi comme seul fondement de l'identitĂ© personnelle. Il est intĂ©ressant de remarquer que nous devons une des premiĂšres analyses modernes de cette question Ă  un empiriste. C'est Ă  Locke que nous devons le tentative de fonder l'identitĂ© personnelle sans s'exposer Ă  l'impasse consistant Ă  chercher le moi extĂ©rieurement Ă  la conscience dans une supposĂ©e substance, qui Ă©videmment pour un empiriste, mais aussi pour un rationaliste pose plus de difficultĂ©s qu'elle n'en rĂ©sout. LOCKE 1632 1704 cf. Manuel. La prĂ©sentation de L'Essai sur l'entendement humain. Locke montre que c'est la conscience de soi et elle seule qui fonde le sentiment de l'identitĂ© personnelle. La personne a le sentiment d'ĂȘtre une et la mĂȘme tant qu'elle a conscience d'elle- mĂȘme. La conscience est prĂ©sence Ă  soi et cela suffit pour pouvoir dire Je » ou moi ». Nul besoin pour cela de recourir au principe d'une rĂ©alitĂ© substantielle qui assurerait la permanence de mon ĂȘtre sous les changements qui l'affectent. J'ai eu conscience hier d'avoir Ă©tĂ© ceci ou cela comme j'ai conscience aujourd'hui d'ĂȘtre en train de faire ce cours. La conscience passĂ©e se maintient dans le prĂ©sent sous la forme de la mĂ©moire. C'est donc en derniĂšre analyse Ă  la mĂ©moire que je dois la certitude d'ĂȘtre ce que je suis et pas un autre. Ainsi, on peut, paradoxalement, concevoir un ĂȘtre composĂ© de substances diffĂ©rentes Ă  diffĂ©rents moments du temps. Si cet homme a conscience de lui- mĂȘme il se pensera comme un et identique. La continuitĂ© d'un ĂȘtre humain malgrĂ© toutes les transformations qu'il peut subir est assurĂ©e par la conscience de soi. J'ai conscience d'ĂȘtre toujours moi Ă  diffĂ©rents moments du temps, dans les situations les plus diverses et quelle que soit la pluralitĂ© des vĂ©cus qui sont miens seulement parce que, par la conscience je suis toujours prĂ©sent Ă  eux. D'oĂč l'impossibilitĂ© de prĂ©tendre ne pas ĂȘtre soi-mĂȘme. La conscience est le fil conducteur assurant ma continuitĂ© dans la discontinuitĂ© des vĂ©cus, mon identitĂ© dans la diffĂ©rence des sensations, des situations et des rĂŽles sociaux. DESCARTES 1596 1650. Sur cette question Descartes ne dit pas quelque chose de fondamentalement diffĂ©rent. Il montre que je peux douter de tout sauf de ce moi qui doute et qui est certain de son ĂȘtre aussi longtemps que par l'acte de la conscience il est prĂ©sent Ă  lui-mĂȘme et a la certitude de sa propre existence. Je pense, j'existe » Le cogito est la certitude de soi comme ĂȘtre dont l'unitĂ© et l'identitĂ© sont donnĂ©es dans une Ă©vidence intuitive. Certes Descartes substantialise la conscience, ce qui est source de nombreuses difficultĂ©s mais ce qui permet de dire Je c'est bien comme chez Locke cette prĂ©sence Ă  soi qui est le propre d'un ĂȘtre douĂ© de conscience. KANT Cf. Cours AmbiguĂŻtĂ© de la condition humaine. Conclusion de ces analyses L'identitĂ© de mon ĂȘtre n'est pas donnĂ©e extĂ©rieurement Ă  la conscience. Elle est au contraire construite par la conscience. C'est dire qu'elle est tributaire de la capacitĂ© de se diviser et de se reprĂ©senter soi-mĂȘme. Par lĂ  l'identitĂ© d'une spontanĂ©itĂ© spirituelle ne sera jamais assimilable Ă  l'identitĂ© d'une chose ou d'un objet. Sans doute cette propriĂ©tĂ© Ă©lĂšve-t-elle l'homme Ă  la dignitĂ© d'une personne, mais c'est aussi ce qui fait pour lui le caractĂšre problĂ©matique de son identitĂ©. Parce qu'elle n'est ni fixĂ©e extĂ©rieurement Ă  lui, ni reçue passivement l'identitĂ© personnelle est, au fond pour tout homme une tĂąche. Pourquoi cette tĂąche ne va-t-elle pas de soi ? Telle sera la question affrontĂ©e dans le prochain cours.
RT@ivarsigurdson: Moi, je lis cette lùve et je me casse direct 😡 Qu'est-ce qu'ils sont cons 25 Aug 2022 07:16:39
6 octobre 2005, par Qu’est-ce que le moi ? Un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants ; si-je passe par lĂ , puis-je dire qu’il s’est mis lĂ  pour me voir ? Non ; car il ne pense pas Ă  moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu’un Ă  cause de sa beautĂ©, l’aime-t-il ? Non car la petite vĂ©role, qui tuera la beautĂ© sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus. Et si on m’aime pour mon jugement, pour ma mĂ©moire, m’aime-t-on ? moi ? Non, car je puis perdre ces qualitĂ©s sans me perdre moi-mĂȘme. OĂč est donc ... Pascal, auteur chrĂ©tien, grand scientifique, se pose une question : « Qu'est ce que le moi ». Cette problĂ©matique, de nature humaine, est une recherche a laquelle beaucoup de philosophe ont tentĂ© de rĂ©pondre, en vain. Pascal voulait absolument acquĂ©rir le savoir du moi, de quoi Ă©tait il fait, Ă©tait il rĂ©el ou n'Ă©tait-il qu'une illusion ? Ce texte de Pascal va alors nous montrer Blaise Pascal une rĂ©flexion sur Dieu, la mort et les passions Blaise Pascal, philosophe, esprit universel et penseur religieux, est l’auteur d’une Ɠuvre Ă  la fois scientifique, philosophique et religieuse. Pascal est considĂ©rĂ© comme le prĂ©curseur de la philosophie existentialiste, dĂ©veloppĂ©e plus tard par Kierkegaard, Heidegger et Sartre. C’est la misĂšre de l’homme privĂ© de Dieu que Pascal souligne dans les PensĂ©es. Au contraire, en Dieu, l’homme peut s’ancrer spirituellement. Croire en Dieu est le parti le plus raisonnable. Qu’est ce que l’homme selon Pascal ? A cette question, Pascal apporte, tout d’abord, une rĂ©ponse psychologique il place l’homme en face de lui-mĂȘme et fait un constat de vide et de vacuitĂ©. C'est la cĂ©lĂšbre thĂšse du roseau pensant. – C’est l’inconsistance qui domine dans l’humaine nature. – Parlons donc de vanitĂ©, au sens Ă©tymologique de ce terme latin vanitas, vide, comme caractĂšre de ce qui est creux et inconsistant. – La vanitĂ© est encrĂ©e dans le cƓur de l’homme le moi est haĂŻssable. VouĂ© au vide et Ă  la vacuitĂ©, l’homme goĂ»te non seulement les plaisirs de la vanitĂ© chacun veut avoir ses admirateurs
, mais aussi les prestiges de la trompeuse imagination, cette maitresse d’illusion et d’erreur – L’imagination dĂ©signe une puissance qui interdit Ă  l’homme l’accĂšs au vrai et dĂ©forme la rĂ©alitĂ© en grossissant les petites choses et en amoindrissant les grandes. – Ainsi sont grossis, par exemple, les illusions et petits objets de l’amour-propre, compris, au sens ancien et pĂ©joratif du terme, comme amour de soi et Ă©goĂŻsme. En quoi consiste l’amour-propre ? A n’aimer que soi et [
] ne considĂ©rer que soi » Le divertissement selon Pascal La lutte de l'homme contre sa misĂšre mĂ©taphysique EgarĂ© par l’amour de soi et les puissances trompeuses de l’imagination, l’homme est vouĂ© Ă  la mauvaise foi il refuse de prendre conscience de son nĂ©ant, qu’il expĂ©rimente, tout particuliĂšrement, dans l’ennui, sentiment pĂ©nible de vide causĂ© par le dĂ©sƓuvrement ou l’absence de passion Ă©tant liĂ© au plein repos, sans occupations ni affaires. Cette prise de conscience de son nĂ©ant, l’homme la fuit dans le divertissement, c’est-Ă -dire dans tout ce qui nous dĂ©tourne du spectacle de notre misĂ©rable condition, inscrite dans le temps et dans la mort, tout ce par quoi nous fuyons la pensĂ©e de notre nĂ©ant le jeu et l’amusement, mais aussi le travail et l’activitĂ©. – Le divertissement perpĂ©tuel nous dĂ©robe Ă  nous-mĂȘmes et nous interdit la rĂ©flexion. La foi et l’ordre du cƓur Mais la rĂ©ponse Ă  la question Qu’est-ce que l’homme ? » relĂšve aussi de la religion. – MisĂšre de l’homme sans Dieu, fĂ©licitĂ© de l’homme avec Dieu ». – Par la foi, l’homme peut, en effet, Ă©chapper Ă  la sphĂšre inconsistante qui est sienne et connaĂźtre la fĂ©licitĂ©. Que dĂ©signe la foi ? – Une rĂ©vĂ©lation immĂ©diate et intĂ©rieure de Dieu, obtenue grĂące au cƓur, spontanĂ©itĂ© connaissante et intuitive, participant Ă  l’affectivitĂ©, vraie force agissante liĂ©e au sentiment et saisissant Dieu sans intermĂ©diaires. Nous connaissons la vĂ©ritĂ© non seulement par la raison la connaissance discursive, allant Ă  l’universel mais aussi par le cƓur, c’est-Ă -dire l’intuition. Autrement dit, le coeur a des raisons que les raison ne point. Mais comment dĂ©cider l’incrĂ©dule Ă  dĂ©passer le divertissement pour atteindre la sphĂšre de la foi et du divin ? – Ici prend place le cĂ©lĂšbre pari, qui ne constitue nullement une dĂ©monstration de l’existence de Dieu, mais un argument tendant Ă  montrer aux incroyants qu’en pariant pour l’existence de Dieu, ils n’ont rien Ă  perdre, mais tout Ă  gagner. – Si l’on gagne, on gagne tout la fĂ©licitĂ© Ă©ternelle. – Si l’on perd, on ne perd rien une existence misĂ©rable, finie et prĂ©caire. – Croire en Dieu est donc un parti trĂšs raisonnable l’homme a tout intĂ©rĂȘt Ă  parier pour la religion chrĂ©tienne. Pascal et l’art de persuader Il s’agissait, pour Pascal, de persuader les incroyants et de les mener Ă  Dieu. Tel Ă©tait le dessein des PensĂ©es. – Or, pour ce faire, Pascal a mis en Ɠuvre une rhĂ©torique dont il faut dire un mot un peu plus loin. – Ainsi a-t-il distinguĂ© l’art de convaincre, c’est-Ă -dire d’obtenir l’adhĂ©sion de l’esprit Ă  l’aide de preuves rationnellesen dĂ©montrant rationnellement la vĂ©ritĂ© d’une proposition, en influençant l’intelligence, et celui de persuader, qui consiste autant en celui d’agrĂ©er qu’en celui de convaincre. – AgrĂ©er, c’est plaire et intĂ©resser, en recherchant une correspondance entre l’esprit de celui Ă  qui l’on parler et l’expression dont on se sert. La rhĂ©torique et l’argumentation pascaliennes sont donc trĂšs subtiles. Elles ne nĂ©gligent ni l’art de convaincre ni celui d’agrĂ©er. Elles unissent esprit de gĂ©omĂ©trie, c’est-Ă -dire raisonnement discursif, dĂ©ductif et dĂ©monstratif, et esprit de finesse, dĂ©fini comme intuition et discernement juste et immĂ©diat d’élĂ©ments complexes. – Pour conduire Ă  Dieu l’incroyant, Pascal a Ă©difiĂ© une rhĂ©torique synthĂ©tique et perspicace. Par son analyse du drame de l’existence humaine et sa subtile rhĂ©torique destinĂ©e Ă  nous conduire Ă  Dieu, Pascal apparaĂźt Ă©tonnamment moderne. C’est le langage de notre monde contemporaine qu’annoncent les PensĂ©es. Oeuvres de Blaise Pascal – Essai sur les coniques 1639 – PrĂ©face pour un traitĂ© du vide 1647 – Les Provinciales 1656-1657 – De l’esprit de gĂ©omĂ©trie posthume – Les brouillons qui constitueront les PensĂ©es 
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